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eka RDS
r
L'EGYPTE
sous
LES PHARAONS
L
A GRENOBLE,
DE L'IMPRIMERIE DE lA V.« PEYRONARD.
L'EGYPTE
sous
LES PHARAONS,
OU
RECHERCHES
Sur la Géographie , la Religion , la Langue ,
LES Écritures et l'Histoire de l'Egypte
AVANT l'invasion DE CamBTSE;
Par m. CHAMPOLLION le jeune,
DocTEtm es-Lettres, Professeur d'Histoire, Bibliothëcaire-Adjoint
de la ville de Grenoble , membre de la Société des Sciences et
éds Arts, etc.
description Géographique»
TOME premier.
A PARIS,
Chez DE Bure frères , Librairea du Roi, et de U
Bibliothèque du Roi, rue Serpente , n.^ 7«
1814.
:o
;Can
COj
EX
LfBRIS
6RIFFITH
^P.
^
LWX.C. 6RIPFITH
^ 1937
AU ROI.
Sir
E,
Un de vos augustes AyeuXy LOUIS-
LE - GRAND 9 assura pour jamais , en fondant
T Académie Royale des Belles- Lettres, les
progrès des Etudes qui ont pour objet VHistoirey
la Littérature ancienne y et les Documçns qui
leur sont propres. Cest pdf elks, que le
présent ' <^ instruit aujt dépens du passée et
que notre esprit se reporte jusques aux temps
de r existence dun peuple qui a laissé pour
soutenir de son passage sur la terre j une
r^utation de sagesse et de science y que les
observations modernes ne permettront plus de
lui contester.
Cest T Histoire de ce Peuple ifuef ai en^trepiris
décrire d après Jes Monumens de sa Langue y
de sa Littérature et des Arts qu^il cultiva.
/ En daignant agréer rhommage de mon
traçaily VOTRE MAJESTÉ prévient en quelque
sorte mes services par un bienfait ; Jeune encore j
je reçois le plus flatteur de tous les encûu^
jrâfgemens» Jl m^impose Fobligation de me
rendre digne dune aussi illustre protection :
(e ne puis répondre que de mon zèle , de ma
reconnaissance y et du très ^profond respect
a9ec lequel foi thonneur détre^
SIRE,
De Yotre Majesté^
Jjb très-humble « très*obéissanl
serviteur et fidèle sujet»
7^ F. CHAMPOLLION » Jxviri.
^
"^ff"»
TABLE ANALYTIQUE,
Tome premier.
p.
RÈFACB • : ; Ix à XXVJ
ISTRJDUCTioN, Vue$ générales sur h plan et le
but de V Ouvrage • • i
CHAP. !•'. Be l'Ègtptb. Ses Divisions politiques et natw-
relies ...••••. 5t
%■
CHAP. IL Noms de VÉgypte 7$
CHAP. III. Du Nil .!.... 1 1»
^Ses noms , ses divisions et leur
nom égyptien «141
Ses montagnes , .. . . •••• 147
Ses lies i5q
CThébaïde . • ï54
jSes villes (.Egypte mo-
( yenne. • i . 24g
IThébaîde , • 36;
Ègjrpte mo'
yenne. . . . ^'jik
Tableau des
nomes ^'jl^ ^^7^
CUAP. IV. UAUTtÈCYPTEJ
l
(r])
CHAP. V. U^ssB ÉcrPTE. /
Tome deuxième.
Page»
^Éiat phjrsique • . • i
Ses noms égyptiens 5
Pélusiàque . . 9
D« mi, de sesX J. \
branches et de) ,. ... g.
, sPhathmétique 10
leur nom éff\P'\ , ,, . .
°- ïsébennitique 17
fie/i. . . .pag. 7.J_ ,, . .
\Canopique . . 2a
Du grand et desiGrand Delta, 25
;7^<//5 Delta. . . .iPe/ifx De/fa . 27
Territoire de la\
basse ÉgypteiPartie orien^
hors du Delta J taie 28
ses divisions etl Partie occi"
leur nom égj-p-X dentale, ... 3©
tien 27J
(F'illet situées
I entre. VAra-
I bieetlabran'
I che Pélusia*
I que 55
|— La PélU'
... siaque et la
Divinons poUu-) p^^^^,._
521
que 92^
— La Phnth"
métiqueetla
Canopique** 14^
— La CanO'
pique et Ja
^ Libjrc • • . • . a4s
ques
CHAP. YL Nomes de la basse
(vij)
T^omes du Delta . . • T T • • . 274
— - — du Tiarabia ...... 276
— — — du Niphaïat 278
CHAP. Vn. DÉPENDJNCESdeiDépendances occidentales. . . 282
V Egypte . 281 (Dépendances orientales • • • • 3o2
€MAP.Vlll.NoMS égjy tiens de lieux dont la situation est
incertaine • • . . • 5ix
Tableau synonjmique des noms égyptiens ,
grecs f arabes et vulgaires 535
/î. Nomenclature extraite du
Mss. copte ^ /i.® XVll de la
Bihliothèque impériale de
Paris 359
2. Autre extraite du Mss. /i.*
XLIV 364
3. Autr^ extraite du Mss^ ji.*
ArpENDix / XLri 566
4. Autre extraite du Mss» /i."
XUIL 369
5. Hjrmne copte en vers rimes ^
avec sa traduction Jr ançai se ^ . 37$
6. Explicatioh de la carte de
la basse Egypte sous les Pha^
raons 384
Table alphabétique des matières contenues dans
les deux volumes de la Description géogra^
phîque »•«••• 3g2 à 457
l
PR E F A CE.
J E puis enfin soumettre au jugement du public
la première partie d'un ouvrage que j'ai entre-^
pris avant d'avoir terminé mes- études classi^
ques, et qui, par sa nature » peut occuper
encore cinquante années de ma vie (i). J'ose
espérer qu'on ne lui contestera pas du moins
l'intérêt du sujet. Le titre en fait connaître
les diverses parties; il indique encore exac-
tement les limites dans lesquelles j'ai voulu
me renfermer, et dont les points extrémesf
sont, d'une part, les tems primitifs de l'Egypte^
(i)Le I,*' septembre 1807, le plan gënëhJ de Touvrage, ïlniro*
ducîiùn & la partie géographique et la carte générale de TÉg^rpte,.
des Pharaons, furent présentés à la Société des sciences eL des art»
de Grenoble ) qui voulut bien en faire mention sur ses registres. Pea
de jours après, je quittai le Lycée de la même ville, où j'étais élève
impérial; et le25du mime mois, j'eus Thonnearde comrminiquerce»
mêmes documens à M. Langlès, à Pari», et presque en même tems
à M. Silvestre de Sacj que j*eus dès - lors Tavantage d'entendre k
l'école spéciale des langues orientales pour le cours d*arabe,
comme M. Langlès pour le cours de persan. Llmpresston im
'ouvrage a été commencée le x.^' septembre i8io«
plus près de nous, Tinvasion de Cambyse. Ce
période historique est sans contredit Tun des
plus mémorables dont les annales des tems
aient conservé le souvenir. L'ensemble des
faits qui le caractérisent, l'ensemble des monu-
znens qui leur servent de preuves , sont éga-
lement dignes des méditations du sage ; il
trouvera lonij-tems encore une source féconde
en résultats du plus haut intérêt, dans cette
Egypte des Pliaraons , si différente de TÉ-
gypte des Perses, de TÉgypte dés Grecs, sur-
tout de rÉgypte moderne bien digne d'un
meilleur sort.
Entraîné par Timportance de ce sujet, et
consultant moins mes forces que mon zèle ,
je me suis livré sans réserve aux travaux
assidus qu'il exigeait. J'ai eu pour but , dans
la première partie, de faire coanaitre les noms
égyptiens, grecs, arabes et vulgaires ainsi
que la véritable position des lieux principaux
de l'Egypte, et les monumens remarquables
qui y existaient La partie relative à la religion
servira peut-être à iixer l'opinion générale sur
ce point important des institutions sociales d'un
peuple célèbre. Les recherches relatives à la
langue et aux écritures diverses de l'ancienne
Egypte, présenteront, sur les Manuscrits égyp-
tiens en lettres alphabétiques , des notions
exactes qui, si je ne m'abuse point, per^*
mettront de tirer quelque parti de ces précieux
monumens; et surleç Manuscrits qu'on appelle
hiéroglyphiques, quelques données relatives
à ce grand sujet; et par là, il est facile de
concevoir que l'histoire de l'Egypte pendant
l'espace de tems déjà indiqué , puisse trouver,
dans la suite de ces recherches, des faits
nouveaux propres à accroître encore l'intérêt
qu'elle ne cessera d'exciter.
Tels sont l'ensemble et le plan de mon
travail. Si je n'ai pu m'en déguiser ni l'étendue,
ni les difBcultés , je puis encore ajouter que
personne ne sent mieux que moi combien je
dois peu me flatter de les avoir toutes
surmontées ; et à cet égard , je n'ai d'autre
certitude que celle de m'être entouré de tous
les conseils , de tous les moyens qui pouvaient
( xij )
du moins m'en faire concevoir Tespérance. Le
public jugera si je ne me suis point trompé.
Bien persuadé d'abord^ et depuis, convaincu
chaque jour davantage à mesure que mon
plan se développait , que le guide le plus sûr ,
le seul peut - être auquel on puisse se livrer
avec confiance dans les études égyptiennes,
était la connaissance approfondie de la langue
primitive de l*Égypte, j'ai, fait de cette langue
l'objet spécial de mes premiers travaux. Plu-
sieurs années passées à Paris, entièrement
consacrées aux langues orientales en général
et à la langue copte en particulier ( i ) , des
leçons de maîtres non moins habiles que
célèbres , les ont singulièrement favorisés.
J'ai successivement parcouru la riche collection
de Manuscrits coptes de la Bibliothèque impé-
riale ; j'ai fait des extraits de presque tous
(^i) On sait gënët^alement que la langue copte n'est autre chose
qne la langue égyptienne mêlée de quelques locutions grecques»
et écrite avec les -caractères de Talphabet grec augmenté djB sept
lignes de l'ancien alphabet égyptien. Vojez, tome i.*', pages 48
et 49.
( ^"j )
et des copies de quelques-uns. A ces pré-
cieux matériaux, j'ai réuni, à Grenoble, un
bon nombre de livres orientaux et la collection
presque complète des livres coptes ou relatif
à la langue copte, qui ont été imprimés dans
les diverses parties de TEurope.
Leur étude m'a bientôt convaincu de l'in-
suffisance des Grammaires et des Lexiques de
cette langue publiés jusqu'à ce jour. Les pre-
mières, en effet, s'éloignent entièrement de
Tordre que prescrit à cet égard la nature
même de la langue , laquelle exige impérieu-
sement une méthode pour ainsi dire toute
opposée à celle, qui est particulière aux langues
de l'Europe; aussi, n'ai-je pas tardé à m'apper-
cevoîr que les grammaires coptes rédigées par
des Arabes , et dont quelques - unes existent
parmi les Manuscrits de la Bibliothèque impé-
riale de Paris (i), étaient, mieux que les
grammaires européennes , appropriées à la
nature de cette même langue.
(i) Mss. coptes I BiLl. impér. , n."* 44 y ancleii fonds , fol. 25 et
ful. i3o.
( xiT )
Elle est toute monosyllabique; ses règles de
combinaison sont fixes , constantes, immuables i
résultat de longues méditations, elle a ce carac-
tère d'inaltérabilité ( i ) qui est propre à toutes
les institutions de la primitive Egypte (2) } eUe
se prête avec une admirable facilité à la for^
mation des mots composés , et la disposition
de ses éléméns est telle, sous ce rapport,
qu'on doit regarder comme composés tous les
mots qui n'ont même que deux syllabes. Cette
remarque, si essentielle dans l'objet présent,
n'avait pas échappé au respectable M. Val-
perga de Caluso, et il s'en est servi le premier
dans son utile et savante grammaire (3). Nous
devons ajouter, comme une singularité bien
(1) Je prie que Ton veuille bien me pardonner ce ipot | je n'en
abuserai point.
(2) Celte langue est une de celles qui, parleur contexture , ne
peuvent point se coi rompre. On peut dnnc avancer que le long
espace de tems pendant lequel elle a été parlée, n'a pu aucunement
l'altérer, et qu'elle nous est parvenue, pour ainsi dire, dans toute
sa pureti' ; c'est ce que je me proposa de développer dans ma
Grammaire égyptienne*
(3) Didj^mi Taurinensîs Idtteraturœ Copticœ Hndimentumf
ParmaBi ex i*egio t^pographo, M. OCC. LXXXIII, in*8.^ et in-4*«
(XV)
digne de remarque et sur laquelle nous revien-
drons ailleurs, que la langue égjrplienne,
dans la combinaison de ses élémens gramma-
ticaux, a des analogies matérielles avec les
principes de Técriture chinoise, sans toute-
fois que Ton puisse tirer de. cette analogie
fortuite aucune induction en faveur de la com-
mune origine des Égyptiens et des Chinois
systématiquement énoncée par quelques écri*
vains.
Ce qu'on vient de lire suffira peut-être pouf
faire voir que, de toutes les manières de classer
dans une seule et même série les mots simples
et composés de la langue égyptienne , l'ordre
alphabétique est le moins convenable^ et que
leur classification par rapport au mot radi*
cal et primitif de cJiacun d^eux^ selon un
certain ordre réglé lui-même par leur com^
position j est la seule qui soit appropriée au
génie de la langue.
Ces considérations ont dû me servir de
règle, et telle a été celle que j'ai suivie, dans
la rédaction d'une Grammaire de la langue
égyptienne^ et du Dictionnaire de cette même
langue » que je publierai incessamment. Celui*
ti j divisé en trois parties selon les trois dia«
lectes de rÉg3rpte , le thébain , le baschmou*
rique et le memphi tique (i) , forme trois
volumes în-4*^> où tous les mots renfermés
dans le Lexique de Lacroze et le bien plus
grand nombre de ceux que j'ai exttaits des
vocabulaires copto - arabes ou des manuscrits
de la Bibliothèque impériale , sont rangés à
la suite du mot radical avec leur signification
latine et française; quelquefois aussi ^ et lorsque
je Tai cru nécessaire, la signification que je
donne à un ïnot est justifiée par la citation
des textes qui me l'ont fournie. Ce long travail
est terminé.
(i) Dans mes Observations sur le Catalogue des manuscrits
coptes du musée Borgia à Velletri^ publié par Zoëga {^Magasin
Encyclopédique^ octobre 181 1 , et Paris ^ Sajou^ 181 1, in-S.** ), j'ai
cherché à démontrer que le dialecte baschmourique était celui de
la province du Fayyoum. La suite de mes recherches m'a fourni
de nouvelles preuves de cette opinion que je développerai dans la
partie de cet ouvrage relative à la langue égyptienne et à ses
dialectes.
( ^V) )
Soutenu par ces premiers résultats de mt$
études , fort de ces ressources qu'il a fallu m^
créer , j*aî osé espérer d'être heureusement
conduit au seul but éminemment utile qu'on
doive se proposer dans l'étude de la langue
égyptienne , je veux dire la lecture des Manuâ^-
crits é^ptiens alphabétiques , puisqu'il est vrai
que, si l'on en excepte les mots grecs qu'on
tencontre dans les manuscrits coptes\ il n'y a,»
relativement à la langue, entre ceux-ci et les
Manuscrits égyptiens d*autre différence, que*
celle des signes alphabétiques qui y sont em-
ployés. Le premier pas à faire, et sans doute
]e plu» facile, dans cette étude si importante
par son objet , était la lecture du texte égyp^
tien de Tinscription de Rosette : j'ai eu le
bonheur de voir mes efforts couronnés d'un
succès presque complet j plusieurs passages
du texte égyptien sont cités dans les deux
volumes que je publie, en attendant que
l'ordre que j'ai adopté appelle l'ensemble de
mon travail sur ce précieux monument. Les
résultats que j'ai obtenus doivent également
( « ).
feit partie du cabinet impérial de Paris. J*ai
aussi trouvé d'utiles documens dans quelques
cabinets particuliers , et par un bonheur ines-
péré, celui des Antiques dépendant de la riche
et nombreuse Bibliothèque publique de Gre-
noble dont la conservation m'est confiée sous
le titre de Bibliothécaire-adjoint, m'a offert
encore plusieurs objets du plus grand intérêt.
On s'appercevra facilement que je n'ai point
négligé leur étude j heureux si j'ai pu le faire
avec quelque fruit. Je l'ai toujours associée à
celle des Classiques anciens et modernes, et
le devoir que je me suis imposé, d'indiquer par
des citations exactes le texte de ceux que j'ai
consultés , fera voir que leur nombre est très-
considérable , en même tems, que j'ai toujours
xecouru aux ouvrages originaux. Pour que
celui que j'ai entrepris ne manquât point de la
physionomie qui doit lui être propre, j'ai eu
la satisfaction de pouvoir offrir aux lecteurs
les textes coptes et grecs imprimés avec leurs
caractères particuliers, en ayant le soin d'ajou-
ter aux premiers, peu connus encore en Europe ,
la
( xxj )
la transcKÎptîon de ces textes eh lettres latines j
et comme je ne désespère pas de présenter,
dans la suite de cet ouvrage, les textes égyp-
tiens que j'y cite , avec les signes mêmes de
Talphabet égyptien, on me permettra peut-être
de répéter que je n'ai négligé aucun des
moyens qui pouvaient me flatter de l'espoir
que mon travail ne serait pas tout-à-fait inutile
aux lettres.
Les savans et le public peuvent en juger
par les deux volumes que je leur soumets au-
jourd'hui (i). Ils contiennent la description
géographique de l'Egypte des Pharaons; des
discussions exigées par le sujet lui-même
précèdent , amènent et justifient pleinement
les résultats que je présente sur l'Egypte elle^
même, ses limites, ses divisions naturelles qui
étaient invariables , ses divisions politiques
connues sous la dénomination grecque de
(i) Les parties subsëqueutes, et qui sont presque toutes termi-
Bées , seront publiées sans interruption et avec toute la prompti-
tude que permettra d'y apporter la lenteur inévitable de l'exécutioa
typographique.
f •
( xxij )
Nomes, leur nombre, leurs limites respectives,
enfin l'état ancien et moderne et le nom égyp-
tien de chaque lieu principal. La description
des monumens égyptiens qu'on y voit encore
devait faire partie des recherches relatives
à chaque article, et en effet, elle leur sert
très-souvent d'éclaircissemens et de preuves.
J'ai pris pour guide , dans cette partie de mon
travail, les observations les plus authentiques
et les plus récentes : celles des collaborateurs
de la Description de V Egypte réunissant au
plus haut degré ces deux conditions essen-
tielles , et préseiitant une mine inépuisable de
faits bien constatés, de matériaux encore vier-
ges, je n'ai pas dû négliger l'avantage de pou-
voir, le premier, consulter les uns, employer les
autres, et tirer de leur ensemble de précieux
résultats. Je m'en suis servi très-utilement dans
*
cet ouvrage.
Le premier volume contient la haute Egypte
renfermée entre Tile de Philœ au sud, et le
village de Busiris un peu plus au nord que
IVIemphis. La basse Egypte occupe le second
volume. Les recherches relatives aux anciennes
brandies du Nil et à leur nom égyptien,
tendent à concilier les divers auteurs grecs et
latins qui en ont parlé, et les résultats que je
présente à ce sujet sont fondés sur la connais*
sance exacte de l'état actuel des lieux, d'où
Ton a pu déduire facilement leur état ancien.
La carte que j'en ai dressée en présente la dis*
position; elle ne contient pas les dépendances
de V Egypte y parce qu'elles n'appartenaient
pas exclusivement à l'Egypte inférieure. Ces
dépendances sont indiquées dans le tableau
des noms égyptiens , grecs , arahes et vulgaires
des lieux de l'Egypte , qui est placé à la suite
de leur description j cette synonymie , entiè-
rement neuve , m'a paru un complément
nécessaire de mon travail. Uappendix qui le
termine en renferme des pieaves, et parmi
elles , on peut remarquer une ïiynme en uers
coptes 9 que j'ai rapportée toute entière, voulant
en cela faire une chose agréable aux personnes
que ce genre de composition peut intéresser.
On en trouvera plusieurs autres fragmens dans
( xxîv )
le cours de Touvrage , extraîts d'un mamiscrît
copte que j'ai entre les mains; ils ne peuvent
manquer d'attirer Tattention, puisque c'est
pour la première fois qu'on cite des strophes
en vers coptes rimes. La table alpltabétique a
été rédigée de manière à rendre facile et com-
mode Tusage de ces deux premiers volumes.
Je devrais sans doute être rassuré sur leur
sort beaucoup plus que je ne le suis , en
me rappelant l'extrême indulgence avec la-
quelle fut accueillie V Introduction qui est en
tête, lorsqu'en 1 8 1 1 j'en détachai quelques
exemplaires que j'eus l'honneur d'adresser à des
personnes et à des corps littéraires français ou
étrangers , dont il m'importait de consulter
l'opinion. Leur suffrage honorable , publique-
ment exprimé, pour la plupart, dans les jour-
naux du tems, fut pour moi un précieux
encouragement, et parmi eux, je dois citer un
des plus flatteurs et des plus nécessaires, celui
de M. le baron Silvestre de Sacy, qui a
justifié, de tout le poids de son opinion, la base
première de mon travail , lorsqu'il a dit que
( XXV )
ùiter les noms coptes des lieux de V Egypte^
c^était aussi citer les noms égy'ptietis : tel
est le but principal de mes recherches.
Quoique très-étendues et long-tems médi--
tées, elles paraîtront peut-être encore insuffi-
santes dans leur ensemble, ou erronées dans
quelques-unes de leurs parties : déjà IVL
Quatremëre, dont j'ai cité plusieurs fois, et
avec un éloge mérité, les utiles travaux sur la
langue copte, s'est imposé la tâche pénible de
relever publiquement dans ses Observations
sur quelques points de la géographie de
V Egypte (i), les inexactitudes qu'il a cru
découvrir dans V Introduction dont j'ai parlé
et qu'il appelle une espèce de prospectus (2).
J'ai lu sa brochure avec attention, et j'éprouve
le regret de ne pouvoir témoigner à M. Qua-
tremère la reconnaissance que m'inspireront
toujours des critiques fondées, des observa-
tions exactes, lors même qu'elles manqueront
de cette bienveillance que les gens de lettres
— ^ Il
(f) Paris, S€hoelb| 1812910-8.^
(a) Page 5.
se doivent mutuellement» et que je ne ces-
serai de réclamer.
Je n*ose me flatter d'avoir pleinement jus-
tifié celle qu'ont bien voulu me témoigner,
dans cette circonstance, des personnes qui por-
tent des noms justement célèbres dans les
lettres , ou que rhonorable confiance du Sou-
verain a revêtues des fonctions les plus émî-
nentes, des titres les plus respectés. J'ai senti
vivement le prix de leur obligeante attention
à m'encourager ; elles ont bien voulu juger
mon essai d'après leurs espérances, me tenir
compte du présent en faveur de l'avenir , et
croire que si j'ai mal fait à vingt ans , je ferai
peut-être mieux à quarante. Puisse leur utile
indulgence me donner quelques droits à celle
du public!
UÉGYPTE
L'EGYPTE
SOUS
LES PHARAONS.
I * •-mmÊmm^mmimfmmmmmm'^mmmm^mmmmmim^,
PREMIERE PARTIE.
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE.
^-^•">— W*«(iWi^pw^"i»"»^— i^#
INTRODUCTION.
LiE nom de TÉgypte rappelle de grands souvenirs , et
se rattache aux plus mémorables époques de l'histoire.
Cette contrée célèbre fut le berceau des sciences et
des arts de PEurope. Plusieurs peuples de TOrient et
presque toutes les nations européennes étaient encore
plongés dans les ténèbres de la barbarie , lorsque
TÉgypte , parvenue à son plus haut point de splen->
deur et de gloire, voyait dans son sein des monarques
puissans veiller à l'exécution de ses lois qu'avait
dictées la sagesse la plus profonde , et des collèges
nombreux de prêtres assurer de tous leurs efforts le»
/
/
\
progrès des lumières et le bonheur des peuples ; et
lorsque , sous Psamméoite , l'Empire égyptien qui ,
plusieurs siècles auparavant, avait été ébranlé par les
incursions successives des Arabes et des Éthiopiens ,
fut entièrement renversé par les armes victorieuses des
Perses, l'Europe ressentait à peine les efTets bieu-
iisûsans de la civilisation naissante.
L'Egypte était habitée par un peuple sage , qui ne
fut étranger à aucune espèce de gloire. Subjuguée par
on conquérant qui lui fit perdre tous ses avantages,
en détruisant ses institutions politiques et religieuses ;
soumise ensuite par Alexandre , après la mort du-
quel elle reçut une nouvelle existence ; courbée sous
le joug des Romains , conquise par les Arabes , et
tombée enfin au pouvoir de la nation ignorante qui
la possède encore, elle fut tour-à-tour le théâtre des
lumières et du bonheur , de la barbarie et de Tin-
fortune.
Rien n'est plus intéressant que de connaître à fond
l'histoire ancienne de l'Empire égyptien. Les tems où
il brilla d'un si vif éclat sont déjà bien loin de nous,
et cette haute antiquité semble attacher à tout ce qui
se rapporte à l'Egypte une espèce de merveilleux , qui
affaiblit en quelque sorte l'admiration et l'intérêt
qu'elle excite à un si haut degré. Cependant les mo-
numens gigantesques dont son sol est couvert , ceux
que des circonstances diverses ont fait transporter en
Europe, attesteront encore aux siècles à venir que les
(3)
auteurs grecs et latins qui se sont plus k vanter ranti-^
quité, la sagesse et les connaissances scientifiques des
Égyptiens , ne nous ont point fait sur ce peuple des
rapports exagérés ou dictés par Tenthousiasme , mais
qae ce qu'ils en ont écrit est même au-dessous de la
réalité.
£n nous livrant à des recherches sur les points les
plus importans de l'histoire de Tancienne Egypte, nous
avons été soutenus et encouragés par la grandeur du
Bojet , et ^ d'après le plan que nous nous sommes
tracé , nous avons dû nous occuper d'^bord de sa
description géographique. Nous avons eu pour but.
principal de faire connaître ce pays par lui - même ;
nous avons essayé de rédiger une géographie égyp'-
tienne de V Egypte; il n'en existait pas jusqu'à présent».
En effet, TÉgypte a toujours été couverte d'un voile
mystérieux , et ce n'est qu'à travers ce voile épais que
les anciens ont pu en prendre les notions qu'ils nous
en ont transmises. Ignorant la langue du pays , et
repoussés par les difficultés que les Égyptiens oppo--.
saient aux étrangers qui voulaient pénétrer dans leurs
provinces (i), leurs récits sur cette contrée ne peuvent
être que peu satisfaisans.
XiCS anciens rois d'Egypte, dit Strabon (2), éloi-
gnaient soigneusement les étrangers de l'intérieur do:
■ ■ ■ - ■ '
(i) Hérodote, liv.U; GenèM, chap. 4^ Ot.46 ^ VÏ9^^ à^ SicH»;
Sr.I, Mctii.
(a) Su«t>on, liv. XYn.
(4)
leur royaume , parce qu'ils étaient contens de leur*
richesses. Ce fut l'exécution rigoureuse de cette mesure
politique, qui livra aux Phéniciens une grande partie
du commerce maritime de l'Egypte.
Ses prêtres, qui tenaient le premier rang dans TÉtat
et occupaient les premières magistratures ( i ) , per-
suadés que le bonheur du peuple était attaché à la
conservation de ses usages éprouvés par ! expérience
et établis pour la plupart, comme ceux des autres
Orientaux , d'après l'état physique des lieux , contri-
buèrent éminemment à prévenir toute communication
entre les nations étrangères et les Égyptiens. Cette
maxime fondamentale de la politique égyptienne s'est
conservée jusqu'à nos jours chez les Chinois , et les
ëvénemens désastreux qui, dans la suite , anéantirent
pour toujours la liberté de l'Egypte , justifièrent
pleinement cette opinion des prêtres , et confirmèrent
leurs craintes.
La chute de cet Empire fut en effet préparée par Id
relâchement du peuple dans l'exécution de ses anti-
ques lois ; elle fut certaine lorsque Psammouthis !.«' (2)
et Amasis eurent facilité les relations des Égyptiens
avec les étrangers. Sous les rois qui régnèrent avant
eux, l'ordre sacerdotal, nombreux et puissant, usait de
toute son infiucnce pour empêcher ces rapports avea
Textérieur. Il ne lui était pas difficile d*atteindrc à co
(i) Diodore de Sicile, liv. I.
£2) Le P^aminilichus des Grec».
(5)
bul, puisque, comme les Brabmes dans Tlnde, cette
classe était dépositaire de la religion et du savoir ,
tenait les rois sous une espèce de subjection et de
tutelle, et constituait ainsi le gouvernement de l'Egypte
en une sorte de gouvernement tbéocratique (i).
De ces circonstances réunies résultèrent Téloignement
qu'eurent les premiers Égyptiens pour la marine, et
les obstacles qu'ils opposèrent constamment à ceux
qae le désir de s'instruire conduisait dans celte contrée
mystérieuse.
Mais lorsque Cambyse eut renversé la monarchie
égyptienne , ravagé les villes , brûlé les temples et
dispersé les prêtres , ce pays , naguères la patrie des
sciences et des arts , fut courbé sous le joug des*
potique des Perses , et perdit son bonheur avec ses
connaissances , sans perdre sa célébrité..
Dans le laps de tems qui s'écoula depuis Cambyse
psques à Alexandre, il devint le théâtre fréquent de
guerres civiles. Les efforts sans cesse reaaissans de
plusieurs chefs égyptiens pour délivrer leur patrie
d'une domination étrangère , attirèrent sur cette
terre malheureuse les désastres et les fléaux , suites
inévitables des révolutions et de la résistance opiniâtre
d'un peuple qui conservait le souvenir de sa gloire et
de son indépendance. Au milieu de leurs infortunes ,
les Égyptiens , gouvernés par des rois qui n'étaient
(i) Dîodore de Sicile, Liv. I , sect 1 1.
(6)
pM nés au milieu d'eux , oublièrent pBu à peu les
instilutioDS et les coutumes de leurs ancêtres ; dès ce
moment les anciens usages se perdirent, et rien ne
s'opposa plus à la curiosité des étrangers qui abor-«
dérent en Egypte.
Cest alors qu Hérodote j parut ; il vit dans tonte
son abjection ce peuple si renommé pour sa sagesse
et son savoir. Il en prit cependant une haute idée :
les ruines d'un temple magnifique inspirent toujours
le respect et l'admiration.
Dès lors les Grecs se rendirent en foule en Egypte ;
pour être instruits dans cette sagesse autrefois si
célèbre. Cest à l'école des prêtres que se formèfent
leurs philosophes, leurs législat^rs et leuris sages. On
peut dire cependant que peu de voyageurs de ces
tems pénétrèrent au-delà de Memphis (i). Leur désir
de s'instruire put souffrir de ces obstacles; mais ils ne
donnèrent point eux-mêmes une haute opinion de
leurs connaissances , et les prêtres de Sais, voyant leur
légèreté et les taxant d'inaptitude à l'étude des sciences
profondes , les regardèrent comme des enfans ( 2 ) ; et
cependant ceux des prêtres égyptiens qui vivaient à
cette époque , n'étaient que les échos passifs de leurs
prédécesseurs. Ceux-ci étaient versés dans la connais--
sance de Tastronomie » de la géométrie , de la mécanique,
( i) Dîftrfore de Sîcîle, liv. I, sect i u
(a) Platon, in Philoibo.
- (7)
de la physique et de la plupart des sciences exactM
et naturelles ; et leurs successeurs , contemporains
d'Hérodote et de Platon , en conservaient à peine les
premiers principes ; ils les transmirent aux Grecs que
l'amour de Tétude et l'ambition de savoir amenèrent
en Êgjpte avant Alexandre. Ainsi la Grèce recueillit
les débris des sciences de TÉgypte.
Plusieurs de ces Grecs, tels qu'Hérodote et Platon,
de retour dans leur patrie, écrivirent ce qu'ils avaient
vu et entendu dire pendant leur voyage en Egypte,
et Hérodote donna une courte description de cette
contrée. C'est dans ses écrits que nous trouvons pour
la première fois des noms de villes égyptiennes tra-
duits en langue grecque. On peut avancer qu'Hérodote
fil le premier de semblables traductions , parce qu'il
est celui dans les écrits duquel on trouve le moins de
ces traductions et le plus de noms égyptiens conservés,
quoique corrompus. Parmi le nombre considérable de
noms de lieux apparlenans à TÉgypte , qui sont cités
dans son histoire , cinq seulement ont été traduits en
grec ; ce sont Hp/imo'^aroT^ç , TbiXouo'ioç ^ HAiou/troXi^ ,
KpozoJWXevr^roXic > Epfjum^oTaç ^ Hermopolis * Pars^a ,
Pelusîtim, Heliopolis f Crocodilopolis , Hermopolis-^
Magna , des Latins. Tous les autres noms sont égyp-
tiens ( I ). Le nombre de ces mots égyptiens traduits
(0 Deax seulement sont douteux, Naucraiis eldnihjrlla.
(8)
est beaucoup plus considérable dans les auteurs grecs
postérieurs à Hérodote ; ainsi la confusion qui en
naissait alla toujours croissant : Strabon donna les
noms grecs A<ppoJ^/7>t^^oXiç et TleufoO'^oXiç aux deux
villes qu'Hprodole avait désignées par leur nom
éfryplîen Xm/i/juç et A9otpj3>i%/^ , corruption de Xul^ul
Chmim et de 3y.Ha\p Ê5Ki , Athôr^Baki. Diodore a
suivi la même méthode. Il en est résulté des difficultés
considérables pour retrouver les noms égyptiens , et
ces difficultés s'accroissent à mesure que les Grecs
sont plus répandus en Egypte.
Alexandre , vainqueur des Perses , y conduisit les
Grecs , et sous leur empire disparurent peu à peu les
traces de Pancîen gouvernement et des coutumes égyp-
tiennes. Tout prit une physionomie grecque : le sang
égyptien dégénéra , par son mélange avec celui des
Macédoniens ; cet ancien amour pour les sciences
B*tteignit parmi les naturels ; les collèges furent déserts ;
la classe sacerdotale elle-même ne s'occupa plus que
deB choses sacrées (i) , et négligeant tout- à- fait les
ëtudes qui avaient occupé ses devanciers pendant tant
de siècles , elle perdit de vue l'un des buts principaux
de son institution.
Dès que la puissance grecque fut bien établie en
Egypte ^ il s*y opéra de grands changemens; les Grecs
traduisifent dans leur langue les noms de la plupart des
COStrobon,li/.XVÎI.
(9)
Tilles égyptiennes , et on ne les connut bientôt plus
parmi eux que sous ces dénominations le plus souvent
infidèles.
On doit regarder comme une des causes principales
de cette infidélité , les efforts que faisaient les Grecs
pour trouver des rapports entre leur religion et celle
des autres peuples, et pour en établir entre leurs divi-^
nités et celles des nations étrangères. A les en croire ,
les Babyloniens, les Perses et même les Indiens ado-
raient Kronos, Zéiis, Atbéné, Apollon, Aphrodite (i).
Par une suite du même principe, ils cberchèreut leurs
dieux dans la religion égyptienne , et crurent les y
reconnaître. Ainsi Athôr des Egyptiens leur parut
être leur Aphrodite , Amoun leur Zéiis , Pluha leur
Héphaïstos (2), Néith leur Athêné, Hôr (Horus) leur
Apollon , Thôouth ( Thoth) leur HeriViès (3) ; enfin ^
his et Osiris furent pour eux les noms de la lune et
du soleil •
Ces observations sont ici de la plus haute impor--
tance, parce que c'est d'après ces mêmes principes
que les Grecs traduisirent dans leur langue les noms
des villes égyptiennes. Quelques-unes d'entr elles por-
taient en effet des noms de dwinités (4) ou d'animaux
( I ) Saturne, Jupiter, Minerve, Apollon, Vénus des Latins.
( 2 ) Vulcain des Latins.
( 5 ) Mercure des Latins.
( 4 ) Nous prions le lecteur de ne pas prendre ce mot dans un
sens trop absolu. Nous Texpliqucroas dans la partie de cet ouvrage
nlative à la religion égyptienne.
L
( lO)
Bacrés (i) , et c'est dans l'influence qu'exerçaient le»
prêtres sur tout ce qui concernait l'Egypte « oii tout
8e rattachait à la religion, qu'il faut chercher l'origine
de cet usage. Mais les Grecs en abusèrent , et cet abus
les entraîna dans de graves erreurs.
Us n'entendaient point la langue ëgyptienne , parlda
et écrite même long-tems après la chute de leur puis-
sance dans cette contrée , et par conséquent ils ne
pouvaient orthographier ni traduire exactement les
noms des villes de l'Egypte , semblables en cela aux
voyageurs européens des derniers siècles qui allèrent
parcourir l'Orient sans en connaître les langues , et
insérèrent dans leurs relations des noms orientaux
qu'il est presque impossible de reconnaître, tant ils
sont défigurés. Ainsi , sous le règne de Louis XIV, Paul
Lucas fit préseitter à ce monarque une carte d'Egypte
où l'on trouve les noms monstrueux de Barhamhou
pour Barbandah, Manfallu pour Manfélouth, Êcliasse
pour Elkhsas , et Guisse pour Djizah (2). On peut
dire que quelquefois les Grecs ne furent pas pins
heureux , quoique en général l'altération des noms
égyptiens orthographias ou traduits en grec ait été
moins grande.
Il en résulte néanmoins , qu'étudier l'Egypte par les
( I ) Hérodote , liv. II ; Slrabon , liv. XVII i Diodore de Sicile ,
liv. I; Plutarque, dlsls et d'Osiris.
(2) Lucasi I.*' Voyage, tom. I, {>ag. i55.
Crrecs seuls, c'est lavoir sous le point de rue le moins
étendu, et à travers le prisme des préventions si ordi-
naires aux Grecs dans tout ce qui intéressait leur
orgueil national. Ce qu'ils ont dit n'est pourtant point
à dédaigner ; mais il est un choix à faire , puisque
rarement ils ont parlé de l'Egypte autrement que
dans leur langue , par rapport à eux et par rapport à
l'époque où ils en étaient les maîtres. Cependant
l'Egypte avait compté plusieurs siècles de gloire et de
prospérité avant même que Cambyse la soumît h sa
. domination. C'est à l'époque qui précéda l'invasion de
ce prince, à celle où l'Empire égyptien était à son plus
haut point de splendeur, que nous nous arrêtons dans
cet essai. Nous cherchons à faire connaître les noms
égyptiens du royaume, du fleuve, des provinces et des
villes d'Egypte.
Tel est le but que nous nous sommes proposé*
L'Importance de ces recherches n'avait pas échappé
à plusieurs savans qui se sont adonnés à l'étude de
Tarcbéologie égyptienne. Mais ces auteurs n'en ont
point fait l'objet spécial d'un travail particulier, et n'en
ont traité que partiellement dans le cours de leurs
ouvrages. Tel fut le jésuite Kircher; l'Europe savante
lui doit en quelque sorte la connaissance de la langue
copte, et il mérite, sous ce rapport, d'autant plus d'in-
dulgence pour les erreurs nombreuses qu'il a commises
dans ses écrits sur l'Egypte, que les monumens litlé*
raires des Coptes étaient plus rares de son tems. Dans
la noureauté de cette étude , on devait nalurellemeat
s'alteodre qu'un homme qui trop rarement faisait
usage d'une critique sévère, et qui trop souvent sacri-
fiait à l'esprit de système, donnerait souvent de fausses
interprétations , et serait trompé par des apparences.
Tout eu respectant ses travaux et en rendant justice
à &es connaissances, on peut lui reprocher, avec fon-
dement , la manie de tout expliquer ; et cette manie a
souvent mis sa bonne foi en défaut, en le forçant à
inventer ce que ses recherches ne pouvaient lui faira
découvrir.
Dans son Œdipus JEgyptiacus (i), Kîrcher a placé
une géographie de l'Egypte ; il a pour but de présenter
les noms coptes ou égyptiens des anciens nomes de ce
royaume et de leur capitale. Ce- travail, sans résultats
pour la géographie, renferme toutes les erreurs com-
mises par ses contemporains , dont les connaissances
sur la topographie de l'Egypte étaient pour ainsi dire
nulles. Ainsi il place Thèbes au midi d'Hermonthis ,
de Latopolis et d'Appollinopolis- Magna ; Abydus au
sud de Latopolis ; Coptos au nord-est de Tentyra ;
Oxyrinchus à l'orient du Nil ( 2 ). Quant à la basse
Egypte, il y règne le plus grand désordre. Il devait
en être ainsi en raison de la pénurie de notions exactes
■ ' 1 ' ' — ■■ ■ ■ ■■ Il I ■ m —
( I ) Tome I, Templum Isîacum , sj^ntagma i, Chorographia
MgjptL
( 2 ) Voyez sa carte, (RiUp.AEgjpt.^ tom,If pag, 8.
( i3 )
qu'éprouvait le père Kircher ; il lui était donc difficile,
impossible peut-être de faire connaître les noms égyp-
tiens des villes , puisque d'ailleurs , ayant fondé soa
travail sur les rapports des Grecs , il n'avait pas assex
fait attention que les Copies avaient donné des listes
de noms égyptiens avec leur équivalent en arabe , et
que les noms arabes devaient être son guide et le
conduire aux noms égyptiens. Outre cela , lorsque
Kircher publia sa Chorographia Mgypti , il n'avait
probablement entre les mains qu'un vocabulaire copte
peu étendu , d'où il put à peine extraire les noms
égyptiens ^Alexandrie , ^Athrihis , ai Héliopolis et
de Coptes y les seules villes dont Kircher ait présenté le
véritable nom égyptien. Quant aux autres noms, son
imagination suppléa au manque de matériaux.
C'est ainsi qu'il avança que les anciens Égyptiens
donnaient aux préfectures de l'Egypte, appelées Noftoç
parles Grecs, le nom de n\Tr2>6ip, Pitabir. Ce mot
manque dans le Lexique égyptien de Lacroze ; nous
l'avons vainement cherché dans tous les vocabulaires
coptes de la Bibliothèque impériale de Paris : il ne se
trouve donc que dans la Scala Magna de Kircher (i),
oii il signifie Prœtorium , locus juri dicundo destin-
natus ; Prétoire , siège d'un tribunal , et non pas
Province , Préfecture ou Nome. D'ailleurs , tous les
manuscrits coptes qui nous restent, rendent toujours
r
» ■
(i) ScalaMagruij pag. 2a5, copiée par Rossi, au mot T^&3ip«
(i4)
le mot grec Ho/ioç par IlffcDo} ou Il^Oaj , Pthôsch. oii
Pthosch. Ce mot égyptien dérive de la racine vciicy
Tôschf ordinarCf statuerez discernere; ainsi on Irouve
dans les Martyrologes coptes : UJtTî^OYc\\ ^DEît
neooj Hcy^^ , c'est-à-dire , la ville de SchetnoupH
dans le nome de Pschati ( i ) ; nî^0pwtCT5W0Y&
Jdhk lT90cy T&.JULS&^ , Pihormeitamoua dans le
nome de Tamiati (2) ; dS<l{l> GlTiOE itsptUTTî^K-
KcuAeyC î:>En TT0Oaj n^iULtiSi- , le père Èpime,
hahiiant ou originaire de Pankôleus dans le nome
dePemsjè (3). Nous pourrions multiplier ces exemples,
mais nous pensons qu'ils suffisent pour prouver que les
Égyptiens et les Coptes se servirent du mot Il^oaj,
Piosch, et non de HxT&fisp, Pitabir, pour désigner
les préfectures de leur pays.
Parmi les noms que Kircher croit que les Égyptiens
donnèrent à leurs villes , il en est qui méritent d'être
cités à cause de leur composition bizarre et de leur
étymologie aussi singulière que contraire au génie
de la langue égyptienne. Selonjui, BttOCX et Bonr-
£2>.C^ , Butosi et Boubasti , désignaient parmi les
Égyptiens les villes que les Grecs appelèrent Boutos et
Bubastis. Il traduit (4) BrnrOCX ^ar donum boçis , don
(1) Mss, copLf Bib. împ., n.®6i, fonds du Vatican , £^70, rectô.
(2) Mss, copi.j Bibl. imp., n.^66, în-f*. On trouva aus«i ce nom
de
(5)
(4) ÛEdip.AEgjyt,, chorograpKAEgjpt,^ nomug 11^ p. i6tti7«
^'A) ÂKM^** Ul/yi/»*9 MJIUM, lltt^iy U.^ VfWy IIA-1 • V/U U\/UT« n|l««« ^^ " —
lieu orthographié Ils^OpuUC^«>.)ULOT>..
C5) Mss. copt., Bibl. iuîp., u.»66, in.f.% Martyre de St. Épîme-
(i5)
du Bœuf, et BoYÊB^C^, par elle donna deux Bœufs,
et il suppose que le second J^ de ce dernier mot était la
lettre numérique fi mise à la place de CV^ht , snau ,
qui signifie deux. Mais en observant que Br et
Boy ne signifient. point Bœuf en copte ou en égyp-
tien , et qae Kircher les dérive du grec jSou^, il s'en
suit nécessairement que les Égyptiens n'orthogra-
phiaient pas ainsi les noms de ces deux villes de la
basse Egypte , et que les explications de Kircher sont
insoutenables. Le nom de la fameuse Thèbes fut, seloa
loi , Cy«^k , Suan ( i ) , tandis que ce mot est le nom
corrompu de la ville de Syène ; dans les travaux de
Kircher, Heracléopolis est appelée UoAo:^, Moloch
(3) , nom d'une idole des Cananéens ( 6) ; Appolli^
nopolis porte celui de UIpoc (4), Horos, avec une
terminaison grecque. Il en est ainsi d'un grand nombre
d'autres.
En 1643 Kircher publia , sous le titre de Lingua
Mgyptiaca restituta (5), un ouvrage qui répandit en
Europe les premières notbus exactes de la langue
copte. Il renferme aussi. les noms coptes de plusieurs
villes de l'Egypte , avec leurs noms correspondaus en
arabe. Ce travail de Kircher a été sans contredit
■*-.
(i) Kdip.jŒgjrpt., tom. I, cap. y, pag. 38.
(2) Id. , pag. 46.
(3) Lévitique XVIII, 21, et XX, laj Jérémie XUX, i, etc.
(4) W., pag. 47'
(5) Roinse, 1Q43, in«4*.
<'6)
très-utile. Veyssîèrc-Lacroxe a inséré ces noms dans
son Dictionnaire égyptien , que Scholtz et Woide
publièrent en 1775 (i ). Lacroze, qui n'avait pas une
grande opinion des connaissances de Kircher dans la
langue copte (2) , les rapporte tels qu'il les a trouvés
dans l'ouvrage du Jésuite allemand. Ce dernier ne
s'attacha point à donner le nom grec de la ville doat
il produisait le nom copte, et s'il Va, fait quelquefois,
il a commis plus d'une erreur.
Le célèbre philologue Paul - Ernest Jablonski ,
élève de Lacroze , a aussi cherché l'explication de
plusieurs noms égyptiens de villes dans la langue
copte (3). Dans un ouvrage publié en 1699, le père
Bonjour (4), religieux Augustin de Toulouse, indiqua
quelques noms égyptiens de villes , déjà cités par
Kircher.
(1) Oxoniœy eTypographœo Clarendoniano ^ '775, in-4*'
(2) Oa lit dans la préface de son dictionnaire le jugement suivant
sur cet ouvrage de Kircher : « Tentata est sanè hœc lingua à
pturibus eruditis , sed ut plurimùm frustra : nec uUi eorum
conatus sui deterius cessere quant Athanasio Kirchero y 4fui in hoc
studiorum génère nihil omnino vidit, Itaque Scalm efus , quant
rocat copticam , et si eam , ut pote è manuscripto deriyatam ,
negligendam non censui , parce admodùm usus sum. Tôt enim
ejus errata in singulis ferè quibusque paginis depreJiendi , ut
Jidem ei nullo loco temere habendam esse censeo. Extrait du
Mss. de Lacroze, conservé à la Bibliothèque impériale de France*
(3) Panthéon AEgyptioruniy et Opuscula^ passlm.
(4.) Exercitatio in nionumenta coptica seu tcg^ptiaca biblio^
iheae vatic^nœ. Rom», iCgg, in-4.«
(»7)
Kircher. Cet opuscule est plein de critique et d'une
saiae érudition.
Le père Georgi , dans la neuvième section de sa
Préface des Miracles de Saiot Coluthus (i), présente la
liste des noms coptes de villes qu'il a rencontrés dans
la traduction de ce fragment écrit en dialecte thébain,
et dans plusieurs autres manuscrits du Vatican ; mais
il n'a donné que l'équivalent grec de quelques noms
égyptiens déjà connus. Nous aurons occasion d'en
parler plus au long dans le cours de nos recherches.
Un savant estimable , dont les Lettres regrettent
la perte récente , le danois Georges Zoëga , dans son
excellent ouvrage de Origine et usu Obeliscorum ( 2 ) ,
a disserté très au long sur les monolythes de plusieurs
anciennes villes de l'Egypte, et les noms égyptiens
de deux d'entr elles. Nous reviendrons sur cette partie
de louvrage de Zoëga , lorsque nous nous occuperons
des deux villes qu'il indique.
Pendant que les Français étaient les maîtres do
l'Egypte , on imprima au Kaire un journal littéraire
dans lequel tout ce qui concernait cette contrée, sa
topographie , ses antiquités , sa législation et son éco-
nomie politique était publié périodiquement. C'est
dans ce journal, inûixûé Décade Egyptienne (3), que
(i) De Miraculis Sancti Coluthi, Romœ, 1793, in-4.^, p* CXG.
(2) Romœ, 1797, 'n-^«**
(5) La Décade ÉgxpUenne , journal littéraire et d'économiù
politique. Au Kaire, de rimprimerie Nationale, ami. VU et YIIJ.
3
(i8)
M. Marcel , Tun des directeurs actuels de Timprîmerie
Impériale, et alors directeur de celle du Kaire, inséra
des extraits de l'ouvrage du géographe arabe Abd--
Arraschid^al'Bakoui. Ces extraits , épars dans les
trois volumes qui composent cette précieuse et rare
collection (i), présentent aussi quelquefois, outre le
nom arabe des villes de TÉgypte , le nom copte de
ces mêmes villes, tiré probablement de quelque voca-
bulaire copte et arabe manuscrit ; mais Fauteur n'y
discute pas les rapports que ces noms coptes peuvent
avoir avec les anciens noms égyptiens et grecs.
M. Ignace Rossi a répandu quelques notes sur ce
sujet dans son ouvrage intitulé Etymologiœ Aigyp^
tiacœ (2), par lequel ce savant italien s'efforce de
prouver que les mots coptes ne sont que des motâ
arabes corrompus ; il en cite un assez grand nombre
dont il croit avoir trouvé la racine dans les idiomes
orientaux y tels que TArabe, le Syriaque, leChaldéen,
le Samaritain et TÉtbiopieu. Dans ses recherches éty-
mologiques , M. Rossi émet son opinion sur les noms
égyptiens de plusieurs dieux et de plusieurs villes.
Mais les travaux de ces auteurs ne suffisent point
pour faire connaître l'Egypte avant l'invasion de
(i) Le premier se trouve vol. I.^*^, page 248; le secoad, même
volume^ page 276^ le troisième, vol. III, page 146.
(2) Ignatu RQssnEtymologiisAEgj'pUacœ. Romani 1808, iii-4^f
(19)
Cambyse (i)» puisqu'ils n'out point indique les noms
grecs correspondans aux nonxs vérilableinentégypliens
qu'ils avaient rencontrés dans les livres coptes. Aucun
d'eux na eu le dessein de réunir les noms indigènes,
grecs , latins et arabes , de les comparer, d'en démontrer
les rapports ou les différences.
L'exécution d'un semblable ouvrage offrait de
grandes difficultés. L'intérêt qu'il présente nous a
paru plus grand encore , et nous nous sommes livrés
aux recherches qui pouvaient nous donner les moyens
de l'entreprendre avec quelque succès. Les matériaux
que nous avons recueillis sont peu nombreux sans
doute , mais tous sont authentiques , et ils nous ont
paru être du plus grand prix.
En effet la langue copte, qui est la langue de l'an*
cienne Egypte écrite avec les caractères de l'alphabet
grec j existe dans de nombreux manuscrits. Presque
tous , il est vrai , contiennent les liturgies ou les
martyrologes des Chrétiens jacobites; mais on connaît
aussi des versions coptes de l'ancien et du nouveau
( 1 ) Dans le mois de septembre dernier , M. Akerblad , ancien
secrétaire des Commaudemens de S. M. le Roi de Suède , a adressé
à la 3.^ Classe de llnstitut de France un Mémoire sur le nom copte
de ijuelques villes et villages de VÉgj'pte, La connaissance de
ce Mémoire nous eût été sans doute très -utile , mais l'auteur na
Ta pas encore publiée
(lo)
Testament (i), des grammaires coptes en arabe (2]^^
et des vocabulaires coptes et arabes (3).
Quelques savaus, et entre autres Vossius et le père
Hardouin , ont nié l'identité du copte et de l'ancien
égyptien ; mais lorsqu'ils émirent cette opinion ,
l'Egypte n'était point connue comme elle Test de nos
jours ; ses monumens littéraires étaient alors peu
nombreux en Europe, ils n'avaient point été étudiés
et comparés avec autant de soin qu'ils Tont été depuis.
Il en est résulté cette conviction, que la langue copte
est la langue des anciens Égyptiens.
Les monumens et les auteurs témoignent également
qu elle se conserva en Egypte sous la domination des
Perses , des Grecs , des Romains , des Arabes , des
sulthans Mamiouks , des Turcs , et jusques dans le
( I ) La version copte du Nouveau Testament a été publiée par
David Wilkîns , sous ce titre : 'I^l^S&^RKK JUlô^pî ^t^
'^frClTS WnfE ÎVSpEUL'^CRULÎ; Hoc est : NovumTestamentum
^Egjrptium vuîgo copticum^ ex Mss,Bodlejanis descripsit^ cum
yaticanis et Pariswnsibus conlulit , et in latinum sermoner^
co/n'ffr^ir David Wilkîns, ecclesiœ anglicanœ presbjrter, Oxonii$
e theatro Sheldoniano^ tjrpis et sumptibusAcademiœ^ '7*6, in-4*-
(2) Mss. copt. 9 Bibl. Imp. , n.<> 44 , depuis le feuillet 23 verso»
jusques au feuillet 5o verso s etc.
(5) Mss. copt, Bibl. Imp., fonds de Saint -Germain , suppY.»
tt.* I7i Id. Sain^Germain , u,« 5oo; Bibl Imp., n.^*44, 48, etc*
XVI/ siècle, tems où elle était encore parlée dans
les parties les plus reculées de la haute Egypte.
M.Etienne Quatremère (i ) a prouvé, d'une maniera
péremptoire, que la langue égyptienne s'était conservée
ea Egypte jusqu'au VIIL^ siècle environ après la
conquête de ce pays par Amrou-'ben^Alâs ^ c'est-à-
dire jusqu'au XV.* siècle de l'ère vulgaire , et il reste
bien démontré maintenant que la langue copte est
cette même langue égyptienne*
Tous ceux qui connaissent le copte et qui se sont
occupés de l'étude de cette langue , sont intimement
convaincus de son identité avec la langue des anciens
habitans de Thèbes et de Memphis. La plus grande
partie des mots que les anciens écrivains grecs ont
consignés dans leurs écrits comme étant propres à la
langue égyptienne , se retrouvent dans la langue copte
avec la même signification (2).
Sans rappeler ici les raisons solides et les preuves
irréfragables apportées en preuve de cette opinion
par mon illustre maître M. Silvestre de Sacy , dans la
(i) Vojez l'utile ouvrage de M. Quatremère, intitule : Recherches
sur la langue et la littérature de l'Égrp^e. Paris, 1808, în-B.*,
pag. 4 et suivantes.
(a) Dans nos recherches sur l'histoire de TÉgypte , nous feront
voir que les noms de la plus grande partie des Rois du canon
dironologique de Manëthon , trouvent leur interprétation daoa
U langue copte ou égyptienne.
( =0
Notice qu'il a faite de l'ouvrage précité de M. Quatre-
tnère (i ), nous invoquerons seulement le' témoignage
de rinscription de Rosette. Ce monument intéressant
est un décret des prêtres de l'Egypte , qui décerne de
grands honneurs au jeune roi Ptolémée Épiphanc.
Ce décret est écrit en hiéroglyphes, en langue et en
écriture alphabétique égyptiennes, et en grec.
M. Silvestre de Sacy a publié le premier (2), sur le
texte égyptien de cette inscription, une lettre qui sera
très-utile à ceu^ qui voudront étudier ce monument.
M. Akerblad que nous avons déjà cité , et qui s'est
occupé de la langue copte avec beaucoup de succès ,
essaya de lire et d'interpréter le texte égyptien de
cette inscription par la langue copte. En 1802 , il fit
part au public du résultat de son travail , dans une
lettre adressée à M. Silvestre de Sacy (3). Les mots
( i) Notice de Touvrage intitulé : Recherches critiques et htsto^
riques sur la langue et la littérature de V Egypte^ par Etienne
Çuatremêre, insérée dans le Magasin Encyclopédique , et tirée à
part. Paris, Sajou, 1808, in -8.^
(2) Lettre au citoyen Chaptal ^ Ministre de V Intérieur ^ au
sujet de rinscription égyptienne de Rosette. Paris, de l'im-
primerie de la République, an X, 1802, in-8^.
(5) Lettre sur t Inscription égyptienne de Rosette ^ adressée
au citoj-en Silvestre de Sacy, professeur de langue Arabe à
l* École spéciale des langues Orientales vivantes^ etc.^ etc. Paris ,
do l'imprimerie de la Hépublique, attX> 1802, ia-8^
( 23 )
Xru5 , Chémi, Egypte; ^Orpo , Phourô , liai;
mrpc^ROnrs, Nierphéoui, Temples; OyRÊl, Ouéb,
Prêtre , qu il trouva dans le texte égyptieq ; ceux de
ToYRfe, Touêhy Prêtresse; Hn , ép, tribut; jwtlC,
mes 9 engendrer; î^TOt^, annouii^ divin, que nous y
avons lus ensuite (i), étant des mots purement coptes ,
et plusieurs phrases que nous y avons analysées, étant
entièrement et rigoureusement conformes à la gram-
maire copte , il est bien évident que ce dernier idiome
est Tancienne langue des lÉgyptiens. Dailleurs la
grammaire de cette langue, vraiment philosophique et
unique dans ses règles, porte l'empreinte d'une anti-
quité très-reculée ; elle est le type admirable de la
perfection que peut acquérir le mécanisme du langage.
Si elle ne devait nous conduire qu'à la connaissance
des liturgies et des martyrologes , qui sont presque les
seuls ouvrages écrits en copte , Tétude de cette langue
ne serait pour nous que d'un bien faible intérêt; mais
lorsque Ton considère que ce n'est que par elle qu'oa
peut parvenir àla lecture des manuscrits égyptiens que
(5) C« n'est pas ici le lieu de rendre compte du résultat de Tëtude
suivie que nous avons faîte du texte égyptien de rinscriptio.i de
Rosette, et de l'alphabet que nous avous adopté. Nous nous
occuperons de cet important sujet dans la suite de cet ouvrage. En
attendant, nous prions le lecteur de regarder comme exacts les
résultats que nous lui présentons ici.
( 24)
possèdent divers cabinets de rEiirope, que peut-être
elle peut nous conduire à Tinterprétation des Hiéro-
glyphes avec lesquels elle dut avoir quelque rapport (r ) ^
et qu'enfin la connaissance de la religion, des sym-
boles et des mystères des Égyptiens en dépend pour
ainsi dire, cette langue se présentant dès- lors avec
tous ces avantages , ouvre en quelque sorte une
carrière nouvelle , et se place à la tête des langues
savantes.
Cest en l'étudiant et en lisant ses monumens écrits;
que nous avons eu Tidée de faire connaître l'Egypte
par les Egyptiens eux-mêmes, et c'est dans les écrits
des Coptes que nous avons recueilli les noms de la
plupart des anciennes villes de cette intéressante
contrée. Ces noms différent essentiellement de eeux
que les Grecs donnèrent à ces villes. Nous avons déjà
fait connaître les causes de cette différence ; les
réflexions suivantes vont prouver que les noms consi*
gués dans les livres des Coptes furent les véritables
noms égyptiens.
Dans tous les tems , les Orientaux ont été regardés
comme les peuples qui conservaient le mieux les noms
et les coutumes , et beaucoup de villes anciennes de
rOrient sont encore connues sous les dénQminatious
qu'elles reçurent dès les tems les plus éloignés. Quoi-
que soumises plusieurs fois à des peuples étrangers,
( I ) Ceci n*est poiut un paradoxe.
(a5)
leur langue n'ayant point change , ces nations n^al^
térèrent pas ces dénominations locales. lamblique,
dans son Traité des Mystères « assure que les peuples
asiatiques persévéraient dans leurs usages , que leurs
mœurs ne changeaient point , et que les noms de
lieux ou autres qu'ils avaient adoptés restaient cons«
tamment les mêmes ( i )• Les Grecs au contraire,
dit-il , amis de la nouveauté , ne faisaient qu efiQeurer
les choses sans rien approfondir ; méprisant les autres
peuples, ils altéraient tout ce qu'ils en empruntaient,
et le présentaient sous une forme nouvelle (2).
Cette opinion est confirmée par les faits , et plus
particulièrement en Egypte qu'ailleurs.
Sous la domination des Perses , des Grecs et des
Roinains , les faibles restes de la nation égyptienne
conservaient aux villes de leur pays les noms que
leur avaient donnés leurs ancêtres. Les dénominations
grecques furent seulement en usage chez les Grecs
établis en Egypte, et chez ceux qui habitaient l'Europe.
(i) fiapfiofoê cTc fiovifioi roiç ri^tariv on£ç ^ xcuroiç Xoyotç
^(UC0Ç TOlç ùLvloiç €fJifl€9HTS. lamblich. de Mjster., sec t VU»
cap. Y, pag. i55 et i56.
(2) ^rjca rap E^mviç non vmrrijpùnCoiot ^ xeu cnloneç ^poi^
70U "K&IclXi/i' auj^e» ^ovreç êpfiet £f eeu/JoiÇy auJ^e o^tp w
aÇÉfTfib, "TtcLvIcc itajoL jyiv oLçoLTov ejpi^iKoyicLv lUTcu^TThArlacrir
ld.y cap. V, pag. i55.
{z6)
Les Romains les adoptèrent ensuite , et comme Von
n'a étudié jusqu'ici TÉgypte que par ces mêmes
Grecs et par ces mêmes Romains , les noms que les
Indigènes donnaient à leurs villes n'ont pu parvenir
jusqu'à nous. Mais lorsque sous le khalifat d'Omar
fils de Khatthab, Ararou-ben-Âlâs se rendit maître
de l'Egypte , la vingtième année de Thégiro ( i ) , les
Arabes n'ayant eu que très -peu de rapports avec les
Grecs et les Romains , ils laissèrent aux villes les noms
égyptiens que les Coptes leur avaient conservés. Ce
fut l'analogie de leur prononciation avec celle des
Égyptiens qui les leur fit adopter de préférence ;
par la même raison , les Romains avaient conser^'^
les dénominations grecques. Outre cela , les Coptes
ou les Chrétiens jacobites haïssant les Grecs leurs
maîtres , et professant une doctrine diSerente de celle
des Grecs qui étaient melkites , ils facilitèrent beau-
coup aux Arabes la conquête de l'Egypte. Amrou
reconnaissant , et plus guerrier qu'administrateur ,
confia aux Coptes le soin de lever les tributs et les
impôts qu'il répartit sur toutes les villes de l'Égyple.
Les rôles étant faits par des Copies ( 2 ) , ils y em-
ployèrent les noms égyptiens , et les Arabes les adop-
tèrent en leur faisant subir cependant quelques légères
(i) Vers Tan 640 d« l'ère vulgaire.
(2) Les Coptes remplissent encore ces fonctions en Egypte.
(=7)
modifications. Ceci explique pourquoi les noms irrabcs
des villes et des villages de TÉgypte ressemblent aux
noms égyptiens ou coptes » et diiierent entièrement
des noms grecs et latins.
£n citant ici les noms coptes , c'est donc les vrais
noms égyptiens que nous ferons connaître. Les sources
où nous les avons puisés sont authentiques , puisque
ce n'est qu'en compulsant les manuscrits coptes de la
Bibliothèque impériale, que nous sommes parvenus à
recueillir les noms égyptiens de la plus grande partie
des villes mentionnées dans Hérodote , Strabon «
Diodore de Sicile , Pomponius-Mela et Ptolémée.
Les manuscrits que nous avons consultés pour la
géographie égyptienne sont en assez grand nombre (i).
Nous citerons principalement un vocabulaire copte en
dialecte memphitique , provenant de la bibliothèque
de Saint-Germain (2), qui contient (3) une liste très-
considérable de noms de villes égy tiennes avec le nom
arabe actuel. Les noms égyptiens des villes ne sont
point rangés alphabétiquement ; mais par une heureuse
(i) Voici les principaux d'entr'eux : n.^6if fonds du Vatican,
Martyre de Saint Apa-Ari; m^62^ Martyre de Pierre, archevêque
de Rakott ; n.** 64 , Hist.Lausiaca; n.® 66, în-f.® ; n.® 68, fonds du
Vatican; n.^5oo, fonds de SL-Germain^ 0.^46, Mss.Thébaiu, etc.
(2) Supplément, n.^i7.
(5) F.» pc\&, vers*, et pcjr*, etc»
précaution du copiste ou de l'auteur, ces noms se
trouvent classés selon la situation géographique de»
villes de l'Egypte sur les rives du Nil. Cette nomen-*
clature commence à 'ï'pz^aji'nx , Ti Raschitté ,
Raschid ou Rosette, et se termine à COYfrit, Souan,
Syène ( i ).
Un second manuscrit, en dialecte thébain (2) , plus
intéressant encore que le précédent, quoique moins
riche en notions géographiques , oSre la même dis-
position quant à la classification des noms de villes
et de provinces , avec cette différence que ces noms
sont classés dans un ordre inverse. Le premier est
IlKS^HKffoOcg, Pkahannsoosch 9 nom égyptien de
rÉthiopie; le Second est nr&t^0Y&2>.^s&, Tanoubalîa,
la Nubie; ensuite est le nom de Syène. Cette liste est
terminée par celui d'Alexandrie.
Le grand intérêt qu'offre ce manuscrit, consiste en
ce qu'on y trouve le nom grec écrit en caractères
coptes , le nom égyptien et le nom arabe de presque
toutes les villes qui y sont citées (3) ; mais ces noms
grecs sont défigurés. Le tableau suivant, oii nous avons
rétabli les mots grecs , le prouvera.
On ne doit point s'étonner de la manière dont ces
noms de villes furent altérés par le Copte qui écrivit ce
( ï ) Voyez TAppendix n.* i.
(2) N.« 44» ancien fonds, £«79 yers6 et 8a rectô.
(5) VojreL l'Appendix n.« 2.
( 29 )
▼olame : la source où il les puisa pouvait ne pas être
pure ni exempte de vices d'orthographe ; car les mots
grecs qui se sont introduits en grand nombre dans
l'idiome des Coptes, sont assez exactement écrits ( i ).
Rarement ils sont défigurés de manière qu on ne
puisse point les reconnaître ; mais le tableau que nous
présentons ici ne contenant que des noms propres de
villes » ils doivent nécessairement être plus altérés*
Nom Grec Nom Grec NomÈgyp. Nom
du manuscrit, rétabli. ou Copte. Arabe*
CWOK S;€n» CoYi.K . , Asouan.
KhriO^ Aa7o^oAi^ C«H .... Asna.
3kpuL0KiKR . • EffiovQiç 3)cpJUiOK0 Arment^
TiOCTIOXîLC . . ÙHQÇ^Q>aç 2^ UO . . . , M4idinM Hou.
flî^^OC ïlcLvm^ohiç. . . UJuiK . . Akhmim.
Kzr^^yt Avxm^oXiç. . . ClOOr^. . Osiouth.
OeyI^OCXOy . . ©âwJ^ariKTToAi^ ToY^O . Tahha.
JtpSlîROY O^uftryxftç. . . . HeuSï^E. . Albahnasa.
8pOKtXtOY . . liçsf,%Ki(^ohAç . 8wHC . . . Ahnas.
^pCEWatt. • . . Aptrivom HlOtx . . . Fayyoum.
RYnnrOK .... Atyv^oç UcwfiE. . Mau-ouMisr.
^^E?,&K^pi^. ATiE^dLfJ'paOL. . . Pi.KOTE . TsAandériak.
^ — ■ — r
(t) C'est dans les textes égyptiens en dialecte tliébaio qu*oa
^uve la plus de mots grecs*
( 3o )
Le Copte qui a écrit cette nomenclature curieuse ,*
n'a mis très- souvent que le commencement du
nom grec , comme par exemple « A£>^^, au lieu de
Auxûn^ohJÇy Uofoç pour lïapciMCoT^ç. Cet usage avait
pris naissance chez les Romains et les Grecs du bas
£mpire qui, dans leurs itinéraires , n'ont donné qu'une
portion du nom des villes. Ainsi , Ton y trouve Lyco ,
Laton , Panos , Hdracléo , à la place de Lycopolis ,
Latopolis , Panopolîs , Hcracléopolis. Les anciens
Égyptiens eurent aussi cet usage. L'on remarque, par
exemple y 2oY, Hou, elOtkt^O^ Ano en dialecte thébain,
pour '^fe^-KiW^OY, KôûAi-a/i-Z/ba , nrfi^KXfc^KO ,
la ville de Hou , la Aioç^oXiç des Grecs , qui dans
notre manuscrit se trouve orthographié Têoç^tCoXêç.
Un des avantages propres au tableau que nous
venons de présenter, c'est de fixer irrévocablement la
situation des villes qui y sont comprises et dont l'em-
placement était incertain , ou n'était pas démontré
d'une manière incontestable. Ces renseignemens sont
d'autant plus précieux qu'ils sont plus sûrs.
Outre les manuscrits coptes de la Bibliothèque im-
périale , nous avons eu le soin de compulser ceux de
la bibliothèque du chevalier Nani de Venise , publiés
par le père Jean MIngarelli ( i )• Ces fragmens , écrits
( I ) jlEgjrptiorum Codicum rcliquiœ f^enetUs in bibliotluecd
Haniand asseryatœ^ Bouoniœ, 1785, iu-4**
< 3, )
en dialecte tbëbaîn , sont tous relatifs à la religion , et
contiennent des vies de Saints , des parties des Évan-
giles , et des exhortations chrétiennes. Les Miracles de
Saint Coluthos et le Martyre de labbé Panesniv ( i ) ,
nous ont fourni quelques indications. Ces fragmens
en dialecte thébain existaient dans la riche coUectîoa
de manuscrits égyptiens qu'avait formée dans soa
musée de Velletri le célèbre et respectable cardinal
Etienne Borgia , un des plus zélés protecteurs de la
littérature et de l'archéologie égyptiennes. Ce fut le
père Georgî , augustîn , qui les publia , comme nout
l'avons déjà dît, en lygS.
Tels sont les principaux écrits égyptiens dans les-
quels nous avons été à portée de puiser les précieux
matériaux que nous cherchons à mettre en oeuvre
dans cet ouvrage. Leur authenticité est incontestable,
puisqu'ils nous ont été fournis par des descendans des
Ei^ptîens , qui pariaient leur ancienne langue et qui
rédigèrent leurs écrits en Egypte même.
On observera sans doute que les noms égyptiens
des villes , que nous avons extraits des manuscrits
coptes , ressemblent rarement à ceux que les Grecs
leur ont donnés , et que la traduction qu'ils eu ont
feite, constamment infidèle, ne repose presque jamais
sur aucune base solide, et n'est motivée par aucune
(0 PobUé^ par k père Georgi déjà cité.
(32)
Cfrcon^ance locale. Nous avons dëjà dit que les Grecs
cherchèrent à retrouver leurs dieux dans le culte reli-
^eux des Égyptiens , et que leurs préventions et leur
orgueil national leur persuadèrent qu'ils les y avaient
trouvés : ils n'avaient aucune notion de la langue
^yptienne ; les noms des villes de TÉgypte leur
paraissant barbares, extraordinaires et trop durs pour
leurs oreilles habituées aux sons euphoniques d'une
langue mélodieuse , ils voulurent donner à ces villes
des noms plus conformes à leur idiome et à leurs
idées ; et recherchant avec soin quelle était la prin-
cipale divinité qu'adorait chaque ville de l'Egypte ^ ils
donnèrent à chacune de ces villes le nom de la divinité
grecque qu'ils croyaient correspondre à celui du dieu
égyptien dont le culte y était établi. Il en résulta ce
fait bien remarquable , que deux villes qui , parmi les
Grecs , portaient un nom semblable , en avaient un
bien diflTérent chez les Egyptiens. Ainsi Hp^)i77roX/c de
la basse Egypte était connu, parmi les naturels, sous
le nom de lï-isu^K^aTp , Plimenliôr; et UJuOyx^,
Schmoun , était celui de la grande Hp)X)!5"'7roAic de
l'Heptanomide. Les trois A^pJ'oJ'tBytç^oT^ç des Grecs
furent dans le même cas. Celle du delta s'appelait
iXeaîp6&Kl, Athor-Baki, celle de l'Heptanomide
Ttth^, Tpih^ et la troisième, située dans laThébaïde,
.estait appelée Asphoun. Sans multiplier les preuves de
ce
(33)
ce que nous venons d'avancer , î1 nous suffira de faire
remarquer que les noms grecs îacêvloç^QhJç ^ Thîka&ioÇf
HXiifTroXic , sont les seuls qui rendent exactement la
signification du vrai nom égyptien de ces trois villes
célèbres.
Quant à ceux qu ils n'ont point tenté de traduire et
qu'ils ont voulu orthographier comme ils les enten-*
daient prononcer, ils n'ont pu éviter de les défigurer
et de les corrompre.
La différence de prononciation est une des grandes
causes de raltération de presque tous les noms étran--
gers que les Grecs ont conservés dans leurs écrits.
Leur alphabet , très - borné par rapport à celui des
natioos orientales , n'avait point de signes propres à
exprimer toutes les inflexions de la langue des Égyp-
tieas ( 1 ). Plusieurs lettres de l'alphabet de ces der-
niers étant étrangères aux Grecs , ceux- ci se virent
dans la nécessité de leur en substituer d'autres qui
leur étaient propres , et qui rendaient à-peu-près le
même son. L'aspiration égyptienne ^ , A , appelée
^opSi Horif parles Coptes, leur était inconnue. Le
^ * S^^S^ égyptien , qui tient le milieu entre un S
doux et notre J français , ne pouvait se rendre par
aucun des caractères de l'alphabet des Grecs ; ils y
substituèrent tantôt un T, tantôt un Z, comme on le
( i) Aristides orat JEgjptiaca^ tome II, page 36o. .
3
( 34 )
voît par les noms de Xe ju KOy^ , Sjemnouti ( ou Ton
doîé remarquer le m , m , changé en b par les Grecs ) ,
et de 2^t^s, Sjanif orlhograpbiés par les Grecs Sc^r*
rfloç et Tùi»tç,
Quelques autre3 lettres ^ particulières à l'alphabet
ëgyptien , n'ont pu être exprimées par les Grecs ;
tel est le oj , Schei , Ch français , auquel ils ont
substitué leur % , Chi ( i ) « comme dans "^jul^s^»
Schmin , qu'ils ont écrit X€fJtj44ç. Nous citerons
encore un passage de Plutarque qui , dans son Traité
d'Isis et d'Osiris , nous fournit un second exemple du
^ grec , mis à la place du tyts , Schei des Égyptiens.
« Les Grecs , dit cet auteur , consacrent le lierre h
• Dionysos ( 2 ) ; cette plante s'appelle dans la langue
• des Égyptiens Xvivo^iifiç^ ce qui, selon eux, signifie
» Plante d'Osiris. » On reconnaît en effet dans
Je mot grec orthographié X^oç-apiç , le mot égyptien
UJojHît, Schén, plante (S), qui, réuni au nom d'Osiris,
ÛYCSp^f doonait UJcyKKOYCXps, Schénousiri, ou
(i) Les Grecs modernes prononcent le % comme le ch allemand
dans les moU achtvng , respect; stoechen, piquer^ percer : s'il
^ était ainsi chez les anciens Grecs , la difFéuence entre le nom
grec et le nom égyptien ne serait pas très-grande.
(2) Bacchus des Latins.
(5) Ce mot se trouve employé avec cette signification dans It
tersioa copte de la Genèse, "XSMf x3| et ailleurs.
( 35 )
plus régulièrement IJfajRî^wOYCSps, Schênnoustri ^
a?ec l'article indicatif du génitif, Plante d'Osmis.
Qaant aux lettres égyptiennes ^, Khei^ et c\, Fei,
elles se trouvent rarement employées dans les noms
égyptiens des villes. Nous observerons seulement
quà la place du ^ES , Fei ^ égyptien, les Grecs se
servirent de leur ^ Phi, comme dans 'Msfi^tç^ en
égyptien Dxc\s , Méfi , et dans Om^iç , en égyptien
n&KOYq , Panouf. L'articulation du PES manquait
à leur alphabet.
Les articles égyptiens ÎT» c|> et ^ furent ortho-
graphiés par les Grecs de diverses manières. Ils ren-
daient très-bien par leur ^ le ^ égyptien , mais il n ea
ëlaît point de même de n ou nS : tantôt ils l'ont exac-
tement exprimé par leur II , tantôt ils Font corrompu
en y substituant B ou B^;^ comme dans Baj^xT^Çy 1^
nifc&C*\, Pibasti^ des Égyptiens; enfin au ^, ti^ ils
ont très -souvent substitué leur T ou leur , soit qu'il
se trouve au commencement d^un mot comme article ;
soit au milieu ou à la fin comme simple lettre ou
comme abréviation ; car il ne nous paraît pas encore
décidé si '^ n'est pas une véritable lettre égyptienne,
ou bien si, comme le lam-alif des Arabes, ce n'est que
la réunion de deux signes alphabétique, ainsi que
l'assurent quelques grammairiens.
Parmi les Égyptiens , les articles employés sous anp
(36)
forme particulière tenaient lieu du mot ^qXjlç , qui se
trouve toujours à la fin des noms grecs des villes de
FEgypte, Ainsi le nom égyptien de la Aeûûvloç^oXtç des
Grecs, la çWedu Lion^ était le mot juOys, moui^ Lion,
précédé de l'article féminin ^ ou 9 , qui indiquait
que 9«OY5 se disait pour 96^KX ituOYj , Ihhdki
anmoui, la i^ille du Lion. Il se pourrait aussi que
le 9 fût mis au commencement du mot , à la place
de 95., espèce de pronom qui quelquefois indique
la possession ; ( i ) ainsi O^uOtS , Thamoui, ou ea
abrégé) OjulOtX* aurait signifié celle gui appartient
au Lion , B&KS t Baki^ ville , étant toujours sous^
entendu. Ce qui rend cette explication assez plausible,
c'est qu'on trouve en Egypte deux villes appelées
n«>KOYq, Panovf; et dans ce mot, ns, qui est naas-
Gulin, semble indiquer que JUê^, ma, ou KB^^^> *^^*»
(i) Dans r^vangtle de Saint Mathieu, ch. I, vers. 6, on trouvt
un exemple de O^» , employé dans le sens que nous lui donnons .
KCCE ^B *^c:\3is4>^. ^.2^TS!^ Tiorpo, :t.z>t\'^ ^^
x.q':*^^)^ CO^OJUOK È&o^J^EK ^^>OYps^C ; ^^^'^
engendra le roi David , et David engendra Salomon, È6O A^
^5.0 Ypi&C , de celle qui appartenait à Uri , sous - «ï»^®" ^
Ç^\%X\^ femme , de la femme d*Urî«
(37)
lieu, est sons-entendu, et qu'on disait n^Korq («i)t
Panouf, celui du Bon , au lieu de lïsJu&KKOYqX^
Pimannoufi , locus Boni , le lieu du Bon y ou bien
simplement Ust^OTqS, Manoufif lieu du Bon ou lieu
bon. Le nom de Manouf , que porte encore une de
ces deux villes que nous trouvons appelées Panoiif
dans les vocabulaires coptes , nous autorise k croire
que les anciens Égyptiens rappelèrent indifféremment
ïl&nOYq, Panouf, ou bien U&KKOrcjî, Mannoufi,
mots qui ont la même signification.
Si les Grecs ont altéré les noms égyptiens, parce
que leur alphabet n'était pas assez nombreux pour
rendre tous les sons de la langue égyptienne , il n'en
a point été ainsi des Arabes.
Ce peuple, voisin de TÉgypte , eut avec elle, dès les
tems les plus reculés, des relatioos commerciales, et
fut tantôt son allié , tantôt un de ses ennemis les plus
redoutables. Les rapports intimes qui existèrent entre
les Égyptiens et les Arabes , firent que plusieurs mots
leur furent communs ; et c'est de ces mots propres
(0 C'est ainsi qu'est formé îTS^OJ^XE^, époux. ^OJ^X^nr
eo^ar&?v£nr signifie épouse; par conséquent TTS, celui qui
oppartient a, placé devant nTOJETs.ET, formera TT&TOJ^AtTp
celui qui appartient à l'épouse t c'est-à-dire V époux. Nous citerons
tncoie cJ>&K&^, iiUellecMl, formé de Kî^^, intellect; etc.
( 38 )
aux langues de ces deux peuples , que quelques savant
ont eru pouvoir conclure que le copte n'était qu'ua
jargon informe , un composé îrrégulier de grec , de
latin et d'arabe. Mais cette opinion n'a aucun fon-
dement, et les mots qu*on remarque dans Tégyptiea
et dans Tarabe , et avec la même acception , sont
justement attribués au voisinage des deux nations. Il
eu est de même par-tout ailleurs.
A Tépoque où les Arabes firent la conquête de
VÉgypte , ils avaient un alphabet qui contenait les
ëquivalens de presque tous les élémens de celui des
Égyptiens ; et Ton peut remarquer ici que les alphabets
des Orientaux ont presque tous le même nombre de
lettres , et que leur ressemblance est parfaite , consi-
dérés dans les signes destinés à rendre ces inflexions
gutturales qui manquent ordinairement aux alphabets
de l'Europe.
Nous avons déjà dit pourquoi les Arabes adoptèrent
les noms égyptiens des villes que les Coptes avaient
conservés, plutôt que les noms qui leur avaient été
donnés par les Grecs. Toutefois , en les adoptant, les
Arabes les soumirent au génie et aux règles de leur
langue , et comme les Grecs , ils cherchèrent aussi à
trouver dans leur idiome la signification de ces noms.
C'était le propre des Grecs et des Arabes de vouloir se
retrouver par-tout , et ceux-ci se trompaient tout autant
que ceux-là , car la langue égyptienne difière peut-être
(39)
plus de Tarabe que du grec , quoique les grammaires
grecque et égyptienne n'aient entr'elies aucune simi-
litude ( 1 ).
Lies altérations que les Arabes ont fait &ubir aux
noms égyptiens , sont cependant peu considérables ;
le génie de leur langue les rendait bien sou?ent
nécessaires.
L'alphabet égyptien renfermait plusieurs lettres qui
leur étaient inconnues; telles sont l\ p, O o, et cit ô. Us
leur substituèrent leur b et leur oUf et o fut quelquefois
remplacé par a. Ainsi ces noms égyptiens n2>.î\2.^0»
Panaho, UJoTiT , Scfiotp, Kcue^ A"(J^, furent rendus
par Banaha, Schothb , et Kous^lie '^^ genga^ leur
parut tenir le milieu entre leur ssâd et leur schin , et
ces deux lettres furent employée» indifféremment à la
place du ^, comme on le voit parles mots S^b^ttsC^î^»
Sjap€isen , X2>xts, Sjani , qu'ils écrivirent Schahas et
Ssdn. Au lieu de ces deux lettres , ils se servirent
quelquefois du sin^ comme dans Samannoud, pour
2Se45lî^OY^, Sjamanoudi ou Sjemnouti.
Us remplacèrent aussi le ^ hori égyptien par leur
hi et leur Ma; nods citerons pour exemple TOY^o,
Touho, et 8oY, hou, qu'ils ont rendus par Thahha et
Hou.
- - — ■ - ■
(i) Barthélémy, dans les Mémoires de V Académie des Inscrip'
lions et Belles-Lettres ( tome XXXII, page 212 ) , présente uu»
série de mots communs à ces deux langues.
(40)
Le kha arabe exprimait exactement le son du ^ ,
Khéù des Égyptiens ; aussi ont-ils bien orthographié
les mots où se trouvait cet élément , tandis que les
Grecs ont été dans l'impossibilité de le faire. Le nom
de la ville de C^DcuOT, SkhAou, en est une preuve
frappante. Les Arabes Tont écrit Sakha et les Grecs
goif, parce qu'ils ne pouvaient pas rendre, comme les
Arabes , le sop pjtlatal du \>Z\ , Khéi égyptien. Les
deux lettres égyptiennes ^ et ^ éprouvèrent aussi
des modifications chez les Arabes. Ils ont presque
toujours écrit D là où les Égyptiens écrivaient T , et
les Grecs T ou par corruption. Il est facile d'en
donner la raison. Les Coptes confondaient le T avec
le D, et ils prononçaient presque toujours 7* comme D.
Il est même prouvé que cette dernière lettre est abso*
lument étrangère à leur alphabet propre, puisque tous
les mots employés dans leurs livres , où cet élément
alphabétique se trouve , sont étrangers et n'appar-
tiennent point à la langue copte. Les anciens
Égyptiens avaient pour elle la xnètne répugnance ;
OQ en trouve la preuve dans le texte égyptien
du précieux monument de Rosette. Dans la partie
grecque de cette inscription, il est question d'Areïa,
fîlle de Dîogène , Canéphore d'Arsînoé Philadelphe ,
KflCWï^ojDou Apcrtvoifiç ^iXaJ'û^v Apnictç mç Aioyetfouç ;
la partie du texte égyptien qui est la traduction de ce
passage grec, porte areîe tischeri tîeknô fai......
( 4i )
CHîliBC (i). On voit que le mot grec £U(yymiç est rendtt
en égyptien par nTHEKt^cu , et que le A des Grecs a
été remplacé par le ^ égyptien (2).
£n faisant cette remarque , on ne trouvera point
de différence notable entre la T&^vpct des Grecs et la
(1) Lignes 5 et 4- On trouve dans cetle phrase le mot égyptien
^U]tp\ , Tischéri , exprimé dans l'inscription par une abré-
viation qui est constammeat employée toutes les fois qu'il faut ae
servir du xaotJiUe {^Akerblad^ pages^). Trois lettres égyptiennes
ajaat la valeur de Fjêi terminent la troisième ligne de l'inscriptioii*
Ces lettres étaient le commencement du mot égyptien qui traduisait
le mot grec Kfltwi^opou, Canéphore (porte -corbeille). Fai est en
effet le verbe égyptien iZ>\ , Fcd , porter ( portare , ferre »
tollcre , Lacroze ). Une fracture de la pierre a fait disparaître b
commencement de la quatrième ligne. Le mot qui exprimait
corbeille n'existe plus ; la quatrième ligne commence par les lettres
HREC, qui sont le reste du mot i\pCHt^EC que nous avons
îestîtué par JUL^pCRKEC , conformément à l'orthographe de ce
mot, qui se. trouve encore ligues 2, 4, 6, etc., et que nous avons
fait précéder de iUL ( am ) , qui indique le génitif.
(2) Nous remarquerons encore que dans le mot 1 HEKttCIT ^
comme nous le lisons ( M. Akerblad lit TxOKKE ) , Yepsilon
<ia mot grec Aioyevuç est supprimé dans le mot égyptien. Il en
est de même dans le nom grec BepeiftKnç qui , dans le texte
égyptien, est écrit BpKRKEC, B^iKÈs^ où les deux epsilon
loat aussi supprimés.
(4*)
Dendérah (i) des Arabes» Les premiers ont exac-
tement orthographié en grec le nom égyptien , et les
seconds nous en ont conservé la prononciation , ce
qui est beaucoup mieux, sous plus d'un rapport.
Enfin , l'article égyptien ^ fut écrit Da par les
Arabes , comme dans Damanhour , en égyptien
•i^JUi^H^ Wp , Timanhôr.
Toutes ces permutations de lettres consonnes sont
^ très-peu importantes par elles-mêmes ; mais leurs règles
extraites de leur emploi dans les mots et soumises à
des épreuves qui les confirment , nous offrent un grand
intérêt, puisqu'elles nous donnent les moyens d'ortho-
graphier en lettres égyptiennes un nom égyptien de
ville dont nous n'avons que la corruption arabe.
Quant aux voyelles égyptiennes , les Arabes les ont
très-souvent confondues. Dans les mots arabes, a rem-
place les voyelles égyptiennes O et en , et quelquefois
même la diphtongue a\OY, ôou; les permutations de JS
en /, et de A en E, sont très-ordinaires. Mais on n'en
sera point étonné, lorsqu'on observera combien est
fréquente dans la langue égyptienne la permutation
d'une voyelle en une autre. Dans les livres coptes , on
trouve indifféremment HTT, OTt, œTf, pour exprimer
l'idée de compter; R^^aj , Rcuaj , briser; AtUCt
X2^CJ A^C, mettre en pièces; Ml>\^ Ues , aimer ^
et une grande quantité d'autres exemples.
( I } Ville de la haute Egypte.
( 43 )
Quelques autres changemens que les Arabes firent .
subir aux noms égyptiens , eurent pour cause la nature
même de leur langue , et les règles d^euphonie qu'ils
s'étaient faites. C'est par ces motifs qu'ils retranchaient
très-souvent les finales des mots , sur-tout lorsqu'ils
étaient terminés par des voyelles.
n est encore une observation bien importante &
faire : les Arabes ont ajouté , par euphonie , un A
(Alif) au commencement de tous les noms égyptiens
qu'ils ont conservés ; tels sont , par exemple , Abousir^
Athfihh, Akhmim^ Asna, Asouan ou Osouan, et ua
grand nombre d'autres.
Les Orientaux, et plus particulièrement les Arabes;
font usage de cette addition d'un a initial pour les
mots qu ils empruntent d'une langue étrangère. C'est
ûnsi, comme l'observe très -bien M. Sylvestre de
Sacy (i), qu'ils ont fait subir cette modification aux
niots grecs xAifwt, ço/ix^ qu'ils écrivent Ahlim et
Astoum (2). Cet usage des Arabes, constaté par
beaucoup d'exemples , empêche de croire que Y Alif
ajouté au commencement des noms des villes de
l'Egypte, remplace l'article égyptien indéfini Ov, oup
(0 Lettre au citoyen Chaptal ^ sur le Texte égjrptieM. de
t Inscription de Rosette j pages i5 et 16.
(3) Les Arabes prononcent ces deux mots Iklim et Ostoum.
Nous les avons oithographiés comme ils les écrivent, pour mieux
f^ sentir l'addition qu'ils y ont faîte.
comme sembleraient rindiquer les Doms Oschmoun et
Osiouth, dont TAlif initial est affecté d'un dhamma.
Les noms égyptiens ont quelquefois été traduits par
les Arabes, et leurs traductions sont à -peu -près
exactes. Ces diverses circonstances inspirent une
grande confiance dans les noms qu'ils donnent encore
aux anciennes villes de l'Egypte , et l'on ne saurait
trop remarquer la fidélité avec laquelle ils les ont
conservés; et en cela, non -seulement leurs nomen-
clatures sont d'accord avec les noms que les Coptes,
de&cendans des Egyptiens , et les Grecs leur ont
donn^ , mais encore avec ceux que Moïse , égyptien
de naissance, et tous les Propbêtes nous ont transmis
dans les textes hébreux des livres saints»
Nous aurions bien désiré présenter ces noms écrits
avec les signes propres aux langues auxquelles ils
appartiennent ; mais cela ne nous a pas été possible ,
et nous avons été forcés de renoncer à quelques-uns
des avantages que nous y aurions trouvés. Nous avons
cherché un moyen de compensation qui ne fît rien
perdre à nos recherches de l'intérêt qu'elles peuvent
présenter, ni aux discussions auxquelles elles don-
neront lieu , rien de la clarté et de Tordre qui leur
sont nécessaires •
Nous avons exprimé les noms arabes en lettres
latines; nous devons rendre compte de la méthode
de permutation que nous avons adoptée.
1
U5)
Après avoir étudie celle qui a été publiée par M. le
sénateur Volnej (i)» celle de Williams Joues, pré-
sident de la Société Asiatique de Calcutta (2) , celle
que M. Langlès ( dont je me rappelle avec reconnais-
sance les savantes et utiles leçons ) a insérée dans son
édition de Norden ( 3 ) , enfin celle qu ont préférée
les rédacteurs de la Description de F Egypte ( 4 ) « j'^
adopté en partie la méthode de M. Langlès. Il parait
utile de présenter ici le tableau des lettres arabes doot
l'alphabet latin ne peut exprimer la valeur par un seul
élément; ce tableau fera connaître en même tems la
méthode de transcription dont nous avons £ail usage«
(t) Simplification des Langues Orientales , ou méthode aou-
felle ei facile d'apprendre les langue^ Arabe , Persane ei
Turque , ayec des caractères européen^, — Paris , de l'Ia-
primftrie de la République, an III, ia-8^.
(2) Recherches Asiatiques ^ ou Mémoires de ta Société établie
au Bengale pour/aire des recherches sur Vhistoire, les antiquités^
les arts et les sciences de l'Asie ; traduction de Labaume* Faris^
Impr. Imp. , introd. tome I, pag. XXY et suivantes.
(S) Cet ouvrage contient de nombreuses et savantes rechercfaea
de M. Langlès , qui rectifient plusieurs observations de Norden«
(4) A la fin de TAvertusement qui accompagne la Préface
historique de M. FoubxeR| en tète du premier volume des plancher
d'Aatiquités.
I
(46)
Tir Valeur »^ .,
J\om et Manière
j^ représentation ^^
la Lettre arabe. Lettres latines. pronOUCer.
Tsa. Ts Le TH dur des Anglais.
HHa. . .^ . . • HH Du gozier, forumetu esffirée.
^^^ Kh Grasseyement palatale
^^^ Dz LeTH doux des Anglais.
^^^''» • • Sch CH Français.
-«»" A, I, O, OU . roj-elUs très^gutturaUss.
^hain GH. R grassexéeàlaprorençaU.
SSad. ..:..; SS S très-dur.
J>f*ad DH D très-dur,
Tha TH . T très-dur.
^^o, DH. D très^ur.
"^ H H doucement aspiré.
Les lettres de Talphabet arabe qai ne sont pas
comprises dans ce tableau , ont leur équivalent simple
dans des lettres latines.
Les mots et les passages grecs cités dans le cours
de nos recherches étant exprimés en caractères grecs,
nous n'avons aucune remarque à faire à ce sujet.
L'importance que présentent les mots et les citations
(
< 47 )
topteSy sur lesquels notre travail est fondé, nous ont
fait regarder comme très -avantageux de pouvoir les
donner avec les caractères originaux; et c'est en raison
de cette même importance qu'il nous a paru indis«
pensable de mettre tous les lecteurs à même de les
connaître. La langue copte ou égyptienne ëtant très-
peu cultivée , et ses élémens alphabétiques peu
répandus , nous avons cru utile de les présenter
ici dans Tordre et avec les noms adoptés par les
grammairiens.
Nous rappellerons à ce sujet que la langue copte est
réellement la langue égyptienne écrite avec les carac-
tères grecs , et nous ajouterons les remarques suivantes.
L'alphabet égyptien , proprement dit , se composait
de 20 signes ( i ).
On sait que les Égyptiens s'en servirent jusques à
fépoque où ils adoptèrent Falphabet grec. Des 24.
ëlémens qui composent celui-ci, 18 correspondaient
exactement à la valeur d'autant de lettres des Égyp-
tiens ; les six autres étaient étrangères à leur langue.
Toutes ayant été adoptées, Talphabet grec le fut
entièrement, et le nombre de ses signes resta fixé
à 24 ; mais comme ils étaient insufiBsans pour rendre
(i) Plutarque l'a dit expressément. Nous prouverons ailleurs
que co rapport de Plutarque est fidèle , et nous développorous plut
au long cette analyse de Talphabet copte.
( 48 )
qnelques inBexîons de la langue dès Égyptiens, ces
derniers conservèreot ceux de leurs signes alphabé-
tiques qui étaient destinés à exprimer ces inflexions
étrangères à la langue des Grecs. Ces signes étant au
nombre de sept, furent ajoutés à l'alphabet des Grecs,
et par-là Talpbabet copte fut composé de 3i lettres.
Cest dans cet état qu'il nous est parvenu ( i ) ; il se
compose donc ,
. I .^ De 1 8 signes grecs qui ont exactement remplacé
la valeur d'autant de signes égyptiens ;
z.^ De 6 signes grecs , entièrement nouveaux pour
les Égyptiens, qui ne les ont employés que dans les
mots grecs ou latins qui ont passé dans leur langue ;
3.® De 7 signes appartenans à l'ancien alphabet
égyptien (2) , et exprimant des sons étrangers à la
langue grecque.
Ces trois séries correspondent à Tétat actuel de
Talphabet copte. Nous nous sommes attachés à les
faire remarquer dans le tableau suivant ; et pour y
parvenir, nous avons indiqué les signes de la seconde
série
(i) Nous ne regardons pas comme une lettre le signe kT, xo, qui
n'est autre chose que le chiffre copte 6 , et qui a été mal-à-propo$
compris dans l'alphabet , puisque on ne le trouve comme lettre
dans aucun manuscrit copte.
(2) Nous reviendrons sur ce sujet dans nos recherches sur lee
écritures des Égjrptiens.
( 49 )
série par une f , ceux de la troisième par une * ; les
signes de la première ce sont précédés d'aucuae
marque particulière.
ALPHABET COPTE.
Figure. ■ Nom copte.
D &. . . .
t r r T-
t ^ ^...
Oc C • • •
t %•»•••
H K
9....
1 \ S. . . .
R K
«\ A« • • •
U ML jÙl
HK K..
t 2^v •
o 6..
H iT. . . .
-P p . . . .
es
Ht*. . .
9ST&. .
Us...
Hs...
£s...
O...
Hs...
Po...
Alpha
Vida .
GatJima
Dalda
TE* •
Zida •
Thida.
lauda.
Kahba
Laula.
Mi...
m...
Exi • •
C/, • m.»
Pi...
Ro . • •
yàleur.
: A.
. B. V.
. G.
. D.
. E. Â bref.
. Z.
. /. Al, «le
. Th,
. J.
. K.
. M.
N.
X.
O bref»
P.
A.
(50)
Figure, Nom copte. Valeur,
C C. . . . Csw5^. . . . Sima , , , S.
*r T T TfcY Bau T. D.
t T r -TS Tt Vt U.
^4>.... 'Ï>S PJU.,,.* PH.
«X> jK • • • ^^ •••••• Ch • • • » • CH»
t ^ '^l Epsi PS.
UlaT.., UI Ô long.
* W Sï- • • W^^ • • • • ^^^^* • • • ®^^ allemanch
* ^ q.... ^u Fei F.
* t> i> 3 t>tî Khei ... Kh.
* &^ 8op\ Hori.... H.
* X îjfi . . . 2Cs.n>css . Sjansjia . SJ.
* o.... 0\tM>.... Scima. . . S fort
* i^i:-.. i^s JD^i: Di,etTî.
Telles soDt les notions que nous avons cru devoir
réunir ici sur le plan et le but de cet ouvrage. Noug
les regardons comme suffisantes pour en faciliter la
lecture. Ces notions offriront encore un avantage dt
plus , si elles contribuent à répandre le goût de la
langue égyptienne , en excitant le z^èle de quelque
philologue , et en rengageant à diriger ses travu ^
vers Tétude d'une langue qui doit conduire à la
^coQoaissaaae des antiquités littéraires de TÉgypti.
•m^'mtmmmÊ^tmmmm^-^am
CHAPITRE PREMIER.
jDe V Egypte et de ses dwisions naturelles
et politiques.
J.J01
►RSQU^DK veut porter ses recherches sur les tems
passés, les difficultés s'accroissent en raison directe
de la distance qni nous sépare des anciennes époques
historiques. Elles augmentent sur -tout, quand le
peuple que Ton veut étudier, séparé de nous par un
grand nombre de siècles , ne nous est connu que par
les rapports des nations étrangères/ On ne saurait
donc, sans avoir de nombreux obstacles à surmonter ,
présenter un tableau fidèle du pays qu'habita ce même
peuple. Lia contrée célèbre dont nous essayons ici de
retracer l'ancien état, l'Egypte, en changeant continuel-
lement de maîtres , essuya de longues et de funestes
révolutions. Tantôt soumise à un conquérant, elle fut
réunie à son empire ; tantôt courbée sous un joug
étranger, elle semblait cependant renaître, et formait
un Etat indépendant. Il n'est donc point étonnant que
ce pays soit aujourd'hui si différent de ce qu'il était
lorsque des hommes parvenus à un très- haut degr^
de civiiisatioa , «econdaient de tpiy jeurs cfforU la
(Sa)
nAture dëjà si puissante dans cette terre fayorisée di
ciel. Les périodes de malheurs quelle a parcourues,
ont changé la plus grande parlie de son territoire
en un vaste désert, qui accuse hautement Tavarice
de ses maîtres. Le peuple qui Fhabita dans les tems
de sa prospérité , a laissé sur les rivages du Nil des
traces immortelles de son existence ; ides hommes
abrutis et dégénérés foulent aujourd'hui à leurs pieds
les ruines magnifiques des monumens qu'élevèrent
autrefois ceux qu'ils osent appeler leurs ancêtres.
L'Egypte des Turcs est bien loin de ressembler à
rÉgjpte des Pharaons. C'est sa description sous ces
rois puissans que nous allons présenter ici.
L'Egypte est, à proprement parler, une longue
vallée qui , du midi au nord, en suivant le cours du Nil»
s'étend dans l'espace de plus de six degrés. A f is^"^
nord de cette vallée, le pays s'élargit et donne passage
aux différentes branches entre lesquelles le fleuve so
divise pour se rendre dans la mer ; ce qui ajoute *
l'étendue de l'Egypte un degré et demi en latitude.
Les bornes précises de cette contrée sont extrê-
mement difficiles à assigner , parce qu'elles ont van»
presque à chaque époque de son histoire. Cependao*
il en est d'immuables que la nature a placées elle-i
même pour séparer ce pays fertile des déserts slénles
qui l'entourent presque de toutes parts. On voit ea
efiet au midi les cataractes , chutes du Nil très-p^'*
considérables qui sont entre la ville de Syènc et Ui*
( 55 )
de Phîlae , au 24«* degrë 5i minutes ^ secondes de
latitude. Au nord se trouve la mer Méditerranée, qui
baigne leâ côtes de TEgypte et reçoit les eaux du Nil
par Bopt embouchures. Une chaîne de montagnes la
sépare , à Toccident , des sables de la Lybie ( c ) , et
a reçu de sa position le nom de Chaîne Lybique. Enfia
la chaîne Arabique, parallèle à la précédente, borne
VÉgypte Vfers Vorient.
Mais ces limites naturelles de TÉgypte n'en ont
point été constamment les limites politiques. L'am-
bition des peuples voisins a pu les resserrer , comaie
l'ardeur guerrière de quelques rois égyptiens put , dès
les tems les plus anciens, les étendre au loin. C'est ce
que divers auteurs ont consigné dans leurs écrits.
Ammien Marcellln nous apprend que dans les pre-
miers tems , c'est-à-dire avant que les Perses, les
Grecs et les Romains eussent conquis TÉgypte , co
royaume était divisé en trois provinces principales ,
^Egypte proprement dite, la Thébaïde, et la fybie (2). ^
Manéthôn , prêtre égyptien de Sebennytus , qui , sous
Ptolémée Philadelphe , a écrit l'histoire des anciens
rois de son pays , assure que la Lybie fut soumise aux
(i) Dîodore de Sicile, liv. I, page 26.
(2) Très provincias AEgj^ptus fertur habuisse temporibui
prisds, jlEgjrptumipsam^etThebaidem^ etLjbiam* Ammîea
MarseUiii, Uv. XXII.
r
( 54 )
Égyptiens dèft la plus haute antiquité. Il rappelle ( i )
une révolte des Lybiens contre le pharaon Nekhé-
rophès , premier roi de la troisième dynastie égyp-*
tienne ^ et chef de la première famille memphite qui
monta sur le trône d'Egypte. Ce prince, selon le calcul
de Manéthon , commença de régner 5i52 ans avant
Tère vulgaire : sans discuter ici cette époque, il résulte
cependant du rapport de cet historien , que dès Torî-i
gine même de la monarchie égyptienne , la Lybie était
sous la domination des rois d'Egypte. Mais le nom de
Lybie ne doit point être pris ici dans son accçptioa
ordinaire , et il ne faut pas croire que tout ce que les
anciens ont connu soys ce nom , appartînt autrefois
à rÉgypte. Par la Lybie égyptienne , nous devons
iseulement entendre tout le pays qui s'étend depuis
rEgypte proprement dite, jusques à Siouah ou 5a/i*
taryah, et aux Ouahhat ou Oasis, peut-être même à
^udgèlah. On voit en effet . dans les écrivains de
l'antiquité , que les Oasis faisaient partie de l'Empire
égyptien ; les ruines égyptiennes que les voyageurs
modernes y ont trouvées, principalement à Siouah (2),
ne laissent aucun doute à cet égard.
Outre cette partie de la Lybie, l'Egypte commandait
encore aux peuplades errantes dans le territoire situé
( I ) Manetho apud Eusebium.
(a) Horuemann, Foyage dans tJJriquc septentrionale,
•hap, !.«', scct 5.
(55)
entre le Nil et la mer Rouge ; et dans les terni de sa
splendeur , c'est-à-dire sous les règnes de Sésookhris
et de Séthosis-Ramessès , plus connus sous les noms
d'Osymandias et de Sésostris , des contrées lointaines
dépendirent de l'Egypte, et plusieurs peuples vaincus
reconnurent Tautorité de ces souverains victorieux*
Mais cette puissance considérable et cette grande
étendue de domination furent bientôt anéanties. Oa
vit le sceptre faiblir dans les mains des descendans de
Séthosis, et bientôt leur pouvoir ne fut reconnu que
dans rÉgypte proprem>?nt dite. Nous ne nous occu«»
perons plus que des bornes et des divisions de cette
contrée.
Le nom d'égypte ne s'appliquait qu'au pays que
couvraient les eaux du Nil pendant son débordement.
Telle était Topinion des anciens Égyptiens, comme
le rapporte Strabon (i) : ils ne donnaient, dit-il, le
nom d'Egypte qu'à la contrée que le Nil arrosait dans
son cours , depuis les environs de Syène jusques à la
MédUerranée. Hérodote est encore plus précis à cet
égard; il raconte un fait qui vient à l'appui de ce que
nous venons d'avancer (2). Les habitans de Maréa et
à*Àpis, villes situées sur les frontières occidentales de
rÉgypte, du côté de la Lybie, et à peu de distance du
lieu où Alexandrie fut ensuite bâtie , étant gênés par
(i> tir. XVn , page 790.
>
V'
( 56 )
quelques usages religieux\établls psirml les Égyptiens ;
envoyèrent des députés à l'oracle diAmmon. Ils lui
représentèrent que leurs compatriotes, habitant hors
du Delta , et parlant une langue qui n'était pas celle
de rÉgypte (i), ils ne devaient point être considérés
comme égyptiens , et qu'en conséquence ils croyaient
pouvoir se dispenser de suivre les coutumes égyptiennes
quileur paraissaientpréjudiciables.Mais Ammon , moins
juste que politique , rejeta leur demande , et leur dit
expressément , « que tout le pays que le Nil couvrait
% dans ses débord emens ^ appartenait à F Egypte ; et
^ que tous ceux qui, habitant au-dessous de la i^illô
» d* Éléphantine ( située à l'extrémité méridionale de
D rÉgypte , vis-à-vis de Syène ) , butaient des eaux
% de ce^eui^f étaient égyptiens. »
En s'attachant à la lettre de ce passage , on croit
d'abord trouver l'oracle d'Ammon en défaut , en remarr
quant que les babitans de Maréa et d'Apis étaient trop
éloignés du Nil pour en boire les eaux et pour les voir
fertiliser leur territoire sablonneux. Mais en expliquant
cette réponse de l'oracle selon le sens que le dieu
égyptien lui donnait, il en résulte que, quoique lo
débordement du Nil n'arrivât peut-être point alors
( I ) Ils parlaient ridiome en usage dans la partie de la Ljbie *
dont ils étaient voisins ; cet idiome n*est autre chose que la
langue Berbère ^ encore existante dans ces cantons.
(57)
jusqu^aux environs d'Âpis et de Maréa, lears babiiaM
étaient cependant égyptiens , puisqu'ils en buvaient
les eaux , qui étaient conduites dans leur ville par le
meyen de canaux pendant le tems de la crue du fleuve,
et qu'ils les conservaient ensuite dans des citernes
pour toute Tannée. C'est ainsi qu Alexandrie , ville
voisine et située dans un territoire aussi aride que
celui d'Apis et de Maréa , était autrefois et est encore
de nos jours approvisionnée de toute Teau nécessaire
à la consommation de ses babitans. Alexandrie, qui
porta d'abord le nom de Rakoti, a toujours appartenu
à TÊgypte ; Tétendue de cette contrée est donc bien
indiquée par le Nil et son débordement.
Au midi , TÉgypte proprement dite commençait ,
selon Hérodote (i), aux Catadupes ou petite cataracte,
et à la ville d'Élépbantiue. Du tems de Strabon,
cette même petite cataracte marquait les frontières de
rÉtfaiopie et de TËgypte, au-dessus de Syène et d'Élé-
pbantine (2). Cependant l'île de Philae, k i5oo toises
au-dessus des petites chûtes du Nil ou des Catadupes,
est entièrement couverte de monumens égyptiens ;
son grand temple , précédé d'une longue colonnade ,
orné d'obélisques , sculpté et colorié avec soin , semble
prouver que cette île avait appartenu à l'Egypte : et
(i) Hérodote , liv. II, Ç. xvri.
(2) Strabon , liv. X VU , page 787 i Diodore de Sicile , Uv. I,
page 26.
1
( 58 )
qaoique des monumens dgyptiens^ aient été Tns par
divers voyageurs sur les bords du Nil , bien au-dessus
de Phiiae, nous croyons cependant que le dernier Hea
habité par des Égyptiens et leur appartenant entiè*
rement , fut , au sud , cette petite île qui bornait
l'Egypte de ce côté,
La Méditerranée baignait ses côtes , et la bornait
ainsi vers le septentrion. Toute la partie de la Lybie,
située à l'occident du Nil jusques aux Oasis, lui appar-
tenait aussi. Ce ne fut que sous les Ptoléxnëes que la
Cyrénaïque fut réunie à ce royaume ( i ) ; et lorsque
les Romains se furent rendus maîtres de l'Egypte, ils
la renfermèrent dans ses bornes primitives. A Touest,
elle était bornée par une montagne de pierre calcaire,
couverte de sabl^, et qui la séparait de la Lybie (2).
Vis-à-vis de cette dernière chaîne de montagnes, il
en existait une autre qui formait la limite naturelle de
ce pays du côté de l'orient. Au-delà de cette chaîne»
appelée Arabique pour la distinguer de la chaîne
Lyhique qui lui était opposée , se trouvaient des tribus
arabes qui obéissaient aux rois égyptiens. Elles habi-
taient, comme aujourd'hui, le terrein compris entre
rÉgypte £X la mer Rouge ou golfe Arabique.
Telles ont été les bornes politiques de l'Egypte.
(i) Straboa, liv. XVII, pag. 790 et 791*
(a) Hérodote I liv. 11^ S* ^i"*
^
< 59 y
Cependant la mer Rouge ne paraît pas arolr limité la
puissance égyptienne du côté de Torient.
Les Égyptiens nommaient cette mer c^iOU i^aj&pSs
Phiom anscharî, la mer de Schari ( 1 ). La signifi-
cation du mot anschari est fort douteuse. Jablonski
interprète cxjB^p^ , Schari ^ par Juncus, JonCj en se
fondant sur divers passages de Théophraste (2) et
de PKne (3) , dans lesquels ces naturalistes disent que
les Égyptiens donnaient le nom de Sari au papyrus
ou à un roseau qui croissait sur les rives du Nil;
mais ce mot se trouve employé dans le Deutéronome
copte (4 ) avec Tacception de Plaga^ Plaie ^ et il est
dérivé de la racine cxj^ps, schari , percuterCf frapper*
Dans aucun passage ce mot n'a la signification de
roseau , et Jablonski n'a d'autres preuves de Texac-^
titude de son interprétation que le nom de lom^Souh
(5), mer des Roseaux ^ que les Hébreux donnèrent au
golfe Arabique , et l'autorité d'Hésychius , selon lequel
les Égyptiens appelaient autrefois X(êJSa une espèce de
roseau de leur pays. Cependant si les Grecs avaient
(0 Psaume, cv, 5, 7.
(2) Histoire des Plantes, liv. IV, chap. ne.
(3) Uv. XIII, chap. 23.
(4) Deut XXV, 2.
(5) Le mot hébreu Iom^ Mer^ Eau^ n'est antre chose qtitt
l'égyptien ^OiUL , iom^ que les Hébreux adoptèrent arec une foula
d'antres mots pendant leur captivité en Egypte.
( 6o )
voulu orthographier le mot égyptien Ujsp^ , il n*est
pas douteux qu'ils n eussent employé le X à la place
du S. Il nous semble donc que le sens que Jablonskt
a donné au mot cxjsps ( i ) , n'est établi sur aucun
fondement solide, puisque, dans un manuscrit copte
de la Bibliothèque impériale , les mots coptes c^ioul
3\cgs.ps p Phiom anschari , sont interprétés par les
mote arabes Elbahhar-^el-Hhamir, c'est «^ à -dire, la
mer Rouge (2).
Quoi qu'il en soit, il nous semble démontré que
la mer Erythrée ne fut point la limite du territoire
habité par des hommes de nation égyptienne , et qui
parlaient la même langue que les citoyens de Tbèbes
et de Memphis. Le célèbre voyageur Carsten Niébuhr
nous en fournit une preuve non - équivoque. Dans un
voyage qu'il fit à Djabbel - Mousa , la montagne de
Moïse ou le mont Sinaï, il découvrit, à Toccident de
la vallée du Beni-Saûalha et à l'orient de la mer Rouge,
par conséquent dans l'Arabie, un monument très-
extraordinaire , unique même , et portant des marques
évidentes de son origine égyptienne* Au sommet d'une
montagne très -élevée, appelée par les tribus arabes
des environs, DjehbelelMokatteh^ la montagne Écrite f
il trouva les arrachemens d'un vaste bâtiment» On
remarquait dans son enceinte , et tout au tour, un
(î) Panthéon j4Egjpt.^ lib. IV, cap. i, pag, i5i et saq*
(2) Mss. copt t u.^ 66,
(6f )
grand nombre de pierres sépulchrales , de six à sept
pieds de longueur, couvertes d'hiéroglyphes égyptiens ,
aussi bien sculptés que ceux qu'on admire sur les
temples de la Thébaïde. Ces pierres sépulchrales sont
brisées pour la pluplart , mais plusieurs sont encore
debout et parfaitement conservées (i).
Ce cimetière, de la plus haute antiquité, démontre;
d*une manière péremptoire , que les Égyptiens s'éta-
blirent anciennement sur le rivage oriental du golfe
Arabique. Ce furent sans doute de puissantes consi-
dérations commerciales qui les engagèrent à se fixer
hors de leur patrie. L'époque de l'établissement de ces
colonies en Arable est très-ancienne; elle ne peut être
assignée. Les rois d'Egypte pensèrent de bonne heure
à s'emparer des côtes de la mer Rouge ; on croit que
ce fut Séthosis-Ramessès qui , le premier , fit avec
succès une invasion sur ces côtes. Ce prince monta
sur le trône , selon le Canon chronologique de Mané-
thon, environ 1409 ans avant Tère vulgaire. Il se peut
cependant qu'à des époques antérieures les Égyptiens
se soient établis sur les terres de TArabie voisines de
l'Egypte, c'est-à-dire entre le golfe de Suez et celui
d'Aïlah : il fallait que les avantages qu'on en retirait
fussent bien grands, pour qu'un peuple aussi attaché
à son pays que Tétait le peuple égyptien , se décidât à
( I ) Voyage en Arabie par Carsten Niébuhr » tomt L*'^^
page 189, édition d'Amsterdam, 1776, in-4^.
h
\ •
( 62 )
aÏÏer habf ter une terre étrangère. Les côtes de l'Egypte
depuis Parœtonium jusques bien au - delà du lac
$€rboni$, limites de l'Egypte du côté de la Syrie (i),
n'ofifraient qu'un bien petit nombre de ports commodes
çt sûrs (2) pour les navigateurs ; et le commerce des
Égyptiens, dont les principales branches les mettaieat
en rapport avec l'Arabie et l'Inde , leur rendant néces-
saire la fondation de villes maritimes sur les côtes
de la mer Rouge , leur intérêt put l'emporter sur
l'amour de leur pays , et les engager à se transporter
en famille hors de l'Egypte proprement dite, et jusque
vers les montagnes de l'Arabie. Ainsi l'Egypte eut des
possessions hors de son territoire.
Il est aisé de voir par tout ce que nous avons dit,
que l'Egypte avait en longueur une grande étendue, et
que sa largeur variait beaucoup. Sa longueur totale
s'étendait depuis la mer jusques aux terres des Éthio-
piens. Il en était encore ainsi du tems que ce royaume
était soumis aux Romains , comme on le voit dans
l'histoire manuscrite du martyre de saint Apa Tia
ou TU. On y trouve le texte entier d'un décret que
l'empereur Dioctétien envoya en Egypte , à Armenlus
son lieutenant , qui résidait à Rakoti , îllKOitM^C
KTtp&'KO^. On y observe que ce dernier Tayaut
( I ) Diodore, liv. I, page 26.
(2) Identj page 27.
(5) Hérodote, lib. II, §. cii.
n
(63)
comnniDÎqné à plusieurs personnages éminens, et à
mn grand nombre de soldats , « ce grand nombre de
9 soldats et le gouverneur Ârianus firent connaître
• redit (de l'Empereur ) dans toute l'Egypte , depuis la
m ville de RaJioti (Alexandrie) jusques dans le Maris
t»' Pinischti ( la grande Thëbaïde ) vers YÊthausch
( l'Ethiopie ) » : i^YCCUp È&OX Î^W i[:3ta\pB. ^-RpC
liTE^f^Kui î^asE onruRuj aÙLas^os «eu ^ps^TOC
nK5U)^ OjS C^Onrtt Èi^SE^^nrcy. Ainsi les Romains
avaient rendu à l'Egypte ses limites naturelles , telles
que nous les avons indiquées et qu'elles étaient dans les
premiers tems de l'existence politique de cet Empire*
Sous ses rois, l'Egypte proprement dite était divisée
en plusieurs parties distinctes, subdivisées elles-mêmes
en un grand nombre d'autres*
L'état des lieux la partage naturellement en deux
parties principales , qui sont la haute Egypte et la basse
Egypte. Le cours du Nil est la base de cette division.
Tant que ce fleuve , après avoir franchi les petites
cataractes, coule contenu dans son lit, l'Égvpte n^est
qu'une longue vallée d'une largeur peu considérable ;
mais lorsque arrivé près de la ville que les Grecs
appelaient Cercasore, il se divise en trois branches
principales pour se jeter dans la Méditerranée, cettd
division du fleuve marque les limites extrêmes de la
haute Egypte au nord , et les bornes de la bassô
( 64 )
ég;ypte au midi. Celle-ci s'ëlend depuis ce demie
point jusques à la mer. A ce même point les deu:
chaînes de montagnes , l'Arabique à l'orient et h
Lybique à l'occident , qui bordent les rives du Ni
dans toute la haute Egypte , changent aussi de direc-
tion. La chaîne Arabique tourne brusquement ai
Dord-est, et la chaîne Lybique au nord- ouest. L'uuc
va se terminer dans le voisinage de la mer Rouge, ei
l'autre dans les déserts de la Lybie , vers le nord-
ouest du lac Maréotis ; il en résulte un territoire
considérable renfermé entre ces deux chaînes de
montagnes et borné par l'Arabie Pétrée à l'est , par
la Lybie à l'ouest , et par la mer au nord : c'est ce
qu'on appelle la basse Egypte. La haute Egypte corn*
mence là où le Nil se divise en plusieurs branches;
elle s'étend jusques au-dessus des petites cataractes
auprès de Syène.
Sous les Grecs et sous les Romains , TÉgypte iiit
partagée en trois parties , le Delta ou la basse Egypte,
l'Egypte moyenne ou YHeptanomide , la Thébaïdc
ou la haute Egypte. Nous ignorons si cette divisioa
territoriale remonte aux tems des premiers Egyptiens;
le silence d'Hérodote ne permet pas de le croire (i).
Do
( I ) Les historiens arabes prétendent que Baidhar ou Baissùâ
donna rÉgjrpte à iqs fib, Cobth^ Ischmoun , Atrib , et Ssa. IJ eJ
fit quatre portions égales. Cobth eut la haute Égjrpte , do^jJ
( 65 )
Dès ces mêmes tems et sous les rois de race égjp^
tienae, l'Egypte fut partagée en ua grand nombre
de proviDces peu étendues , appelées Nomes, Viofioç ,
ou préfectures (i). Chaque nome tirait ordinairement
son nom de sa capitale , qui était la résidence d\m
Ifomartjue ou gouverneur dont l'autorité s'étendait
BUT tout le territoire qui formait l'arrondissement du
some , et sur les villes et villages qui y étaient situés.
Il entrait aussi dans les attributions du nomarque,
de lever les tribus imposés à la préfecture dont radmi*-
nistration lui était confiée ( 2 )•
Quelques auteurs ont cru que le mot Nojtito^ n'était
pas d'origine grecque, et que les géographes de cette
nation l'avaient tiré de la langue des Égyptiens , parmi
lesquels ils conjecturent qu'il si^m^àxiPréfecture^ ou le
territoire dépendant d'une ville. Cellarius , entr'autres ,
■ »
Assontoi jusques à la ville de Coptos ou Kefth. Il donna à Isch-
moun le reste de la haute Egypte jusques à MenoufoM Memphis^
•t la basse Egypte fut divisée également entre Atrib et Ssa. Ces
quatre princes firent bâtir chacun une yille de leur nom , connues
chez les Grecs sous ceux de Coptos^ HermopoUs {Magnay^
Athribis et Saîs. On les appelle encore aujourd'hui chez les
Arabes, Kefth^ Oschmounaïn , jiirib et Ssa. Mais ce rapport est
dénu^ de fondement , et n'est qu'une des rêveries nombreuses des
Arabes sur l'Egypte.
(i) Hérodote, liv. Il, 16^. — Plinius, likVy cap. g»
(2) Diodore de Sicile , liv. I> page. 5o^
f
(66)
est de cet avis ( i ) ; il se fonde sur le passage suivant
de Cyrille d'Alexandrie ( 2 ) : Ne^^ J'e ><€yilcu irtneft
«roiç rnif Aiywmm otxawrt y/s^pcu^ exaçn 'irohjç , xoi eu
vrepionuSeiT ca/lniÇy xoj at trr ca/lm 7u»fMu i « Nome signifie
9 chez les Égyptiens le territoire de chaque ville , sa
y banlieue et les villages qui en dépendent. »
Cellarius ajoute que les Grecs et les Latins adop-
tèrent ce mot qu'ils employèrent en parlant des
divisions territoriales et politiques de TÉgypte. Mais
ce passage de Cyrille ne donne que la définition da
mot Nofioç^ sans dire pour cela que ce mot appar<-
tenait à la langue égyptienne.
. Aucun autre mot égyptien approchant de Hofuç et
signiûant Préfecture , ne se trouve dans le Diction nairo
Copte imprimé , ni dans les nombreux Vocabulaires
égyptiens manuscrits, soit en dialecte memphitique,
8oit en dialecte thébain , que nous avons consultés.
Cependant comme on est bien loin de connaître tous
les mots qui composaient la langue des anciens Égyp-
tiens , et que le petit nombre de livres coptes qui
existent n'en contiennent qu'une partie , ce serait
peut-être hasarder une opinion difficile à justifier,
que d'avancer que le mot Uo/ioç était étranger à cette
langue. Mais ce qui semble prouver évidemment
(i) Geographiœ Antiquœ^ tom. II, lib. IV, 6 et 7*
(2) Cjrillus, inJEsaioff captif "SiX^,
M«
I
I
. I
( 67 )
contre Torigine égyptienne de ce mot ; c'est que dans
les livres écrits en langue égyptienne ou copte , et
par-tout où il est question des Préfectures^ on trouve
le mot Ttecitaj, Fthôsch^ ouTTWOÔj, Pihosch, comme
Dous Tavons fait voir dans llntroduction , où nous
avons cité plusieurs exemples à Tappui de cette
opinion. Nous ajouterons ici que Diodore de Sicile dit
expressément que le mot Uo/ioç est grec : « L'Egypte ,
dit-il , fut divisée en plusieurs parties , w txaq^v xoCJcl '
W ûO^uxw J'tdLKsxHof ovofÂO^élcu No/too* , dont chacune '
est appelée en langue grecque Nome. » ( i ) U faut
nécessairement conclure de ce passage de Diodore^
que ce mot n'est pas égyptien.
Le père Bonjour a cru que le synonyme égyptiea
du grec iJo/Aoç était UEtycgO^, Meschschoti (2); il
a remarqué plusieurs morceaux coptes où on lisait
U&pHC , et il les a traduits ainsi : Les Préfectures de
t Egypte f les Préfectures de la Théhaïde. Mais cette
traduction ne nous paraît pas exacte ; car MEOjtu^ ^
Mtschôt (3), ou JULEojcgan:, Meschschôt (4) aa
(0 liv. I, eSi Hanoviœ, Wechol , i6o4 , in-f*.
(2) Episiola sjrstiaca , MonumerUa coptica biblioth. Fatic, V
page la.
(3) Joël, n, 3.
(4)Geaè««,U9a.
(68)
singulier; et Utajaja\^ , Meschschôtif ou t5tcy-
UjO^ I Meschschoti (i ) au pluriel, signiEeut "JCiJ^tovy
'TCeJ'ioLj Champ f les Champs, et non pas Préfecture ;
par conséquent , le père Bonjour aurait traduit litté-
ralement s'il avait écrit : Les Campagnes de t Egypte,
les Campagnes de la Thébaïde. Ce sentiment du père
Bonjour ne prouve donc rien contre le passage de
Diodore et contre notre opinion. A l'appui de Tun et
de l'autre , nous citerons la phrase suivante extraite
d'un manuscrit copte (2 ) qui contient le martyre du
|eune saint ^ITB> ^110T& , ou Anabis (3). Vers le
commencement on lit : Uei^ei^Cb^ s^m ::^e ItEOYOtt
itçtxso) tvsjufEcyO^ : « Il existait un homme aimant
x> Dieu , la Charité et l'Église , dans le village de
» Nai'si , Jdek iTBfWcg Kîutajoi[ , du nome de
» Meschoti. p U est évident que le mot x^EiyO^ ,
Meschoti, ou AfEcxjojO^, Meschschoti, au lieu de
désigner les nomes de l'Egypte en général, comme Ta
entendu le père Bonjour, est lui-même le nom propre
de l'un d'entr'eux* Ainsi donc tout se réunit pour
(1) Pseaume LXIV, n.
(2) 'Ms%. copte, n.^66| in-£^» fond duYaticaiu
(5) Pag« 253 du Mm*
(69)
prouver que TCUavaj, Piôsch^ étaît chez les Egyptiens
le synonyme du grec ' Ho/aoç ^ et des mots français
préfecture et département.
Le nombre de ceux de TÉgypte varia à diverses
époques, et au gré des souverains qui en furent
successivement les maîtres. Il n'est pas étonnant que»
durant le grand espace de tems que les hahitans do
ce pays restèrent réunis en corps de nation sous le
grand nombre de rois qui les gouvernèrent , et pendant
les révolutions successives qu'il éprouva , des villes
qui furent célèbres dès les premières époques de
l'Empire égyptien , aient déchu de leur splendeur et
même disparu , tandis que des cités nouvelles s'éle-
vaient pour fleurir à leur tour, et que d'autres qui;
dans la haute antiquité , n'étaient que des lieux peu
importans , s'agrandissaient en raison de la nombreuse
population que diverses circonstances y attiraient. Oa
vit sous les Grecs et sous les Romains , Rakoti et Bisa
qui, pendant Texistence des dynasties égyptiennes,
étaient des villes presque ignorées , devenir des cités
populeuses et des capitales de provinces « lorsque
Alexandre-le-Grand eut donné son nom à la première;
en triplant son enceinte, et qu'Hadri^ eut en quelque
sorte consacré la seconde à Antinous.
Des circonstances non moins impérieuses, et qui
purent se renouveler plusieurs fois, apportèrent des
changemens successifs à la division administrative ou
(7o)
militaire de l'Egypte. Quoique nous n'ayons sur les
plus anciennes aucun rapport spécial, il est cependant
certain que sous les Pharaons, ces divisions territo-
riales avaient été réglées par un acte du souverain.
Selon Diodore de Sicile (i) , ce fut Séthosis-
Eamessès (2) , fils d'Aménophis III , qui partagea
l'Egypte en préfectures. Ce grand prince ayant suc-
cédé à son père, voulut étendre sa domination sur
les peuples de l'Asie et de l'Afrique.
L'exécution de ses vastes projets nécessitait une
longue absence. Séthosis désirait faire jouir ses peuples
d'une sage administration et des bienfaits d'une paix
profonde , tandis qu'au milieu du fracas des armes
îl conduirait ses soldats à la victoire. A cet effet, il
divisa sori royaume, ou plutôt l'Egypte proprement
dite, en trente-six parties (3) qui étaient peu étendues;
afin que le gouverneur de chacune de ces provinces
veillât plus directement à l'exécution des lois.
(i) Diodore de Sicile , liv. I, page 5o.
(a) Diodore le nomme SésoosiSt et Hérodote, Sésostris.
(3) Diodore de Sicile, liv. 1, 5o. Diodore ajoute que les Égyptiens
appelaient ces divisions Nomes, Nous rappellerons que Diodore
dit plus bas que ce mot est grec , et nous ajouterons que cet auteur
entend parler ici des Égyptiens de son tems, c'est-à-dire des Grecs
dÉgypte, dont le grec était la langue nationale. Ceci n'Ate donc
tien à la force des preuves par lesquelles nous avons établi plus
baut que le nom égyptien des divisions de TÉgypte était TT0OUI ,
Pihosch , qui se trouve daos les textes coptes de tous les siècles-
(70
D'après ce rapport de Diodore , Sdthosis-Ramessè»
serait Fauteur de la première division territoriale do
rÉgypte. Cependant il est bien difficile de croire que
durant le règne des dynasties royales qui précédèrent
celle dont Séthosis-Ramessès fut le chef» l'Egypte n'ait
point été divisée en provinces ou gouvernemens parti*
culiers ; il semble même , d'après Strabon , que cette
division en trente -six nomes remonte aux premiers
tems de la monarchie, et peut-être même jusques à
fépoque où TÉgypte était soumise au gouvernement
des prêtres. En effet , ce géographe rapporte que la
Labyrinthe avait autant de cours qu'il .y avait da
Bomes dans FÉgypte , et d'accord avec Diodore da
Sicile, il dit ensuite que le nombre des nomes était
de trente-six (i). Selon l'opinion des anciens auteurs
qui ont parlé du Labyrinthe, on pourrait présumer
que ce superbe palais avait été construit pour servir
de réunion aux députés des trente -six préfectures
de rÉgypte que les affaires générales de FEmpîre y
appelaient dans des circonstances mémorables ; et
pour donner à cette conjecture une apparence da
vérité, nous prouverons ailleurs que le Labyrinthe
était situé au centre de ces trente-six nomes, et qu'il
eo avait un égal nombre au nord et au midi. S'il en
était ainsi , il en résulterait nécessairement que la
(i) Straboa, Uv. XYU,
division de TÉgypte en trente-six nomes existait long-
teins ayant Sëthosis-Ramessès ou Sésostris, puisque,
selon le témoignage de Manéthon , ce fut Lamaris ou
LabariSf quatrième roi de la douzième dynastie, qui
fit édifier ce grand monument auquel il donna son
nom, et que ce Pharaon monta sur le ^ône plus de
1900 ans avant le règne de Séthosis (i). La division
de l'Egypte eu trente -six gouvernemens particuliers
peut donc être regardée comme une des institutions
qu'elle dut à la prévoyance de ses premiers rois.
Chacune des trois grandes divisions était subdivisée
en gouvernemens particuliers (2) : la Thébaïde ea
comprenait dix ; on en comptait seize dans TÉgypte
du milieu, qu'il ne faut pas confondre avec Thepta-
nomide des Grecs ; la basse Egypte en renfermait
dix (3). Chaque Gouvernement était divisé en Topar*
chies (4) ou sous - préfectures , et chacune d'elles
Tétait en communes rurales (5). En Egypte, comme
(i) La Description de VÉgjrpte publiée par Tordre de S. M»
1*Ekp£beur et Roi, fait connaiti^e des temples dont la cons-
truction est antérieure à celle du Labyrinthe selon Manéthoa.
On trouvera ci-après une dissertation dans laquelle nous avons
réuni tout ce qui est relatif à ce monument.
(2) Strabon, liv. XYH, 787.
(5) Ibidem,
(4) No/totpXof, Nomarchiej gouvernement d'un nome y et
(To^fltpXiîf, Toparchie^ gouvernement d'un lieu.
(5) Strabon, Uv. XYU, 787.
(73)
par-tont ailleurs , ces subdivisions avaient pour but de
faciliter Tadministration du pays et les opërations du '
gouvernement.
Parmi les nomes , quelques-uns étaient désignes
pour la résidence des militaires , qui étaient partagés
en deux classes, les Hermotybies et les Calasiries (i);
les premiers occupaient quatre nomes , et les seconds
douze ( 2 ). Mous donnerons ailleurs les noms de ces
nomes.
Nous ne présenterons point ici la nomenclature et
la situation des trente -six gouvernemens de TÉgypte
sous les Pharaons, parce que ce résultat doit naître
des discussions géographiques auxquelles nous nous
livrerons dans les divers chapitres de cet ouvrage,
et qu'a rendues nécessaires le silence des auteurs
sur les plus anciennes préfectures de l'Egypte et les
noms de leurs capitales. Sous le gouvernement des
Grecs et des Romains , le nombre des nomes s'accrut
et les divisions territoriales de TÉgypte éprouvèrent
plusieurs changemens. Dans les descriptions de cette
contrée , les géographes grecs et latins n'ont donné que
les noms des nomes qui existaient à l'époque où ils
écrivirent ; et quoique la nomenclature des trente -six
préfectures primitives ne soit point parvenue jusqu'à
^— — ^— ^i»^— ^— — III I « Il I il! Il M l ■ ■•
(i) Dans la partie de cet ouvrage relative à l'histoire de rÉgjrpte,
nous expliquerons les noms de ces deux classes de militaires»
(2) HéiodotOi liv. II j J. 164 et i65.
( 74 )
nous, nous pourrons peut-être en faire connaître les
chefs-lieux à mesure que nous traiterons de chacune
des trois grandes divisions de TÉgypte que nous avons
déjà indiquées , et qui feront le sujet d'autant de
chapitres.
CHAPITRE SECOND.
Des Noms de V Egypte.
L
ES ëcrivaids grecs , qui souvent sacrifièrent Texac-
tilude aa bon goût , et la pure vérité aux charmes
du style, corrompirent non - seulement les noms des
villes des contrées étrangères , mais encore les noms
propres des pays les plus célèbres ; souvent même , soit
manque de notions positives, soit esprit national, ils
les dérivèrent de leur propre langue, ou bien ils en
cherchèrent Torigine dans leurs traditions historiques «
et imitèrent en cela la faiblesse de plusieurs nations,
qui, aveuglées sur leur mérite et sur leur ancienneté »
eurent la prétention d'avoir été la souche primitive du
genre fanmain , et crurent que leurs ancêtres avaient
peuplé la terre ( i )• Mais lorsque leur histoire ne leur
fournissait point de héros dont le nom eût quelque
^■■— — ^— — ^— ^— i— ^^ 1 1 11 II I ■ ■ — ^^^— — — — ^1^^»^
(0 « Les Grecs cherchaient toujours l*ëtymoiogie des noms desf
peuples étrangers dans leur propre langue , et pour la trouver , ils
le plaisaient à altérer leurs noms , comme le remarquait Nicanor ,
cité par Etienne de Byzance , au mot Td^dXç. »..- Sainte-Croix,
Historiens d Alexandre»
(76)
analogie avec celui qu'ils donnaient à une contrée ,
leur imagination venait à leur secours ; alors le nom
du pays s'appliquait à un roi, et ils trouvaient faci-
lement le moyen de faire descendre ce personnage
fictif d'un monarque réel , en rattachant sa généalogie
à quelque tige antique et fameuse. Nous aurons occa-
sion dans le cours de nos recherches, de présenter
de nombreux exemples de ces fraudes historiques et
des prétentions exagérées des Grecs. Le nom qu'ils
donnèrent à l'Egypte doit être rangé dans cette série.
Les Grecs appellèrent l'Egypte luyuifloç^ et c'est de
ce mot que se {oxvoaL V ALgypius des latins, d'où est
dérivé notre Egypte. Ce nom grec fîit employé gëné-
iralement partons les anciens auteurs européens, pour
désigner cette belle partie de l'Afrique. Les écrivains
latins qui prirent en tout les Grecs pour modèles,
l'adoptèrent dans leurs écrits , d'où il est parvenu
jusques à nous sans avoir souffert aucune altération
notable , autre que celles qu'exigeait la grammaire de
ces diverses langues.
Les écrivains grecs les plus anciens l'ont adopté
pour désigner la terre qu'arrose le Nil. Homère, le
prince des poètes ,. l'a consigné dans ses vers immor-
tels, et tous les auteurs qui Tout suivi l'ont employé à
son exemple : plusieurs d'entr'euz ont voulu Jli^aire
connaître l'origine.
( 77 )
Selon Etienne de Byzance ( i ) , TÉgypte tira son
nom SMgyptuSt Aryyi^Qç , fils de Bélus , qui régna
quarante -trois ans, et de Aéria ou Potamitis. Mais
il laisse ignorer dans quel pays régna ce rai Bélus : U
est probabie que ce fut en Egypte* Cependant les
chronologistes grecs qui ont traité de l'histoire de
cette contrée , ne comptent point Bélus au nombre de
ses rois. On ne connaît de ce nom qu'un des premiers
isooarques de Babylone«
D'autres ont cm qii'JEgyptus était fils de Bélus et
de Sida ( 2 ). Enfin , la plupart des géographes et
des historiens grecs ont dérivé le nom de i'Égypte
d'Ai)M7o;, frère de Danaûs et roi d'Egypte.
Les poètes et les tragiques ont célébré la cause de
la désunion de ces deux frères , et Ton connaît par
eux l'attentat commis par les cinquante Danaïdes sur
les cinquante fils à'JEgyptus leurs maris. Danaiis, qui
leur avait conseillé ce forfait , fut contraint d'aban*
donaer l'Egypte avec ses filles. Il erra long-tems
dans la Grèce , et arriva enfin à Argos ou habitaient
alors les Pélasges. Eschylle , dans sa tragédie des Sup^
pUanies, prétend que les Danaïdes n'égorgèrent point
1^ fils ^Mgyptus, mais qu'elles fuyaient seulement de
^'Egypte avec leur père , pour ne point être forcées do
(0 Stephanus Byzantinus, Liher de Urbibus et Populis*
(^) Geoiig. Cedreaus, histor. compend. , page ai.
(7»)
les recevoir pour époux ( i ). Pelasgus, roî d'Argos,
donna rhospilalité à cette famille infortunée. Selon
Euripide , Danaiis , devenu roi par la sui^e , donna
son nom à ses peuples ( 2 ) , en même tems que les
Égyptiens prirent celui de leur roi Mgypius.
Les Canons chronologiques des princes qui ont
occupé le trône d'Egypte , ne présentent point de
monarque qui ait porté le nom à'Mgyptus; ce nom
et celui de Danaiis paraissent être des noms grecs
plutôt que des noms égyptiens. Cest ce que Manéthoa
nous fait entendre en quelque sorte , lorsqu'il dit (3)
qu' Armais et Séthosis sont ceux que les Grecs appel-
lèrent Danaiis et Mgyptus. La cause de la haine des
deux frères n'est pas la même dans Thistorien égyptien
que dans les poètes grecs. Selon Manélhon , Séthosis-
Ramessès , fils d'Amenophis III , roi d'Egypte de la
(i) Eschylle, Les Suppîianies^ scène !.•»•, vers lo*.
(i) A»«>c itarrouircoL Jfiyxrefmp «a7>ip
E?\!)t$9 €tç Apyoç ) ûiZWi» haXo^ 'sroXiP »
TUXeuryiùilaO' JV ovofieurfA&ùoç 7o "JiCAf
« Danaùs , le père de cinquante fiUes, étant arrive à Argos^
^ habita la ville dlnachus , et ordonna que ceux qui auparavant
3^ étaient appelés Pélasges , porteraient désormais le nom do
» Danaens. )^ Euripide in Archelao. Plusieurs manuscrits porleot
au second vers ShxACr&f {bâtit), mais il faut lire : Shon^t», habita*
(5) Manetho, apud. Joseph, conU Appion^i liv. I| §. i5.
(79)
dlt-iieuTièine dynastie, partant pour des expéditions
lointaines, confia à son frère Armais le soin de gou^
yerner TEgypte pendant son absence. Mais lorsque
Séthosis , éloigné du royaume par le cours <le se3
TÎctoires, ne put plus surveiller la conduite d'Armaïs^
ce prince ingrat et féroce tyrannisa l'Egypte , et
conçut le projet de. ravir la couronne à son frère«
Séthosis -Ramessès , instruit de ses malversations et
de ses coupables desseins , se hâta de retourner en
Egypte , conjura Torage élevé contre lui et échappa
aux embûches que lui tendait son frère. Armais se
vit contraint à fuir une terre qu'il avait souillée par
•es crimes , et voulant échapper à la juste colère du
monarque irrité, il quitta sa patrie et alla chercher
M asile chez des peuples étrangers.
Ce fut chez les Grecs qu'Armais , qui prît alors le
nom de Danaiis , vint chercher un asile. L'époque de
l'arrivée de Danaus à Argos étant celle du règne de
Séthosis en Egypte , le rapport de Manéthon prend de
ce fait une grande apparence de vérité. Mais soit que
Danaiis eût caché politiquement aux Grecs la cause
de sa sortie de TÉgypte , soit qu'ils en eussent perdu
le souvenir, ils imaginèrent la fable de ses cinquante
&lles , qu'ils placèrent ensuite dans les enfers pour
effrayer les épouses coupables.
Mais est-ce avec raison que les Grecs donnèrent k
Séthosis^Ramessès le nom d'^gyptus? ou bien u'est«ce
qu'une suite de leur ignorance des événemens de la
TÎe de Danaus ? Ceci semble plus probable ; et il est
naturel de penser que les Grecs De conoaissaDt point le
nom du roi d'Egypte qui avait chasse Danaiis de sa
patrie, ils lui donnèrent celui du pays qu'il gouvernait,
et que dans la suite ils crurent que son royaume avait
pris de lui le nom d'Aiyj^loç. En admettant cette
conjecture , il nous reste encore à trouver Torigine dé
ce nom.
Le lexicographe Hésychius semble nous dévoiler la
cause qui fit donner à ce pays le nom d^Aty^afloç.
Il dit (i) : ÀtyvntrJoç^ o NaXoç o iorolùL/ioç. A^* ^ xam
X^if&^ ^wTû Icàf pmliçyp Ajyontrioç cx^ndif. « ^GTPTUSj
» le Nil , fleuve. C'est de lui qu'on a récemment
» appelé Egypte la contrée qu'il arrose, n Homère,
que l'on peut regarder comme le plus ancien auteur
grec que nous possédions , ne parle en effet du Nil
que sous le nom d'Ai^u^oç* ( a )• C'est pour avoir
négligé cette observation que l'on a mal interpre'té
quelques passages d'Homère , et qu'on en a tiré de
fausses conséquences. Au reste, il est reconnu de
toute l'antiquité qu'Ai^^u^oç* fut le nom du Nil (3)*
L'Egypte n'est pas l'unique exemple chez les
Grecs ,
4f
(i) Lexîxon Hesjchîi, verb. Aij/W7r7o^.
(2) Homère , passïm.
(5) Stephanus Bjiantinuj. Aij/U.ar7oç- xsu y/ùÇp^ YM 'JTolcKfloç.
(8i)
Grecs , du nom d'un fleuve donne au pays ^uHl irêii
verse dans son cours. Cest ainsi que le vaste continent
de rinde reçut son nom de V Indus > fleuve qui baigna
sa partie occidentale.
Plusieurs auteurs modernes ont voulu donner Téty-*'
mologie du mot Kiyotaflor^ ils se sont pour la plupart
abandonnés à leur imagination. Il fallait d'abord
décider si ce mot était égyptien ou grec , question
très- difficile à résoudre ; d^où il est résulté que les
uns ont considéré ce mot comme appartenant à la
langue grecque , tandis que d'autres l'ont dérivé do
Tëgyptien. .
Parmi les premiers, il en est qui ont cru qull
signifiait le Pays de Coptos ^ par la raison que
cua, est employé souvent par les Grecs à la place da
yoML ou yn^ terre ( i ) , et que de yu/a1o^ Gyptos^ on
peut facilement former Copias ^ Ktyj^oç (2). Ett
accordant même que cette étymologie forcée fût
admissible , il nous semble qu'on peut lui opposer
des considérations qui la détruisent.
Premièrement, puisque le nom A'Ktyvrc/\o^ appar«
tenait primitivement au Nil (3) et que, par une espèce
d'abus , il fut ensuite donné à l'Egypte , on ne peut
(i) On a aussi dërivë AfyjftB^o^ d« eux^ terre ^ et de yU^QÇ^
Copte y c'est-à-dire, la ierre des Coptes,
(2) V^eUs, Geogr. ofthe Old Test., vol 0, pag. 5»
(3) HesjchiiVf loco çUato.
(8a)
donc point Finterpréter par terre de Coptôs, parce
que le nom de terre ne convieot nullement à un fleuve.
]^n second lieu , Coptoa ëtait une ville de la haute
Thébaïde , et son nom fut par conséquent connu
fort tard parmi les Grecs ; car les hommes de cette
nation qui voyagèrent en Egypte dans les premiers
tems, ne pénétrèrent pour la plupart que jusques à
Memphis, c'est-à-dire, près de cent lieues au-dessous
de Côptos. ]£nfin , si les Grecs eussent voulu dériver
le nom de TÉgypte de celui d'une ville de cette
contrée célèbre , il est hors de doute qu'ils auraient
choisi une de celles de la basse Egypte , dont les
noms leur étaient plus familiers , ou bien celui de
la grande Thèbes aux cent portes , déjà célèbre chez
les Grecs , du tems même d'Homère.
D'autres auteurs pensent que les Grecs voulant faire
allusion au teint basané des habitens de TÉgypte,
avaient donné à ce royaume le nom d'Aiyvimlotr^ dérivé
aelon eux; d'A/yi^artoç^ espèce de vautour de couleur
noirâtre. Cette singulière étymologie ne mérite point
la peine d'être réfutée ; nous observerons seulement
qu elle ne rend pas compte du 7 qui est radical dans
le mot AjyjitBlocr (i).
r- -
(i) Les Grecs ont formé de ce nom le verbe Ai^t«87ict&if,'
égjrptiaiUser, c'est^^ire mal agir, agir avec fraude et perfidie.
Ils se sont fondés sur ce vers d'Eschyle , cité par Etienne de
fjrzance :
Awoi ^>£iuif roi iiyooufoç Aiywaflm.
Acre^ nectero machinas AEgjptU.
(«3)
Tontes ces étymologies sont d'autant moins satisfaî-
santés , qu on a toujours donné au mot A$yuna1o(r un
sens plus en rapport avec le pays lui-même ou ses
habitans , qu'avec le fleuve du Nil auquel il appar-*
tenait d'abord originairement.
Quelques philologues se sont donné plus de lati-
tude dans leurs recherches, et sans se borner au
grec ou à Tégyptien , quoique le mot doive appartenir
nécessairement à Tune de ces , deux langues , ils
se sont servis d'idiomes étrangers à ces deux nations.
Nous en citerons seulement deux exemples. Le
célèbre Court-de-Gebelin , dont malheureusement la
vaste érudition fut maîtrisée par un esprit trop porté
aux idées systématiques , croyait qu'Aryu4s^07^ ( i )
était formé de oMt, mot grec qui, selon lui, veut dire
eau, et de la racine orientale cup ou copi (2), qui
signifiait noire , d'où quelques auteurs ont cru que
Ai)^Mi7oa signifiait pays coui^ert il eaux noirâtres. La
réunion de deux mots pris dans deux langues diflPé-
rentes , suflBt seule pour ôter à cette étymologie touta
apparence de fondement.
Le Brigant, connu par ses recherches philolo^'
giqnes , avait une opinion singulière sur la formation
du nom grec de TÉgypte. Négligeant également les
(1) Dictionnaire étjrmotogique de la langue grecque^ page a55*
(2) N01U igaoront do quelle langue orientale U a tiré cett»
ndoe.
I
(84)
langues grecque et égyptienne , ce fut du has-hreton
qu'il dëriva le mot Aiyv^oç. Selon lui , les Grecs
n'ont composé ce mot qu'eu employant les radicaux
Écou ^ é " i^et 9 qui signifient ce qui est caché sous
les eaux. Certes, en admettant même que les Grecs
parlassent bas - breton , il y a loin à'Kiyyjfloç à
JÈ^cou'-é^i^et.
Lorsque l'Europe savante a eu quelques notions
de la langue copte, et qu'il a été reconnu qu'elle était
celle des anciens Égyptiens, corrompue par le mélange
-d'un nombre assez considérable de mots grecs , les
philologues ont cherché dans cette langue la signifi*-
•cattoD des noms des lieux et des divinités de l'Egypte.
Xe mot Aryonfloç n'a point été oublié dans ces recher*
tïhes. Paul Ernest Jablonski , à qui Veyssière-Lacrozs
«vait communiqué ses connaissances dans la langue
<:opte, se flatta de pouvoir, à l'aide d'un vocabulaire
peu nombreux de mots égyptiens , rétablir les noms
•des divinités égyptiennes dans leur vraie orthographe,
et d'en découvrir le sens jusques alors inconnu aux
savans et aux archéologues. Il a réussi quelquefois,
mais le plus souvent il a été égaré par son imagination ,
i|ui lui a fait regarder de simples conjectures comme
des faits incontestables. Il a même souvent altéra
l'orthographe des noms égyptiens rapportés par les
Grecs, pour les rapprocher de ses interprétations. Son
éty mologie à'Axyya^Qff^ tirée de la langue égyptienne i
;ra nous le prouver*
(85)
îl pense que c'est de Hs'^aTcl^Si^aj, Èichâphthasc^,
que les Grecs ont formé leur Aiyv^o$ (i). C'est un
mot composé par Jablonski des monosyllabes égyptiens
Hs , maison , demeure , ^CIT , mundana , et c^9Sa}
qu'il croit être le nom égyptien de Vulcain. Mais il nous
semble que pour avoir domus mundana Vulcanî ,
demeure terrestre de Vulcain^ il faudrait que les
articles précédassent les mots qui les exigent , et
quily eût TTSHS!3(cut^c()9&cy « Pièichôanphthasch , oix
tout au moins Hs!)(aThc|>0&ci} ^ Eischâanphthasch ;,
Tabsence de Tarticle K ou ix du génitif, ne permet de
donner aucun sens à ce mot composé par Jablonski*
Dans le Dictionnaire égyptien de Lacroze ( 2 ) «
les monosyllabes radicaux y.B, Cha, ÛCoi, Chô, sont
expliqués par ponere , dimittere , hahere , remittere ^
et non par mundanus ou mundana. D'ailleurs ce
mot n'est pas conforme aux règles de la langue
égyptienne , où un monosyllabe quelconque est
presque toujours un verbe ; et c'est de cette racine
^ue dérivent toutes ses acceptions lorsqu'elle est
modifiée , soit par des articles , soit par des parti*
cdes : les adjectifs se forment ordinairement par
(1) Jablonski , opuscula.
(2) Noas n'avons trouvé le mot ^CU avec la valeur de mun-^
ianus dans aucun des Vocabulaires memphîtiques ou thébaîn*
Joe nous avons compulsés & la Bibliothèque impériale^
(86)
râddition fie H ou jÙl , de VT ou t0. Ainsi , par
exemple, la racine égyptienne ^hrt signifie wir g
de là se forment avec Tarticle masculin singulier
ÎTÎ Je mot Tl!kK5.Y, la vision ^ l'action de voir,
et Padjectif t«î^^Y > voyant , celui qui voit. De
la racine 0Y2>& , être saint , se forme Tadjectif
WOVfcA^ saint. Enfin les mots «OyBl et Att^JHX,
or et fer , deviennent adjectifs par l'addition des
lettres i^ et Jt)L , i^noY&, Annouh, doré, et «.&£t^STISt
^mhénipi, ferré.
Diaprés ces principes granmiaticaux , il faudrait donc
que ^tU, pour signifier mundanus ou mundana, se
présentât sous la forme de E^P^at, h^CLt ou jUl^^cu,
en supposant encore que la racine se prêtât à donner
à cet adjectif Tacception de mundanus ; mais elle
BÎgniCè rigoureusement ponens, habens, dimittens ou
remit tens. Il se pourrait aussi que ce fût de la racine
^H (chi ou ché), esse, manere, que Jablonski se fut
servi pour donner à û^cLt la valeur de mundanus;
cependant ^K et ^cu sont des racines fort distinctes
par leur signification, et il ne pouvait, dans ce cas,
user de la règle de permutation des voyelles propre
à la langue copte : en outre , la forme était toujours
vicieuse.
Jablûnski s^est eSbrcé de prouver dans un long
C 87 )
Mémoire Imprimé en 1748 (i)f et faisant partie
de son Panthœon jUgyptiorum qui parut en 1750,
que le nom égyptien du dieu que les Grecs ont
orthographié 4>d'ât , s'écrivait en égyptien c^^&oj.
Il Va adopté en conséquence dans son étymologie
A'Atyrjfloç ^ Hs^aT(^95.aj. Nous ferons seulement
observer que dans le monument de Rosette , on Kt
plusieurs fois (2) nycMsnn/UPoa' u^ro rou ^d-a, le bien-
aimé de Phtha , titre honorifique donné à Ptolémée
Epiphane. Cette autorité suffit pour détruire les conjec-
tures de Jablonski , puisque ce mot est écrit ^Sra^ et
non ifB'ûiÇy comme il le faudrait pour rendre son étymo«
logie probable (3).
Le nom de Kobihi que les Arabes donnent bux
descendans des anciens Egyptiens , et que nous écri^-^
Toos Copte ou Cophte (4)f ressemble beaucoup à
hyuicroÇy Ai^gypt^os. Plusieurs philologues, frappés
de celte conformité , ont fait de grandes recherches
poor prouver que Tun était formé de Tautre. Cepen-
dant quelques auteurs leur ont donné une origine
(i) Mîsceîlanea Lipsiensia nova ad incrementum scien^
îiarum^ edente Frid, Otto Menckenio. Lipsiae, 1748 f voU 6,
pag. 236 et suiv.
(2) Lignes 4» 8 et 9 du texte grec
(5) Dans la partie de cet ouvrage où nous traiterons de la
théologie égyptienne , nous reviendrons sur cette ëtjrmologie do»
Jablonski.
(4) La Commission d'Egypte orthographie ce mot Kopte dans
la faction de son travail. M. Langlès l'écrit Qpbihe.
(«8)
difTërente. Nous allons examiner ces diverses opinions.
Les écrivains arabes prétendent que la nation des
Coptes est ainsi appelée de Kobth , fils de Messraïm
fils de Cbam, un des rois d'Egypte après le déluge.
D'autres historiens de la même nation croient que
Kobtb était fils de Baidher fils de Cham .fils de Noé;
et frère à*Aschmoun , d^Atrib et de Ssa. Après la mort
de leur père , chacun d'eux voulut lui succéder ( i ) ;
ne se trouvant point satisfait de la partie de l'Egypte
qu'il lui avait assignée , l'ayant également divisée
entr'eux ; il s'ensuivit un combat sanglant entre les
trois frères. Kobth resta victorieux , et régna sur toute
régypte, à laquelle il donna son nom (2). Cette tra^
dition s'accorde avec celle des Grecs , sur le roi
Afyt^TOÇ^ qui fit porter son nom à ses peuples.
Yansleb qui voyagea en Egypte en 1672 et iCyS;
ne balance point à adopter cette opinion dans sa
Relation de l'Egypte (S), et ne doute point que ca
ne soit par rapport à ce même roi Kobth que les
grecs donnèrent à son royaume le nom à'Atyrj^oç.
Mais cette tradition , dénuée de toute authenticité , ne
mérite aucune confiance.
•mm
(0 Voyez d«des$u$, ohap. i.^', note i/^ de la page 64.
(9) Taky-eddin^Ahhmed, suraommé Elmakryti, qui vivait
dam h XY,^ siècle de Tère vulgaire.
(5) Nouvelle relation de VÈgjrpte. Paris, 1677, pag. fi ^tfr
Il la raïQuvelle dans son Histoire de f Église d^Alesandrie qu'il
fviblis la inéma sniHIt.
(«9)
Tje câèbre Saumaise pensait (i) ^ue les Copttt
tiraient leur nom de la ville de Coptos , dans laquelle
ils soutinrent un long et malheureux siège contre
Vempereur Dioclétien. Mais ce qui semble détruire
cette opinion , c'est que le nom de Copte ou Kobthi
ne fut employé, pour désigner les Chrétiens d'Egypte ^
qu'après les conquêtes de ce pays par Âmrou-ben-
al-Ass, c'est-à-dire, long-tems après la mort de
Dioclétien. (2). D'ailleurs, ce nom de Copte ne s^ap-
pUquait pas uniquement aux Égyptiens d^ origine ^
mais encore à des Nubiens et à des Habbaschi on
Ethiopiens (3) , qui tous étaient chrétiens de la secte
des Jacobites. Ceci semble être en opposition avec le
sentiment de Saumaise.
Le père Dubemat (4) propose une autre origine
du nom des Coptes. Il croit qu'il vient du verbe grec
KqV7/» , couper , et que les Grecs donnèrent aux
Chrétiens d'Egypte le nom de Ko^oi^ coupés^ parce
qu'ils avaient l'usage de circoncire leurs enfans. Il
semble que le P. Dubernat a puisé la première idée
( I ) Salmassîî Epistolœ , page 100, etc. -« Kircher, Prod^omut
CopiicuSy page j. — - Tukî, page 3.
(2) Quatremëre, Recherches sur la langue et la littérature de
tÉgjrp^^^ pag* 29 et 3o.
(5) Renaudot , Historia Patriarcharum Alexandrinorum ,
pag. i65 et 164.
(4) Quatremère, Recherches sur la langue et la littérature de
fÊgjptfff page Si. •« Mémoires dea MUaioiUt tu, page iS.
/
(y> )
de son ^fymologîe dans le Traité disîs et d'Osirîs , oh
Plutarque dérive aussi le nom de la ville de Coptos
de Kyjflca^ parce qu'après la mort d'Osiris son époux,
tsis s'y coupa les cheveux. Mais il paraît que ce furent
les Arabes qui donnèrent les premiers le nom de
Kobthes aux Chrétiens de l'Egypte, appelés Jacobites
par les Gre^^s , à cause de leur hérésie. Ceci détruit
cette seconde hypothèse.
L'opinion la plus généralement adoptée par les
savans qui ont cultivé la langue copte (i)^, est telle
du savant Renaudot. Il pense (2) et cherche à prouver
que le mot Copte n'est qu'une corruption du mot
Aiyrfflaç^ égyptien. En remarquant les rapports qui
existent entre ces deux noms , et retranchant la
syllabe or (3) et o5 qui est simplement une désinence
grecque , on trouve Ttyji^. Ce mot ne diffère point
essentiellement de Copte, car Talphabet égyptien
n'ayant point la lettre F, que les Coptes remplacent
^r K, on trouve Ku7r7 dont les Arabes ont forçié
Kobth, par la raison qu'ils ne connaissent point Varti*
culation t» Pt et qu'ils lui substituent B ou F, comme
(0 Quatremère, Recherches sur la littérature Égxp^ienne$
page 5i.
(3) Si, à Texemple de Jablonski^ on dérivait tfl de Tëgyptieii
H S, demeure^ on pourrait expliquer alors ce nom d'Égjpte par
demeure des Coptes; mais cela n'est point probable.
(5) Renaudot, Liturgiarium orienUdium coUeciio , tOBM î**S
page cxiu.
( 90
dans Batoulmious, Afeltoun onjiflatoun, comiptioiit
des noms de Ptolémée et de Plaion. Si Ton adopté
cette étymologie du mot Copte 9 il faudra aussi adopter
les traditions des Grecs sur le roi Atyv^oç^ et celle
des Arabes sur Kobth , fils de Baïdher* Mais nous
devons présenter ici quelques observations sur l'opi*
nion de Fabbé Henaudot , qui est revêtue d'une appa-
rence de vérité et qui est appuyée du suffrage de
plusieurs savans r^commandables.
Pour que cette étymologie fdt adoptée , il serait
nécessaire de réfuter le témoignage formel d'Hésy-
chias, qui nous apprend que le nom d'Atyyj^oç appar-
tint d'abord au Nil , et que par suite on en fit celui de
l'Egypte. En second, lieu, le nom de Copte était donné
aux Chrétiens d'Egypte par les Arabes , et il par^
qu'il notait point en usage parmi les Coptes eux^
mêmes ; du moins nous ne l'avons point rencontré
dans les nombreux manuscrits égyptiens que nous
avons eu l'occasion de parcourir et d'extraire. Un seul
manuscrit thébain de la Bibliothèque impériale nous
offre des traces défigurées du nom grec Kry^oç dans
le mot RTinott (i). Mais il paraît même que l'auteur
de ce vocabulaire ne regardait point Kr^yjCroç , quHl
orthographie vicieusement, comme le nom propre de
Hgypte , et qu'il l'appliquait à Memphis , puisque
(0 Mm. copte-thébaioi ii«*'449 f.^8o, rectô.
il interprète ce mot grec par le copte UEd&E qui «
prononcé Memi/é, n'est aussi qn'une corruption du
nom égyptien UEÙ^q^ ou Usjù.qi^ Mamfi^ locus
bonus, nom de la seconde capitale de l'Empire égyp-
tien. Le mot arabe M ss R qui les suit et les explique
aussi, se prête lui-même à cette interprétation, car
si on le prononce Massr, il désignera la capitale do
rÉgypte, et si on met un iesra sous le mim, oa lira
Missr, t Egypte. Nous croyons toutefois que le nom
copte de Memphis, placé entre le mot grec et le mot
arabe, décide en faveur de notre conjecture.
Cependant on pourrait citer les noms éthiopiens
Oybzy etGybzaoui, Egypte et égyptien, pour soutenir
que Copte dérive d'Ajyv^T^ocr ; mais ces deux noms
peuvent avoir été formés de l'arabe Kobth , de même
que le nom éthiopien d'Alexandrie , Iskindiria, n'est
qu'une altération* de l'arabe hkanderiah.
Si cependant on croyait que le mot Copte dérive du
grec AjyiyreroÇy que celui-ci est d'origine égyptienne i
et que par conséquent il fut employé par les anciens
Égyptiens pour désigner leur patrie , nous pouvons
prouver d'une manière péremptoire que les Égyptiens
ne donnèrent jamais ce nom à leur pays. Nous invo^
querons à cet effet le témoignage de Plutarque, qui
nous apprend que les Egyptiens connurent l'Egypte
sous un nom différent d'AjynCroç ^ et ce même nom
donné par Plutarque est le seul par lequel TÉgypte
(93)
loit désignée dans toutes les versions égyptiennes de
Faocien et du nouveau Testament, et dans tous les
livres écrits en cette langue.
Mais avant que de présenter le véritable nom do
l'Egypte et sa signiBcation , nous croyons nécessaire
d^analyser plusieurs autres noms donnés à cette
contrée par les Grecs , les Phéniciens , les Hébreux ;
les Arabes et les anciens Persans.
Dans le grand nombre de noms , ou plutôt d'épi-^
tbètes par lesquelles les Grecs désignèrent l'Egypte , il
tn est plusieurs qui ont pris leur source dans les tra«
ditioDS grecques sur ce pays ; telles sont AsCm ( i ) et
"JCoroft/hç ^ ou ^olafjucL(2), dérivées, selon eux, du nom
de réponse de Bélus, père d'^Egyptus (3). On croit
cependant, et avec raison, que le nom de Potamia
lui fut donné à cause de son fleuve ( ^olofioç ) si
célèbre. On connut aussi l'Egypte sous le nom d'Âerio.
Etienne de Byzance dit que ce nom lui fut donné à
cause d'un indien appelé Aétos , xau Aina cbico nfoç nfj'w
AiTov. Cette explication ne mérite point la peine d^étre
^futée , et nous sommes persuadés que le nom â^A/luL
donné à l'Egypte dérive , comme Asy^oç^ de celui
(i) Stephanos Bjzantînus , de Urbibus et Popuîis*
(2) Eustathe ,« apud Dionjrsium Periegetem» Y^rs* dSj. mm
Stephaaui Byzaatiaus, loco citatQ^
Ci) Stephanos Bjzaatiau««
(94)
(Al VSl qui 9 selon Dîodore de Sicile (1)9 fut très*
•Dciennemeat appelé Adfoç^ Aigle, à cause de la
mpidîté de son cours.
Comme Thistoire de l'Egypte remontait à des siècles
làen antérieurs à celle des Grecs , et que ce pays est
wn des plus anciennement peuplés , ils le surnom*
nèrent aussi Qyiyui^^ c'est-à-dire, V antique. Ce
Bot est le féminin de Tadjectif O>y^ioç, ^gXff^^^f
fui est du tems ctOgygès. Il était employé par les
poètes grecs pour désigner une chose extrêmement
ancienne , qui remontait au siècle d'Ogygès t sous
lequel arriva le déluge qui porte son nom , et qui était
pour les Grecs Fépoque la plus reculée de leur histoire.
Us donnaient ainsi une haute idée de l'antiquité de
fÉgypte , en l'appelant Clyuyuu
Elle reçut aussi le surnom de H^a/ç^My la terre
iSHiphaistoSf le Vulcain des Romains. Le nom égyp^
tien de Dieu ^ Créateur était Phtha , que les Greci
prirent pour leur Hipeuç^o^, Héphaistos. Si ce même
«urnom grec fut traduit de l'égyptien , il dut être
synonyme de n&c^^ » Paphti , ou iT£^(^noY'i[ 9
Paphnouti (. 2 ) » et ces mots signifient celui qui
{i) Diodore do Sicile. Liv. I, page 17*
(2) Ce nom fut aussi porte par plusieurs saints coptes. C'est
û$ là qu'on a fait saint Paphnuce , Paphnutius. Dans )e martyrs
de Tabbé Panesnir, on parle d'un diacre appelé 1T£>1Tt^0nrTt|
PapmHtiép nom qui, en dialecte thébiin, répond au memplntiqu*
( 95 )
eppartîent à Dieu. Ils se mettent à la place de nsK&^i
îTOOT*^ , terre de Dieu , pays de Dieu , et de l^ipuimi
hnoT^, F homme de Dieu, en dialecte thébain l^KS;^
hnoYnx, T\pm»E 'rkotte (i).
Ce nom égyptien correspondait à notre adjectif
diHne, et FÉgypte pouvait porter ce nom, puisqu'il
semble que Dieu lui-même s'est plu à la combler de
toutes ses faveurs , et que c'est par un phénomène
admirable que le Nil la fertilise par ses débor-
demens périodiques. Sans la crue du .Nil . et sans le
Nil lui * même , ce pays si riche et si fertile ne serait
qu'un vaste désert de sables. Les Egyptiens recon-
naissans durent apprécier ce bienfait , le rapporter à
■ ■ I I ■■■■!■ Il I I ■ I ■■iiii I ■ im
^ïï &00V , Vabbà Papnouté , diacre de Pboou , monastèr»
feadë par saint Pakhôm. Le Mss. copte , it.® 69 du f^atican^
coaiieni le martyre de saint H&C^nOT^» Paphnouti.
(i) Homme de Dieu^ c'est une qualification qu'on rencontre
très*souvent dans les livres coptes pour dësignw un saint per«
tonoage. C'est ainsi , par exemple , que dans le 9.* fragment thëbaln
des manuscriU publiés par Mingarêlli, on lit : If ptXlJt»^ !^E
ÀlTfîlOnnt &T[&. nZ^^tlTU i.qji5.IC2.^ H^RT^tf*
n^tn& OJ^^pZ^S Ènitl^OTs « à cause de cela, Vhomme
f dû Dieu Apa Pahom ( Pakhôm en Memphitique ) fut attristé
fjusquBs à sa mort, t MingareUi, ptge ccxxxn
JDîea , sous le nom de Phtha » d'où les Grecs firent le
surnom Vlf^<u^kty en croyant que leur H^âuç^c était
le Pbtba de l'Egypte.
li est encore un autre surnom de TEgypte, et que
les Grecs peuvent avoir pris des Égyptiens eux-
nénies ; c'est celui d'Ep)Eeo%v;cio; ^ Hermochymios.
Thomas de Pinédo , dans ses Commentaires sur
Étieuue de Byzance ( i ), croit y reconnaître les noms
de Mercure et de Cham. Mais le mot Hermès étant
grec . ne doit point se rencontrer dans un mot égyp-
tien ; et comme il n'est pas sûr que les Égyptiens
aient connu le nom de Cham, fils de Noé, il faut voir
& sa place Chymi , nom égyptien de FÉgypte , le
OtKJUL^, Chimi des Coptes. Le mot entier E^XH^
se nous a présenté aucun sens.
'Mûsofi^okoo' fut aussi un nom que porta l'Egypte (2);
chez les Grecs, il désignait un pays dont les mottes de
terre sont noires. On verra plus bas que cette épithète
est la traduction exacte du véritable nom de TÉgypte.
Nous terminerons cette nomenclature des noms grecs
de cette contrée , en faisant observer qu Etienne
de Byzance prétend que les Phéniciens Tappe-
lèrent Muapùi^ Myara. Il ne serait pas surprenant
que
(i) Stephanus Byzanliaus, de Urbibus. Amsielodami^ 1678.
(9) Ibidem^ page 3S.
( 97 )
quft ce mot eUt été corrompu par les copistes i et qu'il
eut été primitivement orthographié Mu^gji ^ Âfysra f
le même que Missr^ nom que des peuples de POrient
donnaieDt autrefois et dennisnt encore à TÉgypte*
On remarque chez les Orientaux un usage qui
remonte aux tems les plus reculés : une nation donnait
rarement aux peuples voisins leur véritable nom ; elld
le tirait ordinairement de sa propre langue ou do
ses traditions. Cet usage subsiste encore aujourd'hui*
Les Persans , par exemple , appelaient les Tatars
TouranienSf parce que» selon leur histoire, Tour, fils
de Féridoun ou Trethnd, avait fait la conquête de la
Tartane, au-delà du fleuve Dgihoun ou TOxus, et les
avait soumis à son Empire.
Les Persans leur conservaient , à cause de cet évé^
nemeilt, le nom de Touraniens^ en donnant à leur
pays celui de Touran^ ou pays de Tour^ Les Arabes
reçurent aussi un nom particulier des anciens Persans;
ce iîit celui de Tatians^ parce qu'ils prétendaient que
les Arabes étaient issus de Taz et de sa sœur Tazé^
descendans du roi Kaiomortz. Les Arabes , à leur tour;
appellent aujourd'hui la Perse Adjem , tandis que sofi
véritable nom est Fars. Les Éthiopiens modernes sont
aussi connus , parmi les Arabes , sous une dénomi^
nation particulière ; ils les nomment ttabhàschi , et
leur pays Habbasch : ces mots arabes désignent un
mélange de diiferses nations ; et les Éthiopiens , tjui
( 98 )
i^appelleot entv^eii:x jlythiopaoui , les regardent comme
injurieux. Il paraît aussi que les Égyptiens suivirent
cet usage ; car ils appelaient VÈthiopie i^ttfôoa)^
IfesoQsch en dialecte thëbain , et nsE^JZ^nrcg , Nie--
thausch en memphitique (i), ou bien lTK5.^t^n5ooa} ,
Pkahannsoosch (2). Dans les Vocabulaires coptes,
rinde porte le nom de Cocl^sp ( 3 ) , qui paraît être
fo même que YOphir des Hébreux. On trouve aussi
dans ces mêmes lexiques le nom arabe Hind ( Tlnde )
sous la forme de li^Ei^TOY, P-hendoa (4) en copte-
^dbain ou Sâïdi, et IIx^iei^^oy, Pihendou (5) en
memphitique ou Bahhiri. Nous citerons encore le nom
de la. Nubie f qui est d'origine égyptienne, comme nous
le démontrerons dans la suite de cet ouvrage.
Cet usage de donner un nom spécial à des peuples
Voisins 9 est presque général sur la terre. Cette obser-
vation s'applique à l'Egypte, comme aux autres
* contrées dont nous venons de parler.
( I ) Pseaumo LXVII, 3 f .
(a) Mss. thébain, ii.<>449 f*^79 vers6, Bib. imp. , ancien fondé.
(S) Mss. copte, n.^ 17, supplénu » fonds da Saint • Germain,
(4) Mss. copte-thébain, Bib. imp., n.^ 4&
<S) Mis. c«pte, n.*i7 , Bib. imp. , suppl. Saint
^•pc\nf
(99)
Les Hëbreujt la connurent sous le nom de Messraïnt
on de Missraim f et les Arabes l'appellent encore
aujourd'hui Missr. Ces deux mots paraissent avoir la
même origine. IjOS Hébreux prétendent qu'elle reçut
ce nom de Messraïnt » fils de Chant , qui peupla
VÉgjpte après le déluge \ et selon les Arabes , ce fut
de Missr , fiU de Messraïm fils de Gfaam . fils de
ÎJoé(i).
Ces traditions orientales n^ont point empêché de
cbercher l'origine et la signification de ces deux mots.
Quelques auteurs ont regardé Missraïm comme le
pluriel de Missr ^ ou comme son duel ( 2 ) , et dans
ce sens on devrait le traduire par les deux Messr,
c^est-à-dîre la haute et la basse Egypte» Mais cette
explication est toute hasardée»
On trouve encore dans le texte hébreu Massour ou
Matzour, à la place de Messraîm (3) , et comme ces
deux noms sont synonymes selon le rabbin Kimchi ,
on a cru que l'Egypte a été nommée ainsi à cause
de sa force naturelle ; ce qui est exprimé par le mot
Massour^ le lieu fort ^ dérivé de la racine hébraïque
iSiOttr ou Tsour ^ parce que TÉgypte est environnée
(i) Abd-arraschid-el-Bakoui, dans sa Géographie intitulée :
lÀvre exposant les traditions sut les Merveilles du roi Toui^
Puissant (Dieu). Il vivait dans les 8.« et 9.^ siècles d9 Thégire.
(2) Bocharty Geograpkia sacfa^ page 258.
(3} Les Rois, TOXi Im»^ XIX. $.
OXFORD
'•<
( 100 )
de mers et de dëserts qui semblent ed dëfendre Tap^'
proche. Le Dom de la ville de Ty r , appelée par les
Phéniciens Ssour, dérive de la ipême racine. Il parait
aussi lui avoir été donné à cause de sa position avan-
tageuse : au rapport des historiens grecs , la divinité
protectrice de cette ville fut Hercule « dieu de la force.
. ^op , S/or ou acmp , Sjôr, est un monosyllabe qui
appartient à la langue égyptienne , et qui a également
la valeur de fortis ( i )• Il en résulte qu'on pourrait
aussi dériver Massour de l'égyptien U&r^sop , Mayor,
ou U&^UJpi, Masjôri, locus/ortis, lieu fort. Mais
ce mot ^Ôp est-il d'origine égyptienne , ou bien les
Coptes Tont-ils emprunté des Hébreux? C'est ce qu'on
Ae peut décider ; il est seulement permis de dire avec
assurance que Missr, Massour et Messraïm étaient
les noms que des peuples orientaux , tels que les
Hébreux, les Assyriens et les Arabes, donnaient à
l'Egypte.
En arabe Missr (2), ou plutôt Massr^ signifie une
tapitale^ une grande cille , d'où se forment le dnel
Massrani et le pluriel Amssar , et ce mot Massr
s'applique particulièrement aux capitales de TÉgypte.
Les anciens habitans de la Perse connurent aussi
l'Egypte sous des noms particuliers. L'auteur du
m i \i I 11 II. ■ I ■ ■ ■■ I ■ ■ I ■ ■■ I ■ ■ ■— ^— — —
(i) Pseeumes VU, ii; XVU, 19, etc.
(2) Ooliua, Lexicon arabie^laiinum^ à la raciae Massara^
( loi y
Bouodèhesch , lirre écrit en langue pehlvle et qui
contient la cosmogonie des Parais . appelle TÉgypto
la terre de Sapenios : nous en ignorons la cause et
rorigine. Il la nomme aussi Mtssredj^ qui n'est autre
chose que le nom de Missr, avec une terminaison
pehlvie.
Quelle que soit Torigine du mot Missr, il est pxp^
bable qu'il ne fut jamais en usage parmi les Égyptiens.
Selon Plutarque , ils appelaient leur pays Xn/uct ( i )•
En retranchant la désinence grecque a , on trouve
^Xjfifu qui est exactement le mot X^kjus, Châmi on
Chimj (2) 9 que portent tous les textes égyptiens des
Jivres saints et tous les manuscrits en langue copte.
C'est là le véritable et le seul nom égyptien dm
lïgypte.
En dialecte memphitique, on disait 3ChuS, Chenu ^
et en dialecte thébain , RhuE , Kémé ou Kimé :
tK^UiOOC ^H ^EKpS iC& OrpOESC Ktoo^K
^LÏÏEpKS lYCaTJULB. ^it Tpî EpE HEK^KT
^H KHUE (3) : ic Lorsque ta es assis dans ta
» cellule f veille sur toi-même; tandis que ton corps
» est dans ta cellule , que ton cœur ne soit pas en
(0 Plutarque, de Iside et Osiride.
(2) Les Arabes le prouoncent et l'ëcrivent Schimi ou Schimet,
(3) AEgjrptiorum codicum reliquiœ musœi Naniant^ /ragmentm
^Y> page n dtt bus. 9 et pagevcccxxxi de Toarrage de MiDgarelli^
( «9^ )
^ égypt6. » n se troure écrit RkuR « Kêmi, dans
.uoe note iasérée dans un maouscrit ( i ) par le diacre
Joseph qui s'était réfugié au monastère de Saint--
Macaire , près des lacs de Natron , lorsque le calife
jFatbimite Hakem^Biamrillah persécutait les Chrétiens
de rÉgypte. Mais il n'est point étonnant que l'ortho-
graphe de ce mot soit vicieuse , puisque le morceau
.entier du même auteur , publié par M. Etienne Qua-
tremère (2), est écrit dans une espèce de patois ou
égyptien corrompu qu'on parlait dans le Fayyoum,
province d'où le diacre Joseph était originaire.
Les Égyptiens portaient le nom de P^iUiî^!)(BjULS»
JRemanchimif mot formé, i.^ du monosyllabe pEiUt,
indigène ^ habitant, et qui n'est peut-être autre chose
qu'un abrégé depcujus, homme; 2.* de la lettre h,
article du génitif; S."" de Xrjux, nom de l'Egypte:
il signifie par conséquent un homme ou un habitant
de 1^ Egypte. Nous citerons ici , à l'appui de ce que
cous venons d'avancer, le commencement du xxxix/
chapitre de la Genèse, que nous avons extrait d'un
superbe manuscrit copte «memphitique d^ l'ancien
^•^
(i) Mas. copte, n.«68, f.oi6i j Bîb. împ., fond^ du Vatican.
(5) Dans ses Recherches sur la lmgu0 et la liudrtuure dû
^Égj^pte^ pages 248 et suiv.
( io3 )
Testament, que possède la Bibliothèque impériale (i) :
«!2fit itET£c|>pR TTSCsonrp KnrE c|)sp^aT HE^a^p-
Otso&r'OC OYpaïui x^ptttlXHjuLS B&oX^^ti
K^KTSX!»: KKSSCJUB^RXSTKC KHET &TlBKq È^DpHS
ZnxBr: « Ils (les Ismaélites) conduisirent donc Joseph
9 en Egypte ( XrjulS ). Pétéphri ou Pétéphré (2),
» eunuque de Pharaon et chef de ses Mages ( 3 ) ,
» homme égyptien ( pEul^HtsiS ) (4), le prit des
9 mains des Ismaélites qui l'avaient mené dans ce
> pays. » Le mot Peul^uK, Remchmè, se lit aussi
dans le texte égyptien de Tinscription de Rosette ( 5 )«
Cest de X^RJUl (6) que les Hébreux formèrent leur
■•
ê
(1) Mss. copte, n.^ i , ancien fonds.
(2) Le nom de ITEnTEc^pH est purement égyptien. II désigna
une personne consacrée au Soleil ( pH }•
(3) Le texte hëbrea port» sser MatahaMiim^ le chef de se»
Satellites ou Gardes. La vulgate porte Princeps exercMs suL Le
t«xte copte fait de Péîéphré le chef des Sages du roi d'Egypte ,
car MayoCy en grec , est souvent mis pour signifier Sapiens.
(4) Ou pttSLh^l^KJULS, comme oa lit dans le verset suivant*
(5) Lignes 8 et la*
(6) Ktrcher a mai orthographie X^HAHl dans soa (Bdtpuà
jtEgxpiiaeus. l'écrit Xjt U^B. ; c'est probablement d'après
Platarque. Il ne connaissait peut-être point alors de maauscrii
copte qui p&t le fdire revenir de son erreur*
jirtt^Khamf terre de Cham^ qu'ils rattachèrent à
rune de leurs traditions pour en donner l'origine ( i )
et lexpliquer» comnie ils le firent à l'égard des autres
pa lions de la terre dont les noms étaient venus à leur
connaissance.
Quelques auteurs , et parmi eux le père Bonjour (2),
ont écrit que le nom de Xkjul!; ne s'appliquait pas à
l'Egypte entière , mais seulement à la basse Egypte.
JjH, lecture des Martyrologes suffit pour détruire cette
opinion. Cependant il est des passages qui semblent
en quelque sorte appuyer cette fausse conjecture ; tel
est, par exemple, le suivant : BÛoX^x^tft ^sî^soi[
ï<X«|>M«^T i^u KHt^ê^nrajains ^zti M2.pHC î^u
COY^Ît Î^^U. «XJU& Bpt KSp^JULTaS^fi^KKHCS UJOH
A9^tl&Y ; n Parmi les Pères dignes de foi, des déserts
P de rigypte ( Xhjuî) et de Niphaiat ( la Libye,
f voisine de TÉgyple ) , parmi ceux qui habitèrent
» dans Maris { la Thébaïde ) el Souan , ainsi que
j» ceux deTabennési, etc. (3) » Il semble d'abord que
(0 H^n ( ou Cham ) , a ywo etJEgjyttus usyue hodié yŒgfp^
tiorum Un^ua Ham dicitur, — S. Hieronjrmus , QuesHones in
Henesinu
(3) Bonjour, Monument» coptica BiblioikeçK Faticatug.
(5) Hiitqriii Imsiaca, ma. copte, BiU, iinp., «.«e*, £• iS6
m».
( io5 )
Chimie Viphaïatt Souan et Maris sont des |>a]rs
indépeodaos l'un de Tautre; mais comme Niphaïai
appartenait à TËgypte ( Chémi ) , et que Souan était
situé dans le Maris ou Thébaïde , il s'ensuit éyï^
demment que Maris était une partie de Chemin
XniUS, et que toute l'Egypte portait ce nom.
Mais la preuve la plus convaincante de ce fait ;
celle qui détruit Topinion de ceux qui prétendent que
XhuS ne désigne qu'une partie de TÉgypte et non
le paya tout entier , se trouve dans l'importante ins-
cription de Rosette. Par -tout où le texte grec porte
Aryygloç , on trouve dans le texte égyptien ( i ) XuH,
Chmé (2), ou bien Xu!;, Chmi, comme le dit
M. Âkerblad. H est donc hors de doute que TEgypte
entière porta , parmi les Égyptiens , le nom de XHiiM ,
Chimi ou Chmi. Quant à l'orthographe de ce mot
daoa l'inscription de Rosette , où il est écrit Chmi 9
il est facile de la justifier par des exemples tirés do
ce monument lui-même. Il paraît que les anciens
r
Egyptiens négligeaient beaucoup les voyelles , et qve
très-souvent ils ne les écrivaient pas. On voit en eiTet
qae les noms grecs Ilro^^^o^, ^sfefimç^ AXE^asJ^poor ^
(0 Noos lisons cê mot par un K à la fin. Nous justifierons dan^
la suite cette lecture.
(2) Voyez li^es x» 7, 8, "1 «a, t5, »9, 21, 23, »9, «te, da
ttxts égyptien*
(io6)
^vpfoçy^oiàt rendus dans le texte égyptien du mona^
ment que nous venons de citer, par IlnrXOTAiLHiEOC ^
BpnKKCC» ^XKC&n^pOC et Ilptc. Dans le nom
de Ptolémée , les Égyptiens ont retranché To ; les
deux € manquent dans Bérénice ; ils ont aussi omis
Ye dans le nom d'Alexandre, et u dans celui de Pyrra.
Le dialecte ihébain semble conserver encore des traces
de cet ancien usage , qui faisait supprimer les voyelles
( sur -tout Te ) en écrivant les mots où elles se ren-
contrent. On trouve par exemple COXCX pour COXC^X»
orner, consoler; puWOOYE, pour EpwEÎOOTE oa
pxwtîOOrt, les larmes; 6»<s6mx, pour (Si^Sh»t
rendre fort ; ^ M ^ u , pour ^E W^Etf , cri , gémn-
sèment, bruit; (S^'h^ (i), pour tf'^^OU.* Il en est de
même des prépositions ^ te et ^m pour ^£St> ^^v>
de, dans. Cependant on a eu soin de surmonter d'une
petite ligne les lettres entre lesquelles il fallait snp-
pléer une voyelle.
Nous ajouterons que c^est peut-être de cette babi-
t\tde des anciens Égyptiens d'omettre les voyelles i
que vient la grande coofusion qui existe dans leur
emploi dans la langue copte. Quoi qu'il en soit , nous
concluons rigoureusement de ces observations , que
l'orthographe de XuK ( Chmi ) est naturelle et
conforme au géuie de la langue égyptienne.
(0 Hosëe, X, 7,
( 107 )
Le nom que les Egyptiens doHnaîent à letir pays
devait EToir une signification , ainsi qu'on le remarqua
chez tous les peuples de TOrient , qui tirèrent le nom
propre de la contrée qu'ils habitaient, ou de son état,
ou de quelqu'autre circonstance qui y était relative.
Ce qui frappait le plus ceux qui voyaient l'Egypte pour
la première fois» c'était l'aspect de son sol. «L'Egypte,
• dit Hérodote (i), ne ressemble en rien ni à l'Arabie
> qui lui est contiguë , ni à la Libye , ni même à la
» Syrie. Le sol de TÉgypte est une terre noire ,
> crevassée et friable , comme ayant été formée du
f limon que le Nil y a apporté d'Étbiopie, et qu'il y a
> accumulé par ses débordemens; au lieu qu'on sait
» que la terre de Libye est plus rougeâtre et plus
9 sablonneuse , et que celle d'Arabie et de la Syrie
» est plus argileuse et plus pierreuse. » La justesse
de cette observation de l'historien d'Halicarnasse est
confirmée par tous les voyageurs modernes qui ont
parcouru l'Egypte. Cette couleur noirâtre du limoa
du Nil a fait dire à Virgile, en parlant de ce fleuve :
Et viridem JEgyptum nigrà ftcundat aren& (2);
«
et c'est aussi à cause de cette particularité que les
Egyptiens appelleront l'Egypte XRii^X ou Xuff.
(1) II, S- Xlf,
(a) Virgilius, Georgicôn , lY, 25.
( ie8 )
En effet , ^swt ( i ) qu oq tronye aussi ëcrît
y^B^K (2) en dialecte memphitîque , et KBv^z (3j en
dialecte thébaîn , signifie noir ; et Ton voit aisément
que le nom de l'Egypte a suivi les variations de ces
mots yi>%M et K^UE, puisque dans la basse Egypte
on récrivait par un ÛC , et dans la haute Egypte par
un K. Outre cela , le mot ût&AUl , noir, quoiqu'il soit
rarement employé , a suffi pour conserver la véritable
orthographe du nom égyptien de TÉgyple, puisqu'il
ressemble àl^CuR de Tinscriptian de Rosette , et qu'il
n'y a de différence entr'eux que l'absence de & ou €
dans ^uR : nous avons expliqué la cause de cett»
omission.
Les dérivés de yjb%xz ont tous rapport à la couleur
foncée ou noire; ainsi le mot ÛCsjul5 veut dire
les ténèbres, lorsqu'il est précédé de l'article M,
marque du pluriel dans la langue égyptienne (4).
:)C^A*Epaiq, Chamé'Rôf(S), est le nom d'un insecte;
il est formé de J^JUE, noir, de poi, bouche, et du
(i) Mathieu, V, 36 j Apocalypse, VI, 5, «a.
(2) Mss. copte duVaticaa, n.*6o, BîbL imp.
(5) Bonjour, Monumenta coptica^ p.age xo*
(4) Tukî, Rudimenta linguœ copias, 4.
(5) F'ita Macarii Alexandriai, Cod. copiiciu musi^i Bofjlaai»
cite par Rojsi , Etjmologiœ œfjpUaem.
( to9 )
pronom personnel ^, lui, à lui, ce qui donne rëqui-^
Talent des mots français qui a une bouche noire ( i )•
figDore à quelle espèce d*insecte les Égyptiens
rappliquaient. Enfin, 4)HEt3^HjulX signifie noir ^
ténéhreux {2). Gîs notions sont certaines , et pour
prouver jusques à Tëvidence ' que XkjulS , ou bien
XjuH ou XsuR, noms de l'Egypte, voulaient dire
noir, de couleur noire, nous ajouterons ici le tëmoî-
gaage de Plntarque , qui appuie notre explication
lorsqu'il dit : « Outre cela, toute la terre d! Egypte est
^Jort noire , et les Égyptiens appellent le noir des
9 yeux XnifAt^L. » Ils pouvaient en effet dire TTS^Kjuls
jyLfisX» pichémi amhal , ou irs^^HJUX KK\&«.X,
pichémî annihal, le noir de tanl ou le noir des yeux.
11 s'ensuit naturellement que J^Hu!; et OC&tJLS sont
synonymes. Il en était de même de J^t^iK , comme le
prouve un manuscrit grec sur papyrus , trouvé dans
QQ coffre enfoui près de Djizèh, vis-à-vis le Kaire,
leqael fait partie de la riche collection du vénérable
cardinal Etienne Borgia , et a été publié à Rome par
( I ) Le mot ëgyplien &9ptIICJ( , muet , qvi ne parle point
( mss. copt. , Bibl. imp. , fonds du Vatic. , n.* 68 , f.^* 120 ) , est
fermé de la mime manière. Ce mot est aussi écrit ^nrptnc^
^ns le manuscrit copte provenant de Saint - Germain , n.^ 5oo.
(^) 1^'Égypte porU aussi le nom ^ Ténébrosa. Stephaaiia
Bjrzantinusi verbe AsClsu
rito)
M. ScboW (i). Ce fragment intéressant contient dci
jDoms d'ouvriers employés dans les travaux publics ;
ils sont presque tous égyptiens ; tels sont Tteta^tç^
AfAGuna-y llaMMpy îltrùu^iÇy qui, dans leur orthographe
nationale iT&Orqi , jÙlKCS, lTfc.UOVN, itE'^Orqt,
signifient Aya!)i)J^eufiofioç , consacré au Dieu bon ,
Isiaque^ Amoun , ou plutôt Afi/io^fiot , le bon. Dans
cette liste on trouve celui de Ko/jli/iç^ qui n'est autre
chose que l'égyptien RsuH ou X&*Jlr , le noir.
Le nom égyptien de TÉgypte fut donc X&wK,
Xkus , en dialecte memphitique , et Kh«l^ t on
plutôt K&^utR , en dialecte thébain. Ces divers noms
se prononcent tous Chami ou Chimi (2) , et ne différent
en effet que dans leur orthographe, et nullement daas
leur signification que nous avons dit être synonyme
du mot français noir^ noire. Ce nom remonte à rori"*
gine même de la nation égyptienne ; c'est pourquoi
les Grecs surnommèrent TÉgypte MsKatfjù&oKoç (3),
aux mottes de terre noires , et l'appelèrent Xa^
(i) Charta Papjrracœa musoii Borgiani^ Romse, 1788.
(2) Cest de-là que dérive le mot français chimie. Cette scienci
est d'origine égyptienne. Les Égyptiens paraissent l'avoir cultivée
avec quelque succès. L'empereur Dioclétien fit brûler tous les
livres de chimie, composés par les anciens Égyptiens. V<>J«*
Suidas, aux moU X^V^ceitt et A/OXA)|Tl«^0;.
(5) Stephanus Byzantiaus.
(lîî)
KiXtffUfVoJ^M^ ( O « ^^ P^y^ ^^ ^^^^ 9^^ ^^* ^^ pieds
noirs , oa qui habitent une terre noire. Nous Terrons
dans le chapitre suivant , où nous nous occuperons' du
Nil , que ce fleuve porta le même nom.
(0 EnsUtlw.
• ■■ - * ■ "
CHAPITRE TROISIÈME.
Du NiL
P
ARMi te grand nombre de siogularitës et dtf
phénomènes admirables qui appellent sur l'Egypte
Fattention des observateurs « le Nil tient le premier
rang. Ce grand fleuve, par son débordement péri(H
dique , donne la fécondité et la vie au pays qu'il
arrose. Sans lui, les riches campagnes de TÉgypte ne
seraient qu'un vaste désert, semblables aux soUtades
immenses qui l'envivûnnent. Il est en même tems le
créateur et le conservateur des contrées qu'il parcourt
dans sa longue course.
Les anciens Egyptiens nignoraient point ces vërllâ I
ils savaient que sans le Nil , TÉgypte , bien loin de
fournir du blé à la plus grande partie de l'Asie,
aurait été dans la nécessité d'en recevoir des natioDS
voisines , ou plutôt , qu'elle aurait été inhabitée. Ce
peuple que Tantiquité désigne comme celui qui savait
le mieux apprécier tout ce qui portait un caractère
d'utilité générale, consacra, dans sa reconnaissance,
«ne espèce de culte aux eaux bienfaisantes du fleuve.
Il
(n3)
tt teghrda te NU commô ^aôré , et l'iutarque nous
apprend que les Égyptiens le qualifiaient de père et
de saweur de TÉgypte ( i ).
Les nations de TËurope ont long^tems ignoré le
lieu où se trouvent ses sources. De nos jours même
les opinions sont très- partagées , ou du moins on n'a
pu déterminer avec une rigoureuse exactitude le
point de TÀfrique oix elles existent (2). Il n'est pas
surprenant que les Grecs , dont les connaissances
géographiques étaient plus bornées que celles des
modernes , ne nous aient laissé , sur ce sujet , que
des notions plus vagues encore et contradictoires.
Pendant son voyage en Egypte , Hérodote eut
occasion de consulter sur cette question plusieurs
Égyptiens » des Libyens et des Grecs qui avaient
quelque instruction ; mais aucun d'eux n'osait assurer
les connaître (3). L'Hiérogrammate de Saïs, prêtre
égyptien qui écrivait et interprétait les livres en carac-*
ières sacrés , voulut cependant les lui indiquer. Selon
lui , à Textrémité de la Thébaïde , entre la ville de
Syène et 111e d^Éléphantine , étaient deux montagnes
dont les sommets se terminaient en pointe. L'une de
(1) Plutarque, delside et Osiride.
(2) D'AnviUe avait la même opinion. Académie des Belles\
Lettres^ tome XXVI , pag. ifi et suir.
<5) Hérodote, liv. II, J. ysx\m.
8
\
< iï4)
ces tnontegdes portait le Dom de Chrophi , et Tautre
celui de Mophi. Les sources du Nil , abymes profonds ^
gBe trouvaient, disait -il, entre ces deux montagnes.
La moitié des eaux coulait au midi vers TÉthiopie ,
et le reste au nord vers TÉgypte ( i )•
Mais soit que THiërogrammate voulût paraître mieux
instruit qu'il ne l'était réellement , soit qu'Hérodote
ait mal rapporté sa réponse, on ne doit la considérer,
quoique venant d'un prêtre égyptien , que comme une
&ble ridicule.
Llle d'Élépbantine est placée au milieu du Nil,
tis-à-vis de Syène qui se trouve sur la rive orientale.
Les bords du fleuve sont formés par des rocbers de
granit coupés à pic, polis par le frottement des eaux,
et couverts , à une grande hauteur , de sculptures
égyptiennes (2) ; c'est là sans doute le Mophi et le
Chrophi du prêtre de Sais. Mais entre ces deux chaînes
de rochers on ne remarque aucun abyme , et bien
moins encore les sources du Nil. Pour que le rapport
de l'Hiérogrammate eût un sens qu'on pût appliquer à
la nature des lieux , il faudrait supposer qu'il voulait
faire connaître à Hérodote l'endroit où le Nil entre
«»«A<
(i) Hérodote, J. xxviii. -—Aristide, ylEgjptiaca^ f-*95, ligne 35é
(il) m. Jomard, Description de Sjrène et de ses environs^ ch. 2|
page 5,, dans la Description de VÉgjpte^ première kvraisouj
FajnSf Imprimtrie impériale, 1810, ia-i^.
(ii5)
8\ir te sol de TÊgypte ; et dans ce cas encore soa
rapport serait peu exact « puisque les aDcieos out
placé sa limite nord aux petites Cataractes ( i )• Au
reste l€S deux noms de ces montagnes sont égyptiens
et nous croyons que Mophi doit être le mot jw OYcijS ^
Mouphi, qui signifie la bonne, et que le mot Chrophi
tsi le même que X^potJ^ qui, en langue égyptienne, a
la valeur de mauvaise (2). Nous ignorons Torigine do
ces deux dénominations.
Hérodote raconte que dans le tems où il voyageait ;
le cours du Nil était connu pendant quatre mois de
chemin (3). Cet auteur rapporte ensuite ce que lui
avaient appris quelques Cyrénéens qui étaient allés
consulter Toracle d'Ammon ; Étéarque , roi de cette
Oasis, leur raconta que de jeunes Nasamons, habitans
de la Libye , à Torient de la Syrte , s'étant enfoncés
dans les déserts du midi , avec le dessein de les
connaître , arrivèrent, après un long voyage , dans ua
pays sablonneux et une plaine où se trouvaient des
arbres fruitiers, et que des hommes de petite taille les
ayant faits prisonniers, les conduisirent à travers les
marais, dans une ville dont les habitans étaient noirs ,
et à Fouest de laquelle coulait une grande rivière o\Jk
•^m
(0 Voyez le chapitre i.*', page 67, suprà*
(a) Texte copte du pseaume XLII, x.
(5) HérodoU, Ur. U, S* ^^^^
(«i6)
ce tronyaient des crocodiles (i). Étéarque conjectarait
qu9 cette rivière était le Nil (2) , et croyait que ses
sources étaient inconnues (3).
D'autres Grecs ont pensé que le Nil prenait nais*
i^auce aux extrémités de la Mauritanie , dans un liea
peuplé de monstres et de bêtes féroces (4)* Alexandre^
fils de Philippe , étant arrivé sur les bords de VHy*
daspe (5) et remarquant que ce fleuve était fréquenté
par les crocodiles , s'imagina qu'il avait trouvé la
source du Nil , et voulut y embarquer une flottel pour
rÉgypte (€). Si ce fait est vrai , on peut dire que ce
:grand conquérant était mauvais géographe , et qu'il
ne fut pas difficile de lui faire reconnaître son erreur.
Au reste , quoique les anciens géographes et les
anciens historiens n'en aient point commis d'aussi
^grande , ils n'ont pas mieux éclairé la discussion , et
ils n^ont donné que des apperçus plus ou moins
fautifs sur l'origine du Nil. Leur opinion commune le
faisait naître en Ethiopie (7).
(i) Hérodote, §. xxxit»
^a) Ibidem^ ^ xxxiiu
(5) Ibidem ^ §. xxrii.
(4) Strabon, liv. XVU, page 826.
^) Cette rivière se jette dans l'Indus. On croit <{ue c'est le Béhêt%
^) Strabon, liv. XY, page 696,
ifi HéUodon, ÀEthiopiça, Uv.IL
("7)
Dans les tems modernes, les Jësuites portugais,
conduits par leur ferveur et leur ambition dans les
provinces de TAbissinie, se flattèrent d'avoir découvert
les sources du Nil. Il les placèrent dans la province de
Goyama sur les terres de Saccala. Le lieu d'où sort le
fleuve auquel ils donnent le nom de Nil, est à l'orient
du lac de Damheïa ou Tzana. On regarda long-tems
leur découverte comme certaine , et le chevalier
Bruce contribua à l'accréditer. Cet écossais donne aux
sources du Nil la même position que les Jésuites
portugais , et les fixe à Gisch, à lo d. 59 m. de
latitude ; il ajoute que le Nil traverse TÉtbiopie et se
jette ensuite dans une grande rivière que les Arabes
nomment Bakhar-el-Ahiadh , RiçUre-Blanche (i).
Mais cette rivière, qui vient du sud -ouest, a été
regardée par plusieurs géographes, et entr'autres par le
célèbre d'An ville, comme étant véritablement le-NiL
C'est en effet ce que pensent à ce sujet les personnes
les plus éclairées de ce siècle. Suivant les écrivains
arabes, la Rhière-Blanche, ou le Nil, prendra source
dans les Djabal-Qamar , les monts de la LunCp
situés, disent- ils, à 11 d. au-delà de la ligne équt«
noxiale (2), ou bien dans les Djabal'-Qomr, les mon--
tagnes dune couleur çerdâtre, selon que Ton ponctuera
(t) Brnce, Voyage aux sources du NiL
(2) Ahdallatif , Relation de V Egypte, page a. Cette indicatioi^
est inexacte. Le Nil pread sa source ea-deja de ré^atenr^
(ii8)
le mot arabe qmr (i). En adoptant la leçon DjahaU
Çamar^ les montagnes de la Lune ( 2 ) , il paraît
que les Arabes auront tire ce nom du géographe
Ptolémée , qui , ainsi que Léon l'Africain , avait la
même opinion (3).
La Société africaine de Londres et le major Rennel
placent les sources de la Ris^ière- Blanche ou du véri-
table Nil , au sud du TJârfour , dans la contrée de
Donqa , par le 25.^ d. de longitude au méridien de
Greenwich, le 8.^ de latitude nord, et plus de 4 d. au
sud de la source de l'Abawi que Bruce et les Jésuites
ont pris pour le Nil. En adoptant cette opinion , qui
paraît fondée sur des faits , il en résulte que TAbawi
et le Tacazzé , deux rivières qui arrosent l'Abissinie ,
sont l'Astapus et l'Astaboras , fleuves qui , selon les
anciens » se jetaient dans le Nil. Leur jonctioa
8*opère près du lieu appelé lalac , à peu de distance
^11 I ■ ■ - ■ 1 .1 ■■ ■ .1. >, ■ f »
(i) Voyez la Traduction française d'Abdallatif, par M.Silvestre
de Sacy; Paris, Impr.imp., 1810, iii-4-**» liv. i.*', chap. î.*', note x
M. Langlès interprète Djabal-aUQomr, par Montagne des Tour^
ter elles ^ dans la traduction du Voyage d*Uornemann , tome 11,
pag. 237 et 258, note i.
(2) C'est sur le penchant de ces montagnes que les Arabes placent
le château fabuleux d'Ankam, fils d'Ariak, roi d'Egypte.
(3) Dans une lettre du grand-divan du Kaire au général en chef
Meaou , le lieu où le Nil prend sa source est appelé Challab.
Courtier de l^Égjrpte^ ».• 10 1 , du 18 pluviôse an IX 1 page a,
•oloune A«
ÏÏe la ville de Noaabiah, que d'Ânville croit svoîf
remplacé l'ancienne et fameuse Méroë. Les Jésuites
portugais et le chevalier Bruce se sont donc flattés
en vain d'avoir soulevé le voile qui , pendant tant de
siècles , a dérobé à l'Europe la connaissance des
sources du fleuve d'Egypte , puisque les rensei*
gnemens qui ont permis à la Société africaine de
Londres de fixer à-peu-près Torigine de la Rivière-^
Blanche ou le Nil , inspirent la plus entière confiance ,
étant dûs à plusieurs voyageurs africains, compagnons
des caravanes du Bournou et d'autres pays voisins des
sources de cette Bmère-Blanche. Aucun Européen n'a
pénétré dans cette contrée de l'intérieur de l'Afrique ;
mais l'on a calculé que depuis l'embouchure du Nil
jusques à la source de la Riçière - Blanche , qui est
aussi le Nil , il y avait environ i44o milles géogra-
phiques en ligne directe (i).
Sorti de sa source , le Nil traverse un pays habité
par des nègres, et se dirige vers le nord -est , au sud
du Dârfour. Il tourne ensuite insensiblement vers le
nord , et coulant à l'orient de la même province , il
arrose le pays de Kordafân et reçoit , près ôiEm^
dourman , VAbawi ou Bahhar^Azrâq ( riinère bleue
ou ^erte) que Bruce crut être le Nil. U baigne dèslors
(0 Mémoire du major Renod f dans le F'ojr^ge d'Homemaim^
ta Afrique^ tome a^ page 23^
( 120 )
la partie occidentale du Sennàar^ et, augmentas par lef
eaux du Tacazzé , il arrive dans le pays de Takaki. Il
ae dirige bientôt vers Toccident, et parvient kDon^
çolah ou Dankalah. Après avoir ensuite traversé la
Nubie, en décrivant de nombreuses sinuositéa, le Nil
se trouve enfin resserré entre deux chaînes de mon-
tagnes, au milieu desquelles il arrive à la petite cata-
racte au-dessus de Syène.
L'antiquité vanta beaucoup ces cbûtes du Nil, et
l'admiration qu'on éprouve en lisant les rapports des
anciens voyageurs , a contribué à les rendre très-
célèbres parmi les modernes. On connaît huit prin-
cipales cataractes du Nil ; celle qui se trouve à une
lieue au-dessus de la ville de Syène, est la plus
généralement citée parmi les modernes. Les anciens
historiens et les anciens géographes ont beaucoup
parlé de cette chute du Nil : ils rapportent qu'elle fait
un bruit effroyable q^i s'entend de très-loin ; ils ont,
comme à l'envi , multiplié les merveilles de ce phé-
nomène. Mais les rapports des voyageurs modernes
démentent leurs assertions.
Les Arabes ont donné à cette cataracte le nom de
Chellal. La largeur du Nil , en cet endroit , est de
près d'un quart de lieue ; « la montagne qui la borde,
f> arrivée vers les cataractes , descend perpendi-
t culairement dans le fleuve; puis elle ressort à sa
y surface, sous la forme d'une foule d'écueils Irès^
» proches les uns des autres , et dont plusieurs sc/ot
j
(fil)
» de grandes îles. C'est principalement vers la droite
f du fleuve que les lies sont plus rapprochées, pins
9 escarpées , et qu'elles opposent le plus d'entraves à
9 la marche des eaux ; on compte dix barres prln«
» cipales dirigées d'une île à l'autre et dans tous les
9 sens ; le Nil , arrêté contre ces obstacles , se refoule «
9 se relève et les franchit. Il forme ainsi une suite de
» petites cascades dont chacune est haute d'un demi^
9 pied tout au plus (i). » Vers la rive gauche, les barres
fie sont point aussi considérables , et les barques y
passent à la voile pendant le débordement (2) ; beau^
coup de rochers dans les environs de ces petites chûtes
sont couverts d'hiéroglyphes. Tel est le rapport des
membres de llnstitut d'Egypte qui n'ont écrit que ce
qu'ils ont vu ; telles sont ces cataractes si vantées par
les anciens , qui les confondaient sans doute avec
celles de la Nlibie, peut-être plus considérables.
C'est ainsi que s'établissent les idées fausses et les
opmions erronées ; et elles s'accréditent sur - tout
lorsque des voyageurs modernes, dont on ne soup-
çonne pas la véracité , ajoutent encore aux rapports
des anciens.
( I ) M. Jomard , Description de Sjène et des Cataractes »
Mémoire qui fait partie de la i/* livraison de la Description de
tÉgrpte, publiée par ordre de S. M, TEmpereur. C'est de ce
Mémoire que nous avons extrait tous les détaiU topographiques
iur l'état présent des cataractes.
' (3} Mém. de M. Jomard , page i5.
< laa )
Tels furent plusienro voyageurs des derniers slècTef #
qui osèrent assurer avoir vu les cataractes de Syàne^
formées par le Nil , tomber d'une hauteur prodigieuse.
Tel fut sur-tout Paul-Lucas (i) ^ qui voyageait dans le
beau siècle de Louis XIV et par ordre du roi. U dit
avec assurance : « Après avoir quitté la ville de
» Syène » nous arrivâmes à une heure avant le jour à
» ces chûtes d'eau si fameuses. Elles tombent par
» plusieurs endroits d'une montagne de plus de deux
» cents pieds de haut. » M. Jomard , que nous venons
de citer, nous apprend qu'elles ont tout au plus ua
demi-pied. « Ou me dit» continue Paul Lucas, que les
» Nubiens y descendaient avec des radeaux. » Il ne
croyait pas à ce rapport ; mais dans le même instant
il eut le plaisir de voir deux radeaux , gouvernés par
des Nubiens» se précipiter de plus de deux cents pieds
de haut sans être submergés , et continuer gaiement
leur navigation (2). Il a usé du droit d'en imposer à
ses lecteurs , jusqu'à ajouter qu'à cette cataracte on
remarque une nappe d'eau , large de trente pieds ,
qui forme ; en tombant , une espèce A^àrcade sous
laquelle on peut passer sans se mouiller. On remar-*
quera sans doute que rien ne doit surprendre dans ies^
rapports d'un voyageur qui dit avoir vu une ville de
(1) Premier Vo,'y>ge 9 tome i, page i54*
(3} Ibid^j pag* i54 ^ 'S5.
géans près de Tarse en Cilicb ^ et plusieurs antres
merveilles de ce genre. Mais on ne peut s^ern-
pêcher de regretter que la connaissance des lieux
dépende de la bonne foi des voyageurs. Ce que nous
venons de rapporter relativement à Tidée qu'on s'était
faite de la cataracte de Syène avant la mémorable
expédition d'Egypte , fait voir jusqu'où peut aller
Terreur. Il résulte des connaissances acquises sur ce
fait, pendant l'expédition, que cette chute du Nil
mérite à peine d'être remarquée.
Après avoir franchi les rochers qui l'occasionnent ,
le Nil parcourt l'Egypte du midi au nord , et reste
enfermé dans un seul lit parsemé d'îles plus ou moins
considérables, jusques à la pointe du Pelta. Il se
divise alors en plusieurs branches , qui , du tems des
anciens Egyptiens , étaient au nombre de sept. Nous
les ferons connaître dans le chapitre de cet ouvrage
destiné à la description de la basse Egypte*
Selon les nouvelles Observations astronomiques de
M. Nouet (i) , Damiette se trouve à 3i d. ;25 m. o de
latitude ; celle de Syène est 24 d. 5 m* ^3 s. : il ea
résulte que le Nil parcourt presque en ligne droite
plus de 1 80 lieues dans les terres d'Egypte.
(0 Observations astronomiques faites en Égjrpte pendant les
années VI ^ VU et Vlll de la république^ page 10. Ce Mëmoir»
fera partie de la De^ription tle tÉgjrp^e publiée par Tardive de
( 124 )
C'est rcra le solstice d'été qoe, franchissant ses mes,
il ÎDODdait Don-sealeoient la haute Egypte et le Delta,
mais encore des terres qui dépendaient de la L»ybie et
quelques petits cantons de l'Arabie égyptienne. Eo se
répandant sur ses rirages, ce fleuve couvrait de ses
eaux Fespace d'environ deux journées de chemin ( i )•
Cette crue extraordinaire » humectant le sol desséché
par un soleil ardent , lui communiquait les germes
de cette fertilité remarquable qui fit surnommer
rÉgypte le Grenier de l'Orient et de l'Empire Romain,
Mais soit que les anciens prêtres égyptiens, qui saos
doute connaissaient la cause de ce débordemeal
périodique , voulussent la cacher au vulgaire pour
donner de ce fleuve une plus haute idée , soit que ces
mêmes prêtres , après la chute de l'Empire égyptien ,
tombés dans l'ignorance la plus profonde, eussent
perdu la connaissance des causes physiques de ce
phénomène, les Grecs qui furent en relation avec ces
derniers ne purent en obtenir aucune notion certaine
sur ce sujet. Plusieurs d'entr eux entreprirent d'in-
diquer la cause de ce débordement. Hérodote et
Plutarque nous ont conservé leurs diverses opinions.
Les uns crurent que les vents étésiens , repoussant les
eaux du Nil dans leur cours et les empêchant de se
jeter à la mer, occasionnaient la crue du fleuve»
(i) Hérodote y liv. II, J. xnc
< <25 >
Cette opinion ne paraît point mériter une réFutatioii
•ériense , car Hérodote observe ( i ) que , quoique les
vents étésiens n'eussent point encore soufflé , cepen-
dant le Nil commençait à s'enfler. Cette hypothèse^
dénuée de toute vraisemblance , avait pour aut^ir le
célèbre Thaïes de Milet (2).
Eutbyménès, de Marseille, croyait que le Nil gros*
sissait au solstice d'été parce qu'il communiquait à
l'Océan qui, selon lui, environnait toute la terre (3).
Ce sentiment absurde fut contredit par l'opinioa
d'Anaxagore. Quoique erronée , celle - ci avait une
apparence de vérité qui lui fit acquérir beaucoup de
partisans : ce philosophe pensait ( 4 ) que le débor-*
dament du Nil était causé par la fonte des neignes qui
étaient en Ethiopie. Le poëte Euripide, son disciple ,
consigna l'opinion de son maître dans sa tragédie
d'Ârcbélaiis : « Panaiis , dit-il , abandonna l'excellente
ê
» eau du Nil qui , coulant de la noire Ethiopie, s'enfle
• lorsque la neige vient à se fondre (5).... » Dans son
Hélène^ ce tragique reproduit encore ce sentiment
d'Ânaxagore.
1
(0 Liv. II, $. XX.
(2) Platarque , Œuvres morales , opinions des Philosophes ,
liv.IV, chap. f«'.
(5) Platarqœ, Ibidem.
(4) Diodore de Sicile » livre L^', $. xxxriiu
(5) Ibidem.
( ,26 )
Selon Hérodote , • le Nil grossit en été patce qu eA
» hiver le soleil , chassé de son ancienne route par
p la rigueur de la saison , parcourt alors la région
m du ciel qui répond à la partie supérieure de la
» Libye (i)- Vpilà en peu de mots , continuc-t-il , la
9 raison de cette crue , car il est probable que plus
• le soleil s'approche vers un pays , et plus il le des-
^ sèche et en tarit les fleuves. » Hérodote n'est pas
pins heureux , dans son explication , que Thaïes et
Anaxagore, et lé sentiment d'aucun de ces philo-
sophes ne peut soutenir un examen approfondi. Mais
]>ar une singularité sans doute digne* de iremarque,
Homère qui vivait long-tems avant Thaïes, Anaxagore,
Euthyménès et Hérodote, paraît avoir connu la cause
léelle du débordement du Nil, puisqu'il donne à ce
fleuve répithète de AIIITETEOS, qui, selon Apol-
lonius (2) , signifie grossi par les pluies. Ce sont en
effet les pluies abondantes qui tombent en Ethiopie,
vers le solstice d'été , qui causent la crue annuelle
du Mil (3). Elle commence ordinairement au mois
(») Hérodote, liv. II, J. xxr.
(2) Lexicon homericumj edente yîSloisim ^ m-4*^^ vute
0U7CiTiQÇ^ .. Eijrmolog. magn,, ibidem.
(5) Phoi\u9 ^ Bibliotheca grasca^ cod. tu, col. 8. ^^ Helio<ioras,
jSthiopica, liv. II| pag. 109 et iio, «— Sha^v, tomea» etc.* et£.t
( "7 )
ifgyptieii d!Èpiphi , et est complète en TTioih ou en
Paopi (i). Elle commence de nos jours vers le 20 juin.
L'eau du Nil est une des plus saines de la terre ^
lorsqu'on Ta épurée et clarifiée ( 2 ). Le limon que
le fleuve laisse sur le sol après le débordement , est
Doir ; mais l'action du soleil , en le desséchant , lui
donne une couleur brun - jaunâtre. Ce limon est
déposé par le fleuve en couches horizontales plus
ou moins épaisses. C'est le seul engrars connu en
Egypte ; le Nil en couvre tout l'espace qu'il occupe
(1) En l'an IX, le Nil commença à croître au Kaire le 16.^ jour
après le solstice d'ëtë. Ce £àit fut consigné dans llnscription graréei
sur le Mîkias du Kaire par ordre du général en chef Meooa.
Courrier de V Egypte^ /i.® i o i .
(2) Voici Tanal^se de cette eau, insérée par M. Regnault ( qui
accompagna Tarmée française en Egypte ) dans la Décade ^£77^-*
itenne j tome !.•', page 265. Comme ce recueil est fort rare,
nous avons cru devoir transcrire ici les résultats obtenus par
M. RegnaulC
Abstraction faite de l'air et de l'acide carbonique dégagé pen-
dant Téraporation , 122 hectogrammes d'eau aualjsée contîenneiit :
Muriata de soude 4,^^ déclgramxnei.
Sulfate de magnésie o,53
Carbonate de magnésie 7,45
Carbonate dé chaux 5,3o
Carbonate de fer o,55
Silice 1,06
Alumine . « 1,59
Substance extractive o,55
ToTAJu. • « . * • a2|74
( 128 )
chns sa crue ( t )• Les anciens Égyptiens croyaient
que leurs ancêtres étaient nés de ce limon (2), Les
Arabes rappelaient Ibliz du tems d'Abdallatif. M. de
Sacy pense que ce mot dérive du grec thXo; (3).
Le Nil fut connu sous plusieurs noms ches les
Grecs. Le passage suivant de Tzetzès les renfenne
tous , et nous en donne pour ainsi dire la filiation :
e NéiXoir tM^ fUTOÊPCficLŒâTi y ^BffomfOf yctp QKEAMOS «1
mutXi/Joy S'oTTifav AETOS or/ o^ràr C'srcpfcti^c ^ TCirof
Ainrrrroi;, % «r^ neiaos nw sait (4). « Le wa
» a eu trois noms : le premier est Océan , le second
jietos,
(x) M. Regnaolt a aussi publié dans la Décade égjrptienntf
tome 1.*', page aiâ, l'analjse suivante du limon du If il :
Sur xoo parties, le limon du Mil tient,
jx d'eau 9
9 de carbonne,
6 d'oxide de fer,
4 de silice,
4 de carbonate de magnésie,
18 de carbonate de chaux,
48 d'alumine.
Total*, loo perdes.
(2) Diodore de Sicile, liv. !•
(3) Relation de VÈgjrpte par Abdallatif, traduite en françtii
par M.Siivestre de Sacjr. Paris, Impn imp., i8io, in-4.^, chap. i.*%
note 4«.
(4) Tzetzès ad I^eophron.y, 119.
( Ï29 )
» Aetos » & cause de sa rapidité ; le troisième est
» JBgyptus. Quant au nom de Nil, il est récent. »
Diodore de Sicile nous apprend en effet qu'un des
plus anciens noms de ce fleuve est Ï2KEAMH2! (i)^
qu'on a écrit par corruption CÏKsajf^ç. Plusieurs anciens
manuscrits de Diodore de Sicile portaient ChuaLntç ^
au lieu dXhuofMotç ( 2 ) , et quelques éditeurs de cet
historien , ignorant la valeur de ce dernier mot , no
balancèrent point à adopter la fausse leçon ihucuniç^
à cause de son rapport avec le nom grec de l'Océan,
Us pensèrent que les anciens Égyptiens avaient donné
ce nom à leur fleuve , parce qu'ils le croyaient le plus
grand de la (erre. Dans les théogonies grecques ;
rOcéan était aussi regardé comme la source des mers ,
des fleuves^ des rivières et même des fontaines, ainsi
que le dit Homère :
EÇ ^"itep ^anar m^orafioi^ tau naroffa BoL^Tau^
Koi ^MOU XpSIl'AI, XflU ÇpcIttTa fiOXpùL P€U^iP (3).
« L'Océan duquel naissent tous les fleuves, toutes
» les mers , toutes les fontaines et les sources les
» plus profondes. » En cela , les hellénistes modernea
adoptaient l'opinion des anciens Grecs.
(«) Diodore de Sicile, liv* I, $. 19.
(2) Cette variante se trouve dam l'édition de Wesseling, liv. t,
(5) Iliade, XXI, igS, 196 et 19^, édition de Hejme ; LîpsUr i
1802^ ia-8.«9 tome II, page 466w
9
(i3o)
Mais il faut considérer que le nom ii Océan n'était
en usage que parmi les Grecs ; que ces mêmes Grecs
seuls , et non pas les anciens Égyptiens , croyaient
que rOcéan était le bassin commun d'où sortaient
tous les fleuves qui arrosent le Monde , et toutes les
fontaines répandues sur la terre. Les Égyptiens ne
purent donc pas donner au Nil le nom grec Chututoç.
D'ailleurs leur répugnance pour la mer qu'ils croyaient
être le domaine de Typhon , génie du mal , dut les
empêcher de désigner par ce nom un fleuve dont ils
recevaient tant de bienfaits. 11 faut donc bannir du
texte de Diodore le mot i^huojn^^ et lui substituer
ShutitfjiWy qui a été adopté par plusieurs Éditeurs.
L'interprétation de ce nom , aussi facile qu'exacte,
se présente d'elle-même à ceux qui ont quelque notion
de la langue égyptienne.
Quelques philologues l'y ont cherchée ; mais soit
que ces auteurs aient sacrifié l'évidence à des idées
particulières , soit que les lexiques dont ils ont fait
usage, étant peu étendus, ne continssent pas le mot
ëgyptien que Diodore orthographie ClxâoiJLWy ils ont
donné de ce nom des étymologies hasardées, qui
ne reposent sur aucun fondement.
Jablonski , dans ses Opuscules , où il cherche à
rétablir les divers noms égyptiens que les Grecs ont
conservés, pense qu'Iîxéc^x)!^-, ou plutôt Ilxec^x», sans
là lermînaîson grecque , s'écrivait en langue égyp-^
tienne 3^ i^ÔJ^uh , Ahommé ou Jhommi ( i ) , et
signifiait thésaurus aquœ ; mais il nous semble que
ce savant auteur a trop librement usé de la faculté
de permuter les lettres du même organe. Ahommé
tessemble bien peu à Okeamé de Diodore de Sicile ,
et la syllabe JbiK , mé, ^u'il explique par aqua^ eau ,
ne se trouve point dans le lexique de Lacro2e , ni dans
les additions conâidérableà que nous y avons faites
avec le secours de plusieurs Vocabulaires , et des
Manuscrits mem^phi tiques et thébains dç la Biblio-,
tbèque impériale de Paris.
M. Ignace Rossi , dans Touvrage étymologique
de la langue égyptienne qu'il a publié depuis peu
cl années , croit qu' Sïxéàt^ji s'écrivait en égyptien
uIojEnjLfc.'^, Oschémau (2). Cette orthographe nous
paraît aussi forcée que celle de Jablonski , et comme
celle de ce dernier, elle a l^inconvénient de ne répondre
à aucun des noms du Nil rapportés par les Grecs.
Nous ferons aussi observer que le mot égyptiea
•U^Y signifie par-tout mater^ et jamais aqua.
Nous pensons que Oiiueifjin n'est autre chose que le
tnotégj'ptienOYKB^uH, Oukamé^ ou bien OyJ^B^jue,
Ouchamé , qui signifie rigoureusement niger , noir»
*m
(f) Opuscula^ yerbo ihuOfAi/ia'é
^2) Etjrmologiog agjrptiaççs^ page a49<
( l32 )
Nous trouvons en «ffet dans les anciens auteurs grecs
que le Nil fut appelé Mû^ûlt par les Égyptiens (i);
OVKB^t^K, Ouiamè, est donc le mot égyptien dont
le grec MiXotar est la traduction exacte. Nous avons
TU , dans le chapitre précédent , que TÉgypte elle^
même avait porté le nom de Noire.
Le second nom , ou plutôt la seconde épithète qu'on
donna au Nil, fut AET02, qui en grec signifie ÀîgU
(2). Diodore de Sicile dit en effet qu'il succéda à celui
à'Chceotfma' (3). Le fleuve reçut ce nom à cause de sa
rapidité et de la force de ses eaux dans quelques
parties de son cours (4). Ce nom grec a été conservé
^armi les Coptes ou Égyptiens du moyen âge ; do
tems qu'ils parlaient leur langue , le mot lT\&Y<THCt
Pi-autèSf ou simplement b^ytRC, Autès^ désignait le
Nil (5). Mais chez les anciens Égyptiens ce nota
dût être TT2>ÎD0JUL, Pahhom, l'Aigle.
AirrriTOS fut le troisième nom que reçut le Nil.
Dans nos recherches sur le nom égyptien de TÉgypte,
r
(t) Eustathe, Pseudo-Piutarchus de Flunùnibus.
(2) Tz^tzèSy loco citato.
(3) Diodore de Sicile, livre I, page 17.
(4) Tzetzès, locQ citate, -~ Diodore de Sicile , liv. I.*', page if«
(5) Mss. copte, BibL imp. , ibads de Saifit-Gennain » suppl»
m.« 1 7, page pu^.
(.33)
nous ayons exposé les divers sentimens des savans
8ur Tusage et le sens de ce mot. he lecteur nous per-
mettra de le renvoyer au chapitre précédent.
Au nom propre A/^u^trTotr, dont se servirent les
plus anciens auteurs grecs , tels qu'Homère ejt pro-
bablement tous ses contemporains , succéda celui de
Nei\oc que nous trouvons employé par Hésiode ,
Hérodote , Diodore de Sicile » Strabon , et par une
foul^ d*autres écrivains.
Les anciens et les modernes ont été partagés d'opî^
DÎon sur son origine. Diodore de Sicile assure (i) que
ce fut le roi égyptien NoXoc , Nilus , qui lui donna
eon nom. Mais le Canon chronologique de Manéthoa
ne contient le nom d'aucun roi appelé Nilus. Il $9
peut cependant que le roi connu sous ce nom par les
l&recs, en portât un autre chez les Égjrptiens ; on a un
exemple de ce genre dans Thouôris , sixième roi do
la dix^neuvième race , qui fut appelé Protée par les
Grecs. On pourrait encore conjecturer que NéiXoç fut
le nom d'un roi égyptien , et que ce roi en avait
plusieurs , usage immémorial dans l'Orient , qui fut
aussi commun aux monarques de TÉgypte (2}. Lp
grand Sésostris , ou mieux Séthosis , s'appelait aussi
Bamessès ( 3 ) , et son fils , qui fut son successeur ,
(i) Lit. I, page 17.
(%) Georges le SynceDe.
(5) ManéthoBy apud Josephum contra ^ppionem, lib. L
(i34)
portait les noms de Séthosis, de Ramessès, de Rap^
sakhés et de Phéron^ selon les anciens auteurs (i)«
Le Catalogue des rois de Thèbes , conservé par
Ératoslhène « semble justifier ce que nous venoDS
d'avancer. On y lit : 0)iCoiitfr ^otarû^jeu^ep ^p^r irroi
ViiXoç y Thebœorum rex ( trigesimus-septimus ) fuit
'Phrurôn seu Nilus. « Le trente- septième roi thébaia
fut Phrourân ou Nilus , x> ce qui indique que ce roi
portait indififéremment le nom de Phrouron ou de
Nilus. Mais il n'est pas prouvé que ce soit de lui que
le Nil ait pris son nom.
On a dérivé le mot NetT^oç du grec et de FhébreiK
Quelques auteurs ont cru qu'il appartenait à la langue
égyptienne. Philippe -Jacques Maussac « qui publia
une édition de l'Histoire des Animaux d'Âristote , en
1619, pensait que le mot NeiXod* dérivait des deux
mots grecs Ne>i ê>Ji^ , nouifelle boue^ noui^eau limon ,
parce que le Nil ^ après son débordement , laissait la
terre couverte d'une nouvelle couche de limon. Mail
cette étymologie est plus ingénieuse que fondée.
Il fut un tems où la science étymologique reposait
uniquement sur la langue hébraïque ; tout était
regardé comme de son domaine , parce qu'on
croyait généralement qu'elle était la mère de toutes
les langues. Quelques savans voulurent y trouver
( Y ) Maoëthon , loço cUato. — • Héro4ot9 , Uv* II j 5* ^^*
Diodore,liy. i.«', «te.
( i35 )
la signification des noms des Dieux et des villes do
toutes les nations de la terre ; ils dirent qu'Horus
venait du mot hébreu Aour, lumière ; que le nom
de Thèbes aux cent portes dérivait de Thébah ^
qui en langue hébraïque signifie un coffre ; que le
nom égyptien d'une ville du Delta, No-amoun, se
traduisait en français par crud ou bien irritation.;
que les noms propres des Persans étaient aussi tirés de
Tbébreu ; que Cyrus signifiait quasi miser ^ et Darius,
celui qui cherche; que le nom des Atlantes avait
pour racine Thal^ en hébreu colline, hauteur; enfin ,
que les noms étrusques des anciennes villes de l'Italie^
tels que FETVVONIA, Vetoulonia; FEVA©>1,
Vdathri; TVTE>E, Toutéré ; FVrVVNA , Pou-
plouna, n'étaient autre chose que des noms hébreux
corrompus. Cet étrange abus de l'érudition a cessé ,
dès que les philologues ont été convaincus que chaque
peuple avait tiré les noms de ses dieux et de ses villes
de la langue qui lui était propre , plutôt que de celle
d'une nation étrangère.
On avait cherché l'étymologie du mot tJesXoç dans
rbëbreu , et on croyait l'avoir trouvée dans le mot
Nahhal ou Nakhal, i^allée, torrent {i). Mais Jablonski
a combattu cette erreur avec avantage et l'a détruite
entièrement (2) , ce qui lui a donné l'occasion d'avancer
que NciXoç appartenait à la langue des Égyptiens. Il
(0 Nombres, XIII, 24. -* Ezechiel, XLVII. 9.
(2) Panthéon AEgj-ptiorum j tom. I, lîb, IV, cap. i, pag, i55
•t i56.
( i36 )
fait dériver ce mot du substantif fëminim ^tttS , on
0Kt5, Temsjixef Tems marqué^ et du yerbc ob^^Hî»
t^iScumfy adscendere ; Hes&TvHS, Neialéi, dësignait
donc , selon Jablonski , un fleuve qui croii à une
époque déterminée ( i )• Cette élymologie est assez
heureus'è , mais peut-être en est- il du mot NciAo^*
Comme d'Af^u'TTro^ ; le sens de Tun et de Tautre peut
n'être pas bien détermine.
JablonsLi cite aussi un autre nom qu'il pense avoir
ëté celui du Nil chez les anciens Égyptiens; c'est dans
le passage d'Eratosthène que nous avons rapporté
plus haut (2), qu'il a cru le trouver, et il traduit ^f»e^
ifTOi NciXoc, par Phruron , £d perô significat Nilum (3).
fl suppose ensuite que ^fitpm doit s'écrire 9a^f ou
'S^y (4), voyant de l'identité entre <tfHpop ou Z^poy, et
le nom de Sîris que les Éthiopiens donnaient au Nil.
11 les dérive l'un et l'autre de l'égyptien &pOTp ,
Hrour, qui signifie être tranquille , être posé, cesser
(5), et non pas aquœ déficientes ^ cessantes, comme il
l'assure (6). Il est difficile de présenter une étymologie
moins régulière (7).
(1) Panthéon AEgjrpiiorum , lom. I, lib. IV, cap. i, pag. iSj
ft iSg.
^a^Page i54.
(5) Panthéon AEgjrpiiorum, ibidem ^ pag. i6o«
(4) Ibidem^ lib. IV, cap. 1 , pag. i5g.
(5) Pseaume LXXXIX, 9. — Id. CVI, ag.
(6) Panthéon AEgxptiorum f ibidem ^ pag. 160 et 161 •
(7) Dans la Chrooique Alexandrine ( pag. 66 et 69 , ëdit da
( 13; )
De plusieurs rapports réunis , nous pouvons conelaie
que les anciens Égyptiens appelaient le Nil Iz>po,
Iaro , le fleuve. Les Hébreux adoptèrent d'abord ce
nom sous la forme de Iâr, qu'on prononce leor^ seloa
la ponctuation des Massorètes ( i ) , et les Rabbins
juifs qui se sont plu à sonder les profondeurs gram-
maticales de leur langue , ont prétendu que le mot
hébreu Iar devait plutôt être traduit par Riçus^
branche defleus^e^ que par Flus^ias ^ fleuve proprement
dit; et par une conséquence de cette opinion, ce mot
devait être spécialement consacré dans le Pentateuque
et les Prophètes à désigner le Nil, parce que dans la
basse Egypte, ce fleuve se divise en plusieurs bran-
ches qui se rendent à la mer. Mais ces subtilités
philologiques sont sans intérêt, puisque, comme l'a.
Munich } , le Nil est appelé Tuêi» B^ûUÇ^ le Géon de la Th^baïde.
Géon désigne ea effet quelquefois le Nil, appelé plus ordinairement
Abawi chez les Éthiopiens. J'ai trouvé Timv écrit TT1F*£0Î< dans
nn manuscrit copte de la Bibliothèque impériale ( fonds de Saint-
Germain, n.* 17, page ptJL& V où il désigne le fleuve Dgihoun 011
\Oxus» Dans le même endroit » ^ILCCUt^ » le Phizoun hél^-eu ^
ut le nom dn Sihhoim des Persans.
M. Marcel ( Décade égyptienne^ tome III, page 116 ) dit avoir
la niKl&CUÎ^ dans un Vocabulaire copte, comme nom du NIL
Nous ne. l'avons rencontré nulle part avec cette acception.
(0 Isaie, XXXn^ 21. — Ezechiel, XXIX. 3, etc.
( i38 )
observé Jablonskî (t) , le mot hébreu Iar n'est qu'une
corruption de l'égyptien ÏBpO , qui désignait le fleuve
en général.
Les Coptes ont aussi conservé au Nil te nom de
I&po , laro ^ ou <I^S&pO, Phiaro. Dans le titre du
martyre de saint Jean de Pannisjoïtf territoire de
Pouschin (2) ^ on lit que (3) du tems du roi Elkamel,
fils du roi Eladel (4) ( sultan d'Egypte , de la race des
Aiyoubites), ce saint mérita la couronne du martyre :
^iV^^rS. Ktn Cc^OTOT «.4>SSpO KTE ^RiUS , sur
les riçes du Jleus^e d'Egypte ( Phiaro antekhèmi J.
I&po, laro, est donc un nom que nous savons avoir
été donné au Nil par les Egyptiens , dès la plus
haute antiquité ( 3 )• Ce nom suffisait , puisqu'il n'y
(i) Panthéon jlEgjrptiorum , tom. I , lib. ly, cap. x , page i45.
(a) Mss. copt , Bibl. imp», fonds duVatican, n.^ 69, f.^40^
(5) JULHOrpo e?v3^ejulkX nojKps JULixorpo
tX&^*T^A. On remarque ici , comme par- tout ailleurs, que les
Coptes ont substitue leur 7^ au Z> qui se trouve dans le mot arabe
jtdel^ parce que dans Palphabet égyptien il n*y a point de D,
(4) AI-Malik-al-Kamel, fils de Malik - al- Adel , frère do
Salahh-edin ou Saladin. Il succéda à son père vers l'an 1218 (te
Tére vulgaire.
(5) Il parait aussi que les Coptes le nommèrent 'f^&iUHl^pSi
Tiaméiri ( mss. cop., Bibl. imp. , fonds de Saint-Germain, suppls
ii.*i7, f.<> p.ULÊ, verso. — Kircher, page 214). On pourrait
< «39 )
avait point en Egypte d'autre fleuve que le Nil Nous
avons cherché à faire connaître dans ce chapitre les
divers noms quil porta chez les Égyptiens, et ceux
qu'il avait reçus des autres nations.
dériver ce mot de *i^&iUKpl, secourable ; en arabe, DJuAir
( mss. cop., n.^179 idem ). Kircher l'interprète couleur bleue
( page 255 ) : nous ignorons sur quelle autorité* Ce nom pourrak
aussi avoir été en usage chez les anciens Égyptiens , igoais on m^
peut pas le prouver*
r
CHAPITRE QUATRIÈME.
De la haute Egypte ^ de ses bornes ^ àe
ses dwisions et de son nom Egyptien.
JLj^ile de Philae borne au midi la haute Egypte,
qui , au nord , se termine à la pointe du Delta , et
embrasse entièrement le pays situé entre le a4-^ deg.
I m. 34 s. , et le 3o.^ degré de latitude ( 1 ) , ce qui
comprend un espace de plus de i5o lieues du midi
au nord. Cette partie de TÉgypte n est qu une vallée
d'inégale largeur , au milieu de laquelle le Nil ,
resserré dans son lit , coule en formant un nombre
considérable dé coudes et de sinuosités. Dans quel-
ques parties , cette vallée a un peu plus d'une journée
de cbemin en largeur , et quelquefois aussi elle est
très-étroite. Entre Hermontbis et Âsphynis , les deux
chaînes de montagnes qui forment cette vallée, se
rapprochent tellement que l'espace qui se trouve
entr'elles (2), étant pour ainsi dire tout occupé par
(i) Nouvelles Observations astronomiques de M. Nouet
(s) C'est ce qu*oa appelle aujourd'hui Djeblein , ou les Deux-
MotUagnes.
( i4i )
le Nil, les voyageurs sont obligés de tourner la chaîiie
libyque,. pour arriver à Aspbynis et à Latopoli^ (i )•
Au - dessous d'Héracléo polis - Magna , la chaîne
fibyque s'ouvre tout- à -coup et donne passage à ua
grand canal pris du Nil , qui arrose le nome de Croco*
dilopolis et qui , divisé en plusieurs branches pour fer-
tiliser cette province , se jette ensuite dans un grand
lac par lequel elle est bornée vers le nord-ouest.
La haute Egypte paratt être la partie de ce
royaume la plus anciennement peuplée. Ses faabitans
se croyaient extrêmement anciens dans le pays , et
tout semble concourir à le prouver. Si les Égyptiens
sont une colonie d'Éthiopiens , comme nous Texa*
minerons dans la suite (2) , ce fut d'abord dans la
haute Egypte qu'ils durent s'établir. Cette contrée
renferme en effet les villes égyptiennes regardées
comme les plus anciennes : telles sont Thèbes^
Coptos, Panopolis, Abydos et Antéopolis. Quelques
monumens de Thèbes , qui fut la première capitale
it VÉgypte , portent l'empreinte d'une antiquité plus
reculée que celle des temples en petit nombre qui
existent dans la basse Egypte. Le palais de Qarnak ,
par exemple , et sur * tout les temples de Qournou
et de Mediné - Tabou , qui sont dans l'enceinte de
(0 De là rient qu'Hérodote désigne quelquefois la haute Égjptfli
par la partie étroite de ce pays. Hérodote, lir. II, J. xcix»
{p^ Dans la partie historique de cet ouvrage.
(l42)
Thèbes ; sont remarquables par la grandeur et k
majesté qui caractérisent rarchitecture égyptienne
des beaux tems ; mais ils laissent appercevoir , dans
quelques-unes de leurs parties » renfance de l'art et
les prenûers efforts des Égyptiens vers ces belles
formes architecturales , si éminemment développées
dans les temples de Latopolis et de Tentyra , les plus
beaux et les plus parfaits de TÉgypte. Thèbes prouve
donc que la haute Egypte fut habitée avant le Delta ;
et les rochers granitiques de ses montagnes , qu'on
voit particulièrement dans le voisinage de la Nubie et
de rÉthiopie, sont des preuves certaines de Texistence
de son sol avant celui de la basse Egypte , qui
n'est au contraire qu'une couche de terre végétale,
apportée par le Nil sur le calcaire dont ses mon^
tagnes sont composées.
Cest aussi à la haute Egypte que s^applique spé<*
cîalement une observation de Diodore de Sicile. De
toutes les provinces de la terre, dit cet historien (i)»
rÉgypte est la seule où l'on trouve beaucoup de villes
fondées par les anciens dieux , tels que Jupiter , le
Soleil , Hermès , Apollon , Pan et Éléthya ( Latoae )•
Quoique ce passage ne doive point être pris à la
lettre , et qu'il soit faux que ces dieux aient bâti des
CO Diodore à» Sicilt, liv. I, page t%
L
( î43 )
villes , il en rësulte cependant qu'elles sont frès-^
anciennes, puisque c'est aux dieux mêmes qu'on ea
atlribue la fondation ; et comme c'est dans la haute
Egypte que se trouvent les deux Diospolis ( les villes
de Jupiter ) , Hermopolis ( la ville d'Hermès ) , les
deux ApollinopoUs (villes dlApoUon ), Panopolis ( la
ville de Pan ) , Éléthya ( la ville de Laloue ) , il résulte
nécessairement de l'observation de Diodore de Sicile ,
que ces villes sont les plus anciennes. Dans la basse
Egypte , on trouve seulement Héliopolis ( la ville du
Soleil ) , située presque à l'entrée de la haute Egypte,
Hermopolis --Parva ( i ) et Héracléopolis -^ Pari^a^
qui sont sans doute bien plus récentes que VHer^
mopolis " Magna et Y Héracléopolis - Magna de la
haute Egypte.
Les Grecs la divisèrent en deux parties inégales ;
THeptanomide et laThébaïdc. La première doit son
nom aux sept nomes qui la composaient. Ces nomes
étaient ceux de Memphis , Aphroditopolis , Croco-
dilopolis, Héracléopolis-Magna, Oxyrynchus, Cyno-
poHs et Hermopolis-Magna, situés du nord au midi.
La seconde partie que les Grecs nommèrent 0jjj8ai(r,
était ainsi appelée de ®ïiCcu , Thèbes , sa ville prin-
cipale , et s'étendait depuis le nome de Lyçopolis
(i) Nous ajouterons encore que Memphis , seconde capitale do
VÉgjrpte, est aussi dans la haute Egypte.
C ^U )
jcrsques à rextrétnité méridionale de l'Egypte. Les
Coptes ont quelquefois fait usage de ce nom grec cor-
rompu ; on le trouve orthographié Oe&5ESC ( i ) et
7E&2>!iC (2). Les anciens Égyptiens ne Tont jamais
employé*
Il est probable que cette division de la hauts
Egypte ne remonte point jusques aux tems des rois
de race égyptienne» Hérodote, qui la visita sous la
domins^tion des Perses , n en parle pas , quoiqu il cite
iouvent la plupart des villes qui y sont situées; et Ton
peut avancer qu'elle portait primitivement le nom
égyptien de U^^pnc, Maris : c'est oelui quelle a
dans tous les livres coptes (3).
Le mot U&pHC (4) est composé de deux autres
mots égyptiens ; de ii55. ou TT1U5., locus, lieu, et de
pHC , qui désigne le midi : Maris signifie donc une
contrée située au midi, un pays méridional. Ce nom
a été donné à la haute Egypte , parce qu'en efiët elle
est située au midi du Delta et de la basse Egypte ; H
se
(1) Ms3» copt» Bibl. imp., n*^44» ^^ 79 roctô.
(2) Theotokia^ page 192, etc. » citëe par MingarelU , page 217.
(5) Doxologia MSSta, page Sg; ]VlanuscriU coptes passim.
(4) On ne doit poiat confondre U^^pHC avec les mots ÂSipi^
ff
Af HpS, ou £^^HpSy qui 9 en langue égyptienne » sigoifiaieut U
tnilieit 4u jour.
(.45)
se présenté le plus ordinairement sous la forme de
■^uspHC , le lieu du midi; il est très- souvent'
accompagné de l'adjectif TTSî^saj^,-P/«wcA<^,^rawrf,
h Grande Maris (i) , et quelquefois, au lieu de
U^pHC , on trouve seulement pHC , le midi , pour
indiquer TÉgypte supérieure (2).
Le nom de U&pKC s'applique à toute la haute
Egypte, qui comprend aussi la Thébaïde. Il cor-
respond exactement au Ssâïd, lieu montant ^ des
Arabes. Selon Kbalil - Dbahéri (3), un de leurs géo-
graphes, « ^'Egypte méridionale commence à Misr et
» à Djizah (4)i et s'étend jusques aux Cataractes, ce
» qui forme deux mois de marche (5). Le mot
(1) Mss. copte, BibL imp., n.* 62, f.^ig8 , fonds duYatican , et
passim,
(2) Mingarelli, opus citatum, frag.VIII, pages 209, 211, etc.
(5) Khalil-Dhahëri , liv. i.^', dans la Çhrestomathie arabe de
M. SQvestre de Sacy, tome I, page 258; tome II, page 291.
(4) Vulgairement Gizë, village à rocddsnt du Kaire, prés duquel
le trouvent les Pyramides.
(5) Les Arabes divisent le Ssaïd , ou la haute Egypte , en trois
parties; Lia première porte le nom de Ssaïd^ëî^ouaîha^ et comprend
le territoire et les villes qui sont entre le Kaire et Aboutig ; la
seconde «'étend depuis Aboutig jusques à KeAb ( Coptos ) , et
s'appeUo Ssàid-el'aoussaih ; enfin le reste de la haute Egypte,
jusqoes à Asouan (Syène), porte le nom de Ssaïd-^l-adla^ c'est*
à-dire le Ssaïd le plus élevé. Cette dernière partie correspond à la
Thëfaaide ; le Ssaïd' eUouaiha est à pea de chose près VUepiar»
nomide des Grecs»
10
( i46 )
arabe élant Tëquivalent de Tégyptien Maris ^ il résulte
du passage cité , que Maris Vappliquait à toute la
haute Egypte, c'est-à-dire au territoire limité parlé
])elta et par la Nubie ( i ). Nous rappellerons encore,
en faveur de cette opinion , ce que dit Makrizi, célèbre
géographe arabe , que les Coptes du Ssâïd se nom-
maient Maris 9 et ceux de la basse Egypte Bima (2).
On ignore la signification de ce dernier mot. Les
Arabes donnent à un vent, appelé aussi Khamsin^ le
nom de Marisi (3). Nous avons dit ailleurs que ce
nom dérivait du U&pKC , Maris des Egyptiens, ce
vent venant en efiet du midi : cette conjecture est
changée en certitude par Topinion semblable que
vient d'émettre M. Silvestre de Sacy ; et ce n'est pas
«ans un vif plaisir que j'ai vu ce sentiment partagé
par mon illustre maître '( 4). Il tend à confirmer ce
que nous avons dit de la haute Egypte et de son nom
égyptien.
j(i) Le nom de Uz>pnC ëtait probablement donne par 1h
iMiUtans de la haute Égypt» à la Nubie , qui se trouvait au midi
par rapport à eux. Voyez M. Silvestre de Sacjr, TraductUnn
française d*Abdallatif, pag. i5 et i4-
(a) Voyez M. Silvestre de Sacy, loco citato^ et M.Quatremére,
Pecherches sur la langue et la littérature de l*Égjrpte^ page 176,
«t sur le mot Bima^ page 177.
(5) Ven^leby Nouvelle relation d^Égypte^ pag. 36 et 37.
t4) li est aussi fait mention des Égyptiens Maris ^ dans ks
,'^nnales d*Ettthychius, tom. L**], page 54.
( i47 )
Âpres avoir indiqué ses montagnes ; nous la divi^
serons en deux sections , la Thébaïde et l'Egypte
moyenne. Nous avons fait connaître ailleurs les
motifs de cette division (i).
Montagnes de la haute Egypte.
Les deux chaînes de montagnes qui bornent \%^
haute Egypte , à Forient et à l'occident , sont connues
sous le nom général de chaîne Arabique et de chaîne
Ubyque. Cependant on ne peut douter qu'à différentes
hauteurs , elles n'eussent , chez les Egyptiens , des
noms particuliers tirés très-souvent de la ville qui les
avoisinait à Test ou à f ouest du NiL Parmi le grand
nombre de ces noms que nous avons recueillis dan3
les auteurs grecs et dans les livres coptes , nous ne
donnerons ici que ceux des montagnes dont la
position peut être déterminée d'une manière satis^
faisante.
Dans le chapitre précédent (2), nous avons parlé
des noms que portèrent les deux montagnes qu'on voit
entre Syène et Éléphantine. Le nom deOorqS, Moufi^
bonne , fut donné à Tune d'elles , par opposition à
celui de XpOq, Chrof, maui^aise, que reçut l'autre;
ils tiennent à des circonstances locales qu'il nous est
impossible de déterminer.
(0 Supràf pag. 71 et 72.
<2)Pagi 114 «t ii5.
(i48)
La montagne située à rextrëmité sud de la
Thébaïde , près de Syène , dernière ville au midi
de la haute Egypte, portait le nom de UEpOES^»
Méroéït (i),
La montagne Libyque vis-à-vis de la ville de
Sné ( Latopolis ) , avait pris le nom de cette même
ville , comme le prouve le passage suivant qu'on lit
dans les actes de saint Pacbome : Sk^^atltq dS<^Si
J^nscîtROY B^c\ajE EpRC Emraxor sickh ; (i Ce saint
se leva, se fit accompagner par quelques frères, et
marcha au midi vers la montagne de Sné. » Dans le
voisinage d'Hermonthis, elle s'appelait UkuS, Shémi^
comme on le voit dans l'éloge de Pisenti , évêque de
Coptos ^ prononcé par Moyse , évêque de la même
ville. Les noms de HcyâlElTO^E , Pschshèpohè , ds
Paxrr&5ij&.KC, Bôtaschans, et deTKpR&, Téréb
(2), appartenaient à trois points de la partie de celte
des deux chaînes de montagnes qui est située entre
Hermonlbis et Apollinopolis-Parva. Dans les envi-
rons de cette dernière ville , la montagne Arabique
était connue sous le nom de &B>6t ^ Hashé (3).
( I ) yie de Paul VHenvite^ inss« baschmourique-thébain du
tnusée Borgta , n.^ 172, publié par Zoëga , Catalogus manu"
scriplorum musœi Borgîanî ^ pars III, pag. 568; Romœ, jSitf»
X^) yie de Raul llHermtte, mss. coptes du musée Borgî^»
Zoëga, texte copte , page 366.
O) Ibidem.
049)
A la hauteur de Crocodilopolis, près de Fanopolîs, U
chaîne Libjque prenait celui de ITTttïOV K^c-rpRlTE,
montagne d' A tripe ^ à cause de la ville de ce Dom.
Cxttionnr (i> , Siôout ( Lycopolis ) , IIsou. , Piom
( le nome de Crocodilopolis ) , et la petite ville de
*i*>vO!^, Tîlos/ , communi()uaient le leur aux mon-
tagnes voisines. Celle qui bornait Memphis à Foc-
cident, était appelée IIîssojuljuOS, Psjommi.
Pailles de la haute Egypte.
Sous les Pharaons, la haute égypte, comme noua
Tarons déjà dit (2) , fut divisée en deux parties , la
Théhaïde et VÈgypte moyenne. La première était
subdivisée en dix Pthoschf ou Nomes; la seconde
rëlait en seiae (S). Elles seront le sujet des deux
sections qui composent ce chapitre , et chaque ville
sera celui d'un article particulier , indiqué par le
som ordinaire et le nom égyptien de chaque lieu.
Une troisième section est destinée à faire connaîtra
les chefs -lieux des 26 nomes de la haute Egypte-,
et les noms des villes qui étaient situées dans Tar-*
rondissement de chacun de ces nomes. Ce résultat
naîtra des discussions relatives aux villes de la
(0 Ibidem.
(a) Supràf pag. 71 et 72.
(5) Strabon, liv. XVU, page 787.
\
( i5e )
Thëbaïdô et de l'Egypte mayenne , eonsidërëes dans
leur étendue, leur position et Timportance de leurs
monumens.
SECTION PREMIÈRE.
En quittant la Nubie et entrant en Egypte , le Nil
est coupé par plusieurs îles que forment des rochers
granitiques en s'élevant au-dessus des eaux. Ces îles
sont en grand nombre. Les plus considérables sont
celles que les Grecs connurent sous les noms de
T«xoft4oc» Tachompsos; de <bt^ai^ Philœ, et d'EAÉ-
ffou^limn^ Éléphantine.
Tacliompsos. — Tachamsah.
«
Quoique le territoire de TÉgypte fût borné au sad
par rtle de Philœ , nous avons cru devoir indiquer
d'abord celle de Tachompsos , qui appartenait à
régypte des Pharaons. Cette île était le point le plus
reculé du royaume vers le midi. Elle se trouvait sur la
frontière des Éthiopiens « et était réellement le lieu oii
finissait TÉgypte et o& FÉthiopte commençait. Méta«
chompso appartenait en commun aux deux peuples (i)«
Les Éthiopiens possédaient la partie méridionale; le
nord était habité par les Égyptiens. Dans son voisi*
nage , le Nil formait un lac très-considérable sur les
( I ) Hérodote , li^. II , J. xxix. Mdfachompso ou Tachompsos
indiiréremment.
( i5i )
bords duquel campafent des Ëthiopfens nomades (i );
semblables aux Arabes bédouins , ils parcouraient les
déserts de la Nubie « et se fixaient momentanément
dans les cantons où leurs troupeaux trouvaient une
nourriture abondante.
La position géographique de Tacbompsos n'est pas
fixée d'une manière certaine. Etienne de Bjzance ea
fait un bourg situé sur les frontières de TÉgypte et de
rÉthiopie, dans le voisinage de Itle de Philae (2) :
TAKOMi^OS xâ^>t ir tosç oCAotç AiywttlicÊP tcu KAto^arm
"irpoç 791 9>i}^ia fno'ûÊ. Mats ces mots ^mpoç 71» ^t\»x pnio-»,
près de Vile de Philœ , indiquent mal la position de
Tacbompsos, puisque Hérodote semble dire qu'elle
était à six ou sept journées de chemin de l'île d'Élé-
phantine , voisine de Phild&. Ptolémée la place à vingt-
cioq minutes plus au midi que cette dernière île {Z\\
c'est à-peu-près la position que lui assigne notre
célèbre d'Anville (4).
Le nom vulgaire de Tachompsos n'est pas connu.
Le vague des indications données par les auteurs
anciens sur cette tle , et la difiîculté de suivre le cour%
du Nil au-de3sus de Philae, nous ont privés de rea-
seignemens précis , et sur la situation et sur le nom
nmmm
(1) Hërodote, liv. n, $. XXIV.
(2) Stephanas Bjzantiaus^ verbô TcCXO/l^[^.
(5) Ptolémée, liv. 4 9 chap. 5.
C4) D'Anville, Mémoires sur f Egypte ^ page 21 7«
( l52 )
moderne de cette île; Le nom ancien Tachompsos
est incontestablement égyptien.
Les Grecs l'ont diversement écrit : Hérodote et
Etienne de Byzance l'orthographient Tachompso ou
Tacompsos ; Ptoiémée et , comme lui « Pomponius-
lAèXh^Métachompsos etTachempso. Toutes ces formes
appartiennent à la langae égyptienne ; il paraît pos^
sible d'indiquer l'origine et le sens de ce mot.
Le crocodile porte en copte le nom de ÀxChS 9
'Amsah; et soit que la lettre ^, ch, fût chez les anciens
Égyptiens une espèce d'article dérivé de ^R , être,
de la même manière que l'article TTE ^en thébaio ,
et T\\ en memphitique vient du verbe TTE , être,
soit par toute autre cause q^i nous est inconnue ,
les Égyptiens , du tems d'Hérodote , désignaient le
crocodile sous le nom de Xafi/-^ , qui n'est pas
dififérent de XKJtJtCâ»^ (i ) écrit en lettres coptes.
Ce premier apperçu nous conduit à la signification
du nom de Tachompsos. En retranchant la finale
grecque ç, on trouve Tachompso, et ce mot est évi-
demment l'égyptien T^^JtRuCB.^, Tachempsah qm
Tachimsah » . lieu ou se troui^ent beaucoup de cro^
codiles. Ce même mot est conservé dans le texte latia
de Pomponius-Méta, et Meiachompsos de Ptoiémée
a le même sens. En etfet, les mots concrets se
(1) Hérodote, livre II, $. lxix«
( .53 )
forment, dans la langue égyptienne « en ajoutant à lâ
racine la syllabe iui^n:. Ainsi MtnruM, dilectio^
JUtE^oj&xiLcgE , cultus y jul£*tCO^ , stultitia ,
JUE^TOv&O , purîtas, JUiETCOTti, latrocinium ^
dément des racines A5l£.s , amare , tgEiUOjS 9
serçirCf C0:2£ , stultus esse^ ^OY&O, mundus esse 9
coïts, latro ou latrocinare, précédées de MtT.
En soumettant à cette règle la racioe monosyl*-
labique^K, esse^ manere, on aura JULtT'^ff, metchi
ou metchi f tnansio , statio , et on verra facilement
alors que le Métachorhpsos des Grecs n'est que la
corruption du mot égyptien %3X^'S^^iy^Cl>^ , met^
chémmsah, qui signifie la demeure du crocodile ^
les Grecs ayant mis un ^^ pSf à la place du C du
mot jÙlC^^ , amsaK Ils écrivirent quelquefois le
nom de cette île Xofe4<v ( « ce qui semble indiquer
que XkjwlCS^ peut avoir été en usage chez les
Egyptiens.
Le grand lac qui était dans le voisinage de Méta-
chompsos dut y attirer les crocodiles, comme le
lac Mœris , appelé aujourd'hui Birket-Qaroun, les
retenait particulièrement dans le nome de Crocodi^
fo/?o//5. Khalil-Dhahéri, géographe arabe (2), assure
(1) Stephanus Byzantiaus, verbô Xo/t^pû».
(2) Khidil-Dhahéri, liv. I; Chrestomathie arabe de M. SilveStre
de Sacj, texte arabe, tome I, page 238, et traduction française,
tome il, page 291.
<i54)
^n eSet qu^ Tëpoque où il écrivait , oo trouvait dans
le lac Qaroun bemicoup de cr ocodiies.
La ville située dans l'île de Métachompsos , ^t qui
portait le ntème oom , il'était pas très - grande ; les
anciens Égyptiens la regardaient comme un jitbste
avancé qui couvrait ïile sainte de Philae.
T H ]B B A ï I> E.
Ile de Philœ. — Pîlak.
L'île de Philas est située au 3o.^ d. 34 m. i6 s.
de longitude , et au 24.^ d. i m« 34 s. de latitude , au
méridien de Paris ( i ). Placée au milieu d'un grand
bassin formé par un coude du Nil, sa direction est da
nord-ouest au sud-est; sa longueur est de 192 toises»
et sa plus grande largeur de 68. C'est dans sa partie
taiéridionale que se trouvent les monumens principaux
parmi ceux dont elle était, pour ainsi dire, couverte;
un mur de circonvallation , construit sur les rochers
qui la bordent, l'environnait entièrement.
Seize colonnes de 2 pieds 3 pouces de diamètre,
sur 14 pieds 6 pouces de hauteur, formaient, à
son extrémité méridionale , une enceinte en carré*
long , découverte et précédée de deux obélisques de
0) Noueti Observations astronomiques déjà citées.
( 1&5 )
22 pieds , placés sur le mur du quai. Cette enceinte
conduisait « en allant vers le nord , au temple prin-
cipal de l'île par deux galeries parallèles formées
par des colonnes. La galerie occidentale avait près
de 5o toises de longueur; celle de Test était un pea
moins étendue , et les colonnes de Tune et de l'autre\
ainsi que le mur du fond de celle de Touest, étaient
couverts de sculptures peintes ayant rapport à la
religion.
L'entrée du temple était contiguë à ces deux
galeries. Deux lions en granit, de grandeur colossale «
assis sur leur croupe, droits sur leurs pâtes de devant,
et placés en avant de deux obélisques de 44 pieds de
hauteur , chacun d'un seul morceau de granit rouge
et orné d'hiéroglyphes sur ses quatre faces , indi-
quaient cette première entrée du temple*
Elle est formée par un grand pylône de 1 1 8 pieds
de largeur sur 54 pieds de ha[uteur , dont les faces
extérieures sont couvertes de sculptures ; ce pylône
est composé de deux grands massifs , séparés par
une porte couronnée d'une corniche égyptienne ; elle
conduit à une cour fermée à l'occident par le côté
oriental d'un petit temple décoré de huit colonnes,
et à l'orient par une galerie de dix autres colonnes,
parallèle au petit temple. C'est en traversant cette
seconde cour qu'on parvenait à un second pylône
de moindre proportion que le premier ; il servait
( i56 )
'S'entrée dans un portique de dix colonnes chargëeSi
ainsi que les murs latdraux , de sculptures peintes ea
couleurs très -agréables. Ces colonnes ont 12 pieds
de . tour ; leur hauteur est de 22 à 28 pieds ; les
chapiteaux en sont nobles et gracieux. Enfin, après
avoir traversé plusieurs salles « on parvenait au sanc-
tuaire du temple ; ses deux angles étaient occnptfs
par deux tabernacles ou niches monolythes, dans
lesquelles étaient renfermés les symboles de la
Divinité. Ce temple existe encore tout entier (1).
Strabon (2) dit qu^on voyait un épervier sacré dans
le sanctuaire du grand temple de Philae. Cet oiseau
est en eflet assez fréquent sur les sculptures des
monumens de cette tle; il y était le symbole du Dieu
auquel lé temple était consacré. Strabon ajoute qu'il
ne ressemblait point aux éperviers de TEurope, et
qu'il les surpassait en grosseur. Les Égyptiens lui
dirent qu'après la mort de cet oiseau sacré , on le
remplaçait par un autre de la même espèce , tiré de
rÉthiopie. Cet usage a dû nécessairement être admis
à Philse long-tems avant la conquête de TÉgypte par
Cambyse.
(i) Cette description de Philœ est extraite de celle que M. Laacretf
dont la perte est si sei\sîble aux sciences et à la Commission
d*Égjrpte f a donn<ie de l'état actuel de cette île. Ce Mémoln fait
paitie de la première livraison du grand ouvrage sur TÉgypte.
(a) Liv, XVII, page 81a
( »57 )
Le même auteur assure ensuite que Philae appar-^
tenait en commun aux Egyptiens et aux Éthiopiens*
Mais nous pensons qu'il n'en était ainsi que de Tîle de
Métachompsos , les monumens dont Philae est ornée
étant évidemment l'ouvrage des Égyptiens ; cette
!le n'ayant d'ailleurs qu'une très-petite étendue, il est
impossible que les Égyptiens eussent soufTert qu'un:
peuple étranger habitât avec eux Tenceinte de leurs
temples. Du tems de Strabon , les Éthiopiens pou*
vaient être établis à Philae; mais sous les Pharaons,
les Égyptiens seuls en étaient certainement les maîtres.
Elle tenait un rang distingué parmi les lieux sacrés
de l'Egypte. C'était dans cette île , ou dans son voi-
sinage , que les Égyptiens plaçaient le tombeau
d'Osiris (i). Les prêtres seuls pouvaient y pénétrer.
Trois cent soixante patères étaient dans ce lieu saint ,
et ses ministres les remplissaient de lait chaque jour
de Tannée. Selon une tradition vulgaire, qui est des
teins postérieurs à la chute de l'Empire égyptien,
Isis bâtit le grand temple de Philae en l'honneur
d'Ostris son époux ; lorsque les Égyptiens juraient
par Osiris qui est à Philœ , ce serment était regarda
comme inviolable (2).
(i) Kodore de Sicile, Uv. I, chap. 22. — Plutarque, d'/wV et
i Osiris. — Sénèque, apudSeryium adAEnéid. lib. 6, vers. iS4«
(2} Diodore de Sicile, liv. I» chap. 22.
( .08 )
Oa a dîrersement écrit le nom de Philas. Dans
Strabon on le trouve orthographié ^Ascc , dans Plu-
târque 9fêKauç ^ dans Etienne de Byzance ^ikUÊ,^ et
Filis dans la Notice des dignités de TEmpire romain.
Ces diverses orthographes semblent indiquer que ce
nom n'est pas grec d'origine. Cependant on a donné
à 9>iKsu la signification de arnica f amies (i); d'autres
ont cru que ^hiAceç désignait des tribus^ Mais ce nom
paraît avoir été donné à cette île par les Égyptiens ;
et c'est dans la langue de ce peuple qu'on doit en
chercher la signification.
Zoëga Ta dérivé de la racine égyptienne ^E>^^ou
, çerberare, percuterCf altidere, frapper t se
briser {z) , à cause , dit-il , des rochers contre lesquels
le Nil se brise en cet endroit. Mais d'après la des*
cription de l'état actuel de Philas , il ne paratt pas que
le Nil se jette, avec fracas, contre les rochers de l'île.
Les Egyptiens pourraient cependant lui avoir donné
ce nom , à cause de sa proximité des Cataractes , dont
elle n'est éloignée que de i5oo toises (3).
Le véritable nom égyptien de Philas est IltT^^K (4)
ou n\>v&K, Pilai, comme on le trouve dans les livres
coptes ( 5 ). Ce nom signifie frontière , lieu reculée
-^aï?!^,
*■
(i) TzetzèSy adLycophr.^ yers 212.
^2) 2kiëga, de Obeliscis^ secL 4» cap. i, pag. 286.
(5) Jomard, Description de Sjrène et des Cataractes ^ p9igi i4<
(4) Mss. copte, Bibl. imp., n.*439 f*^ 58^ rectô.
(5) Mss. copte 9 Bibl. imp., n.^ 46.
( î59)
Telle est en effet la posîtioa de 111e de Philae dépend
daote de TEmpire égyptien.
Les Arabes lai out long-tems donné le nom de
Bilaq ; aujourd'hui elle est connue dans le pays sous
le nom vulgaire de Djèziret-el-^Birbé ^ l'île du Birba
ou dvL Temple, car TTplXE ou TTEplTE, perpg ou perpit
en dialecte tbëbain , se traduit par temple : ce nom
égyptien a peut-ôtre été en usage autrefois dans les
eu virons de Philas.
Eléphantine.
Ek suivant le cours du Nil , vers le nord , et sa rive
orientale « on traversait un sol inégal , parsemé de
blocs informes de granit ornés de figures hiéro-
glyphiques, et Ton arrivait à Syène ; c'est vis - à - vis
de cette ville qu'est située la petite île d'Éléphantine.
Sa longueur est d'environ 700 toises , et sa largeur
de près de 200. La ville qui lui d/.nnait son nom
avait un peu moins de 4^^^ toises de tour ( i )• Au
Sud et au nord se trouvaient deux temples. Le
premier , auquel on arrivait par un escalier de plu-
sieurs marches , fut un des plus petits de TÉgypte. Il
ëtait soutenu par des piliers et des colonnes. Cest le
seul temple égyptien dont les lignes ne soient point
( I ) Ceit l'espace qu'occupent aujourd'hui se» ruinée , selon
M. Jomard , Description d Eléphantine , page 5»
( i6o )
ioeliaées. Il ëtaît couvert de sculptures , tant à l'ex-
térieur qu'à l'intérieur. Dans la principale salle de ce
temple, un grand bas -relief représentait un roi ou
un héros faisant à Amoun ( le Dieu à tête de bélier )
de riches offrandes. Le Dieu reçoit le héros dans
•es bras.
Le temple situé au nord était à--pen-près semblable
à celui que nous venons de décrire. On voyait encore
dans cette ville un troisième temple ,^ plus étendu que
les autres. C'était probablement celui de Chnouphis
dont parle Strabon (i). Les deux montans de sa porte
principale sont encore debout. Ils sont de granit et
couverts de sculptures symboliques et d'hiéroglyphes.
Une famille originaire de la ville d'Éléphanline
monta sur le tr6ne d'Egypte. Ce fait, attesté par
Manéthon , a induit les chronologistes en erreur, et
leur a fait croire que l'île d'Éléphanline , dont ils
ignoraient la petite étendue , avait formé un royaume
à elle seule.
Les Egyptiens exploitaient les carrières de granit
tttnées dans cette île. Son nom égyptien nous est
inconnu. Elle porte dans le pays celui d'ElSag oa
Me-Fleuric»
Syène.
Sjn^Ma.
( i6i )
Syène. — Souan.
StÊKfi , batte sur la rive orientale da Nil , ëtait ta
dernière des villes un peu considérables de TÉgypte »
du côté du sud. Elle est au 3o.^ d. 34 m. 49 s. da
longitude , et au 24/ d. 5 m. 28 s. de latitude , sur
le penchant d'une montagne qui se termine au Nil.
C'était une des places de guerre des anciens Égyp-
tiens. Ils y entretenaient des troupes pour empêcher
les Éthiopiens nomades de la Nubie de faire des
iacarsions sur les terres d'Egypte. Sous les roia
égyptiens , Syène possédait un temple de 40 pieds da
largeur; il est presque entièrement détruit aujourd'hui
(i). Il paraît cependant que ce temple ne fut point
Tédifice le plus considérable de Tantique Syène. Léon
TAfricain, en donnant la description de cette ville, dit
que c'est dans cette place frontière qu'il faut parti-
culièrement admirer divers bâtimens des premiers
égyptiens, et sur -tout des tours d'une hauteur pro-
digieuse, appelées Barba dans la langue du pays (2).
Par ces tours , Léon l'Africain désigne évidemment
des pylônes , formant l'entrée de quelque grand
temple qui n'existe plus , et auquel on donnait encoro
le nom égyptien de Barba ^ iT^piTE, Temple. Qa
(i) M. Jomardy Description de Sjréne^ page 7*
(2) Léon rAfncain, Description de tA/ri^ue^ art Asnaii#
IX
(i6a)
peut donc con6lara du rapport de Lëon rAfricaiOi
historien du XV/ siècle, qu'il exista à Syène des
pionumens importans dont il ne reste plus de traces*
C'est dans ses environs qu'étaient les fameuses
carrières de granit, desquelles les Égyptiens tiraient
leurs plus grands obélisques , et la plupart de leurs
monolithes.
On voit encore, parmi les blocs de granit, un obé-
lisque ébauché, ayant plus de 55 pieds de longueur,
et prêt à être sculpté. C'est de ces mêmes carrières
que fut extrait le célèbre colosse d'Osymandias (i).
^Xwipn (a) fut le nom par lequel les Grecs dési-
gnèrent Syène dans leurs écrits. Quoique ce nom soit
égyptien , ils en cherchèrent cependant l'origine dans
leurs traditions historiques. Etienne de Byzance (3)
assure que cette ville fut ainsi appelée de SyénoSf
fils de Daéiés. Nous avons dit ailleurs ce que valent
ces prétentions des Grecs (4)«
Le nom arabe de Syène est Osouan^ que plusieurs
personnes lisent Asouan^ comme il est écrit, et
«
(0 Cette intéressante dëcoaverte est d&e à M. Jomard, qu*
nous 'ETons déjà cité.
(2) Hérodote, liy. IL — Strabon, Ur. XYlI, $. 58. — Sltph^MS
A^zaatinus , etc. .
(5) Stephanus BjzentinttSi verb6 St/HHf.
<4) Suprà, page fS.
(163)
â*autred Assouan (r), dans la fausse persuasion que
la syllabe as n'est autre chose que Tarticle arabe cU^
dont le tant )se change en sin , par une rëgle eupho^
ûique de la langue des Arabes» Mais ceux-ci ont
Seulement' ajouté un alif initial , surmonté d'ua
dhamma, qui le fait prononcer o, par un motif que
fious avons exposé dans notre Introduction ( 2 )•
Nous ayons dit que c'est un usage constant chez les
Arabes , d'ajouter un alif aux noms étrangers qui
Commencent par une consonne ; cependant cette règU
a de nombreuses exceptions , et elle s'applique par-^
ticulièrement à TÉgypte.
Le nom grec 'Svvini et le nom arabe Osouan ne sont
qae des corruptions de celui que portait Syène ches
les anciens Égyptiens. Ce nom fut CoT< , Souan /
c'est celui qu'on trouve dans tous les écrits des Coptes
ou Egyptiens du moyen âge (3), et il est hors.de doute
que cette ville l'avait déjà reçu sous les rois do
Thèbes et de Mempbis. Le grec lluHiii et sa corruption
CEiton par la copiste du manuscrit thébain que nous
MkMMM*MifeMMMM^fl»*«*aB^ll«HMM»«MHbÉMi«tM«i
(1) M. Lâcher, Table géographique de sa traductioa firan-
çaUe d'Hérodote , tome VIU 1 page $24.
(2) Sttpràf page 43.
ff
(5) Mes. coptes , Bîbl. imp., n.^ 44» ^^ 79> r«ctà; -• n.* 46; -«
^dem^ fonds de Saint^Germain , suppl.» n.^ 17» page pc\&> — «k
a-M^» £"" 58, rectô; -« a.^'SA, ^'^ i5o, rtctô; i— Kir^her^
pagi ail, etc.
( i64)
avond cité plas haut ( x ) , sont aussi les mêmes que le
mot égyptien Coyj^w.
Sa signification nous paraît être en rapport avec
la position militaire de Syène , considérée comme
première place frontière de TÉgypte , vers le midi , et
comme la clefA^ ce royaume, du côté de lEthiopie.
Alexandrie et Sfène étaient les villes les plus consi-
dérables sur les deux points opposés de celle contrée.
Les Coptes saisirent ce rapport , et ils désignaient
rÉgypte entière par le pays compris entre Rakoii
(Alexandrie) et Souan (Syène), comme on le voit
dans la citation suivante. Uégyptien Jules (IotXsOc)i
auteur du Martyre de saint Épime (2) , rapporte
tin édit de Dioclétien , par lequel cet empereur
ordonnait à Arménius , gouverneur d'Alexandrie, de
faire détruire les églises, et lut recommandait, OYO^
•
3p2).KOT^ UJ^-COYS*:^ , la reconstruction des Temples
dans tous les lieux ( de l'Egypte ) , depuis Raioti
jusques à Souan , ce qui comprenait on efiet la
totalité de TÊgypte.
(i) Page 29 de l'Introduction, et Mss. copt| Bibl. impér.,
«•45, fol.» 58, rtfcrô.
f ' (2) Mss. copte , BibL imp. , fonds du Vatican , n.» 6& Le père
Oeorgi a donné aussi le texte de ce passage dans son livre ik
Aliraculis sancti Coluthi^ préface, page cvin.
( «65 )
CoY2.î^ est dérive de la racine OyKK fouèn)^ OY£tt
(ouanjy la môme que Oycuk, ouôn, aperire, ouvrir,
et Ton en a formé C&OYtK ^ ou CW)y*K , et par
contraction COYB^St , qui signifie ce qui à la puissance
i ouvrir^ la possession d'oui^rir, le monosyllabe sa,
es, indiquant l'attribution, la faculté ou la puissance
de faire une action quelconque. Un grand nombre de'
mots égyptiens sont formés de la même manière ; tels
sont C&U^OJS (i), samaschi , peseur, celui qui a
t attribution delà balance, et CB^JUC^KOV!^ , sameth-
nousj , menteur. Il en est ainsi de C5-î^!!CpO^, san^-
chref, méchant (2). De la même manière que les
Égyptiens disaient COy&ik ^ aperiems » les Coptea
disaient aussi CCOYHtt, asouén, aperta. Ce terme,*,
qui manque dans Lacroze , se trouve dans un Voca-*-
bulaire copte de la Bibliothèque impériale. Dans ce
dernier mot, on remarque la même contraction que
dans le nom égyptien de Syène, Cov^K, dont nous
croyons avoir proposé la véritable signification.
Les Copies donnaient aussi à Souan le même nom-
(2) Ce mot est composé de €£•, celui qui a V attribution, et do'
^&cy^, balance. Ce dernier signifie exactement i/anj mensuram.
Il est la réunion des mots JUt&, dare, et de Oj^ , mensura,
(5) Ce moi manque dans Lacroze ; nous l'avons trouvé danf !•
manuscrit copte, n.® 5oo, provenant de Saint-Germain. r
\
( 166 )
qu'à PhilcÊ » iTllX&K ( i ) • que nous pensons être le
mot égyptien ITSX&KJ^ , angle ^ extrémité d'une chose.
Il sert aussi dans U langue égyptienne à désigner
les Trontières , ou plut&t Pbilas , comme dans cetto
phrase : ^Ovs^ jUHIOXîC Oj^'l^&i; «TTO^.SC i^Tt
depuis la première viltç ( de l'Egypte ) jusques à la
dernière taille du Maris ( la haute Egypte ) , qui est
Filakh^ du côté de FEthausch ( rÉthiopie ),
Contra-Syène. — Souan-Am-Péinent.
De l'autre cÂté de 111e d'Eléphantîne et vis^à-vis do
Souan , sur la rive occidentale du Nil , était Contra^
Syène. Le lieu qu'occupa cette espèce de bourg est
appelé de nos jours Gharbi-- Osouan ^ la Souan occi-*
dentale, par les Arabes de la haute Egypte. Le oom
égyptien fut Coybk jùmtUEKT , Souan de Foo^
eident, en supposant, ce qui est très* probable, que
Gharbi «- Osouan soit l'exacte traduction de l'anciea
nom égyptien de cette dépendance de Syène. Nous
citerons bientôt plusieurs exemples de noms égyptiens
ti aduits avec précision par les Arabes, lorsqu'ils furent
^^^"•"^«^^^'"■^«^■^^^^■■^*"i^^i"^P^^^^^*W^iP»'*ll*WiW
(0 Mm- copty BibU imp. 9 foncU 4« Smt-Germain , suppL»
(s) Marijrre de sairtt Épime ; U P. GeorgI n'a pas fidalleroeot
traduit et pataage, daai sa préface de UiraçuUs smcti Coliuhit
p» €1»,
(167)
las mattres de TÉgypte. Riea n'empêche que Gharhi^
Osouan ne soit de ce nombre, et nous le pensons»
Ombos. — Ambô.
E H quittant les rochers de Syène , les égyptiens
s'embarquaient sur le Nil , et arrivaient à Ombos
après huit heures de navigation ( i ).
Cette ville , à neuf lieues au nord de Syène , est
située sur la rive orientale du fleuve , par le 3o/ d.
39 m. 9 s. de longitude , et le i^.^ d* 27 m. 1 7 s. de
lalitude (2). Elle fut la capitale d'un nome ou Pthosch
qui existait encore sous les Romains , et dont Syène
faisait partie (3). Ombos était uue ville considérable ;
Bes ruines servent à prouver la magnificence de ses
monumens. On y voyait deux temples qu'environnait
de toutes parts une enceinte de grandes briques»
ayant près de 760 mètres de tour sur 8 d'épaisseur.
Cette enceinte avait deux portes , Tune au sud et
l'autre au sud-ouest , vis-à-vis du Nil»
(i) C'est le teins.qa*on met aujourd'hui pour descendre d'Asouan
i Ombos. Description dOmbos , par MM. Chabrol et Jomard ,
page 16 ; c'est de ce Mémoire que nous avons tiré la descriptiga
ée cette ville.
(a) Obseryations astronomiques de M.Nouet.
(5) ?^uB^ Histoire naturelle ^ tom. I, liv.Y» chap. IX} page 255.
Lugduui Batav,) Elsevirius, i63S , io-ia.
(.68)
Le grand temple d'Ombos, touroévers le fleuve,
avait cent quatre-vingt-cinq pieds de longueur sur
une largeur de cent quatorze. Son premier portique
était composé de quinze colonnes de dix -huit pieds
de tour et de trente -sept de hauteurr II conduisait
à un second portique de dix colonnes de moindre
proportion que les précédenteis. On trouvait ensuite
plusieurs salles par lesquelles on arrivait au sanc*
tuaire. Les murailles, les colonnes et les corniches
de ce superbe temple étaient entièrement chargées
de sculptures symboliques et d'hiéroglyphes, peints
de couleurs variées. L'intérieur du premier portique
était orné d'une corniche ô^agcUhodmmons ou ubœus.
Ce sont des serpens de trois pieds de hauteur,
se tenant sur leur queue et ayant la tête surmontée
d'un globe aplati. Cette corniche est du plus graod
eSTet. Sur les plafonds des portiques , peints en bleu
de ciel , on voit encore sculptés des vautours gigan-»
tesques portant des enseignes. Dans d'autres parties
sont des tableaux astronomiques.
Au nord- ouest de ce temple , il en existait an
second bâti de grès, comme tous les temples de
rÉgypte. Les chapiteaux de ses colonnes sont formés
de quatre têtes de femmes , surmontées d'un massif
qui a la forme d'un petit temple. Cette espèce de
chapiteau, et les sculptures qui représentent des
offrandes àlsis, portent à croire que ce temple, bien
plus petit que le premier, était consacré à cette
âëesse. Le grand temple ëlait Gommiro à deux
divinités, doût Tune était figarée symboliquement par
répervier , et Tautre par un crocodile. LfOS auteurs
anciens nous apprennent que cet amphibie était ea.
grande vénération à Ombos.
' Dans les tems anciens , cette ville communiquait
au Nil par un grand canal ; depuis , ce fleuve s'est
tellement rapproché de la ville , qu41 a fait écrouler
une des portes de la circonvallation des temples ; il
menace même de les détruire.
Les Coptes ne nous ont point transmis Fortho-*
graphe du nom égyptien de cette ville , qui devait
être Ambô , ou bien Ojmhou , nom que portent encore
ses ruines , appelées par les Arabes Koum - Ombou p
hauteur ou butte d'Ombou. On le trouve écrit Ambo
dans la Notice des dignités de l'Empire Romain (i), ce
qui fait soupçonner que Torthographe égyptienne de
ce mot fut À&ciT, Ambôoxx Ombô. Nous ne hasar^
derons rien ici sur le sens de ce mot»
Silsilis. — Sjolsjel.
EiTTRE Ombos et Apollinopolis-Magna , se trouvait
Silsilis. Le Nil, en cet endroit » est resserré entre les
(i) Notitia Dirait, Jmpèr, Rqm,^ ex typographîft Regià, p. 3a.
On lit aussi Qfi/Spoi dans Hiérodès grammaticus » Impér, orierU,9
tipud Baoduri -, Paris , 1 7 1 1 1 in-f**
( i7i> )
èMx cbaîmft de moDfagaes qm le bordent dans tonte
la haute Egypte. La Libyque, aux pieds de taqnelle se
IrcMiTaît Sîlsilts « est de grès. Les anciens Egyptiens y
ottvrhreDt de profondes carrières, d'où ils tirèrent les
grandes pierres avec lesquelles Ombos fut peiit-èlr^
cihMtruit ; la proximité de cette ville semUe l'indiquer.
I/entrée de ces carrières , voisines de la rive occi-
dentale du Nil , est décorée de petits portiques taillés
dans le rocher même. Leur exécution est très*soignée »
et prouve jusques à quel point les Égyptiens portaient
la maoie des monumens. U est vrai qu'après Tex-
ploitation» les rues de ces carrières devenaient des
tombeaux : des figures d'Égyptiens , de grandeur natu-
relle , assises et sculptées à même dans la montagne,
ne permettent point d'en douter. A l'extëneur sont de
grands cadres d'hiéroglyphes , surmontés du globe
ailé qu on trouve sur les portes de tous les temples.
Le nom égyptien des carrières et de la ville est
facile à retrouver. Ce fut 2So^^A, S/olsfel, mur^
chose qui empêche le passage, La montagne en effet
est si près du Nil ,' en .cet endroit, qu'elle interrompt
presque la marche de ceux qui vont à Syène par
la rive occidentale : ce chemin n'existait peut-dire
pas avant l'exploitation de ces carrières. ^CoXt^^X,
Sjolsjel , que l'on trouve orthographié ^CUX!:^^^^ ,
ayant la signification de miir^ enceinie, fuue/ma"
raille 9 ce nom a donc été donné, avec raison, à
(171)
rendrait que nous venons de décrire. Nous feroni
aussi remarquer que le mot thébain ^O^^A , mur,
se retrouve dans le dialecte memphitique , sous la
forme de 2£tu?^^ , adhœrere. Le premier paratt n'ôtre
autre chose que !2t07v ou 2K)>^:^ qu'on aura redoublé.
La langue égyptienne abonde en mots de ce genre ;
tels soDt Ts.hn^'hV^ , humilùas, !2t0u^Eu., ;7a/;7ar^9
J^EX^tllX, jugulare, î^^p^^^p, stertere.
Les Arabes trouvant quelque rapport entre Sjolsjd
et leur mot Selséléh , chaîne , appelèrent ce lieu
Djèbél'-Selsétéh, Mont de la Chaîne. Pour justifier
ce nom , ils dirent dans la suite qu'en cet endroit-là
le Nil avait été autrefois fermé par une chaîne qui
s'étendait d'un bord à l'autre du fleuve. L'ejdstence
de cette chaîne étant de toute impossibilité ( i ) , il
est probable que cette supposition ne repose que sur
Tanalogie du nom égyptien Sjolsjel avec le Selséléh
des Arabes.
Sjolsjel fut une ville de peu d'étendue, à cause de
son emplacement qui est resserré entre le Nil et la
montagne Libyque; on y voyait cependant un temple,
dont les arrachemens existent encore. Cet endroit
intéressant de l'Egypte parait être mentionné dans
k Notice des dignités de l'Empire Romain , sous le
nom de Silili , qui n'est qu'une corruption de SiUilis
OQ Sjolsjel*
(0 ^ojrage dans la basse et la haute Ègjrpte^ par M. D^aon,
plojiclM 761 «t 8oa «xpUcatiofl.
( »72 )
Toum Pithom. .
A peu de distance de XoA^X , un lieu semblable
par sa position , portait aussi un nom analogue.
D'Anville le place presque à égale distance de Silsilis
et A'Apoltinopolîs - Magna , sur la rive orientale du
fleuve , près d'une espèce de défilé formé par la mon-
tagne Arabique , laquelle se rapproche brusquement du
mu Ce lieu porta chez les Romains le nom de Toum;
et cest une altération de l'ancien nom égyptien, qui
devait être BcLVu., empêchement, ou mieux Pithom,
n^QOiUL, Pithom (i ). Ce nom étant rendu en arabe
jiar El" Hhassir^ prouve que cette petite ville, ou
plutôt ce bourg , était situé près d'un lieu resserré
( entre la montagne et le Nil ), près d'un passage étroit;
car la racine arabe, de laquelle dérive Hhassir, a
toutes ces significations (2). Il en est de même des
racines égyptiennes d'où IIs90jul est dérivé : 9CUU
correspond au latin obturare, boucher (3), et veut
■
aussi dire muraille (4); ^Ojul» ^cujul et BCUimS ont
(1) Mss. Gopt.y Bib. imp. , n.<* 44* Ce mot manque dans Lacroze.
(2) Hhassara , Arcte circumdedit , Prohibait, Angustum/uit^
Impeditusfuit, etc. Golius, Lexicon arabicum.
Ci) Pseaume LXH, 11^ texte copte.
(4)Eph.îI, 14.
( 173 )
en égyptien la valeur de conjungerCf adhœreref adJim--
resçere, se joindre, se toucher (i),
Iss Arabes ont traduit avec exactitude le nom
égyptien de Pithom, II^eouL. Ce bourg est encore
connu i parmi eux, sous celui de El^Bouai'b, la
Petite-Porte.
Quelques peuples orientaux, et les Arabes en parti*
culier , se servent du mot bab , porte , pour désigner
un détroit ou un défilé. Ainsi Bab-el- Mandéb ^ la
forte d! Affliction, est le nom du canal qui joint la
Mer-Rouge à l'Océan indien, et Bab-al-Abouab , la
Porte des Portes , est celui d'un défilé situé dans
Tune des provinces septentrionales de la Perse, que
les habitans du pays nomment Derbend, c'est-à-dire^
Porte «Fermée. Les Grecs ne furent point étrangers à
cette manière de parler ; ils donnèrent aussi le nom
de 1rtA^)f aux défilés.
Un fait analogue justifie le nom égyptien que nous
avons donné au Toum des Romains. Une autre ville,
dont la situation est la même que celle de Toum ,
existe dans la basse Egypte ; elle fut également
appelée Tom ou Tohum par les Romains , et les Arabes
traduisirent aussi son notn par Al^Bouaïb. Ce rap-
prochement important confirme l'opinion que nous
avons émise sur le nom égyptien de Tohum.
' ^ »
(i)Malh- XIX, 5. — Marc, X, 9. — Pseaume XXJV, ai,
Uxte copte.
Apoîlinopolis-Magna. — Atbôé
Cette ytlle , bitte sur la rive occidentale du Nil et
à un tiers de lieue du fleuve , était située au 3o.* dé
33 m» JiJi s. de longitude , et au 24** d. 58 m. 43 s. de
latitude septentrionale. Le nombre et la beauté de ses
monumens nousfont juger de son importance*
Les Grecs , fidèles à leur système de tout rapporter
à eux et à leur^religion , l'appelèrent hftCofO^MQç "Xo^^
la cille d^ Apollon (i).
Son principal temple égalait en magnificence ceux
deTbèbés et de Memphis.
La longueur totale de ce monument était de quatre
cent vingt - quatre pieds ; sa façade en avait près de
deux cent douze en largeur. La hauteur des denx
massifs pyramidaux qui accompagnaient sa première
porte , était de cent sept pieds ; ils étaient couronnés
d'une corniche élégante. Leurs quatre faces, couvertes
de sculptures d'une proportion colossale « repré-^
sentaient dès figures symboliques et des oiTrandes
aux dieux. Les deux portes battantes qui fermaient
cette entrée, avaient environ cinquante pieds de
hauteur. Leurs gonds existent encore (2).
Après avoir passé cette porte gigantesque , on se
trouvait au milieu d'une vaste cour , dont trois côtes
étaient une galerie continue , soutenue par trente
(OSlrabon,liv.XVlL
(2) Description aEd/ou^ par M. JemanL
( 175 )
colonnes. Le premier portique da temple « dont la
hauteur ëtait de cinquante pieds, faisait fsice à la
porte, et formait ainsi le quatrième côté de cette
cour magnifique.
Les dix-huit colonnes de ce portique, rangées yur
trois rangs , avaient quarante pieds de hauteur^ ^^i^
pieds de circonférence, et leurs chapiteaux trente pieds
de tour à leur ëvasement. Un second portique , d'une
plas petite proportion, conduisait dans six salles,
par lesquelles on arrivait au lieu le plus reculé da
temple. Là se trouvait le sanctuaire, environné d'une
Doit mystérieuse. Les salles, ayant trente- un pieds
d'élévation, étaient plus ou moins éclairées; les jours
étaient pratiqués vers le plafond. Des scuiptuœs,
représentant des scènes symboliques et de longues
iascriptipns en hiéroglyphes, couvraient entièrement
le pylône , les galeries , les colonnes , et les murs
iotérieurs et extérieurs, du templç.. Elles étaient
revêtues de couleurs claires, dontrefiet, qui semble
devoir choquer un goût épuré , était au contraire
très-agréable , et concourait k augmenter la richesse
de ces somptueuses décorations.
Malgré le tems qui s'est écoulé depuis sa cons*
traction , ce monument est encore intact dans toutes
ses parties. Cette étonnante conservation est due à la
grandeur des pierres de grès que les Égyptiens em-
ployèrent pour sa construction. Celles de neuf pieds
de longueur sont les moindres de toutes ; celles de
( «76 )
quinze' pieds y soint coiDniuoes; les plus grandes
n'ont pas moins de dix -huit pieds de long sur six
d'épaisseur»
En avant du grand teniple, il en existait un second
composé d'un portique et d'un sanctuaire, entouré
d'une galerie. C'était un Typkonium , espèce de petit
temple consacré au mauvais génie , ou aux victoires
symboliques d'Isis et d'Osîris sur Typhon. Les Typho-'
niuhts précèdent presque toujours les grands monn-
meris.
Tout porte à croire que du tems de Strabon , peut*
étro même d'Hérodote , cette ville était déchue de
son ancienne splendeur. L'historien d'Halicarnasse
n'en fait aucune mention , et Strabon la nomme seu-
lement , sans la distinguer d'aucune manière. Mais
ious les Pharaons , elle dut occuper un des premiers
rangs.
Strabon observe que , de son tèms , les habitans de
cette ville faisaient la guerre aux crocodiles (i)*
Kircher , s'appuyant sur Hérodote qui a dit que
THorus des Egyptiens était l'Apollon dés Grecs (2),
prétend (3) que le nom égyptien d'ApoUionopolis fut
UIpoc,
(i) Strabon, liv. XVII.
(2) Hérodote , 11 v. II.
(3) Kircher, (Edipus œgyptiaçusy 1 1^ Chorograph. Mgjrp^h
chap. V, page 47, n.» 22.
( 177 )
UlpOC , Oros ( t )» Mais cette supposition de KIrcbeF
ne mérite pas la moindre considération, et il n'est
point prouvé qxiApollinopolis fût la traduction du
&om égyptien de cette ville. Tout sembJle attestei* le
contraire. Les villes égyptiennes ne portaient en effet
que Irès^rarement le nom de la divinité qu'elles ado«
vaieat» Nous aurons occasion , dans la suite de nos
recherches ^ d'offrir des preuves nombreuses de cettd
assertion ; et quand on admettrait même qtx'^pol--
UntïpoUs fût unei expeption à cette règ^e presquo
générale , il n'en résulterait pas que les Égyptien?
eussent appelé celte ville UIpOC , puisque ce mot 9
évidemment une terminaison greeqo^*
Kircber donne encore k ApollinopolU- Magna I9
nom de ^^tUrt^^ Pfuiônti ou Phtônti, qui, selon
lui , est la véritable orthographe du Phthonthi$ de
Ptolém^e , et il croit que le mot «î^^aiK^ signifiait
Dim sublime. ^^ ea copte se traduit en effet par
dieu^ mais XKK'^ tf est point un mot égyptieii. Kircher
commet une autce erreur » en faisant de Pluhoniis et
SApollinopolis - Magna une seule et même ville ;
il est en cela entièrement en contradictioa avec
Ptolémée , qui les distingue expressément Tune do
l'autre (2) , et ne parle de Pbthontis que comme d'un
(1) Opus citât um^ pa^ 40*
( 178 )
bourg oa d'an village (i^icus) situe dans llntërîear de^
terres, et dépendant ô^ApolUnopoliS" Magna* Nous
n'avons trouvé le nom égyptien de cette dernière ville
que dans un seul manuscrit; c'est dans la nomen-
clature géographique que nous publions à TAppendix
(i). Il est écrit ^*T&tia, Athô, et c'est de-* là, saos
coutredit, que s'est formé l'arabe Oalfoàf en obser*
Tant que les Coptes prononçaient la lettre & comnM V«
Nous n'insisterons pas trop sur la signilBcation de
ce mot , mais nous ferons remarquer que À.&C0 $
jimbâ f nom d'une ville dont nous avons déjà parlé
( Ombos ) , signifie rigoureusement lieu où il y a des
arbres, et que 2binr6cu se traduit régulièrement par
iieu oà il rCy a point éP arbres. Nous ignorons si l'état
des lieux , à l'époque de la fondation de ces villes , leur
avait fait donner ces noms.
Le père Vansleb , en publiant la liste des évécbës
du patriarchat d'Alexandrie , met Odfou ( Edfou ) de
ce nombre, et dit que le nom copte de cette ville fut
Ombon {a). Mais cet estimable voyageur se trompe,
car ce mot n*est autre chose qu'une Corruption du
fiom égy ptiep d'Ombos , et non pas d'Edfou.
Hiéracônpolis.
Au nord -ouest et à peu de distance d'Atbô, était
(i) Appendix, n.<> iv.
(a) Vaasbby Histoire de t église i Alexandrie^ pag» i :
(«79)
tiiëracÀopoUB , oU ta ville des Épen^iers, D'ÂnvHle la
place k UD lieu nommé aujourd'hui Kélëh. Les ruines
de cette ville sufiBsent pour constater son existence
sous les rois ^yptiens ^ mais on n'en peut riea
conclure sur les mooumens qu'elle pouvait renfermer,
Son nom égyptien nous est inconnu^
tiOfisQtfoK partait d'Atbô, en traversant le fleuve,
et qu'on se dirigeait vers le nord -est, on arrivait à
Ététbya^ ville célèbre, non par ses monumens et sa
fiiagnificence , mais par une tradition des anciens qui
^n fait le tbéâtfé du plus borrible abus de la supers-
tition , des sacrifices bumains. Cette tradition sera
discutée dans lios recbercbes sur la religion des Egyp--
tiens , et nous parviendrons peut-être à prouver que
ce rapport des anciens ne mérite aucune confiance.
Élétbya était placée à deux myriamètres d'Atbô/ '
étir le bord du Nil , auprès de la montagne Arabique.
Ses édifices sacrés , aujourd'hui ruinés ^ étaient ren--
fermés dans une enceinte carrée ^ en briques , et
Construite par les premiers Égyptiens. Cette circon-
Tallation , semblable à celle d'Ombos , se retrouva
autour des temples de Quarnak et de Médineh-Taboa
iThèbed, et à Dendérah. Le mur d'enceinte d'Élétbya
A onxe à douze mètres d'épaisseur , et la longueur de
chaque côté du carré , dont un est parallèle au Nil , est
(i8o)
de plus de huit cents pas (i). Cette enceinte contenait
un temple et un bassin destiné aux ablutions et à
f usage des prêtres, qui, probablement, furent logés
dans la circonvallation. A un quart d'heure de
inarche, vers le nord, au pied de la montagne Ara-
bique , était une * petite chapelle égyptienne ^ ornée
d'hiéroglyphes et de sculptures emblématiques ou
religieuses.
, On Voit encore , vers le haut de la montagne , les
grottes taillées dans le roc par les Égyptiens , pour
y déposer les cadavres embaumés de leurs proches.
Ces grottes, qui n'égalent pas en somptuosité celles
de Thèbes , renferment cependant des peintures du
plus haut intérêt. Un grand bas- relief peint offre à
Tobservateur la représentation complète de toutes les
sccupations domestiques des anciens Égyptiens. Ou y
trouve figurés le labourage , les semailles, la coupe des
l)lés , la levée de la récolte , un personnage écrivant
la quantité de sacs de blé qu'on a recueillis , la culture
du lin , celle de la vigne , la pêche et la chasse; uoe
partie de cet intéressant monument est consacrée à la
navigation et au commerce. On y retrouve aussi les
(0 M. Costaz, Description des ruines dÈléthya ; Décade
tfgj-piienne, tome 5, page 1 14. La longueur exacte de chaque côté
du carré est de 640 mètres, àelon M. SainuGenîs, Description
des ruines d^Elkâb ou Éléth^a, page 2. Ce Mémoire fait partie
de la première lîvraisoa de la Description de tÈgjjHe.
( '8, )
cérémonies funèbres et des offrandes aux dieux. Ce
seul tableau nous fournit plus de notions sur la vie
domestique des anciens Égyptiens , que tout ce que les
auteurs grecs et latins ont écrit sur cette matière.
Il est gravé et accompagné d'une excellente des-
cription par M. Costaz , dans le magnifique ouvrage
sur l'Egypte , publié par les ordres de Tëmpereur.
Nous reviendrons sur ce sujet dans la partie his-
torique de nos recherches.
Les Grecs croyant reconnaître , dans la divinité
égyptienne adorée dans cette ville, leur EiXhiBvicl
( Latone ) , lui donnèrent ce nom dans leurs des-
criptions géographiques. Les Romains, par suite de
cette détermination , l'appelèrent aussi Lucina , nom
correspondant à TÉléthya des Grecs. L'essence de la
religion égyptienne semble n'avoir point admis de per-
soonage théologique ayant quelques rapports avec la
déesse des accouchemens chez les Grecs ; par consé-
quent le grec EiA)i0t;ia ne nous paraît point être la tra-
duction exacte du nom égyptien. Cette ville est connue
de DOS jours sous celui d!Elkab, qui pourrait être le
nom égyptien auquel les Arabes auraient ajouté leur
article el ou al; cependant en égyptien Rh&S, 'Admi^
nistrator, RRTit, Fomix, etK&&, Filum, Chorda,
oc présentent aucun sens propre à être appliqué à une
ville. Nous remarquerons seulement que le nom grec
d'El^||0u|(X paraît avoir été usité dans le pays , puisque
( l82 )
©n village voisin de Tancienne yille égyptienne porta
encore celui à'Éleiiz^ qui en conserve des traces frap-
pantes ; mais il ne faut pas en conclure (ju'Éléthyft
lut pu être un nom ëgyptieq,
ChnubiSn — Chnoub,
A la moitié de la distapce qui séparait Éléthya de
Latopolis, se trouvait Chnubis» ou plutôt Chnoubis (i)«
Elle était bittie sur la rive orieplale du Nil; un quai
{ivait été CQnstruit sur toute la longueur de la ville,
Ses tetnples, et peut-être la ville elle-même, étaient
environpé^ d'une grande Qt épaisse muraille. Près de
ees édifices religieuiç , décorés de tableaux biérogly-^
pbique3, était un bassin environné de colonnes (2),
J^'ortbograpbe égyptienne dq nom de cette ville
est d'autant plus difficile à. fixer, que les manus-
crits coptes qu^e nous ayopq consultés ne nous Foat
présentée nulle part. Nous émettrons cependant ici
une conjecture appuyée sur les monumena antiques,
I^a haute f^gypte adprait principalement Cnouphis^
la bonnç Jntelligence^ Iç Dieu hQn^ mot égyptien que
les Grecs traduisireqt fidèlement ps^r A^oç ù^ifuifi^
le bon génitif Pans Cnouphis, Kpo^^k^ on reconnaît ea
eff^t l'adjectif égyptien x^onrci^s, bonus. Il ne aérait pas
" v; ■^■
t ^ ^ w ..m JI.. I . ■ ■ j. i i j i
(i) Ptolémëe, \W. IV, tab. IH.
( i«3 )
invraisemblable que dans la Thâiaïde on écrivit
autrefois ce nom Chnoubi.Va grand nombre de pierrea
gravées semblent en offrir une preuve non*équivoque«
Les auteurs grecs et latins s'accordent à dire qfie ches
les anciens Égyptiens , un serpent appelé Ubœus , et
le plus ordinairement AyctdoJ'ai/UÊ^^ était le symbole
do dieu Cnouphis^ dont il portait aussi le nom parmi
les Égyptiens. Ce serpent sacré, ayant tantôt une tété
de lion , tantôt une tête humaine radiées , se trouve
représenté sur les pierres gravées basilidiennes ou des
Goostiques. Ces pierres, comme nous aurons occasion
de le démontrer dans la suite , offrent très-souvent
des noms égyptiens écrits en lettres grecques. Celui
du dieu Cnouphis y est inscrit par - tout oii sa
trouve le serpent , son symbole. On le voit aussi
quelquefois orthographié Xnovmic (i). Le cabinet
des pierres gravées antiques de Gorlée en fournit
deux exemples ( 2 ) ; mais Forlbographe la plus
fréquente est Xnovbic (3). Trois de ces pierres
sont gravées dans le même recueil (4)* Il résulte
nécessairement de cette comparaison , que si lea
(1) Eq lettkvs grecques ordiaairef , Xyoc//4i;«
(2) Plaache CCX VI , a."" 424 ; planche CCXIII » H.» 4^5; Paria.»
1778, a vol. iQ«4^.
(5) En lettres grecques ordinaires , Xyotib'Ç.
(4) Idem^ planche GCXV» n.^h^i i même planche^ a.*42ft}
même plancbe^ n.^4^
( ««4)
ÈgjplioTïê àiMiénVCnoubi au lieu de Cnouphi, 6'ëtait
là le nom égyptien de Chnouhis ; mais si Ton regarde
le Xnovbic des pierres gravées basilidiennes comme
vue corruption de Kpou^i^^ il faudra aussi admettre
que le nom de la ville de Chnoubis n'est encore
qu'une altération naturelle de l'égyptien Kvou^, Ce
nom désignera alors la consécration de cette ville au
culte de la bonne Intelligence f c'est-À--dire du dieu
Chnoupkis , qu'on a aussi appelé JCnef. On peut aussi
dériver le nom égyptien Chnoubis de S^OYi^ » Or.
Phnoum.
Ce lieu , comme on le lit dans les actes de saint
Pakbôra ( Pacôme ) , se trouvait dans la haute Egypte
et au midi de la montagne de Sné.
4^K0YWL était donc vers la chaîne Libyque, sur le
bord occidental du Nil, et par conséquent au sud de
Sné ( Latopolis ). Nous ne pouvons donner la signi*
fication de ce nom.
Latopolis. — Sné.
De Chnoubis, en passant sur la rive Occidentale
et en se dirigeant toujours vers le nord , on arrivait à
Latopolis située au 3o.^ d. 33, m. 44 s* de longitude,
et au 25.* d. 17 m. 38 s. de latitude septentrionale,
selon les observations astronomiques de M. Nouet«
( iSS )
Cette grande ville, bâtie sur le bord du Nil, fut.U^
capitale d'un nomej la rive du fleuve fut revêti^o.
d'uo quai pour défendre la ville des ravages des eaux^
dont le courant est aujourd'hui très -impétueux dans^
cet endroit.
Cette ville possédait dans son sein un grand templ»
d'une beauté admirable : ce monument, témc^gnaga*
éternel de la haute perfection de Tarchitecture égyp^
tienne , présentait dans son plan , dans sa distribution
et dans ses ornemens , un des plus beaux modèles
de Tancienne architecture , et égalait en majesté ek
en élégance les plus belles conceptions des Grecs.
Son portique, de plus de i6 mètres de profondeur
sur une largeur de plus de Sa , est soutenu par
ringt-quatre colonnes de 5 mètres 4o c. de circon-^
fërence , et dont la hauteur est de j i m. 3o c. Ces
aaperbes colonnes , couvertes de décorations d'un
goût parfait et de scènes symboliques, sculptées par
tm ciseau ferme et gracieux , sont disposées sur six
de face et sur quatre de hauteur. Leurs chapiteaux
variés d'oroemens, quoique leur galbe soit parfaitement
semblable , sont d'une richesse et d'une élégance
achevées. Les murs latéraux de ce portique furent
décorés, tant II l'intérieur qu'à Texlérieur, de seul-
tiires religieuses et d'un nombre immense d'hiéro-f
glypbes de différentes proportions. Les couleurs qui
recouvraient ces tableaux emblématiques ajoutaient
( ««6 )
encore au grand effet de Tensemble. Le fond da
portique était percé de trois portes : celle du milieu
conduisait dans le temple même, et les deux autres
portes latérales donnaient entrée dans une magoi-
fique galerie qui régnait autour du monument. Le
plafond du portique présentait un zodiaque. Le
portique de ce magnifique temple existe encore dans
tout son entier ; Ton peut donner une idée de la
profusion des sculptures répandues sur ce portique
seul , en disant que sa surface intérieure et exté-^
rieure est de 5ooo mètres carrés entièrement couverts
d'hiéroglyphes : il est entré dans sa Constructios
35«ooo mètres cubes de pierre ( i ). Le reste da
temple répondait à la magnificence de ce portique
admirable.
Ce monument fut le principal de Latopolis , mais
non pas le seul. Selon Léon l'Africain , cette ville
était' encore remarquable de son tems par plusieurs
édifices couverts de caractères égyptiens^ qui proba-
blement étaient des hiéroglyphes (2). D'ailleurs, ua
temple aussi grand que celui que nous avons décrit ,
C > ) Vojes la Deseripiion dfEsné oi d» $eê environs , pir
MM. Jolloîs et OeVilUerSf d*o& noas svooa extrait la doser iptiaa
du templa de cette ville*
(a) In hujus civitcuU ambiiu^ maximta visuntur mâifidu^
operisque admiranài sepulturm% eum epitaphiiÊ^ êàm mgfptns
notis fuàm latinis charw^erU^m ùuttdpiis, Descriptioa <ls
l'Afrique , Ua VIU , «rtic. Asna , pag^ 285 » édit d'Anvtfs'
i55&
(i87)
devait être accompagné de bâtimeDS semblables U
ceux qui entouraient ordinairement les grands temples
de rÉgypte.
Strabon parle ainsi de Latopolis : Après Apbro<«
titopolis est Aotro^roXiç TtfMO'A Afhuva» xoi to» Xatou,
Laiopolis qui adore Athèné (Minerve) et le Latus (i)«
AtiQÇ était ch&i les Grecs le nom d'un poisson ; ils
crurent que les habitans de cette ville l'adoraient,
et ils lui donnèrent le nom de Aaro^roXic» i^Me du
Latus. Il est cependant bien difficile d'admettre que
les anciens Égyptiens , et même ceux du tems des
Grecs depuis long-tems tombés dans rignorance, aient
jamais rendu les honneurs divins à no poisson^ et Tod
peut opposer, avec succès, à l'opinion des Grecs «
l'absence totale de la figure du Latus , et l'extrême
rareté de toute espèce de poisson, sur le grand temple
de Latopolis et sur tous les monumens religieux de
l'Egypte.
Le principal temple de Latopolis était consacré aa
grand dieu Amoun, la lumière éternelle 9 la diuinité
resplendissante ; les sculptures de la frise de la partie
antérieure du portique en sotit des preuves certaines.
Au-dessous du grand disque ailé qui se trouve sur
toutes les portes des temples égyptiens, et qui est
l'emblème de la divinité , on remarque plusieurs
images du dieu Amoun , avec sa tête de bélier ,
^l»i^^^^"^^P^"W»W«BBii"»ii^^«H
(0 Strafeçii, libt XYII, page 817,
( «88 )
adoré, pat des prêtres qui renviroonent. Cette scèoe
se trouve plusieurs fois répétée dans l'intérieur du
portique. La représentation d'Amoun , placée au-
dessus de la principale entrée et dans lieu le plus
apparent du portique , prouve sans contredit que le
temple était spécialement destiné à son culte. Laio-
poU^ n'était donc point la traduction du nom égyptien
de celte ville , et ce mot doit être classé dans le grand
nombre des noms ^que les Grecs , trompés par de
Jausses apparences ou mus par leur amour- propre,
ont donnés à plusieurs villes égyptiennes.
Le père Kircher a voulu offrir à ses lecteurs le nom
copte de Latopolb , dans sa Chorographia jEgypti;
mais manquant entièrement de renseignemens exacts ,
il se vit obligé d'inventer ce nom : ce fut, selon lai
Teê'^ ( I ) , mot égyptien qui est la corruption de
Ttft^-r , Poisson. U est aisé de voir qu'il se fondait
sur le nom grec, en croyant que les Coptes nommaient
Poisson la ville qui , chez les Grecs , portait le nom de
Latopolis. Parmi les Égyptiens et les Coptes , T^^^
n'a jamais servi à désigner aucune ville de l'Egypte i
quoique Kircher l'applique à deux d'entr'elles (2).
Le nom égyptien était bien diSTérent, comme nous
allons le voir.
(1) Œdîp. œjsxp^'f tom. ï î Chorogr. œgjrpt. » cap. V, pag« 47'
t«) Vojex l'article Oxyrynchui.
( i89 )
On trouve dans Léon rÂfricala (i) , que dans les
premiers tems^ c'est-à-dire du tems des anciens Égyp-
tiens , la ville que les Grecs connaissaient sous le
nom de Latapolis, et les Arabes tous celui d'Anna ^
qui est le nom actuel , était appelée Sena. C'est
ainsi en effet qu'est écrit le nom de cette ville dans
les livres coptes. Dans un fragment de manuscrit
thébain de la bibliothèque ^u chevalier Nani , publié
par MingarelU ( 2 ) , on lit^ : OtC^'&ue !^E Oft
RpOLrxTIOXSC C«H tCcgOH ^ Tr6£AT><m« , « une
» femme de la ville de Sna était alors à Babylone
f ( d'Egypte ). » Et ce nom , constamment écrit Ckr
( qu'on prononce Sna ou Sné indifféremment ) , se
trouve dans les Vocabulaires et les écrivains coptes,
qui rapportent des noms, de villes (3) , comme corres**
pondant au nom arabe Asna ou Esné^ ou même
Una ( 4 ). Enfin , l'identité de CnH et de la AalcxoXiç
(1) Asnam antiquitus Senàm vocitaruni : ijuœ nominis immu"
tatio ab ArMhus dimanavit^ quorum idiomate SeNà rem/iedant
acturpem significat. Asnam igiiur appellarunt, etc» Leo« Afric,
loco cîtato.
(2) AEgjrp» codic. reliquioff frag. X, page gglviii.
(3) Mss. copt , BibL imp. , n,^* 43 , 46 ; supplémant Saint-
Germaio, n.« 17; n.^449 ^^^'
(4) Asna ne difftrv de Véfypti%n Sna que par l'addition ordi-
naire de l'alif initial. Nous ajouterons à cela que selon VJSdrissi^
cité par Aboulfeda , célèbre géographe arabe , Asnà était une dea
aaciennes villes bâties par les premiers Copies^ c'est-à-dire les
anciens Égyptiens. — Aboulfeda, Description de VÈgjrpte^ édit*
dsVienne, 1807» nax frais des frères Zozime, page 220.
( jgo )
des Grecs ne peut être douteuse , car nous atoas i\i
dans le manuscrit thébain dont nous avons parlé dans
notre Introduction » que X^^tOît ( pour AoJcwroXi^ )
était la môme vîUe que Tégyptien Cî^K , et VAsna
des Arabes ( i )• Il l'esté donc prouvé que CkR est
l'ancien nom égyptien de Latopolis. Dans la vie de
saint Pakhôm , écrite en tbébaio ( a ) ,' il est dit que
Sné est une ville de Ycuttique royaume^
Il nons reste maintenant à chercher la signification
du nom de CitK dans la langue égyptienne. M. Ignace
Rossi , dans ses Etymologiœ agyptiacœ ( 3 ) , dérive
le nom égyptien Ci^R de ^î^H ( 4 ) # Jardin , en se
fondant sur Âboulféda qui» d'après le Scherif-d^
Edrissi , rapporte qu'aux environs de cette yille
étaient beaucoup de beaux jardins* Il nons semble
cependant qu'il est bien loin d'être prouvé que sons
les anciens Egyptiens qui donnèrent le nom de CkR
M«IHMta^i^^^iiwMMMa^lbB<v«tadMi*MM^aM»BiBiriMrt-MM>^ita
(i) Mss. copt y BibL imp. , n.o 43, f> 58 , verso » et ii.«449 f.« 79«
rectô.
(2) Mss. da Vatican , tk.^ LXIX. 2oëga, dans son calalogne da
TA99. du musée Borgia, rapporta le texte, page 72*
(5) Pages 19 et 20.
(4) njnn , Tuki , page 1 to , veut dire jardin. Ujl^E a li
même signification ; Ktrcher , page 259. Cas. deux mots équi-
valaient aussi, en égyptien, à rets ^filets. Osée, Y, u — *Vo/. aussi
le Mss. copt , Bibl. imp. , n.* 5oo , fonds de Saint^Germain , où
y^IlK est rendu par l'arabe Schabàkéh^ retSfJUets^
( «9»)
à cette ville , il y eût beaucoup de jardins en Egypte,
et sur-tout à Sna dont le territoire» assez borué, était
plutôt eusemencd qu'employé à faire des jardins et
des lieux d'agrément. Quoi qu'il en soit , cette éty«
mologie nous paraît hasardée.
Le mo t égyptien qui se rapproche le plus de CkR »
est HikCS^n^ , dont le singulier aurait pu être CS^R»
quoique on trouve aussi HSCîtKS. Ce mot a la valeur
de ruisseaux , irrigation , ou . canal. Mous n'avons
trouvé CtiK dans aucun Vocabulaire égyptien ; nous
ne pouvons donc donner aucune indication positive
sur la véritable signification du nom égyptien de
Lalopolis.
Contra^Latopoîis.
A Forient de Sné^ sur la rive droite du Nil , était
une petite ville connue des anciens^ sous le nom da
Contra^-Lalopolis. La place qu'elle occupa jadis est
aiarquée par un petit temple égyptien , orné d'un
portique de huit colonnes ; quelques-uns des cha-
piteaux, formés de qnatre' têtes de femmes eoifiTées
i Tégyptienne et surmontées d'un petit temple, font
soupçonner qu'il fut consacré à Isis. Nous ignorons
le nom égyptien de cette ville.
Aphroditopolis. — Asphoun.
A trois lieues au nord de Sna était Asphoun , que
les Grecs appelèrent A^foJ'ilw nfohiç^ cille de Vénus ^
ô'tf A(f^ric» et dont les Arabes ont conserva le ûom
égyptiea dans celui SAsfoun que portent encore
ses ruines. Dans son voyage en Egypte , le P. Sicard
y vit les restes d^un temple , mais la Commission
d'Egypte ( I ) n'y a trouvé de nos jours que de grands
inonceaux de décombres, sous lesquels est sans doute
enseveli le temple vu par le père Sioard. Nous oe
hasarderons ici aucune conjecture sur la signification
ni sur l'orthographe du nom égyptien AsFOUHt.
Crocodilopolis et Tuphiunu
Entre Asfoun et Hermonthis se trouvait une
ville nommée « dit-on, K^xo/iK^ov itài^ç par Strabon,
et Tuphium par Ptolémée. D'Anville distingue Tune de
i^autre : il plàceTuphium sur la rive orientale du Nil i
dans un iieu appelé Taoud par les Arabes , et Cro-
eodilopolis sur la rive opposée » à quelque distance
do passage àft^Djebelaïn^ à Tendroit nommé Démocrat
dans la carte de l'Egypte moderne. Mais un temple
égyptien , sur les sculptures duquel la représentation
du crocodile est très-fréquente , détermine la position
dp, cette ville & Taoud , sur la rive droite., là où.ae
trouve ce monument.
MM.
^ (i) Voyez la Description dEsné et d9 ses enyirwu^ par
MM. Jollois et DevilUers, GëograpUe comparce^ page 24.
( 193 )
MM. Jotiois eiDerilIiers pensent ^ diaprés cela, que
Tuphium et CrocodilopoUs étaient la même ville.
Cepeùdant il dous paraît probable que Tuphium et
CrocodilopoKs furent deux lieux distincts Tun de
l'autre > puisque dans un État des provinces et des
vilhxges de t Egypte^ publié par M. Silvestre de Sacy^
à la suite de sa traduction d' Abd - Allatif , on trouve
les noms des villages iHAssfoun ( Aspfaynis ou
Aphrodîtopolis ) , de Thajis ( qui pourrait avoir été
Tuphi-um ) , et de Taoud ( CrocodilopoUs )• (i)
Le village de Thaphis ou Ihafis n'est point men-
tionné dans les relations des voyageurs modernes ,
du moins à notre connaissance; mais étant peut-être
dans l'intérieur des terres , ou n'existant plus depuis
loDg-tems, il a du nécessairement échapper à leurs
recherches et à celles de la Commission d'Egypte^
L'état que nous venons de citer, ayant été dressé dii
tems de Melik-eUAschraf-Schaban, Tan 777 de
Thëgire ( de J» C» 1375 ), Thafis peut avoir disparii
dans un espace de plus de quatre siècles. Ce ne serait
point au reste le seul village connu depuis peu de
tems , et dont on chercherait en vain la place , sur^tout
dans la haute Egypte, où le désert empiétant jour-^
tellement sur les terres cultivées , force les habitans
— > Il I W»^— — ■ ■■ 1—^^— I *■! ■ >—— — ^M^— III ■
(0 Rfflat. (tÊgjjfte d^Ahd-AUaUf. État d€ tÈgrP^e^ pro^
^f*nce de Kous, pag. 702 et 705, a.** 6 et 5i«
i3
( »94 )
à se rapprocher du Nil, et à abandonner sacôeisU
Tement et pour jamais leurs anciennes demeures.
Le nom égyptien dôTouphi-um (Tuphium) devait
nécessairement être Touphi ^ qui, écrit en lettres
coptes, donne TOr^S, mot dans lequel on reconnaît
J'égyptîen 0y^\ , le bien , ce qui est bon , et qu'oa
remarque dans CWOihOYc^î (i), parfum, aromate,
composé de C^OS , odeur , et de î^OYqS , bonne , le
parfum n'étant autre chose quune odeur bonne ,
«uave et agréable. Le nom de Touphi-um pouvait
aussi s'écrire en égyptien ^TOY^î , étouphi, qui est
hon^ la ville bonne , d'où l'on aura pu faire facilement
ToupJUum et Tajis. Au reste , nous ne donnons Jout
ceci que comme une conjecture. Il n'en résulte pas
tnoins cependant que le nom égyptien du Tuphium des
anciens était Touphi, quelle que fût son orthographe:
nous ne l'avons lu dans aucun manuscrit copte.
11 en est de même du nom deThaoud, qu'on trouve
écrit Touot ou Tuot dans une ancienne Relation
de l'Egypte (2), et qui, sous cette dernière forme, a
(i) Ce moti appliqué aax parfums dont on embaumait les
cadavres, pouvait aussi signifier odeur conservatrice; car 1*
racine t\l , de laquelle dérivent OYC^S et hOTC^S » veut dirs
conserver. Math. IX, 17.
(2) Relation du vojrage de Saïd ( la haute Egypte ) par les
pères Portais et Charles-François D'Orléans, page a, imprimé*
^ans V Histoire de lu haute Ethiopie, traduit» du portugais df
Balth^ard Tellez.
< 195 >
des rapports frappaos avec le mot égyptien OoYCUnr ^
Thouôt, tipof^ temple (i), lieu sacré.
Hermonthis. — Ermont.
Vers le nord de Thouôt , et à peu de distance de
cette petite Tille, existait celle d'Hermonthis. Ella
était située à deux lieues au midi de Tbèbes , dans
une grande plaine bornée au sud-ouest par le Nil , et
à l'occident par la montagne Libyque. De la plate*
forme des édifices de cette ville on distinguait, au
nord , les môles et les obélisques de Tbèbes (2). Cette
ville avait près d'un quart de lieue de longueur.
Son principal temple , dirigé presque parallèlement
au Nil, avait environ cent quarante - trois pieds dô
loQg. Ce monument , bâti de grès , était entouré
d'une galerie de colonnes, et en avant il existait une
enceinte formée aussi par des colonnes, au nombre de
dix. L'intérieur du temple était divisé en trois salles
de vingt-un pieds de hauteur. Un escalier très-étroit,
pratiqué dans l'épaisseur du mur, conduisait sur là
(i) Ce mot égyptien ne se trouve point dans Lacroze. Noue
l'avons extrait du Vocabulaire copte et grec de la Bibliothèque
impériale, coté n.<> 5oo, fonds de Saint-Germain.
(2) Description ^Hermonthis par M. Jomard. C'est de cet
excellent Mémoire que nous allons extraire la description
dliermonthis.
■( «96 )
terrasse. Le temple était entouré d^une circotivaP
latioQ. Les tableaux symboliques sculptés dans son
intérieur , avaient rapport à Isis , Horus et Typhon.
Les principaux en sont gravés dans le grand ouvrage
sur rÉgypte. Par une singularité remarquable , on
y trouve deux fois sculptée la figure de la giraSe,
animal qui ne vit plus qu'à l'extrémité méridionale
de l'Afrique (i).
. Les faabitans dllermontbis adoraient autrefois
'Amoun et Horus , que Strabon appelle en grec Zëus
( Jupiter ) et Apollon. Dans un temple de cette ville
on nourrissait un bœuf sacré nommé Pctcis (2).
Le nom d'Hermonthis a été écrit Epfjuopd'sç par
Strabon f Ef/ioÊifd'iç par Etienne de Byzance, et Armant
ou Erment par les Arabes* Ces noms sont, à peu de
chose près , l'exacte orthographe de celui que la ville
porta chez les Égyptiens : ce fut Gpwoito^, Ermont^
ainsi que le prouvent les manuscrits coptes (3). Dans
un vocabulaire thébain de la Bibliothèque impériale
(i) Il parait que dans les tems anciens on pénétrait dans la
temple par nn chemin caché. Voici ce que disent les pères Portais
•t C.-F. D'Orléans : « A Armand ( Hermonthis ) on Balad-Âtousa^
• le pays de Moyse ( selon une tradition arabe), il y a un temple
1^ d'idoles 9 où Von va par un chemin couvert et iouterra^ »
(2) Macrobe, Saturnales, liv. I, J. XXI, page 5o5.
(5) Mes. copt , BibU imp,, ».• 17, «ppL Saut- Germain j —
'••• 46, ancien fonds.
(-197)
nous ayons aussi trouvé ^puoi^^ (i ) , maïs ce mot
corrompu a été mis à la plaee d'GpUOit^.
I^ signification du nom égyptien d'Hermonthis «.
que Kircber a cru être celui de Lycopolis (2) , nous est
inconnue, les vocabulaires égyptiens, que nous avons
coQSultés , ne nous ayant donné aucun résultat à cet
égard. Quelques savans philologues ont émis des opi--
nions sur sa valeur, et nous allons les faire connaître.
Zoëga, dans son estimable ouvrage sur les Obé*
lisques, croit qu'il dérive de ôpuit^K^, Hrmnhntp
qai aurait signifié arx sacerdotum (3). Celte éty-
mologie est inadmissible , ou du moins fort hasardée^
car elle est fondée sur la supposition de la racine
égyptienne 2pu, à laquelle il donne la valeur de Thé-
hren Hermoun etArmoun^ château, citadelle. Mais
M. Silvestre de Sacy a fait voir dans ses Observations
sur le nom des Pyramides (4) » que si la racine^ pu.
a appartenu à la langue égyptienne (5), elle devait
(1) N.**44» ancien fonds, £^ 79, vers6.
(2) Kirchar, page an, cité par Lacroze, au mot GpuOttT.
(5) De origine et usu Obeliscorum, sect III , cap. a, page i5a»
(4) Insérées tian» le Magasin encjclapédiqne.
(5) Le seul mot copte qui conserve quelque trace de cette racine ^
est 1\S^ p!LiU>9 nom de plante correspondant à l'arabe ELSchikh,
que Goiius croit signifier Abs^nihum , rabsynthe. Nous Tavon^
trouvé dans le Vocabulaire copte*>arabe^ n.^ 17» suppl.» fonds da
Saint-Germain»
( »98 )
avoir eu Tacception de lieu sacré , chose sainte. Outre
cela , si le nom égyptien d'Hermontis , Gp^Ottnr ,
commençait par un 8, Hori (H), pourquoi les Coptes
Tauraient-ils supprimé , puisque on le trouve dans plu-
sieurs autres noms d'anciennes villes égyptiennes du
Ssâïd , comme 8oy et ÔKRC ? D'ailleurs 8pwH^K%
de quelque manière qu'on le prononce , aurait toujours
fait Hermanhont, Hermnhont , et non 6pwOK^,
Ermont ou Hermont, nom égyptien , grec, romain et
arabe de cette ville.
Avant Zoëga, Jablonski, dans ses Opuscules, avait
dérivé le nom à'Hermonihis de Gpu^^K , Erman,
grenade f ce qui est contraire à Torthographe égyp-
tienne GptiOi^nr , et n'est fondé sur aucune preuve
plausible.
U est raconté dans l'éloge de Pisenti , évêque de
Coptos , écrit par Moyse , son successeur à l'épiscopat
de dette ville , que ce saint étant sur la montagne
de Shémi, conduisit Jean , son disciple , dans un
tombeau creusé dans le rocher par les anciens ÉgyP'
tiens* Ils y trouvèrent un grand nombre de corps em-
baumés. Pisenti renvoya Jean dans son monastère,
et ]ui commanda de ne revenir le joindre dans ce lieu
que le jour du sabbat suivant. Au jour indiqué, lo
disciple arrive au tombeau, et étant près d'y entrer,
il s'apperçut qu'une momie parlait à son maître. Ce
miracle ayant attiré son attention , il (entendit l«
< >99 >
dialogue suivant : « irtîiE HMOnr j&iTT^KtuC 5^1
ît0OK 4>2.aj KeOOj TTEîSiq &KOK OYE&OXjlitît
^KOAxc CEpuê^^nr (i). « De quel nome es -tu, dît
• mon père au cadavre? ( c'est Jean qui raconte ce
» fait. ) — Celui - ci lui dît : Je suis de la ville de
» Sermant. » Il répondit ensuite très-bien à différentes
questions que Pisenti lui fît sur sa famille et sur sa
religion. Nous pensons, avec 2k)ëga (2), que la ville de
Cipu^îtnr , Sermant , n'est pas dififérente de celle
d'Gpu^OKnr , dont le nom se trouve corrompu dans
le manuscrit. Il ne serait cependant point étonnant
qu'en Egypte il y eût eu une ville du nom de
Sermant; mais nos recherches à cet égard ont «été
inutiles. Nous n'avons trouvé dans les listes de villes
et villages arabes de l'Egypte, que des noms assez
éloignés de CtpJUi&Kn» , tels que Sament et S aiment.
Tkèbes. — Tapé.
La ville de Thèbes rappelle tout ce que les hommes
ont fait de plus étonnant. Ses ruines sont des preuves
non- équivoques de l'antique civilisation de l'Egypte
et du haut degré de puissance auquel les Égyptiens
s'étaient élevés par les efforts de leur génie et Tétenduo
(0 Mss. copt , Bibl. imp. , n.<* 66, fonds duVatican, f.^ 149^
(p) iMfpL^Caudog* maauscriptorum muson Borgimni^ paf» 4^
OXFORD
de leurs lumière». L'origine de cette première capitale
de l'Empire égyptien se perd dans la nuit des tems,
et c'est donner une idée su£Bsante de son antiquité ,
que de dire que lorsque le premier roi de l'Egypte ,
Menés , eut jeté les fondemens de Memphis » et que
son fils Athotis L*' y eut transporté le siège du gou-
vernement , dès - lors Thèbcs commença à décheoir.
Le séjour momentané qu'y firent ensuite quelques
monarques égyptiens « senabla la ranimer quelques
instans ; mais elle ne parvint plus à ce point de
splendeur dont eQe jouissait avant Teidstence de
Memphis.
Lorsque des peuplades vinrent s'établir en Egypte ,
Thèbes fut un des premiers lieux habités. Ce fut
d*abord un assemblage de maisons éparses , construites
avec des roseaux , selon la manière primitive des
anciens Egyptiens (i). Cependant le chevalier Bruce
regarde comme un fait certain , que les premiers babi^
tans de Thèbes firent leur séjour dans les cavernes et
les grottes voisines creusées dans le roc et ornées de
sculptures et d'hiéroglyphes par les Égyptiens (2).
Mais il sufiBt, pour détruire cette supposition, de consi-
dérer que les Thébains ne purent entreprendre de
tailler ces grottes profondes , et les décorer avec tant
de magnificence , que lorsque leur ville fut devenue
(i) Diodore de Sicile , Hv. I, section II, page 4 t.
C^j Fojrage auz sources du Nil ^ tomel.^', chap. 6, pagii i49*
( 201 )
riche, populeuse et puissante. D'aifleurs il est prouvé
par les plans et les peintures de ces grottes, qu'elles
ont été primitivement destinées à être des tombeaux ,
et à renfermer les cadavres embaumés des habitans
de Thèbes.
Il est impossible d'indiquer Fépoqué où cette villo
fut fondée , et l'on peut dire , avec probabilité , qu ello
est aussi ancienne que la nation même qui habita
rÉgjpte. Les Mythes religieux des Égyptiens en
attribuaient la fondation àOsiris (i); mais les auteurs
grecs , comme les prêtres égyptiens eux - mêmes «
c'étaient pas d'accord sur le nom de son fondateur
(2) : ils l'ignoraient selon toute apparence.
Dès son origine Thèbes ne s'étendait que sur la
rive orientale du Nil, et le point le pins anciennement
habité de la plaine située entre ce fleuve et la mon«
tagne Arabique , fut sans doute le lieu ou se voient
encore les ruines du plus grand et du plus ancien
temple de l'Egypte, appelé aujourd'hui Qarnac. Mais
bientôt cette ville s'accrut à un tel point , que la rive
occidentale fut aussi couverte de maisons , de palais
et d'édifices religieux. Thèbes s'étendit alors d'une
montagne à l'autre , et remplit entièrement la vallée
de l'Egypte. Le fleuve qui la traversait , court d'abord
(1) Diodore de Sicile , liv. î , page 14. •« Etienne de Bjrzance «
ie Vrbib, et Popul^ verbo Aêocr^o7\JÇ.
(2) Diodort de Sicile, loco citato.
( ^0^ y
8a sud-est an nord -ouest, et revient da sud-oncst
au nord-est, en partageant la yille (i).
L'étendue de Thèbes était immense ; sa circon-
férence était de près de douze lieues , et son diamètre
de deux lieues et demie au moins (2). Le nombre de
ses habitans était proportionné à sa vaste enceinte.
Les maisons étaient de quatre et de cinq étages (3).
Il ne reste aujourd'hui aucune trace de ses mu-
railles et de ses cent portes si vantées ; il paraît
même qu'elles n'ont jamais existé. Les conjectures
diverses de nos savans modernes pour expliquer
YExlofi/KuXoç d'Homère , qui parlait en poète et non
en géographe , sont par conséquent en pure perle.
Cependant, d'après les rapports des anciens, il est à
présumer que quelques quartiers de Thèbes furent
ceints d'une muraille. Diodore de Sicile parle d'un
mur de cent quarante stades, dont un roi d'Egypte,
appelé Busiris II , environna la ville (4)* Mais il est
impossible que ce mur la contînt entièrement , et ces
remparts ne renfermaient, à notre avis, que la partie
orientale de la ville qui était la Thèbes , et mieux
(i) Voyage en Ègj^te^ par M. Denon, planche 45 et «oa
explication.
(a) D'Anville, Mémoires sur V Egypte^ pag. 201 et suiv. Yey«*
aussi les Voyageurs modernes.
(5) Diodore de Sicile, liv. I, J.XLV, page 54, ëdÎL de WresseliDj.
(4) lbid«| loco citato.
( ao3 )
la AfocinXiO' proprement dite, ou bien le Memaoniani
qui fut la partie occidentale de cette même capitale ,
car il est hors de doute que Thèbes eut autrefois
bien plus de i4o stades de tour.
Plusieurs rois d'Egypte , qui résidèrent à Thèbes ,
Tembellirent en y construisant de nouveaux édifices et
en ornant ses temples d'obélisques. Parmi les princes
qui y firent placer plusieurs de ces superbes mono-
lytbes t se trouvent le grand Sésostris et Ramessès ,
son fils et son successeur, rois égyptiens de la 19." race,
qui portaient le nom de Diospolitains ^ parce qu'ils
étaient issus d'une famille originaire de Thèbes.
Sous l'empereur Auguste , du tems du géographe
Strabon , Thèbes était ruinée depuis long - tems , et
ses habitans , dont le nombre avait alors beaucoup
diminué , s'étaient retirés les uns sur les principaux
points de la rive orientale , et les autres vers le Mem^
nonium, près de la chaîne Libyque (i).
Quoique Thèbes eût bien déchu avant la conquête
de rÉgypte par Cambyse , . ce fut cependant ce
conquérant qui porta le dernier coup à sa grandeur-
Ce prince la ravagea, pilla les temples et enleva tous
lesornemens d'or, d'argent et d'ivoire qui les décev-
raient (2). Mais avant cette époque malheureuse ^
aucune ville du monde n'égalait Thèbes en étendue
(0 Stmbon, liv. XVII.
(2) Diodore de Sicile, Uv. L
( ao4 >
et en richesse , et selon l'expression de Diodore » le
soleil n'a jamais i;u de cille si magnifique (i).
Avant que le gouvernement monarchique fât établi
en Egypte , Thèbes était le séjour du principal collège
des prêtres qui tenaient alors ce pays^ ^ous leur domi-
nation , et c'est sans doute à cette époque qu'il faut
rapporter les constructions de ses plus anciens édi-
fices. C'est encore à cet état de choses qu'il faut
attribuer le peu de monumens remarquables dans
lesquels les rois aient fait autrefois leur demeure*
Nous exposerons ailleurs les causes qui firent préférer
aux rois égyptiens le séjour de Memphis à celui do
Thèbes.
Si nous voulions décrire avec détail ses monumens;
ses temples, ses padais, ses obélisques et ses colonnes,
nous dépasserions les bornes que nous nous sommes
prescrites dans cet ouvrage. Nous allons dpDner
cependant une idée succincte de ses principaux ëdi*
fices, et nous renverrons, pour de plus grands détails,
au magnifique ouvrage de la Commission d'Egypte.
On comptait quatre principaux temples dans Ten-
ceinte de Thèmes , et ceujt dont les ruines se trouveat
aujourd'hui à Qarnac, à Louçsor, peut-être même
celui de Qournou, étaient de ce nombre.
(i) Ibid., loco citato.
(5o5)
Le temple on le palais de Qarnac (i) était sâiM
doute le plus considérable des monumens de l'an-
oieone Thèbes. U avait près de demi -lieue de circoa-*
férence , et M. Denon mit environ 20 minutes pour en
iaire le tour à cheval et au grand galop (2). Sa circon-
vdlation contient de petites montagnes de décombres
et des étangs , qui sont peut-être des restes de bassins
pour le service du temple. Sa principale entrée, dirigée
de l'ouest à l'est , était formée par un pylône dont les
deux massifs sont énormes. Elle était précédée de
deux grands colosses. Cette porte donnait entrée dans
ttoe grande cour divisée en deux par une avenue de
colonnes ; la partie droite de cette cour était occupée
par un édifice qui iîit peut-être un palais, et vers le
fond , à gauche , se trouvait une grande colonnade
parallèle à celle du milieu, à l'extrémité de laquelle se
présentaient deux môles ( aujourd'hui ruinés ) moins
•grands que ceux de la première entrée, et précédés
aassi de deux colosses de granit. Derrière ce pylône
était le principal portique du temple. On y comptait
142 colonnes disposées en deux quinconces , dont
vingt colonnes de 1 1 pieds de diamètre et de 3 1 pieds
de circonférence formaient le rang du milieu. Celles
(1) Situé an 5o.^ d. 19 m. 54 •• de longitude du méridien d«
Paris, et an 25/ d 4^ ni. 5j s. de latitude septentrionale (Nouet )•
(3) f^ojragû en Égj'piCf d'où nous tirerQos la description dit
Thèbes.
( 206 )
des denx qnincoDoes n'avaient pas moins de 7 pieds
de diamètre. La hauteur des premières fut de 60 à
80 pieds , et celle des secondes était en proportion
avec leur diamètre.
Après ce portique, éclairé d'un jour mystérieux, se
trouvait une seconde entrée suivie de quatre obé->
lisques de granit d'un travail précieux, et dont trois
Bont encore de bout. Us précédaient le sanctuaire, bâti
aussi en granit et couvert de sculptures de petite pro*
portion , représentant des scènes symboliques et la
divinité à laquelle était consacré le temple entier.
C'était le dieu générateur, dont l'attribut est le même
et tout aussi prononcé que celui du Priape des Grecs;
c'était Pan ou Amoun , le Père de toutes choses , le
Créateur , le Tâwt des Grecs , et le Jupiter des Latins.
Le plafond, peint en bleu, était parsemé d'étoiles
jaunes. Des deux côtés du sanctuaire étaient de petits
appartemeus qui servaient à loger les prêtres , ou à '
renfermer les choses sacrées. Derrière le lieu saint,
on voyait d'autres habitations ornées de portiques à
colonnes , et qui donnaient dans une cour immense
bordée de galeries fermées. Une galerie , ouverte et
supportée par un grand nombre de colonnes et de
pilastres , formait le fond de cette dernière cour ; Is
sanctuaire se trouvait par conséquent environné de
ces vastes et somptueux édifices. Ces cours , ces
colonnades et ces portiques étaient renfermés ps^
( 207 )
m mulr de circonvallation , couvert de symboles et
d'hiéroglyphes sculptés sur ses faces intérieure et
extérieure.
Au tour de ce grand temple, une seconde circon«
vallation renfermait non-seulement l'immense édifice
que nous venons de décrire, mais plusieurs autres
encore dont nous parlerons bientôt. La porte par
laquelle on y pénétrait du côté du nord , était bordée
de sphynx , dont les socles existent encore , élevés
sur un chemin pavé en larges pierres, et aboutissait
k une galerie couverte. On voyait à Touest du grand
temple un second édifice dont les môles se sont
écroulés. En dehors de ce pylône et dans la première
cour entourée de galeries , étaient des colosses de
grès et de marbre blanc. Cette cour était terminée
par un second pylône , dont les deux massifs étaient
décorés de la même manière que les précédons. La
porte qui donnait entrée dans une seconde cour qui
conduisait au sanctuaire , était de granit et ornée
d'hiéroglyphes d'un fini extrêmement précieux et d'un
travail très*délicat. La première porte de ce second
temple était précédée d'une allée de sphynx k tête
de taureau, qui arrivait à un embranchement d'une
seconde allée de sphynx à tête humaine , coupant
une troisième avenue de sphynx à tête de bélier (i).
(i) Les pères Portais et Charles-François D'Orléans comptèrent
120 sphynx dans une aUée, et 102 dans l'autre. Ib ne disent pas
desquelles I de ces quatre allées, ils entendent parler.
< 208 )
Celle-ci, la plus grande des quatre dont nond avons
parlé , comaiençaît à un mille de-là , au temple de
Louqsor, et se terminait à la porte du sud de celui de
Qamac. Au-delà de la porte méridionale de la circon-
Tallation , l'allée de sphynx à tête de bélier conti-
nuait et arrivait jusqu'au pylône d'ua troisième
temple. Après avoir franchi ce j)ylone , on se trouvait
dans un portique de vingt * huit colonnes , formant
«ne cour intérieure , du style le plus grave et le plas
majestueux ; venait ensuite le sanctuaire renfermé ,
ainsi que tout Tédifîce , par une circonvallation qui
ae terminait aux deux môles du pylône. Â Touest on
trouve encore de nos jours un quatrième temple plus
petit que les précédens. Dans Tenceinte générale de
ces temples, on remarque encore des arrachemens
de plusieurs autres édifices qui répondaient à la
magnificence de ceux que nous avons indiqués.
En se dirigeant au sud de cet amas de grands
monumens , on marchait , pendant à-peu-près une
demi-lieue, dans Tallée de sphynx à tête de bélier (i)*
Cette rue , bordée de monumens , était sans contredit
la plus belle de Thèbes , et aboutissait au temple do
Louqsor; elle était formée, dans toute sa longueur «
par les palais et les maisons des grands de TÉtat.
Ce
(i) Sur Us côtés de cette allée sont aujourd'hui des coIoOflO
tronquées, des murailles et des iragmens de statues*
( ^^9 )
Ce Second grand temple de l'antique capitale de
l'Egypte , sans égaler les proportions colossales de
celui de Qarnac, lui est supérieur par la beauté de
l'exécution , et ne lui cède point en magnificence. Son
entrée est par excellence celle d'un lieu saint , et
annonce la grandeur de la divinité qu'on y adorait.
Deux obélisques de cent pieds d'élévation , et chacun
d'un seul bloc de granit rose, se présentaient d'abord.
Les hiéroglyphes qui sont sculplés sur leurs quatre
faces répondent à la beauté et à la perfection inouie-
du fuselé et des arêtes de ces monolythes. Cest
au pied de ces obélisques qu'on reconnaît à quel
point les anciens Égyptiens avaient porté la connais-
sance de la mécanique (i). Us étaient suivis de deux*
statues ayant près de quarante pieds de haut ; ensuite
Tenait le pylône dont les massifs, courounés d'une
corniche élégante, offrent des sculptures représentant
des batailles. On y observe des guerriers combattant
sur des chars traînés par deux chevaux. Le tore qui
recouvre les arêtes du pylône, semblable à celui de
tous les temples de l'Egypte , est du plus grand effet.
Derrière.le pylône était une galerie de seize colonnes ,
et il en existait , à droite et à gauche , deux autres
(i) Selon M. Denon , de qui nous empruntons cette description
des monumens de Thèbet , il en coûterait des millions pour les
changer seulement de place. Yo^ez l'explication de la 5o.« planche
de son Atlas.
( 2«» )
absolument semblables. Cette cour était terminée , ait
yud, par deux petits édifices entre lesquels était une
porte. Elle conduisait à deux rangs de huit colonnes
d'une énorme grosseur, qui se terminaient à l'entrée
d'une troisième cour bordée à l'orient par une galerie
de colonnes au nombre de vingt-quatre , et à l'oc-
cident par une galerie semblable, soutenue par vingt-
six colonne^. Au fond, vers le sud, était un portique
composé de trente- deux colonnes divisées en deox
quinconces de seize colonnes chacun. Ce portique
précédait le sanctuaire environné de plusieurs grandes
salles, soutenues aussi par des colonnes. Ce temple (i)
est sur le bord du Nil ; un quai le défendait contre
les atteintes du fleuve.
Tels étaient les principaux monumens de la partis
orientale deThèbes.
La partie occidentale de cette ville célèbre contient
aujourd'hui un plus grand nombre d'édifices qu'il n'en
existe sur la rive orientale du Nil. Le plus au nord
est un temple près du village arabe de Qournou^ en
partie enfoui ; il est d'un style très- grave et parait
un des plus anciens de Tbèbes. Plus au sud , était Is
Memnonium (2) , tombeau , temple ou palais bâti
par le roi Osymandias , que les Grecs crurent être le
(i) U est situe au 3o.« d. ig m. 58 s. d»^ longitude, et au aS/ d.
4i m. 57 s. de latitude ( Nouet).
(2) Au 3o.* d. 18 m. 6 9. de toogitude , et au :&^ d. 4S m. a; 1*
4i Istitade ( Nouet )«
M'ème que Mertinôû. L'état des ruines de ce mo-
taumeht permet d'eu donnei" une idée satisfaisante.
On trouvait d'abord un pylône de grande proportion.
La porte, placée entre les deux massifs, conduisait à
Une grande cour, au milieu de laquelle était placé le
plus graud colosse de l'Egypte. C'était la statue du
rûi Osymandias : elle avait soixante-quinze pieds de
hauteur ; son pied seul , qu'on trouve aujourd'hui
détaché, a près de i3o pouces de long. Derrière la
statue était un second pylône, par lequel on entrait
dans une seconde cour entourée d^une galerie sou-
tenue par cinquante colonnes, ou pilastres formés par
des statues de prêtres colossales en cariatides ; dans
le fond, étaient quatre statues de granit noir et.d'ua
travail parfait. Par une troisième porte, on entrait
dans un grand portique d'environ soixante colonnes
divisées en quinconces, comme celui du grand temple
de Qarnac. Après avoir traversé plusieurs appar-
temens ornés de colonnes et de sculptures, on trou-
vait dans ce monument la fameuse bibliothèque su](
laquelle était écrit, Pharmacie de Vame.
Entre le Memnonium et le Nil, on voit encore
avec étonnement deux colosses (i) qui ont 55 pieds
fc < . .. • I ■■ ..I ... ■ ■■■A *■
( I ) Les habîtans du pays les appellent , selon Paul Lucas ,
le Bœuf el la Vache , à cause de certains ornemens semblables à
des cornes , dont leurs têtes étaient chargées. Bruce les nomme ,
d'après les Arabes du lieu, Schami elTama^ que les pères Portais
et Charles-Franjoit D'Orléans écrivent Carrta et7Vi/7ia.
( *Ï2 )
de haut, assis l'un à côté de l'autre, et chacun d'un
seul bloc de pierre. Le style en est sévère et Texé-
cutîon admirable , autant qu'on en peut juger dang
l'état de délabrement où ils se trouvent de nos jours.
Au milieu d'eux est un bloc de granit qui parait avoir
appartenu à un colosse de plus grande proportion ,
et qu'on croit avoir été la statue d*Osymaodias«
Cependant il nous semble que c'était au Memnonium
qu'elle devait se trouver.
Au sud de ces statues colossales, le village arabe de
Medineh^Tâbou (i) offre au voyageur un ensemble
de monumens égyptiens qui font soupçonner que
quelques rois ou quelques grands de l'état firent leur
séjour dans cette partie de Tbèbes , dans le haut
lems de l'Empire égyptien. On y voit d'abord une
grande enceinte précédée d'un pylône, et dont le fond
est une galerie ^n colonnes. En avant , est un petit
temple entouré d'une galerie en pilastres , et dont
l'intérieur est tout obscur. A côté, est un petit palais
à un seul étage, avec des fenêtres, des portes, un
escalier, et des balcons dont le soubassement est sou-
tenu par des figures d'hommes en buste et en relief.
Une porte latérale de ce palais , qui commdnique au
temple , est surmontée d'une corniche au-dessus de
laquelle sont deux éperviers en regard et les aîles
(i> Au 5o.* d. 17 m. §2 s. de longitude, et au 25.« d. 42 m. S8 s.
de latitude ( Nouet ).
( ^l^ )
déployées; les fenêtres sootquarrëes et entourées d'une
bande d'hiéroglyphes. Plus loin , est un vaste édifice
dont les prenaières cours, précédées d'un pylône, sont
ornées de galeries en colonnes et en pilastres; le reste
de ce monument est enfoui et couvert de maisons.
Les bas - reliefs qui ornent tout rédi6ce , particu-
lièrement la galerie de la seconde cour et tout le
grand mur extérieur, sont pour la plupart historiques.
Ils représentent un roi égyptien livrant , avec ses
iroupes, une bataille à des peuples dont le costume
est exactement celui des Perses. Le roi remporte la
victoire, fait compter le nombre des morts, poursuit
les ennemis et assiège une de leurs villes ; on le voit
ensuite triomphant, faisant des sacrifices aux dieux
qui lui ont donné la victoire, et dont la protection est
exprimée par un vautour portant une enseigne, pla-
nant sur la tête du héros et raccompagnant dans le
cours de ses conquêtes. Nous reviendrons sur le sujet
de ces bas -reliefs, qui ont été vus et déorits par
Diodore de Sicile.
Le soIdeThèbes possède encore d*autres monumens
non moins imporlans que ceux dont nous venons de
donner une idée ; mais les tombeaux des rois, situés
dans une vallée au nord -ouest de la ville, offrent
peut-être plus d'intérêt. Au fond de cette vallée très^
étroite, se présentent tout-à-coup aux yeux des voya-
geurs plusieurs ouvertures creusées dans le roc. Ce
sont des portes surmontées d'un bas -relief en forme
( ^i4 )
d'attique» et reprësëntant une ovale dans laquelle sont
un scarabée et une figure d'homme à tête d'épervier.
De chaque côté de ce tableau emblématique , sont
deux hommes en acte d'adoration. Chaque tombeau,
composé d'un grand nombre de chambres taillées
dans le roc, couvertes de sculptures et de peintures
xiches et intéressantes, a son entrée particulière; on
pénètre dans quelques-uns d'entr'eux par deux portes
différentes. Dans le plus reculé des appartemeos de
chaque tombeau, soutenu quelquefois par des colonnes
eu des pilastres , on voit le sarcophage qui renferma
la momie; il est d'un seul morceau de granit de douze
pieds de long , et orné d'hiéroglyphes en dedans et ea
dehors. Le couvercle est aussi d'un seul bloc , et sur
3a partie supérieure est sculptée en relief la figure
du personnage auquel le tombeau était destiné, On a
trouvé dans ces tombeaux des appartemens décorés
de sculptures, qui nous font connaître les meubles des
Egyptiens, faits en bois précieux et couverts d'étoffes
brochées. Les fauteuils , les tabourets , les lits de repos,
^ sont dHme élégance très-recherchée et du gont le
plus pur. On y admire la figure de plusieurs harpes
magnifiques , dont le nombre de cordes indique
qu'elles ont appartenu à un système de musique très-
étendu et très *r perfectionné. Les plafonds, peints en
bleu, sont décores de figures |aune& ea reUef. Ony
yeioarque m graud aowhrç dç tableaux symboliques,
(2l5)
religieux et domestiques , et quelques « uns qui se
rapportent à rastronotnie. Du tems de Strabon, oa
comptait quarante- sept de ces tombeaux ; il n'y en a
que huit d'ouverts aujourd'hui.
C'était encore au nord - ouest et dans la chaîna
Libyque qu'étaient creusés les tombeaux des babi-
tans de cette capitale^ Des galeries innombrables ^
occupant dans Tintérieur de la montagne plus d'une
demi-lieue carrée » recevaient les corps embaumés
des citoyens de Thèbes ; le nombre de ces grottes
atteste la grande population de la ville. Dans plu*»
sieurs autres parties » et sur ^ tout à l'occident des
colosses et du Memnonium ^ la montagne est presque
entièrement excavée , et contient aussi des tombeaux
plus ou moins richement embellis.
Ces monumens , ces temples et ces tombeaux
existent encore en grande partie ; et si les augustes
ruines de Thèbes pénètrent d'admiration , comment
se défendre d'un sentiment pénible , en voyant toutes
ces magnificences reléguées maintenant dans ua
terrein presque inculte et désert ?
Qarnac et Làuqsor , nommés aussi par les Arabes
Aqsoraïn, les deux Châteaux (i), sont les seuls lieux
(i) Qarnac était aussi appelé Louqsor-eî-Kadim ( le vieuie
Louqsor ) ; la tradition du pajrs veut que ce fût autrefois la
demeure dun roi. Relat. du Said par kt pères Portais et Fraafoia
D'Orléaos , page 2r
\
(2X6)
habites et un peu coasidérables de la rive orientale ;
encore n'est-ce que de niisërables villages, dont le
second est renfermé dans l'enceinte même du temple.
Kournou ou Medineh" Tabou sont sur la rive occi-
dentale, auprès des temples de ce nom.
Chez les Grecs , Thèbes fut connue sous les noms
de €hfCâU ou ®)fCi/i ^ et de ^o(r^o>aç. Le premier est le
plus ancien , du moins les premiers écrivains grecs
Font employé. Ce n'est que dans les tems postérieurs
qu'ils se servirent de Ajoo*^oAi^, Joçis cii^itas, qu'ils
surnommèrent M^oX)) , Magna ^ pour la distinguer
de deux autres villes d'Egypte du même nom. ,
Le mot ®i/i€ou ou ®>i€n n'est pas grec , et est évi-
demment d'origine égyptienne. C'est donc dans la
langue des Egyptiens que nous devons en chercher
la signification.
On pourrait croire que le nom égyptien de Thèbes
fut TX^rr, Tap, Corne, et qu'il aurait été donné à
cette ville parce qu'elle adorait Amoun , le dieu à
tête et à cornes de bélier; cependant nous ferons
observer que ce mot ne contient pas la dernière
syllabe du mot grec 0ii€ai , et que d'ailleurs cette
explication, qu'on ne peut pas adopter, n'est fondée
que sur une supposition. Nous pensons que le ®)t€^
des Grecs n'est autre chose que le mot égyptien
t:£.TTE, tapé, qui, en dialecte thébain, veut dire tête,
chef; il s'appliquait naturellement, et à juste titre, à
Thèbes, la capitale de l'Egypte, la plus ancienne et
( 2^7 )
la première ville de ce royaume, le cheF-lîeu dé
TEmpire et de la hiérarchie (i). Nous ferons remar-
quer ici que, dans toutes les circonstances, les Egyp^
tiens ne semblaient considëiar les lieux que p;<r
rapport à eux , et que de mêîÀe qu'ils appelèrent le
Nil du nom générique de Fleuve ^ parce quil était
le seul en Egypte , de même ils désignèrent Tbèbes
par la capitale , parce que aussi Tbebes était la
seule capitale de l'Egypte.
Mais le mot grec Diospolis, £itf)anCo>jç ^ v:!fe de
Jupiter , est une traduction exacte des mots qui
formaient le nom propre de Tbèbes , nr^iTE , Tapé,
n'étant qu'une de ses qualifications. Les Grecs , au
lapport d'Hérodote et de tous lejB anciens écrivains,
appelaient Zêxjç le dieu que les Égyptiens nom^
maient Ajunf , et non A/ifunr, ce qui est une orlho«-
grapbe vicieuse : Aft^r, en lettres coptes, nous donne
rbiuOYlt. À force de rechercbes, nous avons trouvé
ce mot égyptien écrit SUOYtt dans un vocabulaire
copte et arabe de la Bibliothèque impériale (2) ;
il signifie gloria , suhlimis » celsitudo , et ce nom
convient, dans toutes ses acceptions, au dieu sublime,
( I ) On prend ici le mot hiérarclùe 4^113 son acception ëty«
Biologique.
(2) Mss. copte, Bibl. imp. , fonds de Saint- Germain, suppl,^
n.o 17, f.^pXfi..
(a.8)
M premier des dieux ^ à Amoun ( i )• Le mot Suortc
paraît dérivé de la même racine que l'ancien' nom
égyptien du soleil OSH ,' on » et ils ont tous deux la
plus grande analogie avec Oram^ et ^OYaiK^,
iituminare , osiendere^ apparere , d'où sont formés
tj^K^BOraitt^ , Phéethouonh , %7Ct^cumç^ et beaucoup
d'autres mots. oDiiUiOTtt fut aussi un nom que por-
tèrent plusieurs Égyptiens. Dans le manuscrit da
musée Borgia, publié par Schow, on trouve noifA«r;
ce qui donne Tégyplien IIswOyW, Amoun, ou peut-
être même Ammonien , Afifio^noç ^ en supposant que
Bkuonrît est la contraction de Il&kitJLOYK , ce qui
n^est pas impossible.
Cb^WLOYIt, Amoun, ou 6&2.KS hnr^ TTi&UOYR,
Tbaki - anté - pi - Amoun , la cille d Amoun ( eu
ajoutant le mot égyptien qui signifie ville) ^ fut donc
le nom propre de Tbèbes ; et les Grecs le traduisirent
très-bien par Aïo^^TroXi^, la ville de Zéus (Jupiter)^
V Amoun des Égyptiens ayant été assimilé par les
Grecs à leur Zéus ou Jupiter.
Quelques rapports qu'ait avec le nom égyptien de
Tbèbes le No - Amoun du texte hébreu des Pi»-
phètes , qu'on a quelquefois traduit par Alexandrie ,
( I ) Dans notre travail sur la religion égyptienne , nous proa-
Torons , par les rapports des Anciens , que le dieu Amoun était It
c&^des dieux.
quoique celle-ci existât du tems de% Prophètes 8ou$
un autre nom , et le plus souvent par Thèbes, il n'ap-
partient pas à cette dernière ville , mais bien à ua
autre lieu de la basse Egypte, comme nous le ferons
voir dans la suite.
Le principal temple de Thèbes ou de la Capitale
était consacré à Amoun , do ut la ville portait le
nom (i). C'était dans son enceinte que les Egyp-
tiens enterraient des serpeus non-malfaisans (2). Ses
prêtres , qui se vantaient de tenir leur science de
TTiot même , la sagesse dwine , s'adonnèrent partî-^
culièrement à l'astronomie , et ce sont eux qui , les
premiers , adoptèrent l'année solaire de trois cent
soixante - cinq jours et un quart. Dans les diverses
parties de notre ouvrage, nous reviendrons souvent
sur Thèbes , parce que c'est dans tout ce qui est
relatif à cette ville que se retrouvent les preuves du
haut degré de civilisation auquel un gouvernement
philantropique avait élevé la nation égyptienne,
^pollinopolis^Pari^a. -^ Kôs-Bîrbîn
La première ville un peu considérable qu'on ren-^
oontraitau nord de Thèbes, éleXi Apollinopolis ^ qu'on
avait surnommée Parça^ à cause à'Albô qui était la
■*•
(i)Strabon,liv.XVÏÏ.
(a) H^O^Qt^i Uv, II, §. Lxxxii,
( 220 )
grande ApoîlinbpoUs des Gr^cs et des Latins. Celte
ville reaferma au moins un grand temple : ses ruines
qui se voient encore au lieu qu'elle occupa , et parmi
elles, une grande et belle porte enfoncée jusques à la
cymaise , conGrment assez cette conjecture.
Nous ignorons ce qui porta les Grecs à dooner
à celte ville le nom d'A^oXXaw'oc "JCohiç ( O « ^^^^^
d* Apollon 9 ou simplement k'jtoKkmoç (2). Il se peut
que les Egyptiens qui Thabitaient, eussent un temple
consacré à Horus , et dans ce cas les Grecs , qui trou-
vèrent de la ressemblance entre le fils d'Isis et leur
Apollon ( 3 ) , se crurent autorisés à qualifier celte
ville à'K7C>JMfoç ^iCokLç. Mais ce nom n'avait aucua
rapport de prononciation ni de signification avec
celui qu'elle porta chez les Égyptiens, et qui fut KaiC,
Kôs. Ce mot , en langue égyptienne , s'écrit indiffé-
remment K£C y KOC et KafC : cette dernière ortho-
graphe est la plus fréquente. Ce monosyllabe sert à
désigner l'action d'ensei/elir , et par suite un endroit
tristCf un tombeau. La raison qui fit ainsi appeler
celle ville par les anciens Egyptiens , n'est pas venue
jusqu'à nous. Quoi qu'il en soit, quatre villes de
rÉgypte le portèrent du tems des Pharaons. Trois
(f)Strabon,liv.XVIL
(7.) Etienùc de Byzance , de PopuL et XJrbib,
(5j Hérodote^ liv. IL — Plutarque, de Iside et Osiride.
T 221 )
d'eofr'elles étaient distinguées par des surnoms que
nous avons recueillis dans les manuscrits coptes* Celle
dont nous parlons maiotenant , est toujours appelée
RtUC BEpÊEp, Kôs-Berber (i), ou KcuC Bp6xp,
Kàs-Barbir (2) en dialecte thébain , et Ra^C Bspfisp
en mempbitique (3) : les Copies prononçaient Kôs-
Varçar, Kôs-Vars^ir (4) ^i Kôs-^Virçir. Ce surnom
thébain, Bp&Ep ou Bp&sp, correspond à la racine
metnphitique Btp&Ep , qui signifie brûlant , chaud
(5). Il avait été donné à la Ka^C Voisine de Tbèbes,
pour la distinguer des trois autres situées dans des
parties plus tempérées de TÉgypte, et sous un ciel
moins brûlant , car Kôs-Birbir est plus au midi que
les autres Kôs dont nous parlerons dans là suite.
(i) Mss. copt, Bibl. imp., u.^ 43, £0 58 vars6^ «t n.« 44 , f.« 7^
reclô.
(2) Mss. copt., ancien fonds, n.^ ifi.
(3) Mss. copt, n.« 17, fonds Saint-Germain, suppl., £• pcjB.
(4) Histoire de Véglke d Alexandrie , dans laquelle le père
Vausleb parle de Kous-yarvir comme d*un ëvéché, page 2a.
(5) On la trouve employée dans le verset suivant : *\CtUOTtt
kIDHjul Zy^ kwOi l^&KOS jÙl)UiOT^UÏ!îS ITE SE
It^KÊEp&Ep TIE : Cognosco opéra tua ^ quia neque es fri-^
%uius ^ neque calidus ; utinam esses frigidus aut calidus* Apo-
caL III, ,5.
( 2^^ )
Cette ville ëtait bâtie près du Nil y ftttf la rivé ôrîeil-^
taie ^ et non pas dans le voisinage de la Libye ,
comme le suppose Etienne de Byzance» à moins que
ce lexicographe ne désigne par A'S'oXXwoc fUxpd une
autre petite Apollinopolis bâtie en effet sur la rive
occidentale* Les Arabes ont conservé à Kàs^Berhir
BOn nom égyptien dans celui de Qouss » sous lequel
elle est connue parmi eux.
Papa — Pape.
On trouve mentionné dans Âboulféda un lieu appelé
^Âqssour ou Oqssour ( les Châteaux ). Il est , selon le
même géographe arabe ^ au midi de Qùuss et à uue
journée de chemin de cette ville. Des manuscrits
coptes , en dialecte thébain ( i ) , nous oht fourni le
nom égyptien d' Oqssour : ce fut IIb^ttH , Pape ou
Papa. Si on fixe la position ô! Oqssour à Lougsor,
dans Tenceinte de Thèbes , ce qui ne nous parait pas
absolument probable, II&itK sera alors le nom ëgyp-"
tien de ce quartier de la capitale ; mais si Ton aime
mieux placer II&ttR entre Thèbes et Tentyris , il
répondra au Papa des anciens , village ou petite ville
entre Tentyris et Contra- Coptos. En appliquant le
nom de II&rfK , Pape, à une partie de Thèbes, on ne
(i) Mss. copt , Bibl. imp. , n.' 44, f.« 79 r«ct6 i — n.^ 45, £* 58
yers6»
( 223 )
cfoît point le regarder comme le nom égyptien 4e
Medtneh 'Tabou ou Medinet-Abou, comme on i'écrît
ordinairement. Ce village, placé dans la partie occi-
dentale de Thèbes , n'a jamais porté le nom de Çassr
ni celui d'O^fssour; par conséquent le nom de Il&iTH,
qae les Arabes font correspondre à an lieu qu^ils
appelaient Oçssour^ ne lui a jamais appartenu. Notre
opinion est que lU^nK n'est autre chose que le Papa
des Itinéraires , et que ce lieu était situé sur la rivo
occidentale du Ml, entre Tentyris et Contra-Coptos.
C Optas. — Reft.
Sur la même rive du Nil et au midi deKds^Birbir,
se trouvait la célèbre ville de Coptos ; elle était au
milieu des terres, et presque sur le penchant de U
chaîne Arabique. Elle avait dans son enceinte deux
temples , dont on distingue facilement enct>re les
ruines éparses ( i )• Coptos , sous les Pharaons , devait
être l'entrepôt du commerce de la haute Egypte avec
l'Arabie , et peut - être même avec l'Inde ; elle la
fut du moins sous les Grecs et sous les Romains.
Les Arabes errans entre l'Egypte et la Mer - Roug^
étaient, selon toutes les probabilités, les hommes qui
trausportaient les marchandises à Coptos^ ou ils
(i) M. Denon, Foy-agc çn £gxp^9 tomo II, pa^e ai5^ éditi«a
<Q 5 YoL ia-ia»
(224)
séjouroaîent sans doute quelque tems ; c'est ce qui a
fait dire à Strabon que cette ville était commune aux
Égyptiens et aux Arabes. £lle fut la capitade d'un
nome.
Quoique les Grecs n'eussent point tradyit son nom
ë^wptien , et qu'ils l'eussent assez fidellement écrit
Ko^oç ou Ko^itToç y cela ne les empêcha point de le
dériver de leur langue. Plutarque (i) le croit formé du
Terbe grec Ko^TTrâi^ Couper, parce que, selon une cer-
taine tradition, après la mort d'Osiris, la déesse Isis
s'y coupa les cheveux. Cette étymologie est trop évi*
demment dénuée de toute vraisemblance , pour qu on
cherche à la détruire par des raisons sérieuses. Il suf-
fira de dire que le nom égyptien de Coptbs fut KEq%
Ke/t , comme on le voit dans un manuscrit copte (2)1
où il est fait mention de ^&&5> AHOrCHC TîîEinC-
KOnoC H'^E RtqTT, Moyse, éi^éçue de Kefi; on la
trouve aussi désignée sous ce nom dans les voca^
bulaires coptes ( 3 ). Un manuscrit thébain porte
KetïtO (4) , et un autre REfiLTOi (5). U se peut que
ces
(i) De Iside et Osiride.
(2) Mss. copt, Bibl. imp., n.«66, Vatic, f.« laS,
(5) Mss. copt.f Bibl. împ., n.<>46> ancien fonds, elc«
(4) Id.j ».• 44, £• 79 verso..
(5) Mss. copt., BibL imp. , n.° 45, £« 58 Yers6»
( 225 )
ces derniers noms ne soient qn*une corruption da
Rtq^, ou même du grec Kotctoç : nous n'avons pu
trouver la valeur du nom égyptien de cette ville. Les
Arabes rappellent encore Qî/t ou Qé/lh , comme lea
premiers habitans.
Pampanis. — Pampan.
Lb géographe Ptolëmée place au midi deTentyris
un bourg situé dans l'intérieur des terres, auquel il
donne le nom de Pampanis (i). Les nomenclatures
arabes des noms dé villes et de villages de TÉgypte ,
que nous avons consultées, ne nous ont présenté, dans
la province de Qouss , aucun nom correspondant et
dont la position fût voisine de Tentyris. D'AnvilIe^
dans sa carte de TÉgypte ancienne, a fixé la positiqa
de Pampanis sur la rive occidentale du Nil, au sud da
cette dernière ville. Nous pensons que Pampan fut la
nom égyptien de ce lieu, et que les Grecs en firent
nof/t^âvi^ ^ en ajoutant seulement la désinence iç. Nous
De fixerons point son orthographe égyptienne, parca
qoe nous ne pouvons assigner la valeur du nom da
ce bourg. Nous ferons seulement observer que sur
la rive occidentale du Nil, vis-à-vis de lancienna
ville d'Ambô ( Ombos ) , se trouve encore aujourd'hui
mmmim^mimmimmmmm^immmmm-mmm^m^
(0 Ptolém^, Géographw, lir. IV.
a5
< 2^6 )
«o TiUage quB les Arabes appellent aussi Bamban (i).
Cette circonstaoce oous coaBrme dans TopiDion que
xioos avons émise sur le nom égyptien de Pampania*
Tentyris. — Nitenthôrî.
Au nord de Coptes , la vallée de l'Egypte tourne
vers l'occident ; le Nil suit la même direction. C'est
dans cet endroit , au 3o/ d. 20 m* 4^ >• de lon^
gitude et au 26/ d. 8 m. 36 s. de latitude, qu'était
Tentyris f bâtie à une petite distance du bord occi-
dental du NiL Elle fut le chef-lieu d'une préfecture
{ Ptbosch ) ; son territoire était fertile en palmiers.
Le temple principal de cette ville fut le chef-
d'œuvre de Tarchitecture égyptienne. On trouvait
d'abord une porte construite en pierres énormes coi>-
vertes d'hiéroglyphes , et faisant partie d'une enceinte
qui renfermait le grand temple dont nous allons
donner une idée.
Ce monument avait 200 pieds de long sur i^o de
largeur. « Le portique était plus élevé que la celle ou
# nef; une austère simplicité dans l'architecture y était
# enrichie d'une innombrable quantité de sculptures
p hiéroglyphiques , qui n'en troublaient cependant pas
» les belles lignes. Une large corniche couronnait
m majestueusement tout l'édifice ; un tore qui semblait
!^
Çi) Vojf«2b^U carU de TÉgypte moderae, par D'AaviUe«
( ^^7 )
» le cercler, ajoutait encore une espèce de solidité au
» talus qui existait par-tout. »(i) Trois têtes colossales
de lion sortaient du flanc de la nef du temple , et
servaient à l'écoulement des eaux qu'on versait sur
la plate- forme pour rafraîchir les appartemens qui
y étaient construits ; car sur cette plate - forme
00 trouvait de petits temples particuliers décorés
de sculptures très - soignées , qui présentaient des
tableaux astronomiques et scientifiques ; aujourd'hui
ils sont à moitié ensevelis sous les débris d'un village
que les Arabes avaient autrefois bâti sur le comble
même du temple*
Le portique, composé de i8 colonnes de 24 pieds
de tour chacune et espacées de 12 pieds, fut ua
des plus beaux modèles de l'antiquité. Â son aspect
grand et majestueux se mêlait une sombre gravité^
et l'homme qui se trouvait en face de ce superbe
édifice ne pouvait se défendre d'une vive émotion ,
et d'un sentiment profond de respect.
Les têtes de femmes dont les chapiteaux des
colonnes étaient ornés , prouvent que les Égyptiens
lavaient consacré à Isis ( 2 ) , dont une image d'une
(1) C'est du voyage de M. Denon que nous avons extrait la
description des temples de Tentyris. Les lignes miirquées par. de9'
guillemets sont copiées de son texte. ,
(a}Straboa,UvreXVn.
(«8)
dimension colossale se trouvait sculptée dans le fond
du sanctuaire , où deux figures gigantesques brûlaient
4es parfums devant elle.
« J'aurais voulu tout dessiner, dit M. D^non, et
sr je n'osais mettre la main à Toeuvre ; je sentais que
9 ne pouvant m'élever à la hauteur de ce que j'ad-
9 mirais, j'allais rapetisser ce que je voudrais imiter:
9 nulle part je n'avais été environné de tant d'objets
9 propres à exalter mon imagination»
« Ces monumens, qui imprimaient le respect du au
9 sanctuaire de la Divinité, étaient les livres ouverts
9 où la morale était dictée i où la science était déve«
9 loppée ; tout parlait, tout était animé dans le même
9 esprit. 9
Colonnes, chapiteaux, murs extérieur^ et intérieurs,
corniche , soubassement , tout est y couvert de bas-
reliefs , d'inscriptions hiéroglyphiques , et de tableaux
bistoriques offrant la représentation des cérémonies
du culte et des usages de la vie civile des Égyptiens.
Les couleurs agréables dont ces sculptures ont été
entièrement couvertes, produisent un charme et une
richesse qui ne nuisent ni à la simplicité ni à la
gravité de l'ensemble.
Ce temple magnifique subsiste encore dans tout son
entier; la circonvallation seule est en partie ruinée (i)*
(r) Une Inscription grecque fut gravée postérieuremeot sur le
listel du couix>nneinent de la porte du mur de circonvallattoa ,
sitttée an sud du grand temple j elle a été vue par Paul Lucas,
( 239 )
C*est àTentyrîs qu'existent deux moniimens astro^^
comiques très-iniportaos : Tua est un zodiaque sculpta
sur les deux plates - bandes les plus opposées du
plafond du portique du grand temple ; Vautre est uu
planisphère sculpté sur le plafond d'une des pièces
du petit appartement construit sur le comble de ce
temple. L'un et l'autre représentent les douze signes
célestes placés dans l'ordre selon lequel le soleil les
parcourt, et ayant à leur tête le lion. Le zodiaque du
portique est divisé en deux parties : le lion , la viergei^
la balance, le scorpion, le sagittaire et le capricorne»
placés à la gauche de l'observateur, semblent sortir
du temple; le Verseau, les poissons, le bélier, le
taureau, les gémeaux et le cancer, placés à la droite.
qui en a insërë quelques mots dans son troisième Voyage du
Levant ( tome III , page 55 ). M. Denon en a rapporté une copie
eotière. Gettr Inscription a été publiée et expliquée par M.Cham^
poIlion-Figeac , dans sa Lettre sur t Inscription du temple da
Dendéra , adressée à M. Fourier ( Grenoble , Peyronard , i8o6,
iii-8.<* ) ; elle rappelle que les envoyés de la Métropole ( de
Tentons ) consacrèrent^ en vertu dune loif le propjrlée à Isis^
très-grande déesse , et aux dieux honorés dans ce temple , en
tan XXXI de César ( Auguste ) , le i8.« jour du mois sacré de
TTioth, Cette consécration avait pour motif la conservation do
l'empereur Auguste. L'auteur s'occupe d'une seconde édition de
cette lettre , qui' renferme beaucoup de recherches sur les ère»
diverses dout on fit usage en Egypte»
( ^3o )
semblent y entrer et sont tournes Vers la porte (i).
Le soleil est figuré par un disque dont les rayons
perpendiculaires Tiennent de quitter le cancer qui,
dans Tordre des douze signes , est le dernier. Sur
le planisphère , ces signes forment une spirale où
l'ordre des rangs est conservé : le lion ouvre la
marche 9 et le cancer qui la ferme se trouve au-dessus
de lui et tourné du côlé opposé. On remarque dans
ces deux tableaux un grand nombre d'étoiles diver-
sement groupées , et des 'figures symboliques qui
peuvent être des constellations représentées sous les
formes propres aux Égyptiens. Us durent en effet
placer dans le ciel les emblèmes sous lesquels ils
adoraient la Divinité , comme dans des tems posté-
rieurs la Grèce , instruite par TÉgypte , y plaça ses
héros et. ses dieux.
Depuis leur découverte , ces deux monumens ont
fixé l'attention de l'Europe savante ; l'histcnre de
l'astronomie doit y recueillir des faits du plus grand
intérêt. Des savans français , italiens , allemands et
anglais ont entrepris de les expliquer ; ils ont émis
des opinions différentes et sur l'époque astronomique
qu'on peut y trouver , et sur le tems où le temple
dont ils font partie a été construit. Sans nous engager
dans cette grande discussion , nous ferons remarquer
(0 Cet ordre des signes, biert constaté par l'Institut d'Égjpte
n'est pas cuuservé dans les dessins publiés par M. Denoo.
( 23i )
ici que ces deux monumens ont dû perdre beaucoup
de leur importance, isolés des zodiaques observés à
Hermootbis, à £sné , et des tableaux astronomiques
deXbèbes, qui appartiennent tous à un même système
de connaissances astronomiques , et dont Texplicatioa
doit devenir plus facile et plus exacte « rapprochés
les uns des autres. On peut donc regarder commo
prématurés tous les Mémoires dont le planisphère et
le zodiaque de Tentyris ont été le sujet ( i )• Pour
obtenir à cet égard un ensemble complet de notions
précises et satisfaisantes, on doit attendre le travail
sur les monumens astronomiques découverts dans la
Thébaïde , que M. le baron Fourier rédige pour le
grand ouvrage dont -sa main savante a élevé Télégani:
et majestueux frontispice*
Nous répéterons ici ce qu'il a dit lui-même do
l'antiquité de ces monumens , qui a été exagérée dana
quelques écrits : « Dans les dissertations nombreuses
» et prématurées auxquelles cette question , déjà
» célèbre , a donné lieii , on a souvent attribué à
» l'auteur de ces recherches , des opinions difié-
» rentes de celles qu'il se propose d'établir. Les
» conséquences qui résultent de l'étude attentive
» des monumens , ne permettront jamais de corn-
» prendre l'histoire de l'Egypte entre les limites
(0 Le nombre de ces Mémoires s'élève aujourd'hui à plu9
deyiogu
(232 )
9 d'une cbronologie restreinte qui n'était pc^nt suivie
^ dans les premiers siècles de Tère chrétienne* Elles
» ne sont pas moins contraires au sentiment de ceax
» qui fondent sur des conjectures l'antiquité exagérée
» de la nation Égyptienne^, et ne distinguent point
iÊ les époques vraiment historiques , des supputations
» qui servaient à régler le calendrier (i). »
C'est àTentyris qu'il faut chercher le type autiqae
des ordres et des principales beautés de l'architecture
grecque ; celle des Égyptiens est devenue le principe
de tout ce que nous avons admiré depuis.
Deux autres petits temples existaient encore àTen-
tyris ; mais ils ne pouvaient pas entrer en compa-
raison avec celui dont nous venons de parler, soit
par rapport à la perfection du plan , soit par rapport
à la beauté de l'exécution.
Du tems de Strabon, les habitans s'étaient adonnés
à la chasse des crocodiles. Le satyrique Ju vénal, qui
fi'est plu à ridiculiser l'Egypte , où il &t exilé dans la
suite par l'empereur Néron , raconte les événemeos
d'une guerre sanglante et fanatique qui eut lieu entre
les Ombiles et lesTentyrites, au sujet des crocodiles,
que les uns révéraient et que les autres cherchaient
-i, détruire. Mais la fausseté de cette guerre ridicule et
barbare, dans laquelle, selon le poète latin, chaque
(i) Pré/ace historique de la Description de VÉ^-pte^ pag.ô4
«tb5.
( 233)
parti dévora les membres sanglaos de ses ennemis (i),
est prouvée par te récit de Juvénal lui-même, qui fait
d'Ombos et deTentyris deux cilles voisines (2), tandis
qu'elles se trouvent à plus de trente lieues Tune dô
Tautre. Cependant Juvénal dit, avec assurance, que
les Tentyrites partirent de cbez eux pendant la nuit,
et arriçèrent le matin à Ombos. Cette rêverie a été
adoptée sans examen par beaucoup d'auteurs mo-
dernes, sur la foi d'un poète.
Le père Kircher a cru voir le nom égyptien de
Tentyris dans 'î'&KOajitp, qui étant écritT^KOojtp ,
aurait servi à désigner le lieu ou la cille de V Eper-
pier^ ou plutôt la ville du Vautour ; car nous avons
trouvé dans un vocabulaire copte et arabe (3) le mot
ITSî^OçjjEp rendu par Baz - Alschahin , éperçier des
brebis, c'est-à-dire le i;autour, et même Y aigle, dont
le nom arabe ressemble au nom égyptien ; ( et Ton ne
doit pas confondre i^OcgEp avec Si^nocy^p , nom de
la plante appelée Saris par les Arabes). Nous ignorons
d*où Kircher a extrait 'i^2>K0ajtp comme nom d'une
ville égyptienne; mais il est hors de doute que ce ne
(i) Selon toute apparence, le chevalier Bruce avait lu fort k la
hâte ce passage de Juvénal, puisqu'il observe ( Voyage aux sources
du Nil ) qu*il est singulier que du tems même de Juvénal, les
Tentyrites et les Ombites fussent encore antJiropophages»
(2) Juvénal, satyr., liv. V, satyre xv, vers 33 à 56.
(3) Mss. copt, Bibl. imp,, n.^ 17, suppl. Saiut-Germain.
<234)
fnt jamais celui de la Tentyris des anciens. Le niot
Tem^çj^ n'est pas grec, et c'est évidemment le nom
égyptien pur conservé par les Arabes dans leur Dcn^
déra. On le retrouve dans les livres coptes , sous la
forme du pluriel Hsnrtît-raïpE, Ni-Tentôre (i),
HsnrtKiFœps (2). Il est écrit le plus souvent Hsker^
n:cupE , Ni'Kentdré (3) , H^KtKTTOpE , Ni^Kentorè
en dialecte thébain (4) , et HWEK-Ttl\p\ , Ni^Kentôri
en mempbitique (5). Les manuscrits tbébains publiés
par le P. MingarelH nous ont oSert, dans le passage
suivant d'un fragment des actes de saint Pakôm,
une altération tbébaine du mot HsKtUnrcxxpt, Ni--
Kentâre : ZT{Z> :^iOKRCXOC EYnptCÊY^tpOC H-fi
nfEKKXHCi^^ hnsr^EK-raTpE (6); « Denis, prêtre de
(i) Mingareilî , AE^ypt. codic, reliquiœ ^ pages ccxxyih,
€cxxix et ce XXXI.
(2) Dans les actes memphîtîques de saiut Pakhôm ( mss. copt,
Bibl. împ. , n.o 69 ) , il est fait mention de Tabbé CB^p^lTSttîît
ITStn^CKOlTOC KnrE n^^r^îT^tUpS, «Sarapioa,évêqu6de
^ Nitentôrî , » et de hT{l> r^SOKKCiOC ÈOYÏTp&V'^EpOC
HE hnn& ns^£Keatp\, « Apa Denis, prêtre de Nitenthôri.»
(5) Mss. copt. , Bibl. împ. , n.® 46,
(4) Mss. copt, Bibl. imp., n.*» 44, f.* 79 rectô. On trouve aussi
le nom de cette viiie écrit HEKH^OpE , mss. copt. , Bibl. imp. %
!!.• 45 , f.«» 58 verso.
(5) Mss. copt, Bibl. imp., n.» 17, suppl. Saint-Germain.
(6) Miugarelli, frag. IX, pag. ccxxvi et ccxxvii.
^\>
( 235)
» Tëglise de Ni-Gentôre^ i> où Ton obseire le T^ (g) mîi
à la place du K (k). Le dialecte tbébain offre quelques
exemples de cette permutation d'aixtant plus remar*
quable« que la lettre r* est étrangère à la langue et à
Talpbabet des Égyptiens.
Dans les recherches que nous avons faites pour
trouver la signification du nom égyptien de Ten-
tyris , nous n'avons obtenu aucun heureux résultat.
Les seuls mots^qui en approchent, sont 2»i^nrcup^,
que Kircher explique par Senex, et Oatp^, Salix ( i ) ,
qui n'offrent aucun rapport satisfaisant avec l'égyptien
HîKtK-taTpE , ou plutôt Hs^TtK^CJUpE.
Thmounschons.
Ce lieu doit avoir appartenu à la préfecture
( Ptbosch } de Ni-Tenthôri ; c'est du moios ce que
l'on peut inférer de plusieurs passages de la vie de
Pakbôm (2) ; dans les actes de ce saint , ce nom est
écrit OtjLOYhcyOï^C. Nous l'avons retrouvé dans une
nomenclature de noms égyptiens et arabes des villes
de l'Egypte (3) , sous la forme de UoYaj2>KC, et rendu
(i) On pourrait peut-être dériverTEKSCUpS deT2>K^tUpSf
qui désigaerait un lieu où se trouvent des saules ( ^CIVpi \
(2) IVIss. copt, Bibl. imp., n.^69.
(3) Mss. copt| BibL imp., n.*43| f.^58Yert6.
r
par Varabe Makhans ou Moukhans. Ce dernier lieu
est compris dans la province arabe de Qouss (i),
selon un état des villes, des bourgs et des villages de
rÉgypte. Il se peut que ce mot ait été autrefois écrit
par les Égyptiens UoY^^^Stc, et que ce soit la raisoa
qui ait engagé les Arabes à l'écrirç Moukhans. au
lieu de Moaschans.
Tabenna. — Tabennisî.
Entre Tenthôri et la petite Diospolis , se trouvait
une ile appelée Tûcékym ( 2 ) par les Grecs , connue
aujourd'hui chez les Arabes sous le nom de Djèziret'
el-Gharib , File de ï Occident, et qui dut autrefois
faire partie du nome Tentyrite. Cette île est men-
tionnée dans les livres coptes , sous le nom de
Tê-iiKHRCE, Tahnnésé (3), et de Tfc&t«KtCS,
Tahennési (4), nom dans lequel on reconnaît, selon
Mingarelli ( 5 ) , le grec fmoçj He » ajouté au nom
égyptien de nrfc&H , Tahen^ ou même TrB.&i^s^^>
Tabenné, qui, en dialecte thébaiu, désigne un endroit
«k
(i) M. Siirestre de Sacjr, trad. dAhdàUatif; État de tÉgjpiéf
page 704 , n.® 38,
(2) Sozomeiius, liv. III, cap. 14, etc.
(3) Mingarelli, AEgj^pt. codic. reliquiœ^ frag.VII, pag. cuql
(4) Mss. copt, Bibl. imp., n.064, vatic. £*i56 roctd.
(5) Miugarelli| loco ciiaio, page clxxxiu
( «37 )
abondant en palmiers , ou le lieu des Troupeaux ( i ).
Mais nous ne sommes point convaincus que \^KCZ qvl
hHC\, qui termine le nom copte de cette île, soit le
grec fno'oçy et nous regardons plutôt ces deux syllabes
comme le nom d'Isis ( HC5 ), précédé de Farlicle du
génitif. Le nom denT^&ttHKC^ signifiera donc alors
Vile oà se iroui^ent les palmiers d'Isis. C'est là , à
notre avis, sa véritable valeur. On sait en effet, par
les rapports des anciens , que cet arbre était très-»
abondant dans le nome Tentyrite , et dans les tems
modernes on remarquait, près de Tenthôri , .une
superbe forêt de palmiers doum (2). Celte espèce de
palmier, au lieu de n'avoir qu'un seul troric, comme
le palmier de la basse Egypte et de l'Arabie , en a
plus de seize groupés ensemble, ce qui a fait donner
à cet arbre le nom de Palmier éçentail ; son fruit
est d'une qualité inférieure à celui du palmier ordi-
naire. Dans dés tems postérieurs à celui des Égyp-
tiens, l'île de Tabenné fut le lieu que choisit saint
n^^î^tllUL, Pakhôm ou n«.^CUu., Pahôm^ selon les
• (i) Jablonski le dérivé de ^2>6tKS qui, en dialecte mem-
phitique, veut dire la même chose que ^S&US^ ea dialecte
ihébaio.
(2) Juvenal, satire xr, lîv.V. — Sicard, dans le tome VI des
Lettres édifiantes. — Choix des Lettres édifiantes , (Qme U i
Missions du Levant i page 35 j ^ Fari9| <8o^.
( a3è )
dialectes de la langue égyptienne « pour bâtir un
célèbre monastère , où un nombre considérable de
pieux anachorètes firent leur séjour.
DivspoliS'Pari^a. — Hou.
A u nord - ouest de Tentbôri ^ et non loin do
Tabennisi , était Dwspolis-- Parua , A/oo-^xToAic fiixe^,
la petite i^ille de Jupiter. Elle se trouvait au 3o«^ d.
o m. Sy s. de longitude, et au a6/ d. 1 1 m* 20 s. de
latitude septentrionale , selon les Nouvelles Obser-
vations astronomiques de M. Nouet.
Cette ville ne dut point être fort considérable ; du
moins les ruines quon^ remarque à la place qu'elle
oc(5upa , ne portent point à le croire. Le voisinage de
Thèbes et de Tentbôri dut nécessairement s'opposer
à son accroissement. Le nom de Hou^ qu on doone
encore dans le pays à cette ville , est Tancien nom
égyptien 2oT ( 1 ) , ou bien 2ai , Hô (2). La positioa
de cette ù^ioa-^ohiç des Grecs , assignée par D'Anvills
ji IIou , est justifiée par deux manuscrits coptes de la
Bibliothèque impériale, où l'on voit que la ville que
les Grecs nommaient T's0CIT0A!LC ( Aïoo'^oX/c ) « s'ap-
pelait ^î^O en égyptien, et Hou en arabe (3). 3^^0
(i) Mss. copt, Bibl. imp., n.*46y anciens fonds.
(2) Mss. copt, BibL imp., fonds du Vatican, n.® 69.
(5) Mss. copt , BibL imp., ii.« Jfi^ f/ 8& versoj — il* M, C*49
rectô.
( =39 )
tst mis à la place de !t^OT, Anhou, et nous croyons
qu'il n'en est que la corruption. M. Akerblad a déjà
émis la même opinion sur le même mot ( i ) , quoique
dans un but différent , et nous nous félicitons de
pouvoir appuyer notre conjecture de son suffrage.
M. Silvestre de Sacy a été induit en erreur par le
P. Kircher (2), en présentant, d'après lui (3), le nom
copte ou égyptien de Hou, sous la forme de poviTE,
Khoupé. Dans l'ouvrage de Kircher , le ^ ( khei )
de ce mot doit être remplacé par le Hori ^ , et c'est
probablement par une faute d'impression que cq
changement de lettre a eu lieu. La syllabe îTE
qui terminait ce mol SoTTTE dans le manuscrit que
Kircher avait consulté , n'y est pas déplacée ; mais
c'est le verbe TTE , est, qui se met après le nom égyp-
tien pour désigner que ce nom est la même chose
que le mot arabe qui l'accompagne. C'est ainsi , par
exemple, qu'on trouve Tr2h>.^K2>TnE, «^-spCiittlTE,
n^EîtCTcuiTE , nxaji^pa\^TïE , GE^KHCSnE,
H&«amE , à la place de T^>^&î^&Y ^ 4E>2>^pCWE ,
n-TEîtcnraT, ^îaJ^^pcM^, Oekkhcx et H&hcu (4).
(i) Lettre sur V Inscription de Rosette y pag. 35 et 56.
(2) Kircher, Lingua œgjrptiaca restituta, page ai 1.
(5) Traduct* d'Abdallatif, page 704.
(4) Mss. copt , BibL imp. , n.** 17, tuppl^i Saiat - Germain ^
!• PC^& versé, et pc^f.
Celte syllabe HE terminant plusieurs noms de villes
égyptiennes, Kircher crut qu'elle en faisait partie
essentielle , et il les inséra, tels qu'il les trouva , dans
sa Lingua asgyptiaca restituta ; Lacroze les y puisa
pour les placer dans son vocabulaire égyptien. Nous
aurons occasion dans la suite de rappeler cette
observation.
La signification de Hou, 2oY, n'est pas venue jus«
qu'à nous. Nos recherches à cet égard ont été iofrae-
tueuses. Nous n'avons pas osé le dériver du thébaio
^OOT, dieSf quoique plusieurs circonstances eussent
autorisé cette étymologie jusques à un certain point.
Mais nous avons pour règle de ne présenter aucune
explication , à moins qu'elle ne soit fondée sûr des
preuves irrécusables, et sur des raisons auxquelles on
ne puisse faire aucune objection que nous ne soyons
en état de résoudre d'une manière satisfaisante. La
science étymologique est trop discréditée de nos
jours , par l'abus qu'en ont fait plusieurs auteurs,
d'ailleurs pleins d'érudition , pour qu'on ose s'aban-
donner aux licences grammaticales et aux permu-
tations qu'elle autorise. Nous aimons mieux avouer
Dotre impuissance , que de donner des conjectures
trop hasardées.
Le père Vanlesb , en parlant de Hou , et classant
cette ville parmi les évêchés coptes , croit que c'était
autrefois
( 24l )
«ntreFois Thèbes la grande (i) ;, maïs c'est une erreur
que D'Anville a démontrée. Les ruines de Hou, 2oT^
consistent aujourd'hui en briques et en monceaux de
décombres.
CJiênohoscia. — Schénésêt.
Dans les tems anciens , il exista dans la préfecture
de Hou plusieurs petites villes , des bourgs et de$
villages dont la plupart nous sont inconnus. Parmi
eux, les Grecs nomment XjffoCoTxM (2) ou X^iroCoo-x/ov
(3) qui, selon Alexandre PoUbistO'- cité par Ltienne
de Bysance (4)« était situé dans la dépendance de
Diospolis ( Hou )•
Notre célèbre géographe D'Anville , après avoiç
combattu avec succès le père Sicard qui avait fixé
la position de la ville de Lépidotum au bourg arabe
Qassr - Essaïad , fait de celui-ci l'ancienne Chêno-
boscia (5). L'identité de ces deux noms n'est paa
douteuse , et il est bien agréable pour nous de jus-»
tlfier à ce sujet le sentiment de ce géographe ,
dont la sagacité, l'érudition et la saine critique se
«««
(i) Histoire de téglise d'Alexandrie^ page 21.
<2) Etienne de Bjzance, de Urbibus et Populis.
(3) Ptolémée, lîv, IV. chap. v.
(4) Loco citaîOn
(5) D'AnvUlt, Mémoires sur VÉgxpte^ pag, ijS et 194»
( 242 >
sont montrées avec tant d'avantages dans ses M^
iDoires sur rÉgypte. Plusieurs manuscrits coptes ,
et notamment les Actes de saint Pakbôm ( i ) , foot
souvent mention d'un bourg ou d'une ville de la haute
Egypte, qui est appelée Schénését. A son retour d'An-
tinoé , T\xJ:5E>.ajSpX f^E ^tt\q ITî^ÎDaï» h^
JU^TTE^OTOS Èc|>JUt^pKC UΫ>KTEq\ ÈOY^US
KEpHwoc !^E OjEKECHT, « le jeune Pakhôm marcha
» dans la haute Egypte jusqu'à ce qu'il fût arrivé à
» un village désert nommé Schénését. » Ce village
qui, du tems de saint Pakhôm, était presque aban-
donné , comme on le voit par le passage que noui
venons de citer, se trouvait dans le nome de Dios-
polis : B^OJCUITS h^ÇpHCTX^ROC ^Et\ lT0Oaj
^OCITOCOXSC ^Ett OT^UX '^Z ajEHECK^ :
a II ( Pakhôm ) devint chrétien dans le nome de
» Diospolis, dans le village de Schénését. » On ne
peut douter que lIjEttECHnr ne soit le même lieu que
Chenoboscia, puisque dans les vies des Pères, qui oe
sont en grande partie que des traductions du copte,
on trouve UJeweCHtt par* tout où le grec porte
'XïiPoÇoorxia. Cette observation a déjà été faite par
M. Ignace Rossi (2). Au reste, tous les auteurs qui ont
iraité de la vie de saint Pakhôm ou Pacome , ont dit
(i) Mss. copt, Bibl. împ., n.^âg.
(2) Etjmologiœ œgxptiacaSi page 261.
^
( 343 )
f|ue ce saint avait reçu le baptême à Chenoboscia.
L'égyptien UJei^^CH^ est donc le X)iyo€o^xMi des
Grecs.
Schénését était situé sur la rive orientale du Nil,
dans uue coupure de la chaîne Arabique , au lieu
nommé aujourd'hui Qnssr-'Essaïad (i), ce qui jus-
tifie tout ce qu'il est dit de ce bourg dans quelques
passages qu'il serait trop long de rappeler ici. Nous
reviendrons , dans l'article Bopos , sur la position
de Schénését ou Qassr - Essaïad » mal indiquée par
B'Anville.
Quant à la valeur du mot égyptien UjEi^CKnr,
nous doutons qu'elle ait été fidèlement rendue par le
grec X})yoÇoaxici ou mpc^omov^ qui signifie XendroiP
où se nourrissent les oies^ quoique M. Ignace Rossi
trouve un grand rapport entre le nom égyptien de
Chenoboscia, UJ^KtCK'-r, et le mot KEltECOXOC, qui
veut dire oie en langue égyptienne , selon Kircher.
Nous ignorons la signification' de Schénését.
Bopos. — Pbôou.
Daks les environs de la ville de Hou ( Diospolis ) ,
était un bourg ou un village qui porta chez Içs Grecs
le nom de Bopos (â).
(1) Sooaiai, F'ojrage dans la haute et la basse Egypte^
tome III, page i65.
(30 Agfttharchidti apud Phothium, BîbL graec, co4. aSo.
( 244 )
Le célèbre D'Ânville a fixé sa position au village
Connu chez les Arabes sous le nom de Fau-Bâosch^
qui appartient à la province de Qouss. Dans le mot
Fau (i), on ne peut méconnaître le nom de BcuOY
ou 4^&axov , si fameux dans les Actes de saint
Pakhôm. C'est le nom que prit un monastère fondé
par cet anachorète dans un ancien village appelé
^&USOv ; car il est à remarquer que presque tous
les monastères fondés par les anciens Pères du désert
et les saints hommes de l'Egypte ,, prirent toujours le
Dom du lieu ou de la ville près de laquelle ils étaient
bâtis. L'auteur de la Vie de saint Pakhôm est formel
sur ce point. Il raconte que les disciples de ce saint
étant trop nombreux à Tabennisif il eut une vision
dans laquelle on lui dit : !2SE «rwi^K JUi£<£)tK^K
«Lève -loi, marche vers ce village désert qu'on
W appelle Phbôou, vers le septentrion (2). y> Il i*ésulto
nécessairement de ce passage , que le village de
Pbbôou existait long-tems avant le monastère qui
en prit le nom , puisqu'il était déjà abandonné à cette
époque ; il est aussi hors de doute que les noms de
(1) Bdasch est ua surnom que les Arabes lui ont donne pour
la «Ustinguer d'une autre Fau , située dans la province dlkhooioi»
Cette (leruiére porte le surnom de Djoula,
(3) M»s. copt.y BibK imp.|Yie de saint Pakhôm, a.^69.
(245)
^&a!OT et de Bopos ont appartenu au même Ueu«
et que le grec n'est que la simple corruption du nom
égyptien.
Le passage que nous venons de citer , établit non*
seulement Fideutitë de Bopos et de Phbôoù, mais
encore nous sert à fixer d'une manière certaine la
position de ce bourg, que D'An ville a placé beau-
coup trop au midi. Saint Pakhôm allant fonder un
monastère à Phbôou, part de celui qu'il avait bâti
précédemment près de l'île de Tabennisi , et , comme
ou la vu, il marche vers le nord pour arriver au terme
de son voyage ; Phbôou ou Bopos était donc au nord
de Tabennisi I appelée par les Arabes Djeziret-abou"
Gharib. D'Ânville , au contraire , place Bopos ou
Fau-Bâascb au midi de cette même île, et presque à
la place que doit occuper Schénésêt , la Chœnoboseia
des Grecs , qui tient celle de Phbôou. Il faut donc
nécessairement reculer Schénésêt ( Chaenoboscia ) un
peu plus au midi , et mettre Phbôou ( Bopos ) plus au
Dord de Tabennisi. Notre correction est justifiée par
les voyageurs modernes , qui placent Fau - Bâasch
sur la rive orientale et vis-à-vis de la ville de Hou
(Diospolis) (i).
Le passage suivant , extrait des manuscrits ^copte8
saïdiques publiés par Mingarelli , nous donne le iioxa
(i) Nouveaux Mémoires des missions du Isevanij vol. H,
pag9 iSj. — Sonniaiy f^ojrage dans la haute et la basse Ègypte^^
tomo UL
(246)
de PhbAou en dialecte tbëbain : h^tSl Z^Xtl tpB
irfeoOT ffs &1T& TTETrpcuî^xoc : ^ Pétrone fut affligé
» d'une maladie à Phbôou , tandis que les frères
» étaient à Rakoté ( Alexandrie ) ( i )• » Il est facile de
voir que Tes Grecs ont formé Bopô-s du nom thébaia
n&OOVi Pboou. Us auraient dit Phopos^ s'ils l'avaieot
formé selon le dialecte mempbitique> diaprés lequel
on disait 4^&a)iOY, comme 6n Ta y\x plus haut«
Éthbêou OU Thbêou,
Un lieu nommé G9&H0nr était situé dans le nozne
de Hôu ( Diospolis )• C'est ce qui résulte de la com-'
paraison et de Tanalyse de plusieurs passages des
Actes de saint Pakbôm (2^). Nous en faisons grâce à
1109 lecteurs*
Bershoout.
A cinq lieues au nord de la ville de Hou , se
trouvait celle de BtPfluOYTT. Elle était placée dans
^intérieur des terres , entre le Nil et la montagne
Libyque, Bershoout était séparé du fleuve par ua
espace de deux lieues (3).
fr"i^""-"^l*"— (^"■^i^-"'»^™— — ^■•— ^i^— ■•■ii^^F'ii^"— V**"^"-"»"^^"
(0 Mîngarelli, ^gjrpiiorum cadicum r^liquiœ ^ frag.Vn*
P«ge GLXXXV.
(2) Msa. copty Bibl. imp.| 11.^69, fonds duVaticaiu
(Si) Sonniuî, Voyage dans la haute et hisse ÉgXP^^t tomelHi
pag. i$5 9t 159,
( 2^7 )
Soa nom dgyptien de BEp5oonrT, que nous n'aroms
trouvé que dans un seul manuscrit (i) , a été conservé
dans le pays. Les Arabes nomment encore cette ville
Fardjiouih , qui ne diffère de l'égyptien BEpff&OVT:
que d'orthographe et non de prononciation, car les
Coptes donnaient au B le son de V, ce qui fait pro-
noncer le nom égyptien Varshoout. M. Sonnini (2)
reconnaît dans la moderne . Fardjiouth une ancienne
ville nommée Achantus. Nous ignorons sur quelle
autorité l'observation de cet estimable voyageur est
fondée. Nos recherches ne nous ont donné aucun
éclaircissement à cet égard.
Tpourané.
Sur la même rive du fleiive, au septentrion de
Bershoout et à quatre ou cinq lieues de la même
ville, se trouvait celle deTiT0vp2>KK (3). Elle était
située sur le bord du Nil, et avait à l'occident un
canal qui sortait du fleuve vers un lieu placé entre
Hôu et Bershoout. Il est fait mention de cette ville que
les Arabes appellent Bouliena ( 4 ) , et qu'ils com-
prenaient dans la province de Qouss , dans l'ouvrage
-
(i) Mss. copt, Bibl. imp., n.*^ 45> £^58 verso.
(2) Voyage cité, page iSg.
(5) Mss. copt., BîbL imp., n.* 4^» f.* 58 verso.
(4) M.Silvestre de Sacy, État des villes et villages de VÉgjrpte»
page 702 , n.® 7.
( a48 )
de Mourtadhi , sur TEgypte ; selon cet auteur, ce lieu
fut le théâtre des eocliaDtemeDS d'un célèbre magicien
copte I du tems des rois de race égyptienne.
Lepidotum.
Près de la ville que les Égyptiens nommaient
Tpouranéf était celle de Lepidotum que Ptolémée (i)
et D'Anville placent à une petite distance de Bouliena,
sur la rive opposée du fleuve. Le géographe grec
est formel, à cet égard , ce qui doit emfiêcher de les
confondre entre elles. Le nom de Ae^KtS'olov est grec,
et fut donné à cette ville à cause d'un poisson du
Nil que les Grecs nommaient ainsi , et qu'ils crurent
avoir été en grande vénération dans ce lieu. Nous
avons vu, dans l'article de Latopolis, quel fonds on
doit faire sur lel culte des poissons parmi les Égyp-
tiens.
sjosj.
Le bourg de n:î^ax'>S était du nome de Hou. Dans
les Actes de S. Pakhôm , il est parlé de iTETpaïs^SOC
0YpiLWTT!^aV2< T\Z K^T^ TT^Ogj h^tU : 4c Pétrone
i> qui était de Psjôsj du nome de Hô. » La position
de Psjôsj ne nous est pas bien connue , quant aux
circonstances locales.
^ ■ - - ^ aj.1Ti
(0 Ptolémée, Géographie^ V\y. IV.
(^49)
SECTION SECONDE.
EGYPTE MOYENNE.
Abjrdos.
Sur la rive occidentale du Nil et à plusieurs llenet
au nord de Hou^ était une ville que les Grecs nom-
mèrent ensuite Abydos. Elle fut le séjour d'un roi
d'Egypte» appelé Memnon par les uns, et Ismandès
par les autres* Sous les Pharaons , Âbydus fut sans
doute une place importante, et l'étendue de ses
ruines nous indique sa magnificence et son antiqua
splendeur. Elle était placée à l'entrée du désert qui
conduisait à la grande Oasis. Les habitans de cette
île fertile au milieu des sables, faisaient le com*
merce avec l'intérieur de l'Afrique, et par consé^
quant Âbydos dut être le débouché des marchandises.
Quoique le négoce ne fût peut-être pas fort consi*
dërable, il dut contribuer néanmoins à la prospérité
d' Abydos , attestée encore aujourd'hui par les restes
de plusieurs monumens considérables. Nous puiserons
dans le Voyage de Savary la description de ses
temples.
Un portique de soixante pieds de hauteur et
soutenu par deux rangs de grosses colonnes , se pres-
sentait d'abord aux regards du voyageur. Ce portique,
aujourd'hui isolé, donnait entrée dans un magnifique
\
( 25a)
édifice qui n'existe plus. Au-delà , se trouvait un
temple de trois cents pieds de long, sur une largeur
de cent quarante-cinq. Le portique de ce monument
sacré fut composé de vingt-buit colonnes de soixante
pieds de haut , et de dix-neuf de circonférence à la
base* L'entrecolonnement était de douze pieds , et le
plafond GOQTert de sculptures, comme tous les murs
intérieurs et extérieurs , était formé de grandes pierres
qui s'étendaient d'une colonne à Vautre. En entrant
dans le temple , on se trouvait dans une vaste salle
de quarante-six pieds de long sur vingt-six de largeur,
dont le plafond posait sur quatre grands piliers ; elle
crommnniquait à une autre bien plus considérable,
puisque sa longueur était de soixante- quatre pieds.
Six lions , placés comme ceux du temple deTentbôri,
servaient de gouttière pour faire écouler les eaux qu on
versait sur la plate-forme du temple. A gauche de
ce superbe monument, on voyait un second temple
plus netit, mais dont les formes ne le cédaient point
en élégance à celles du premier. Du tems de Slrabon,
ils étaient environnés d'un bois d'acacias (t), dont
les fleurs et Tagréable verdure devaient contraster
avec la sévérité et le grandiose de rarcbkecture
égyptienne.
^ous ignorons à quel roi du canon de Manéthoa
répond le Memnon ou VIsmandès des Grecs. Ce
(i) Strabon, Itv. xvii.
( 25f )
dernier nom est ëgyptien , et noos paraît être le mênie
que celui du famaux Osymaodias , dont il ne diffère
que par les voyelles. Ce roi est placé par Manéthoit
parmi ceux de la douzième race des rois d'Egypte^
sous le nom de Sesokhris^ qu'il fait régner enviroa
3400 ans avant l'ère vulgaire, comme on le pourra
voir dans notre histoire des Pharaons. Les monumens
d'Abydos remonteraient à cette époque , si toutefois
c'est à ce prince qu'on doit en attribuer la fon-*
dation ( 1 ).
Le père Kircher ayant trouvé dans un manuscrit
copte le nom de H^4>£.ssn:, crut devoir l'appliquer
à ASvS'qç ( 2 ) , parce qu'il trouvait quelques rapports
de prononciation entr'eux, sur-tout en défigurant le
nom égyptien et l'écrivant ûk.&M5^T (3), Abaïad,
qui. en effet, sous cette forme empruntée, ressembla
à Abydos. Mais il est nécessaire d'observer que
la licence que se donne ici le père Kircher , est
contre toutes les règles avouées par la saine critique.
H^c^M^nr ne fut point le nom d'Abydos T mais bien
.celui d'un lieu de la basse Egypte, appelé par les
Grecs Marea ou Mareotis. C'est ce que prouvent le
manuscrit copte que Kircher lui-même a consulté «
(0 Straben, lîv.xvii,
(a) Kircher . Œdipus œgypiiacus , tome I ; Chôrograpkia
^gyp^^ chap.V.
(5) Ibidem.
( 253 )
aÎDsi qu'un grand nombre d'autres ( i ) , puisque ie
nom arabe correspondant est Marioulh, nom qut
porte encore la Mareotis des Grecs. L'auteur de
l'Œdipus a prévu cette objection , et s'est vu dans
la nécessite de supposer qu'Etienne de Byzance
assurait que la ville d'Abydos en haute Egypte porta
aussi le nom de Mareotis (2). Cependant cet auteur
grec ne fait aucune mention de cela, et dit seulement
A&icToL... — r xcCFAjyyT^o» tw coneuf eticoixoç cero AÇuJ'h
TiPOÇicXnd^eiToL Abydos ^ — ville d' Egypte ^ colonie
( milésienne ) qui prit son nom ê£un certain Abydos.
Cette manière du P. Kircher n'est pas sans exemple,
sur - tout chez les auteurs qui veulent tout expliquer*
L'opinion d'Etienne de Byxance, qui fait de l'Âbyclos
d'Egypte une colonie milésienne , n'est pas moins
hasardée , et ne mérite point qu'on la réfute. Le
vrai pom égyptien de cette ville nous est inconnu.
Ses ruines sont appelées par les Arabes Elberbit
c'est-à-dire le Temple.
TJiis.
Dans la partie occidentale de l'Egypte , c'est-à-
dire entre le Nil et la chaîne Lybique , fut une
petite ville ou bourg appelé ®tiç (3), rendu célèbre
(1) Ms5. copt.. Bibl. imp. , n.* 17, suppl. Saint-Germain. —
N** 64 ♦ Vatican , f.<> i56 rect6. — Doxolog., ms$. page 209 et suir*
(2) Hanc Abjrdum et Mareotin quoque vocation Stephduws ait»
Kircher, ûEdip. a»gj^pi.^ tome I^ chap.Vi page 44*
0) Piolëmée, lïv. IV.
( 253 )
par les systèmes modernes sur le synchronisme des
dynasties égyptiennes. Son nom égyptien dut être
indubitablement This ou Thi. Le géographe Ptolémée
est le seul qui parle de This, ce qui est très-étonnant ,
si cette Tille a joué , comme on le croit , un rôle aussi
important dans les affaires politiques de l'Egypte.
Ptolemaïs. — Psoî,
Le nome égyptien qui précédait celui de Panopolis
était celui de Psoi , dont une ville de ce nom était la
capitale.
D'après une longue nomenclature de noms égyp-
tiens de villes disposés par ordre géographique (i),
il nous paraît que Psoi était situé entre Abydos et
Panopolis. Le nom arabe ^ui accompagne le nom
égyptien écrit '^'ox (2) ou '*"aix (3), est Absaï
ou Ibsaï ( 4 )• Le père Vansleb range Psoi , qu'il
appelle en copte Absaï ( pour Psoi ) , au nombre
des évêchés de TEgypte ( 5 ) ; il donne pour son nom
arabe celui de Minséié , et la place près de Djirdjé.
i*4
(i) Mjs, copt , Bibl. imp. , tonds de Saint-Germaia , suppl ,.
H.* 17.
(2) Mss. copt. , Bibl. imp. , n.« 44 , £• 79 verso. — Id. , suppl.
Saînt-Germain, n.« 17.
(3) Mss. copt, Bibl imp. , ».• 46. — Id. ».• 45, (J^ 58 verso. —
Kircber, pageaio.
(4) Mss. copt., Bibl. imp., ii.«44. — ^d. Saint-Germaîa. n.* 17,
0) Yanrieb, Histoire de l'église d'Mexandrie, page aa.
( 254 )
Son témoigoage est confirmé par un Yocabnlaîrc
copte et arabe , qui rend le nom de lien 'Vtni par
Farabe Monsckah ou Monschùt (i). On trouve dans
un état arabe des provinces et des villages dé l'Egypte,
Minschat-Ikhmim, comme faisant aujourd'hui partie
de la province dlkhmim ( 2 ). C'est indubitablement
le lieu appelé dans la carte de l'Egypte moderne de
D'An ville, Memshiei-el-Nèdé. Psôi, "ÎTaii , qui est le
même lieu , se trouvait donc placé entre Abjdos et
Fanopolis, sur la rive occidentale du Nil et un peu
éloigné de ce fleuve.
Le nom égyptien de cette ville, "f^cni ou 'Vou
se trouve plus correctement orthographié IIccUS ou
Dcos dans plusieurs manuscrits coptes (3) ; car la
lettre "^ n'est autre chose que le '^ des Grecs , et n'a
jamais appartenu à l'alphabet égyptien. Les G)ptes
se l'employèrent que comme abréviation des lettres
n et C Le mot COS ou IICOS signifie dorsum » trabes
en langue égyptienne. La situation de Psoi n'étant
pas connue d'une manière parfaite, nous ne pouvons
juger jusques à quel point la valeur de son nom
égyptien était en rapport avec Ifi localité même.
(1) Mss. copt, Bibl. imp.| 0.^46.
(2) Éiat des provinces et des villages de tÉgjrpte, pobli^
par M. de Sacy, à la auite de sa traduction d'Abd-AUatîf, page 701»
(3) Zoëga , Catalog. manuscript. musœi Borgianif pag. 24» ^*
«t siiir.
( 255 )
La ville de Psoi fut autrefois la capitale d'ua
DO me , car les manuscrits égyptiens ou coptes
font souvent mention du ireoo) KCOS , le nome de
Psqi (3). On trouve aussi If €FOuj hCOS , le nome de
Soi (4)f où Ton observe le nom égyptien ifCOi, privé
de son article masculin if. Strabon et Ptolémée n'ont
point parlé de cette ville ni de sa préfecture, ce
qui semblerait établir que sous les Pharaons » Soi
n'était point au nombre des nomes ; mais Hécatée ,
cité par Etienne de Byzance (5) , lève toute espèce
de doute à cet égard. Il faisait mention dans ses
ouvrages qui sont perdus , d'une ville d'Egypte qu il
Bommait St/iç , mo^ qui n'<?st évidemment qu'une
corruption du vrai nom Cos ; et le fo/Mç 2lui7ifç , du
même auteur, n'est autre chose que le i\90a) hCOS
des Égyptiens.
Après la chute de Fempire d'Egypte, Psoi devint
une ville considérable et prit le nom de Ptolémaïs.
Elle fut alors la seconde ville de la haute Egypte , et
la capitale du nome Thinites de Ptolémée. Peut-être
est-ce la ville que les Grecs appelèrent This.
Dans un manuscrit de la Bibliothèque impériale
provenant de celle du Vatican , et qui contient les
(5) Mss. copt, Bibl. imp., n.^66| Actes de S,^ SchenoutL
(4) Ibidem.
(5) Étivnne de Byzance, au mot Zc/iç.
(256 )
[Actes de saint Schenoudi , on lit le passage suif aot :
i EbRT ncz(A H^&ït TioXsC oro^^ «rttp'^us-
>ainrETXît nnspuius keu «onrrE&KOJOYS tri
1&0A|^E1Y IfBOcx) "^OX : « Il arriva daos ce tems-là
m que les Baloemmôoui ( i ) vinreot vers le nord ,
I» s'emparèrent des villes , et firent prisonniers des
9 hommes et des troupeaux ; ib retournèrent daos
m le midi avec leur butin, et s'arrêtèrent dans le
» nome de Psoi. » Zoëga ayant donné ce même texte
d'après un manuscrit de la cellection du cardinal
Borgia, a écrit ^OS, Tioi, au lieu de'^Ol, et Ta rends
par nommum Tioi (2). Celte erreur de copiste vient do
ce qu'il est fort aisé de confondre le ^ avec le i^*
Psenhôout ou Psemhôout.
PsENHôouT faisait partie du nome de Psot*
On lit dans un manuscrit copte (3) : Onr^uS ^^
(1) Les Balnemmôoui sont les peuples habitant entra l'Egypte et
la Mer-Rouge. Les anciens les appelèrent Blemmjes^ corruption
évidente de Balnemmôoui.
(2) Zoëga, Catalog. mss. musœi Borgiani^ pag. 26 et 4ûw
(5) Mss. copt., Bibl. imp., n.® 66^ Actes de S.^ SchënoudL Dans
les mémes^ actes, on parle du bourg de KoUEÎl^SOC U ^tak
dans le nome de Psoi , ou celui de Fanopolis. l^OJUEIt^TSOC
n'est pas égyptien.
( 257 )
ffCElt^aiÔYt P^K TIÇOuj ÏTCOS, le bourg dc
Psenhôoul , dans le nome de Psoi. Il est écrit
Ctu^cuOTT , Semhôoutf dans une nomenclature
manuscrite (i)^ Son nom arabe est Samhout ; ce
dernier se trouve dans l'état précité des provinces
et des villages de l'Egypte, comme appartenant à la
province arabe de Qouss (a).
Panopolis. — • Schmîn et Chmim.
Cette ville exista sur la rive orientale du Nil, au
nord et à peu de distance de This. Strabon la donne
comme une des plus anciennes villes de l'Egypte :
ïleufûÊP nrohâç >jfWfyw xcu ^Qovçyc^f juwoêXM nCcû\jBU%^
Panopolis 9 dit - il , est V antique demeure d* hommes
travaillant le lin et taillant les pierres (3). .Cette
périphrase indique seulement la haute antiquité de
cette ville , et sa fondation dès les tems les plus
reculés par les Egyptiens (4) • qui travaillaient tous le
lin et qui taillaient des pierres, comme l'attestent les
monumens nombreux qui ornent leur patrie. Diodore
rapporte (5) que les Égyptiens bâtirent la ville de Tloufoç
nroXiç en mémoire de Pan , qui accompagna Osiris
(1) Mss. copt., Bibl. imp. y n,^ 4S9 f.^ 79*
(2) M. Silvestre de SaGy, Traduction {tAbdallaiif^ page 703 p
».• 27.
(3) Strabon, liv.XVra.
(4) Ichmin (Panopolis) vetustissimam totius œg^ytii CWr
-totem. Lëon TAfricain, Description de l'Afrique ^ Uv« YHL
(5) Diodore de Sicile, liv. I, page i6,
»7
(258)
dans toutes ses expédltioDs. Mais il nous semble que
cette tradition n'est pas d'origine égyptienne , et
nous croyons que les Grecs inTentèrent eux-mêmes
beaucoup de circonstances de la vie de l'Osiris des
habitans de FÉgypte , pour le faire ressembler à
/^owroç ( Bacchus ) avec lequel Osiris avait des
rapports frappans, selon les idées des Grecs. 11 u'est
pas moins vrai cependant , qu'à PanopoUs le dieu
qu'on adorait , était celui de la génération et de la
snultiplication des êtres. C'était, à proprement parler,
Dieu générateur , créateur et fructificaieur. Étienoe
de Byzance, en nous donnant la description du sima-
lacre de la divinité de Panopolîs, nous en fournit une
pleuve irréfragable : Eç-i cTe Xâu tov Oeou ayeû^fia, /ley^^
i$pBuLK09 €Xfl9 1o ûuJ^oi09 ùç ti^x i'oxluï^ç ercufa Té
jKÊ^yciç m J'&^iùL (Tû^vn fïç uS'ùalKov ^A7i9 aveu tov ^ofa'
Est etiam Dei magnum signum, quod habebat pu*
dendum arrectum^ cir citer septem digitorum. Dex*
teraque intentât Jlagellum, lunœ injligere , cujus
idolum aiunt esse Pana ( i ). Cette statue avait la
même forme et représentait la même divinité que
celle du temple de Qarnac à Thèbes ; c'était Diea
auteur de la fertilité. Le temple de ce dieu à Fa-
Dopolis était magnifique. Ses ruines furent dans la
suite célèbres cbez les Arabes (2). Il n'en existe plus
m^
(1) Steph. Byzant, de Vrbib. et PopuL verbo TCeUfOÇ.
(s) Aboulfëda, Géographie^ article AkhmUn^ page 212, édit. d»
JDëmétnus Alexandrides, àVienne, 1807.
( aSg )
maintenaDt que de grands blocs de pierres ornes
d'hiéroglyphes qui conservent encore quelques restes
de peinture*
Diodore de Sicile nous apprend lui-même le nom
égyptien de cette ville : Xa\s/t€Fa fiâ9 v^to tw eyx£&SM9
'XâfifU9 (i). « Les habitans du pays, dit-il, Tap-
» pelaient Chemmin » ou Chemmis (^). Ce nom est
évidemment le même que le copte ou égyptien
lIJuiSK, Schmin (3), que Ton trouve aussi écrit dans
les livres coptes \i%x\n$^ ^ Chmim (4)- Us appar«-
tiennent tous les deuji^ à la ville que les Arabes
nomment Akhmim ou Ikhmim ( 5 ) , et que D'Anville
(i) Diodore de Sicile, iîv.I, page lo.
(a") On a traduit cet accusatif par le nominatif prc^sumë, qui est
chemmis , yHl^llfJUÇ ; cependant ^iflfliv ressemble exactement au
nom ëgjptîen. Nous avons cru devoir écrire Chemmin ^ et non
Chemmis,
(5) Mss, copt, Bîbl. împ. , n.®i7, suppl. Saint - Germain ,
page p^&* — * Id. n.® 44» ancien fonds, L^ 79 vers6; n.® 4^» f*^ S8
verso.
(4) Mss. copt , Bibl. imp, , n,^ 4^1 ancien fonds ; n.^ 4^» f*^ S8 verso*
(5) Mss. copt , BiW. împ. , n.® 44 » *"•• 79 vers6. — Dans lea
livres coptes on trouve souvent les noms égyptien et grec d«
Panopolia réunis ^ous cette forme : XIJjUL^Î^-*P[&Î^OC. Zoëga^
Cotalqg. manuscript, musœi Borgiani, page 241* — Mss. copt.^
Sibl. iiop.^ D.« 43» £^ ^^ versé.
( a6o )
fait correspondre à la Panopolîs des anciens. Ikhmim
n'ert autre chose que le nom égyptien , précédé de
l'alif euphonique placé par les Arabes, devant les
noms étrangers I sur- tout lorsqu'ils commencent par
deux consonnes.
L'identité de Schmîn ou Chmim avec la Panopolis
des Grecs ne peut être contestée , car nous avooi
trouvé dans les livres coptes II&tKOC ( qui est le grec
Hwfoç ) comme correspondant à l'égyptien UJuSK;
et parmi les Coptes, ïWp^uH&KOC, Pirempanos,
et RîptwIT5TOC, Nirentpànost étaient synonymes
avec l'arabe Ikhmimi et Ikhmimioun, habitant et
habitans d Ikhmim^ et avec l'égyptien iTSptuajul^i^,
Piremschmin f Panopolitanus (b)« '
Nous relèverons ici une erreur de Kircher , qui
présente n^i^e^T, Panaou, comme le nom copte de
la ville de Panopolis (2). Nous ferons voir dans la
la suite que la ville de HbI^z^t , qui est appelée Bana
par les Arabes, se trouve dans la basse Egypte, et ne
peut par conséquent être confondue avec Panopolis
de l'Egypte supérieure.
Jablonski s'est eBbrcé de prouver dans son Pan-
théon^ que le nom égyptien de Pan, UJu\K, Schmin,
qu'il écrit UJuOYK , Schmoun , devait avoir la valeur
(i) Tuki, Rudimenta linguœ coptœ^ pag, 6 et 7.
(a) (Edip. ^SXPt* chorograpluAEgxpti^ page 41»
( a6i )
de huitième f octas^um; et pour expliquer pourquoi
les égyptiens donnèrent à uu de leura grands dieux
le nom de Huitième ^ ce qui en efiet est assez extra-
ordinaire y il suppose qu'ayant adore primitivenient
les sept planètes , ce peuple créa un nouveau dieu
qu'il appela Huitième (i). Cette conjecture» aussi
singulière que hasardée , repose principalement sur
ce qu'Hérodote (2) assure que Pau était du nombre
des huit grands dieux des Égyptiens ; mais il n'est
pas dit pour cela que ce fût le huitième, et qu'il
s'appelât ainsi. Nous ferons encore observer que
dans la langue égyptienne, UJuOTi^ , Schmoun^ ou
UJttKK, Schmén, signifie seulement octo , huit, et
non pas octai^uSf huitième (3).
Nous allons présenter ici notre sentiment sur la
valeur de UJuSK et de Xasm (4)« Le nom arabe
écrit Ikhmim par un kha^ semble autoriser d'écrire
le nom égyptien par un ^, Khei, ce qui donnerait
alors pasuL, dont l'analogie est incontestable avec
la racine JdwOul ^ incalescere, fer\>ere, calefieri ea
dialecte mempbitique, ce qui, en haute Egypte, pro-
duisît ^usul, semblable à ^UOUL, racine thébaine,
(i) Panthéon (Egj-ptior. , lib. II, cap. VU, pag, Soa et Soi.
(2) Hérodote, lib. II, J. xlyi.
(S) Yoy. les grammaires et les dictionnaires.
(4) Léon r Africain écrit Ichmin , ce qui est la nom égyptien
lOyfjULin. Arabisé i Uq Afric, lib.YUL
( 26a )
qiiî a la même valeur que le bahirique ^ûOM (i); et
comme hori, ^ , et chi, yt , sont deux aspirations, on a
pu facilement les confondre : de 8usol se sera formé
Xusw. (2), d'où les Grecs firent XsfjL/Aiç^ Comme
les lettres ûC et Oj se mettent l'une pour l'autre dans
la langue copte (3) , et que leur prononciation est
très-souvent la même, on aura écrit cymst*. au lieu
de ^«SU, et par corruption OjusK. Il se peut même
que l'ancienne langue égyptienne possédât la racine
ttjusrt comme synonyme de ^USU. ou îDuOU-i et
que , comme celte dernière , elle signifiât incalescere,
calefietîé
Le nom de Xusu, incalescens f Jifvens, convîenl
parfaitement au dieu générateur et fructificateur , et
ceci peut être une preuve non -équivoque en faveur
de notre opinion. Il nous paraît vraisemblable que
ai I ' — — ^» I ■ ■ . wm
(i) Pour justifier pleineinent notre conjecture, nous remar'*
queroits qu*6n memphitique on dit ^^UL» ^Kil et C^CIIU^
indifTëremment , pour exprimer l'idée de chaleur et celle de brûlert
(2) Mss. copte, Bibliothèque impériale, 0.^4^ et n.°43*
(5) Les Coptes les ont confondues même dans les mots grecs.
C*est ainsi, par exemple, qu'on trouve ÏTEKSCnT S'&&i'
UJeKOY^ îtfc.pajSO-B*«2*pS*TKC : « Notre père l'abbé
s> Schénouti , Arschimandrite ; » SpcySUiStt^pS'T^HC , pour
fcp'^^UB^ît^pS'TRC, ArchimandrUés. Liturg. l)asiL, page aoi
4La«ioaey page 1264
L
( 263 )
Ton doit chercher rorigîoe de X^JUtSU, et peut-être
même de ajUSi^, dans la racine ^mOUt^» Dans uae
liste de mots usités parmi les habitans d& Syouah ,
appelée autrefois Oasis dUAmmon et dépendante de
l'Egypte , nous avons trouvé un mot qui appartenait
sans doute à la langue égyptienne , et qui est dérivé
de la racine ^uOu., Khmom (i); c* est Aihmoun
qui veut dire pénis , membrum çirile , attribut prin-»
cipal du dieu de XuSUl , et qui était figuré sur les
sfatues de cette divinité dans la même ville. Enfin,
Pan et Priape ont eu chez les Grecs des attributions
i- peu -près semblables, et ont présidé à la multi-
plication des êtres et à la fertilité de la terre. Nous
dériverons donc Télymologie du nom de la ville de
Chmîm, de ces diverses circonstances*
Thmouî - Am-Panéhôou.
Vis-A-vis de Schmin était une tle de peu d'éten-*
due. On trouve dans les Actes et les Miracles de
S.^Scbénouti (2) le nom de cette tle ; ce fut Thmoui^
an-'Panéhéou» Voici ce que porte le texte : UeK£WC&
(0 Vojag9 de Uornemann dans V Afrique septentrionale^
page 57.
(a) Mis. copttf , BibI» imp. , n.* 66 1 Aciti d» saint ScbënoutL
(264)
tCD^K ÀJLHEW^O È&OX h^KOXSC «JM^XK : « II y
» avait une !le située vers le bord occidental du
» fleuve ( le Nil ). On l'appelait Thmoui - Ampa^
» nihêou ; elle était en face de la ville de Schmin »
( Panopolis ). Cette tle était cultivée et couverte
de jardins. Saint Schénouti la fit miraculeusement
disparaître sous les eaux. Le nom de Gai^OyS
J^1T& «t^HOY signifie mot à mot Vtle de rendrait
où il y a des Bœufs » ou simplemeilt Vile des Bœufs ^
Vtle aux Bœufs^
Pléuît.
Dans le voisinage de Schmini était un lieu appelé
HjvEYiT. La Vie du même S,^ Scbénouti , écrite ea
dialecte tbébain (i), dit que les babitàns de UJuS«
et de n^tYBSnr accusèrent ce saint d'avoir renversé
les statues des dieux dans les temples de ces villes.
Les Actes memphitiques que nous avons cités dans
Tarticle précédent , rapportent , avec détail , comment
S.^ Scbénouti brisa les idoles des temples de Pléuit,
■
Cette dernière ville faisait sans doute partie de la
-préfecture de Schmin. Nous ignorons la valeur do
son nom«
(i) Catçlo^.^m^s. mu^m Borçiani^ page 378,
( 265 )
Tsminé.
Ce lieu se trouvait aussi près de la ville de Schmim.
Il en est fait mention dans la Vie de saint Pakbôm
( Pacome ) ; on y lit ( i ) : ^qojt ÈÎDRt ^iTîKai^
î^ajWSÎt ^TTOXSC BqKaT'T KKEUOKK ÎDtn Tf^t^S.
tixujusr £ya5lOy^ r^z>p Èpoc t^^ TCiuWE :
« Ce saint s'étant rendu vers le septentrion , aux
9 environ^ de la ville de Schmin , y bâtit un monastère
» qu'on appelle Tsminé. » Il est probable que le nom
de Tsminé appartint d'abord à une ville qui exista
bien long-tems avant que Ton construisit dans son
voisinage un monastère qui porta son nom ; car tous
les monastères de l'Egypte, fondés par saint Pakbôm,
prirent tous leurs noms des villes , des villages ou
des montagnes près desquels ils étaient situés. La
valeur du motTcJU^St^E ou Cusitt uous est inconnue.
Le seul mot égyptien qui en approche , est celui de
CuOYt^E, Smouné, nom d'oiseau dont l'espèce n'est
pas fixée.
Schenalolét.
Ce village dépendait du nome de Schmin ( Pano-
polis), comme l'indique la Vie de S,^ Schénouli, écrite
par Bisa, son disciple : «tOrOK or'^us 2:t ojEKB»-
w
(i) Mu. copt., Bibl. imp., n.^" 69, fends duYatican«
( 266)
^OAK'T Î^Ett TttFOOj OjwiSît : «t H est un village do
» Dome de Scbmio, appelé Schenalolét (i). » Il parait
qae ce lieu abondait eo plantations de vignes, carie
nom de ce village signifie i^igne en égyptien. Il devrait
plos régulièrement être écrit OJEK&XoXX , à moins
que S^OT^Knr ne fût un synonyme de &XoXs , comme
on dit &Hnc pour êM , palme » branche de palmier.
Crocodolipolis. — Atripé»
Cette petite ville était au nord de Scbmîn et sur
la rive occidentale du Nil.
Le nom iHAtrihé^ écrit aussi Adrihé (2), paraît
avoir été le nom égyptien primitif. Dans un frag-
ment d'un ancien manuscrit tbébain , appartenant
à la Bibliothèque du cbevalier Nanî , à Venise, et
qui a été publié par le père Mingarelli, nous avons
remarqué le passage suivant : T{1>\ itt SKtoiî^SOC
ittnrpamsoc «m tte h\{i> ojekoy^e ira-TncoY
«5^TpHTTE : « Voilà Antoine, Pachome, Théodore
» avec Pétrone; voilà l'abbé Schenouté (3), habitant
(1) Mss. copt., Bibl. împ., n.^tid
(2) M. Sjrivestre de Sac/, trad. d'Abdallatît Êiai des proyincei
Je VÉgrpte, page 70a, prov. d'Ikmim, n.* x
(3) (ÈgjpUorum codlc^ reliquiai^ frag. X, page cclxxv»
f du mont ctAtripi. s> Nous pefnsoM' que ce inont
AcTpHlTE est la partie de la chaîne Libyque contre
laquelle Crocodilopolis i appelée ^^pHlTE par les
Egyptiens , était autrefois adossée. Ce qui nous porte
à le croire, c'est que ce nom ne peut s'appliquer à
aucun autre endroit de la haute Egypte ; et la lecture
du morceau copte que nous avons cité, ne permet pas
de chercher le mont d'Atripé, ItTOOY h^^pHîTE,
ailleurs que dans l'Egypte supérieure.
Au reste , un manuscrit copte confirme pleine-
ment notre , conjecture. On y lit que IbinrpH&s ( ca
qui est une des manières d'écrire en dialecte mem-
phitique le nom tbébain ûy.'TpHTTE ) était située dans
le nome de Scbmin ( Panopolis ) (3). Près d'Atripé,
sur le bord occidental du Nil, était un village où l'on
adorait une idole appelée Kotho (4)- Nous revien*
drons sur ce passage dans la partie de notre ouvrage
relative à la religion des Egyptiens.
jéphroditopolis. — Atbô*
Cette ville, au nord et à peu de distance d'Atrîpé,
dépendait probablement de son nome*
Le nom dildfou que porta T Aphrodite polis des
Grecs, se retrouve > ainsi que nous l'avons vu , dans
la partie la plus reculée de laThébaïde, comme nom
(3) Mss. copt| BibL imp., fonds du Vatican , ii.<»68,
(4) Idem.
(268 >
arabe de la grande ApoUÎDopoUs des Grecs , dont le
nom égyptien fut Atbô. Cette conformité nous paraît
suflSsante pour nous faire avancer que TAphrodi-
topoUs des Grecs , appelée également Idfou par les
Arabes , était aussi connue dans le pays sous celui
d*BT&cis. Au reste , nous ne Tavons jamais rencontré
dans aucun^ manuscrit copte.
Phbôou-Tsjélî.
Phbàou-Tsjéli était placé à égale distance de
Schmin ( Panopolis ) et de la ville que les Grecs
nommèrent Autceopolis , à six lieues environ au nord
de Tune , et au midi de Vautre ; assis sur la ri?e
orientale et sur le pencbant de la chaîne Arabique,
ce bourg ou cette petite ville dépendit probablement
dn nome de Scbmin.
Cetlp ville n'est point mentionnée dans les livres
copfes, ni dans les anciens géographes grecs et latins.
Nous avons été conduits à le regarder comme une
ville égyptienne , par le nom de Faou - Djéli qu'il
porte parmi les Arabes. En efifet Faou , comme nous
l'avons prouvé ci-dessus ( i ) , n'est que la corruption
arabe de l'égyptien ÊCUOY , et Djéli , qu'on prononce
aussi Djola , n'est autre chose que le mot égyptien
nrt^^tX^ que nous avons trouvé appartenir à d'autres
lieux de l'Egypte (2). Le nom seul de «^-ficuor
(t) Voyez l'article Bopos.
(a) Catalogus manuscritor. copticor, musœi Borgianiy p. iS4«
(269)
T^tXl prouve Texistence de cette ville du tems des
Égyptiens , et le surnom qu'elle porte vient à Tappui
de notre sentiment ; car en Egypte il existait , comme
notre ouvrage en offre de nombreux exemples , plu-
sieurs villes qui portaient le même nom. Les anciens
Egyptiens durent les distinguer par des surnoms ou
des épithètes. Ainsi, par exemple , deux villes de
rÉgypte avaient en commun le nom de II&i^OTq ;
l'une fut surnommée PH^ , c'est-à-dire Pànoufda
ventre ou du septentrion , et l'autre Pkc , ou Pâ-
nouf du midi. 11 en était de même quant au nom
de Phbôou qui appartenait à deux villes , et Tune
d'elles , que les Grecs appelèrent Bopos , fut dis^*-
tioguëe de Phbôou "Tsjéli , par la syllabe Bds ou
Bâsch.
Le surnom de nr!2^Xs dérive de la racine égyp*-'
tienne 2£0X ou ^ts^X» qui signifie empêcher^ défendre p
et nous croyons que â$£X\ ou *ti2SEX^ désignait un
poste militaire. Nous aurons bientôt Toccasioa d'en
offrir une preuve.
■
Par ces diverses considérations et ces rappro-^
chemens , nous pensons avoir établi d'une manière
certaine l'existence de Phbôou -Tsjéli chez les anciens
Égyptiens. Au reste, ce ne sera point la seule ville
dont nous ferons connaître la dénomination et rori-
gine égyptienne , par le moyen du nom qu'elle porte
encore dans le pays.
(ayo)
t
Antœopolis. — Tkôou.
Cette ville, une des plus considërables de la hanfo
Egypte, fut pour les Grecs le sujet d'une méprise très-
grossière. Ils crurent ( et nous ignorons pourquoi)
que le temple de cette ville était consacré à Anlée,
fameux dans leurs traditions poétiques , à cause de
ion combat contre Hercule. Cétait aussi une opinion
établie chez les Grecs , qu'Antée avait été un des
ministres d'Osiris , qui Tavait chargé de gouverner
llèlhiopie et là Libye pendant son absence (i) ; cela
Jk suffît aux Grecs , peu scrupuleux d'ailleurs sur des
articles de celte nature , pour assigner à cette ville
le nom de hrrtukticoïjç ^ d'où les Latins firent leur
Antœopolis. Ce fut dans son voisinage que la théo-
logie symbolique des anciens Égyptiens plaçait le
théâtre du combat dans lequel Horus , Bis d*Isis et
d'Osiris , défit entièrement Typhon , le meurtrier de
son pèi-e ; Typhon vaincu prit la fuite sous la forme
d'un crocodile (2). En traitant de la religion des
Egyptiens , nous dirons quels furent les motifs qui
engagèrent les prêtres égyptiens à fixer à Antœopolis
le lieu de ce combat fictif. Les ruines de cette ville
consistent aujourd'hui en un portique égyptien , d'une
(1) Dîodore de Sicile , liv. I, page i5,
(2) Diodore de Sicile, liv. I, secL at«
( a7i )
grande proportion , entouré d'un bois de palmiers.
Un quai de très-grosses pierres et une jetée coupent
le courant du fleuve et Tempêchent d'empiéter sur le
terrein qu'occupa jadis la ville égyptienne.
On ne saurait supposer qu'Antœopolis , ArrduvTroXic,
ait jamais été le nom égyptien de celte ville. 11 est
trop évidemment grec pour laisser la moindre place
au doute le plus scrupuleux. Aussi dans les livres
coptes est -elle appelée 7koot , Thoou en dialecte
thébain ( i ) , et T'kwoy , Tkôou en dialecte mem«
pbitique ( 2 ) , nom égyptien qui n'a absolument
aucun rapport avec le grec Arroia^oAi^. De l'égyp-
tien Tkosoy , Tkôou , les Arabes formèrent Kaoït
par la simple suppression de la lettre ^ , qui , dans
ce mot égyptien , paraît être un article. Les Arabes
donnèrent à leur Kâou tantôt le surnom de El^
Kharabf c'est-à-dire la Kâou des ruines ^ parce que
cette ville , du tems des Arabes , était encore remplie
des ruines de l'antique Xk^iOy des Égyptiens. Elle
reçut aussi ceux à'El-Koubbara et de Grande. De dos
jours elle est entièrement déchue.
Le père Kircher ignorant queTKOîOY lut le nom
égyptien d'Antœopolis « prétend que son nom copte
(1) Mss. copt, Bibl. imp., n.^ 44, f.^ 79 rectd. — N.^ 4S9 £' 9^
verso.
(2} Mss. copt. y Bibl. imp., 0.046. -— Id. , n.^ 17, suppl^inenl
Saint-Germain 9 page p^^i. — Id. , fonds du Vatican, ii.*68,
f.9 lao. — Kircber» page aoS^ cité par LaçrozA.
( «7^ )
fut R&KY&, Kanuh (x)» Ce mot n'est pas copte, et
jamais la lettre Y ne se rencontre seule entre deux
c»)nsonnes dans les mots purement égyptiens. Kircher
n'a donc point trouvé ce nom dans un manuscrit.
Comme il place Antœopolis près de Ytle d^Éli^
phantine (2) ( erreur grossière ) , il aura supposé que
K&i^Y& était le nom égyptien d'Antœopolis , parce
que 3trabon parle d'un temple du dieu Ksy^iç k Élé-
pbantine , et il a cru devoir appliquer le nom de
celte divinité à la ville d' Antœopolis. Non-seulemeot
il a inventé la dénomination égyptienne 1 mais encore
celle par laquelle les Arabes désignaient Antœopolis;
ce fut, selon lui, Kanouf^ qu'il a fait ressembler au
nom égyptien. Nous avons cru devoir relever cette
fraude littéraire.
L'identité H Antœopolis ^ de Qaou et de Tkàoii ne
saurait être contestée, puisque un manuscrit copte (3)
fait voir que laT'KcixoY des Égyptiens était la même
Tille que rAntœopolis des Grecs ( qui y est appelée
^ii^KY ) et la Qaou des Arabes.
MouiHs*
(i) Œdip. ^gyptiac. syntagma i.«, tomus I, cap.V, pag. 44
•147.
(2) Id.^ cap. y, DORittS X, page 44.
(5) Mss. copt , Bibl. irop. , ii.''45, f.» 58 ver$6, -« Appendijc.
B.MV.
< Î73 )
Mouthis. — JVIoùthi,
Au nord de Tkôou et sur la rive orientale du Nil ;
fut une petite ville nommée Mouthis dans les Itiné-
raires, et dont le nom égyptien fut Mouth ou Mouthi.
Ce nom , comme D'Anville l'a remarqué ( i ) , a una
grande analogie avec Mouthis , surnom donné à Isis
par les Égy|)tiens (a) , et qui, selon Plutarque , avait
la valeur de mère, mater. Mouthis paraît en effet ua
dérivé du mot »xhrr, qui, en égyptien , signiHe mère.
Sélinon. — "^Silîn.
Dans une position intermédiaire entre Antœopolis
au midi et Lycopolis au nord , se trouvait un lieu
Dommë Sélinon dans les Itinéraires , situé entre la
rive orientale du Nil et la chaîne Arabique. Sélinoa
communiquait avec le fleuve par le moyen d'un canal.
n paraît que le nom primitif de ce lieu fut Silinf noq|
que les faabitans du pays lui donnent encore.
Apollinopolis . — Kos*Rani.
Au nord de Tkôou (Antœopolis)^ sur la rive occi^^
dentale du Nil , était une ville peu considérable , qui
(i) Mémoires sur VÈgjrpte^ page ijo.
(2) Plutarque, d$ Isidê #1 Osiridk.
xl
(^74)
lut appelée petite ville d Apollon par les Grecs ,
afin de la distinguer d'Apolliaopolîs- Magna (Atbô)
et d'ApollinopoHs-Parva ( Kôs-Varvir )• Far une
singularité digne de remarque, les Grecs qui ont
toujours donne des noms semblables à des villes qui,
parmi les Égyptiens , en portaient de bien différens ,
ont cependant connu cette seconde Kôs sous celui
d'ApoUinopolis ( i )• Les Égyptiens la nommaient
KoC, et lui avaient donné le surnom de Kz^ju (2),
pour qu on ne la confondît pas avec les autres Kôs de
rÉgypte, et sur-tout avec Kôs-Barbir, Kôs la brûlarUCf
«ituée entre Tbrèbes et Coptes. K&itf- , en égyptien ,
veut dire jonc , roseau , et si ce fut l'acception dans
laquelle les Égyptiens le prirent, Roc-R&^», Kos--
Kam , équivaudra à Kos des roseaux ; cependant
le mot Kb^ul put avoir quelque autre signification
que nous ignorons. Quoi qu'il en soit , les Arabes ont
conservé fidèlement son nom égyptien ; ils récrivent
Koskam. Kos^-Barbir et Kos ^ Kam sont Tunique
ejiemple de deux villes portant deux noms semblables
en égyptien et en grec.
Abolis.
Cette ville, au nord de Kos-Kam et sur la même
"rive du fleuve, est appelée T5.TÏO0YKK , Tapôthyhè^
(1) Vansleb, Histoire de V église d* Alexandrie^ page 23, dit
qu'elle s'appelait eo grec Apollon.
(a) Alss. copt., Bibl. imp. , n.^ 17, Saial-^îennaiii » suppIémeaU
( ^^75 )
«0 copte fi). Ce nom ne nous paraît point égyptien»
et nous n'avons rien de précis sur l'origine de cette
ville. Nous croyons cependant que son nom est Id
même qu'*TT09HKK , horreum, mot grec qu'on trouve
quelquefois employé dans les livres coptes. Les Arabe»
appellent cette ville Soutidg ou Aboutig.
Hjrpsélis, — Schôtp.
La position de cette ville grecque correspond à celle
qui fut autrefois occupée par une place assez consi-
dérable que les Egyptiens connurent sous le nom
de UJoi-rn, Schôtp (2) : nous ignorons la signiH-
cation de ce mot. Sous les Romains, Hypséiis conserva
le nom de capitale de nome qu!elle portait chez lea
anciens Égyptiens.
Paphor.
Le village de Paphor, IIs4)0p, faisait partie di&
Dôme de Schôtp.
Ce lieu se trouve indiqué dans TÉloge prononce
par Théodore , archevêque d'Antîoche, en l'honneuc
de saint Théodore l*Anatolien (3).
■^MHM^-WMHMMBf
(j)' Mss. copt. , Bîbl. împ. , n.« 44, f.» 79 vers6.
(2) Mss. copu , Bibl. împ. , ii.«44 , £.• 79. _ W. , n.*i7, suppL
SaÎQt-Germaia.
(3) Zoêga , CaialogM^ msstçr. mu^m Morgiani. , pag. 55 «t 6««
(276)
Jjycopolis. — Siôout.
Au nord de Schôtp fut une grande ville , capitale
d'un nome , bâtie sur le bord occidental du Nil , et
que les Grecs appelèrent Asnuarjto>jç , ville des Loups.
Pour bien entendre cette dénomination , il est néces-*
saire de remarquer que les auteurs Grecs donnèrent
le nom de Auxoç à un animal de l'Egypte fort dif-
férent du loup, appelé par les Égyptiens n^OYCUt^cg»
Pioûônsch ( i ) , animal que les Arabes désigoent
aujourd'hui sous la dénomination de Ihn^Aoua, à
cause de son cri lugubre et effrayant. Ce quadrupède
est connu en Europe sous son nom persan de Schû'»
ial. 11 habite le désert , et vient pendant la nuit
déterrer les cadavres pour les dévorer. On le voit
très-fréquemment représenté sur les monumens égyp**
tiens, et sur- tout sur les peintures dont plusieurs
momies sont ornées ; sa tête , que Ton a prise pour
celle d'une huppe (2), surmonte ordinairement le
» ■ ■ ■ ■ I ■ ■■■Il I 111 .1 ■■ ■!■ .11 ■ I I ■■ ■ ■
<i) Joh. X, 12; Math. «VU, 5, etc.
(2) Daiw la Scala - Magna , le père Kircher a donné ROY-
KOTC^^^i Koukouphat f comme le nom égyptien, de la Huppe;
Lacroze l'a inséré , sur sa foi , dans son Lexique. Il ne serait pai
impossible que Kircher Teût' inventé d'après un passage d'Horus^
où cet oiseau est nommé KitxH^ûL ( Hb. 1 , 55 ) » de la méms
manièie qu'il inséra dans la Sçala-Magna les moU U^I^nC
( ^77 )
fifceptre de plusieurs personnages symboliques do
la religion égyptienne. Le schakal fut le symbole de
la mort , parce que , comme Tobserve Macrobe ( i ) ,
cet animal enlèçe et consomme tout , et qu'il choisit
les ténèbres pour exécuter ses desseins et raidir sa
proie. Nous espérons , au reste , le prouver d'une ma*
nière satisfaisante, lorsque nous traiterons du culte
du schakal en Egypte.
Il est à présumer qu'à Lycopolis on nourrissait
un schakal dans le sanctuaire de son principal
temple , et c'est ce qui fit que les Grecs donnèrent
à cette ville le nom de Auxon^oX/^. Les Égyptiens des
bas-tems , ayant oublié la signification symbolique du
scbakal , voulurent justifier le culte apparent de cet
et v>OT^S , qu'on ne trouve point dans le manuscrit qui
a servi de fondement à son travail Dans les nombreux Voca-
bulaires égyptiens que nous avons extraits , ce mot ne s'est
jamais présenté à nous. On y lit, au contraire, que la huppe
était appelée liEnCXlTHIT , Pétépép par les Égyptiens ( Mss,
copt , Bibl. imp. , n.^ 17, Saint- Germain, supplément), ou biea
jC&p2^ITHIT , Charapep ^ ainsi que nous l'avons lu dans le
même manuscrit. Ces deux noms nous semblent avoir plus de
rapport avec le cri de la huppe, que celui de !âbH&^&OT^t
que M.Rossi croit avoir été donné à cet oiseau par les Égypden»,
à cause de ce même cri.
(i) Macrobe, Saturnal., lib. I, cap. XyiL
<î78)
Animal , et en conséquence ils dirent qoe lorsqtke
Horus et Isis se disposaient à livrer le combat au
éruel Typhon , Osiris vint des enfers , sous la forme
d'un loup ou schakal , et contribua beaucoup à la
victoire que remportèrent son fils et son épouse (i).
D'autres croyaient que lors de l'invasion des Éthio-
piens en Egypte , leur armée fut arrêtée proche de
Lycopoh's par de grandes troupes de schakals , et
repoussée par ces étranges combattâns, jusques au-
dessus d'ÉIéphantine (2) : ce fut, dit-on, pour honorer
la çaleur des schakals que les Égyptiens appelèrent
cette préfecture Lycopolitaine ^ et cet animal y fut
regxirdé comme sacré. Osiris , métamorphosé en
Bchakal , est une pure fiction , de même que l'ex-
pédition de ces habitans du désert contre les Éthio-
piens. Quand même ce serait un fait historique,
ce que nous ne croyons point , il nous serait facile
de prouver que l'introduction du schakal dans les
sanctuaires, avait un tout autre motif, et remontait
à des tems bieusantérieurs à l'irruption des Éthiopiens
dans la haute Egypte.
Lycopôlis portait indifféremment, chez les Grecs,
les noms de Aux« nCoKiç et Kuxoùv ntohiç (3), quelquefois
Auxâ^y (4)9 6t même Kmxoù^ ce qui correspond au
W II ■■ ■ I I 11. I i^w— ■.— — ^— — — ^
(i) Diodore de Sicile , liv. I» page 79%
(2) Ibidem.
(5)Strabon,lîv.XVlI.
(4) Stephanus Byzantinus, de Urbibus et Populis.
( ^79 )
Luporum urbs des Latins (i). Son nom ^ptieo n^
nous paraît point avoir eu cette signification, car ce
fut CxoOTS, Siooulh (2.) en thébaini et Cxooyt,
Sioôut (3), ou CxttlOY^, Siôout(4) ^^ memphî-
tique (5). Dans un manuscrit que possède la Biblio*
Ihèque impériale (6), on trouve le passage suivant :'
hcsoiOTT : « Jean l'Archimandrite de la montagne
9» de Siôout. » La partie de la chaîne Libyque,
voisine de Siôout , fut ainsi appelée , comme nous
l'avons déjà dit dans notre article sur les montagnes
de la haute Egypte.
Nous ne ferons point connaître notre opinion sur
la valeur du nom égyptien Csoionrr. Quoique noua
puissions offrir sur ce dernier nom des aperçus bien
(i) Pline la nomme par son nom grec abrégé Lycôrij liv.V^
cbap. 9.
(3) Mss. copt., BibL imp., ii.*44f ancien fonds, £^ 79 rectô.
(3) Mss. copt.^ Bibl. imp,, n,^ 46, ancien fonds.
(4) Mss. copt. , Bibl. imp. , fonds Saint-Germain , supplément ^
ii.oi7,f.opq5.
(5) Le père Kîrcher a cru faussement que CstUOY*T était lo
nom égyptien deThèbes. Klrcheri page nio. — Lacruze^ Lexicpn
jŒgjrptiacO'Latinurru
(6) Mss. copt, Bibl. imp., n.^ 62, £® 145 rectô, fonds duVatican»
( 28o )
probabissi ils ne seraient cependant point exempts da
ce doute qui accompagne ordinairement les recher-
ches dénuées de tout fondement certain.
L'emplacement de cette ancienne capitale de pré-
fecture est occupé par une ville arabe , qui est
appelée Asiouth ou Osiouth. Ce nom , très - peu
défiguré I est celui qu elle portait chez les anciens
Égyptiens. Il ne diffère en effet de CsootT, que
par la seule addition de l'A ( alif) initial. Nous en
verrons d'autres exemples dans les noms de villes
çoumis à cet usage des Arabes.
La montagne Libyque^ qui se trouve à Toccideat
de la ville de Siôout , est encore percée d'un nombre
immense de grottes profondes dont les parvis et lin-
térieur sont couverts d'bîéroglyphes , de figures sym-
boliques, de bas-reliefs, et d'un nombre infini de pein->
tures. Ces grottes oui été creusées dans le roc vif par
les Egyptiens , pour y déposer leurs restes après leur
mort. On y découvre journellement des momies de
la plus grande richesse. Le nombre des Inscriptions
hiéroglyphiques qui ornent ces tombeaux est si
considérable, selon l'expression d'un célèbre voya-
geur (i), qu'il faudrait des mois pour les lire, en su[h
posant qu'on en eût la clef, et des années pour les
Copier»
MmM
(0 M. Deaon, Fqjrage dans la hautâ et la basse Egypte.
( i«l )
Tjéli.
Près de Siôout ëtait un poste militaire appelé
^!;2S^M par les Égyptiens (i).
Mankapôt.
A peu de distance au nord -est de Sîâùui, et sur
la même rive du Nil, se trouvait un village nommé
U^^HK^iratT (2). Sa position est déterminée dans la
carte 'dé TÉgypte moderne par D'Ânville : ce lieu j
est appelé Mankabad. Mais la véritable orthographe
arabe de ce mot est Manqabadh^ corruption évidente
du nom égyptien Mankapôt. Ce dernier signifie le
lieu des Vases (3).
Manbalôt.
Au nord de Siôout et sur le bord du Nil était ht
ville de Manbalôt. Quoique ce lieu ne soit point
porté sur les listes des anciennes villes égyptiennes
que nous ont données les Grecs et les Latins , il n'en
existait pas moins sous les rois égyptiens. Le grand
nombre de villes qui couvraient l'Egypte , selon le
témoignage unanime des anciens , et le petit nombre
(0 Zocga, Catalog. manuscriptor. musœi Borgianif page i34.
(a) Mss. copt, BibL imp., ».• 43, f.' 58 y«w6.
(5) ibidem*
( ^^2 )
de éelles dont les noms sont parvenus jusqaes à noas,
permettent de chercher à augmenter cette nomen-
clature intéressante , et c'est avec certitude que
Manbalôt doit y être inséré; Voici ce qu'en dit Léoa
rAfricain : « Les Égyptiens fondèrent cette grande
» et très '^ ancienne cille ; détruite par les Romains,
» elle commença à se rétablir du' tems des MusuU
» mans, mais elle ne s'éleva jamais à ce haut degré de
» magnificence où elle s'était vue autrefois , sous les
» Égyptiens. De mon tems , on y voyait de hautes et
» énormes colonnes , de même qu'un portique , ornés
9 de sculptures et de caractères de la langue des
» Égyptiens. Près du Nil , sont les ruines d'un bel
» édifice, qui, selon toute apparence, fut autrefois un
» temple (i).»
On ne peut présenter de preuve plus convaincante
de l'existence d'une ville dans le haut empire égyptien,
qu'un temple et un portique ornés de figures sym«
boliques et de tableaux hiéroglyphiques. C'est là le
cas de Manbalôt, comme on vient de le voir.
■Il •ê
(i) MANFLOTH. AmpUssimant hanc et vetustissimam civi-
tatem j^g^yptii condidere ; à Romanis verb destructa , Machu-
metanorum tempestate restaurari cœpta est ^ verùm ed neur
tiquant tjud prias magnificentid. f^isuntur in ed noslro sasculo
crassœ et eminentes columnœ ac portions^ ihsculptis œgjrptià
lingud versibus, Juxtà Nilum rudera sunt insignis cujusdam
ccdijicii quod olim delubrum fuisse constat,,*.*. Léào Afkicaaus»
Descriptionis AJricœj liber VlU«
( 293)
Son Dom arabe est Manfélouth $ qa*on prononce
tnême aussi Monfalouth , et dans lequel Michaëlis
croit reconnaître le nom arabe de Memphis^ Menf o\x
Monfy suivi d'un surnom qu'il dit avoir rapport au
lotus. Sa conjecture est détruite par le nom que les
Égyptiens donnaient à cette ville. C'était iU&h&^XOTr
en dialecte thébain (i) , mot dans lequel on reconnaît
%M^^ ^ formatiçe des noms de lieux. Le nom égyptien
de cette ville signifie la demeure des Anes saui^ages,
ou Vendrait où se trouvent les Anes saui^ages, comme
l'explique l'auteur égyptien de la Nomenclature pré*
citée.
Manlau.
Ce bourg ou village était situé dans les environs
de Manbalôt. Son nom, orthographié U&îtXSnr, se
trouve compris dans une noinenclature de noms
égyptiens de villes rangées par ordre géographique,
commençant par l'Ethiopie et finissant par la basse
Egypte. Manlau y est placé entre Hermopolis-Magna
et Manbalôt , ce qui indique à-peu-près sa véritable
position. Le nom arabe de ce lieu est Maoudhî-el-
Aschïa , lieu des Choses ^ qui peut être une traduction
exacte de l'égyptien Uifc.ît^&nr. Cependant nous ne
serions pas fort éloignés de croire que les Arabes ont
été induits en erreur par le mot >.&Y, clàustrum,
(0 Mss. copt.| BibU imp., n.^^5f f.o 38 verso.
(284)
qu'ils ont pent-étre coDfondu avec le mot tfaébain
^^S'Y, res ; quea coûsëquence ils ont traduit U&n-
7<hrt comme s'il était écrit U&nA&&>Y. Il nous semble
aussi que le nom de Locas claustrorum convient plas
à une ville que celui de Locus rerum. Telle est du
moins notre opinion.
Cusœ. — Rôs-Rôo.
CusŒ était sur la rivé occidentale du Nil et au
nord de Lycopolis. Selon les Grecs , on y adorait
la Vénus céleste^ ce qui ne nous paraît pas probable;
car il est difficile que les Égyptiens aient jamais eu
ridée d'une divinité qui eût quelque analogie avec
Vénus. Mais ce qui est plus conforme à leur religioa
et à leur caractère , c'est qu'^lien rapporte ( i )
qu'on y nourrissait une vache sacrée , de même qu à
Momempbis et à Atharbéchis.
Cusœ , dépouillée de sa désinence latine , donne
Cas ou Cous 9 qui est son nom égyptien Kous^ tel
qu'on le trouve dans Etienne de Byzance et les
manuscrits coptes, où il est orthographié Kù^, KcuC,
Kôs (2). C'était la troisième ville de la haute Egypte
qui portait ce nom. Comme les deux autres 'avaient
des surnoms particuliers ( l'une celui de Berbir^ et
- — • — —
(1) £lien, Traité des Animaux,
(2) Msi. copt.i Bibi. imp.y ii.«46y ancien fonds.
( 285 >
Fautre celui de Kam), la troisième ëtait connue sons
le nom spécial de RatC-RocM , Kôs-Koô ( i ). Les
Arabes ont conservé son nom égyptien dans celui
de Qoussïak.
TaniS'Superior. — Thônî.
Cette petite ville était située sur le l)ord occidental
du canal de Menhi et loin du Nil. Les Grecs lui don-
nèrent le surnom de Supérieure pour la distinguer d'una
autre Tanis, ville célèbre de la basse Egypte* Mais
cette distinction n'exista point parmi les Égyptiens «
car il paraît, d'après Kircher, que son nom égyptien
fut 0<CtC^, Thôni. Ce savant trouva dans un voca-
bulaire copte de noms de villes , jBmns rendu par
Vavàbe Tounahf nom que porte encore cette petito
ville chez les Arabes habitans de la haute Egypte*
Kircher n'a point cherché à en fixer la position, ce
qui était très-facile d'après les données certaines qu ii
avait recueillies.
Antinoé. — Bésa.
Cette ville, située sur la rive orientale du Nil;
devint sous les Romains une place importante et
célèbre par la magnificence de ses monumens, après
que Tempereur Hadrien l'eût çmbellie et appeléo
(0 Mff. copt., BibL imp., ou'' 46.
( 286)
Anîino'é (i), du nom de son favori. Mais on croit que
sous les Pharaons, elle fut connue sous le nom de Bt^a.
€e fut une place peu importante. Si ce fait était bien
prouvé , son nom égyptien pourrait dériver de celui
d'une espèce de personbage tbéologique des Egyp*
tiens , et qui était fort vénéré au témoignage d'Âm-
mien - Marcellin. La ville d'Âbydos , dit cet auteur ,
est située dans la partie la plus reculée de la Thé-
baïde ; c'est -là qu'un oracle d'un dieu, appelé dans
le pays Besa , prédisait autrefois l'avenir. Les faabi-
fans des contrées voisines avaient coutume de lui
rendre un culte d'après les anciens rites.
Le nom de cette divinité existe encore parmi les
noms propres des Coptes. Il est écrit B^C5> ou Bnc^
Bisa. C'est ainsi qu'on trouve cbL&&& Bsc&>, \.ahhi
Bisa (2). Dans la Vie de l'abbé Panesniv (3), écrite
en Egyptien, il est fait mention de hos Bnc^uoiK
ITETT^St^it^ TItUjnrEKO , Bisamon , geôlier de la
(i) Dans les manuscrits coptes, on trouve son nom romain
d'Antinoë sous la forme de 2>K^îttU0V en mempliitique ( Mss,
copt, Bibl. irap., n.» 46. — Af., supp. 17, Saint -Germain ),
•t sous celle de i^K^SKOOY en dialecte thébaiu. ( MingareUi ,
Codic. œgjrp. reliq,, frag. VII, page i5i ),
(2) Lit. bas., page 20, Lacroze, Lexicon œgj-pt. lat.
(5) Publiée par Georgi , daus soa livre de Afiraculis sandi
Coltuhîf déjà cité.
( 287 )
prison 9 dans laquelle était reufermé ce saint martyr
thébain. Dans ce nom propre , on observe le mot
Bkc& joint à celui d'Amoua , ce qui a produit
Bnc&itJ^CXlît , dont Torthographe régulière devrait
être BHCS&^OYn. Cette réunion de deux noms de
*
divinités est conforme au goût des Egyptiens ; oa
eo trouve d'autres exemples. Le manuscrit grec du
cardinal Borgia , publié par Shovr , et qui contient
une liste d'ouvriers égyptiens , présente deux fois
le nom de ^Sspa'TCa/ifiû^v , dans lequel on reconnaît
Afiliouf et 'Safa/sFiÇy divinités dont Tune fut adorée
dès la plus haute antiquité par les Égyptiens, tandis
que le culte de la seconde fut introduit de força
dans rÉgypte, par un des rois de la dynastie de#
lagides.
Sjoubouré.
XoY&OrpE faisait partie du nome de Bisa. Nou^
avons trouvé le nom de ce bourg dans un fragment
contenant les miracles de l'abbé Abraham , et publié
en partie par Zoëga (i). On y Ht : Orpaiw^ :^Z ^U
« U fut un homme appelé Elle , de Sjoubouré , du
f nome d'Antinoë. •
(i) Catalog, manuseript^r. mu$œi Sorgiani, pap 547«
(a88)
Terôt.
Sur la rive occidentale du Nil et au nord de
Kos-Koô (Cusœ), un canal sortait du Ûeuve, et
suivant le pied de la chaîne Libyque , allait arroser
le nome de Crocodilopolis et se jetait dans le lac
Blceris. C'est à Tendrait où ce canal prenait oais-
5ance, qu'était une ville nommée par les Égyptiens
TEpcu^T (i). Comme il exista en Egypte plusieurs
antres lieux du nom de Terôt, celui dont nous
parlons dans cet article fut appelé chez les Arabes
Darouah ou Daroutk - Ssarban ( 2 )• Ce lieu est
aujourd'hui plus connu parmi les Arabes et les
Toyageurs modernes , sous le nom de Tarouth*
Esschérif. Chez les anciens Égyptiens, il dut aussi
évoir un surnom; peut-être était-ce celui de S^ar^
han , que les Arabes avaient adopté avant que celui
ê^Esschérif eût prévalu dans le pays*
Hermopolis-Magna. — Schmoun.
Hermopolis, bâtie loin du Nil et proche du caoal
de Menhi, dans la partie Libyque de l'Egypte, tiat
un des premiers rangs entre les villes de ce royaume*
Les
(r) Mss. copt, Bibl. imp., 0.^4^9 fl^Sg rectù.
(a) ibidem.
(^89)
Les traditions arabes , d'accord avec les monumens i
en font une des plus anciennes villes de TÉgyple*
Sous les Pharaons, elle fut le chef- lieu d'un nome
( Ptbosch ) et le siège de son gouvernement. Il
paraît que Thoth y était en grande vénération. On y
nourrissait un Ibis sacré, emblème de ce personnage
symbolique; et comme nous le ferons bientôt voir,
ces oiseaux étaient déposés, après leur mort, dans
le voisinage de cette capitale de nome.
Sous les rois de race égyptienne, Hermopolis fut
une ville très -considérable. De hautes montagnes de
décombres, qui se trouvent dans le lieu qu elle occupa
autrefois , donnent une haute idée de aon étendue et
de sa magnificence. Au milieu des plus déplorables
débris, s'élève un superbe portique de 12 colonnes
ayant 8 pieds 10 pouces de diamètre. Ce monument,
qui servait d'entrée à un vaste édifice dont il annonce
la richesse, a soixante pieds de hauteur. Le couron-
nement , formé de six pierres énormes , est couvert
d'hiéroglyphes , ainsi que le haut des chapiteaux des
colonnes qui sont canelées jusques vers la moitié
de leur hauteur. Sur le fût de celles de la seconde
rangée, on voit les arrachemeqs qui servaient à lier
le portique avec le temple dont il faisait partie ( i )•
Ce fut probablement du culte de Thoth, dans
(1) Yo/ez M. I>«iion , f^o^agt dans la hauio et la ba$t9
Égjrptc.
*9
( «90 )
6ette ville , que les Grecs tirèreat son nom. Croyant
toujours reconnaître les divinités de leur pays dans
la religion des natious étrangères , ils assimilèrent
l'égyptien OoiOrnr, Thôout^ à Effenc ou HffiUfiÇ^ leur
dieu de réloquence, et nous pouvons dire, avec assu-
rance , que c'est la seule fois que les Grecs aient
traduit exactement dans leur langue le nom d'une
divinité étrangère. Ceci ne serait plus aussi surprenant
si Ton admettait, comme quelques auteurs le pensent,
que l'Hermès des Grecs doit son origine au Thôoui
des Égyptiens , ce qui fit que les Grecs donnèrent le
nom d'HfyEixcToXi; à la ville dont nous nous occupons*
Quoiqu'ils aient fidèlement traduit ThàoiU par
Hermès » il ne s'ensuit point qu ils aient trans-
porté dans leur langue , avec exactitude , le nom
égyptien de cette ville. La véritable dénomination
sous laquelle on connut en Egypte cette cité célèbre,
est celle de UJuOYit, Schmoun (i), et c'est ce qui
a fait dire aux Arabes qui ont Tbabitude de tout
expliquer, que Schmoun fut bâtie par Ischmoun^
fils de Missr et frère de Ssa^ diAinb, de Kobt et
à*Aihm£m, fondateurs de vilies qui portèrent ces
noms, et que les Grecs connurent sous ceux de
Sais, AthribiSf Copias et Panopolls. Quoique dénuée
de preuves et même de toute vraisemblance, cetts
(0 Mm. copt., Bibl. imp., n.« 44, f-*79 r«çt6. — W., n.*46. —
J«€t6.
1
( 290
tradition porte à croire que Schmoun est une très^
ancienne ville , puisque son origine est placée au
commencement même de TEmpire égyptien.
Mais la véritable origine du nom de UJuOYtt ne
doit se trouver que dans la langue égyptienne. Il
est même très-probable que UJuOyK était un nom
àe divinité. Il nous semble aussi que l'identité de
UJwOnrît et de UJuii^ , nom égyptien du Dieu
générateur , n'est pas douteuse , ainsi que le croit
Jablonski (1). Nous sommes loin cependant de pensefi
avec le même savant, que UJust^ et UJutOrt^ signi**
fient huit ou huitième. Ce nom ne nous paraît point
coDvei^ir à un dieu , et sur-tout à la Divinité créatrice
et génératrice. Nous persistons dans notre opinioti
que Schmoun ou Schmin (2) , et même X!u\iul , sont
dérivés de la racine Pusu, ou d'une racine ana«
logue ayant la valeur de /erçere , incalescere ; et ei&
effet Damascius (3), attribuant aux Phéniciens une
traditioa qui était en partie d'origine égyptienne,
comme le pense Jablonski (4) , parle du dieu Ea-fiypoç
( ^uoyK ) , et assure que son nom dérivait gm n/iç
(i) Jablonski, Paniheon AEgjptior. ^ tome I, liv. ti» chap. Jp
page 295 et suiv.
(2) Voyaz ci-dessus l'article Fanopolîs.
(3) Apud Photium in Bibliolhecd grœcd^coi. CCXLII, p. 1674^
cite par Jablonski.
(4) Jablonski , PaniL Mgj^ptior.^ tome I, lir- il , chag. 7^
page 2^6 et suivantes.
(sga )
Sif/mi VM tfliniy de la chaleur ci taie. Nous regardoùs
ce passage comme une preuve non -équivoque de
notre opinion. Nous aurons l'occasion de revenir
sur cette discussion à l'article Mendès i dans lequel
nous ferons voir que Schmoun , de même que
Schmin et Schmim^ étaient des noms donnés au Dieu
générateur chez les anciens Égyptiens. Ce dieu fut
le ritfr des Grecs.
Les Arabes ont donné à Hermopolis le nom de
Aschmounaïn ou Oscnmouneïn , selon la manière de
le prononcer. Il est formé de l'égyptien UJuOri^i
avec la simple addition de TA ( alif ) initial que nous
avons indiquée ailleurs , et la terminaison du duel.
Ce nom devrait se traduire régulièrement par Its
deux Oschmoun. La raison de cette particularité
nous est inconnue , à moins qu'on ne la veuille
trouver dans Kbalil Dhahéri, géographe arabe, qui
dit : a A la province de Behnèsa succède celle
» diOschmounein : elle renferme deux grandes villes ,
» Oschmounein, qui lui donne son nom, etMinieieba
• Khasib ( I )• » On pourrait croire que les deux
Oschmoun désignent les deux grandes villes ( Madh-
natani ) Oschmoun et Miniet ebn Khasib ; cependant
dans le pays même , les ruines de la Schmoun des
(i) Khaiil Dhahëriy dans la Chrestomathie arabe de M. Sylvestre
de Sacjr, tome L*', texte arabe, page aSg, et tome IL*, Traduction,
pag. 291 et 391.
( »93 )
Égyptiens porlent le nom d* Oschmouneïn , ce qui
détruit rinduction qu'on pourrait tirer du passage
précité de Khalil Dhabéri.
Dans un manuscrit égyptien ou copte ( i ) « nous
ayons observé le nom de cet^e ville écrit ^uOyî^ â^
équivalent jdn UJuiom CI^^y, les deux Schmoun^ ce
qui semble prouver que VOschmouneïn des Arabes se
présente sous la forme du duel , de même que l'ancien
nom égyptien. Mais comme dans les manuscrits on
trouve toujours njuOTi\ , Schmoun, et non UJuOYit
£ , les deux Schmoun , il est à croire que le Copte qui
a écrit la seule nomenclature de noms de villes égyp-
tiennes où on lit ce dernier mot, a été influencé par le
nom arabe. Cette nomenclature a induit Jablonski en
erreur. Ce savant croit {2) que pyfuOYtl A signifie
Schmiin secunda , la seconde Schmoun ; mais nous \
ferons observer que si la traduction était exacte ,
le texte aurait dû porter UJuOyK xM>^ Â , ou
^uOYtt ju&>^ ^^9 ce qui signifie véritablement
la seconde Schmoun , car C^i>t , en langue égyp-*
tienne, est le nombre cardinal deux^ et il devient
ordinal par la simple addition de JU^^. Il en est
ainsi de tous les autres nombres cardinaux. Par suite
de cette fausse interprétation , le même Jablonski
■•
(i) Mss. copt, Dîbh imp. , n/17, «uppL S.'-Germ., f.^ pct&«
(2) Panthéon JEgjrptiorwn^ liv. 1 1 , chap. 7, page agS.
^94 )
suppose qne la terminaison du duel ein de TO^cA-
mouneïn des Arabes vient de ce que chez les
Coptes cette Schmoun était surnommée OYl,iK!&ît,
c'est-à-dire la Schmoun des Grecs. U est aisé de voir
que cette idée ne repose sur aucun fondement solide.
La ville de Schmoun , comme toutes les grandes
Tilles de l'Egypte éloignées du Nil , avait un port
sur ce fleuve , et ce port est une de ses dépendances.
Il en est fait mention dans le Martyre de Tabbé
Epime. Après avoir raconté la mort de ce saiat,
Fauteur du Martyre ajoute que lorsque on eut em^
haumé son corps , les serviteurs de Jules le placèrent
dans un petit bateau et le transportèrent jusaues
dans le port de Schmoun : ^Y^p^UïT îttA&q
«jB'^î^Euptti h^E ojuonrK. Ce petit port favorisait
le conunerce intérieur , et nous verrons plusieurs des
principales villes de la basse Egypte en avoir un
semblable.
Aboussir. — Pousîrî,
Au nord-ouest de Schmoun. au-delà du canal de
Terôt, sur le penchant de la montagne Libyque, était
un bourg du nom de IIoYCSpL II est encore coonii
dans le pays ( i ) sous celui d^ Aboussir ^ qui n'est
autre chose que le nom égyptien écrit à la manière
des Arabes.
(r) Vojfez la carte de TÉgyple moderne de d'Aaville.
( ^95 )
Stallou.
C-T^XXonf étaît ua bourg ( ^ut ) qui fit partie
du nome de Schmoun. Il en est question dans ua
iragmeot égyptien , en dialecte sâïdique , publié par
Zoëga , dans son Catalogue des manuscrits coptes
du musée Borgia (i).
IbiU. — Nhîp.
Cest auprès d'Hermopolis et au nord de CusoSt
que les anciens placent un lieu peu considérable
dont le nom fut Ibeum. \\ est particulièrement cité
dans ritinéraire d'Ântonin, sous le nom d^Ibiù. Cet
auteur l'indique à vingt - quatre milles au nord de \
la grande ville de Thoth ou Hermopolis - Magna.
Selon Hérodote , c'était dans cette dernière ville
que les Égyptiens transportaient ( 2 ) les Ibis qui
mouraient dans les diverses parties de TÉgypte » ^
et leurs cadavres embaumés étaient déposés dans ua
lieu destiné à les recevoir. Mais ce rapport dlié*
rodote ne semble pas rigoureusement exact , et il
ne doit peut-être s'entendre que des Ibis nourris
dans les temples, puisque on trouve dans les cata*
combes des environs de Mêmphis un nombre pro-
digieux de momies de cet oiseau. Une personne dont
(i) Pars teriia, num. ccxxTypage 55o.
(a) Hérodote, livre U.
p96 )
le témoignage n'est point suspect , nous a certifié
avoir vu dans un de ces souterrains tailles dans le roc,
une incroyable quantité de ces oiseaux embaumés,
et renfermés dans des vases de terre placés horizon-
talement Tun sur l'autre , à une hauteur uniforme ,
contre les parois du souterrain. Après avoir connu
l'espace qu'occupait un nombre donné de ces momies,
et avoir mesuré Tétendue du souterrain , elle s'assura
qu'il en contenait plusieurs millions. Ce fait sera
reproduit ailleurs dans tous ses détails, et il semble
prouver ce que nous avons avancé, qu'Hérodote o'a
pu parler que des Ibis sacrés, lorsqu'il a dit qu'on
les transportait à Hermopolis. M. Larcher pense
que ce n'était pas précisén^ent à Hermopolis-Magna
qu'on enterrait les Ibis, et qu'ils n'étaient trans-
férés dans cette ville qu'à cause du lieu voisin
appelé Ibeunit où on les déposait (a). Mais comme
dans l'Itinéraire d'Ântonin , Ibià est placé à vingt-
quatre milles au nord d'Hermopolis , il ne paraît pas
naturel qu'on envoyât d'abord les Ibis à Hermopolis,
pour les faire rétrograder ensuite vers le septentrion.
Pour que cet inconvénient n'existât point, il faudrait
nécessairement que le lieu appelé Ibeum se trouvât
au midi d'Hermopolis et à très -^ peu de distance de
cette ville.
Ibeum tirait son nom de l'Ibis, qui, en égyptien,
(a) M. Larcher, Tradaciion d* Hérodote ^ tome H, page 5o5. -^
Id. , TabU géographique^ totneYlLIf à rarticie Hermopolis.
( *97 )
ëtait appelé oin , Hip ( i ) , d'où les Grecs ont fak
Kiç^ en y ajoutant la désinence grecque êf. Le nom
égyptien de VIbeum des Latins devait être régulier
rement U&K^\tt , Manhip , ou simplement K^TO ,
Nkib 9 lieu des Ibis. On le retrouve dans Etienne
de Byzance et dans Suidas, sous la forme grecque
de NiÇi^^ que nous croyons être le nom égyptien
èilbeum qu'ils n'ont point mentionné sous cette
dernière forme. En retranchant de ce mot la ter*
minaison grecque iç ^ on trouve NiC , qui est exac-
tement le h^sn égyptien. Il n'en diffère que par
l'absence de H, ^, hori^ que les Grecs ne pouvaient
pas exprimer , parce qu'il manquait à leur alphabet
C'est ainsi , par exemple , qu'ils ont écrit nd le mot
égyptien ^K^, qui signifie cœur {2).
Terôt-Schmoun.
Daics les environs de la grande ville de Schmoun «
se trouvait un lieu nommé HTEpas^T « ainsi que celui
dont nous avons parié ci * dessus. Terôt reçut le
surnom de UJaovff , à cause de sa situation dans
le voisinage de cette capitale de nome. Il est fait
mention de T^puinr UJuotk dans un fragment
(i) LëviUque, cbap. XI, 17; Isaîe, XXXIV, xi , du Uxte
égyptien.
{A Voy«x Honu AppoUo , liv. I, hiérogljphe 7.*
( 29» )
tbëbaio pablié par 2ioëga (i). II ne faut pas confondre
ce lien avec un antre nommé aussi T^pcm et situi
sur le Nil, au midi de Schmoun.
Miniét. — Thmooné.
La ville de Thmooné était située sur la rire occî-
dentale du Nil et au nord de Schmoun* Sur son
ancien emplacement est aujourd'hui la petite ville de
Miniét^ qui a conservé dans son nom des traces màr*
^uées de l'ancienne dénomination égyptienne. Ce fui
TwOOKE (2) ouTuoîKK (3) en dialecte thébaio,
rt OuOtKR {^) en memphîtique. Ces difFérens mots
désignent une demeure » un lieu où Ton s'arrête , et
dérivent de la racine thébaine , baschmourique et
memphitique JUKit , manere. li est hors de doute
que le mot arabe Miniét ( par abréviation Mit ) si
fréquemment donné aux villages de l'Egypte , dérive
de uot^K , mansio , pluriel uOSta^OYS , mansiones*
Il y eut eu Egypte plusieurs villes du nom de
Thmooné ; mais les Égyptiens en distinguaient deux
principales : Tune dans la haute Egypte ( c'est celle
dont nous venons de parler ) , et Tautre dans l'Egypte
{1) Caialogus mcumscriptorwn copticorum musœi Borgianii
pars 3.*, page S49>
(!i) Ms«. copt., Bibl. imp.9 n.^ 44* ^-^ ^ rect6.
(5) W., n.« 45, f,« 59 rectft.
(4) /</•> n*^i7i suppLémeut Saint-Germain.
( «99 )
icfërfeure. La première porla le surnom de Bajis ;
celui de Téni fut propre à la seconde (i).
Théodosiopolis. -^ Touhô.
TouHÔ fut la capitale d'un nome situé au nord
de celui de Schmoun. Dans la Notice de TEmpire ,
et dans quelques autres ouvrages , il est fait mention
de ThéodosiopoUs ou de Thiodosiana^ comme d'une
ville de la haute Egypte qui se trouve placée parmi
celles de THeptanomide. Un manuscrit copte nous a
donné s-a position , qui , jusques ici , n'était pas fixée.
On y trouve (2) mentionné OErl^OîCSOr, Theti^
dôsiou , correspondant au nom arabe Thàhha , ville
qui est en effet au nor4 d'Hermopolrs , à l'extrémité
méridionale du canal de Bathen, et par conséquent
dans la partie Libyque de l'Egypte. Quoique nous
présentions d'abord cette ville avec un nom grec,
comme elle en eut aussi un parmi les Égyptiens ,
il en résulte d'abord qu'elle exista loog-tems avant
Théodose ; en secotid lieu , que le nom de Théo-'
dosiopolis ne lui fut donné que par les Grecs , qu'il
De fut en usage que parmi eux et parmi les Romains »
et que dans le pays son nom fut toujours celui qu'elle
porta chez les anciens Égyptiens. Nous pensons
(0 Vansleb, Histoire de t Église d Alexandrie^ page 25.
(2) Slss. copt, Bibl. imp. , n.« 44, f.<> 79 rectô, n.*»43, f.*59. —
Vojez aussi la P. Vanslab , Histoire de Véglise d'Alexandrie »
^
OXFORD
( 3oo )
qu'A en fat de même pour toutes les autres villel
de ITEgjpte. Le nom égyptien de Théodosiopolis était
Tor^O, Touho (i), ou bienToY^OI, Touhô (2),
qu'on trouve employé indifféremment. Quant à sa
Taleur , TToT^O signifie demeure^ et c'est on verbe
égyptien qui veut dire addere , adjicere , apponen.
Le nom arabe Tahha n est évidemment qu'une cor-
rnptioa de ce dernier.
Pershousch.
Pershousch dépendait du nome de Touhô. Le
nom de ce lieu se trouve dans un manuscrit copte,
écrit dans un dialecte égyptien qui tient le milieu
entre XeThébain et leBaschmouriçuef et faisant partie
de la riche collection du cardinal Etienne Borgia. Il
contient un récit très-intéressant du voyage de Paul
et de son disciple Ézéchiel , dans les montagnes de
la haute Egypte, pour y visiter de saints Anachorètes*
Dans le mont Pscheshépohé , ils trouvèrent un her-
mite épuisé par les rigueurs de la pénitence. —
Quel est ton nom ? lui dit Paul. — Il répond : Je me
nomme Phib, et je suis de IIpâ^Yaj , Pershousch,
(i) Mss. copt, Bibl. imp. , n.®44, ^'^79 r«ct6. — Id.^ ii**47*
•ûpplëftieiit Saint-Germain, O pu&.
k
(a) Mss. copt , Bibl. imp., n.* 17, sapplëment SdaC-G«rmaia,
t' pt^Çj — n.»43, f.«59 rectè.
( 3ot )
dans le noiAe de Touhô (i). Noas n*avons trouvé la
nom de Pershouich mentionné dans aucune des
nomenclatures arabes des villes et des boui^s d^
rÉgypte que nous avons été à même de consulter*
Nikafar.
Le manuscrit copte le plus riche de tous en notions
géographiques ( j) , nous a fourni le nom du village de
H^K&c^^p placé à près de trois lieues au-dessous
de Touhô. Nous ne le regarderons point comme
égyptien. Nous le croyons au contraire une cor^
ruption du nom arabe de ce village appelé Beni^
Mohammad^el-Kifour. Il est évident que HîfC&c^&p
est le mot arabe Kifour écrit en lettres coptes , et
Taddition même de Farticle pluriel 9\ en est une
preuve convaincante.
Cynopolis. — Kais.
C E lieu est cité par Vansleb , comme ayant été
un évêché de Téglise copte (3), et cet estimable
2.c\OTaiajq Eq!isaiuuoc îfiE c|)S& tte HspE.K «.tôt
Zoëga , Catalogus manuscriptorum musœi Borgiani, codice$
Mohidici^ page 567.
(2) Mss. copt, BIbL imp. , n.^17, supplément , page pc^fi.
(3) Histoire éh tégliso tt Alexandrie, pagt 32.
( 302 ) •
voyageur pense que Kaïs , qu'il écrit Keis , était
raocienne Cusa. On a vu précédemment que Cusa
portait en égyptien le nom de Kos-Koô^ et était
située bien plus au midi que Kais. Vansleb place
cette dernière proche de Bihnicé ou Bahnéca. Dans
le Martyre de saint Épime , l'auteur dit ; ^EpOKEA-
'^ITOXSC V.h\C : « Héracellianus fut itiçesii da
• goui^emement de trois villes : la ville à'Hnéê , celle
9 de Pemsjéy et celle de KiUs. » La position des
deux premières nous est parfaitement connne ; et
comme Kais devait nécessairement être dans leur
voisinage , nous Tavons cherchée aux environs de ces
deux places. Nous croyons l'avoir retrouvée dans un
village arabe bâti sur la rive occidentale du Nil,
un peu au-dessus de Beni^Mohammad^el^Kifour,
et appelé El - Gis » nom dans lequel on reconoatt
celui de Kb-SC peu altéré. On ne doit donc point
confondre Rs^SC aveo la ville de Saïs en basse
Egypte I comme semble le croire le P. Georgi (()•
La position que nous assignons à K&XC est jas*
tifiée par un manuscrit copte de la Bibliothèque
impériale (2), qui contient une nomenclature des
(1) De nUracuUs sancU Colutki^ prœfiitioi pagt LII, nota «•
(a) Sttppl.9 0.^i7,Saiat-Cannaia« '
( 3o3 )
TiIIes de l'Egypte disposées géographîquement, et dans
laquelle KmC (i) est placée entre HsKZ>c|)5p, oa
Beni^Mohammad^el-Kifour et la ville de Pemsjé^
IIeu-^E. Oo y trouve aussi sou nom arabe qui est
El^Qis, que nos voyageurs modernes ont écrit £/-
GîSf corruption de KmC. Ce nom égyptien s'écrit
aussi KocxC , Koeis ( 2 )• C'est la CynopoUs des
anciens géographes grecs et latins* Ce dernier nom
n'a aucun rapport avec le nom égyptien de cette
ville.
Tamma.
Cfi lieu faisait partie du nome de Kaïs , comme oa
le voit dans le récit que fait Ezéchiel , de son voyage
avec Paul son maître. Ces deux saints personnages
rencontrèrent dans la montagne de Méroéit un Ana-
chorète qui leur dit s'appeler 1T2>T?^E 0TpiUL^5.MLU5.
^ tJL iT^a^oj KoESC : « Paul de Tamma » dans le
• nome de Koeis (3). »
Oocyrynchus. — Pemsjé.
La ville d*Osyrynchus fut une des plus considérables
de la haute Egypte. Les Grecs lui donnèrent le nom
(I) F.* po;^.
(a) Mss. CQpty BibL imp., il^46| ancien fonds.
(3) Zoëg«, C^lalog. mssm musœi Borgiani^ eodic. aohA^
pag« 368.
( 3o4 )
ii'O^vfHÊyXoç ^ à cause d'un poisson de ce nom quils
croyaient y être adoré. Cette opinion est peu vrai-
semblable , et nous pensons qu'il en était à,Oxy-
rjnchus comme à Latopolis, c'est-à-dire qu on ne
Ténérait pas plus le poisson Latus que YOxpjnchus,
On a vu qu'à Sné ( Latopolis ) on adorait le grand
dieu Amoun, et non pas un poisson.
Oxyrynchus était à deux lieues de la cbatne Libjr-
que, entre le canal de Menbî et cette même chaïae*
Cette ville ibt appelée IIeul^sSE , Pemsjé, cbez les
Egyptiens (i). Ce nom corrompu par les Arabes se
retrouve encore sur les lieux , car Behnésé ou Bah^
nasa ne diS%re » à notre avis , que très-peu de Pemsji^
et l'identité entre ces deux noms existe plutôt dans
le son que dans l'orthographe , ce qui doit arriver
nécessairement si les Arabes ne donnèrent un nom à
VOxyrynchus des Grecs qu'en l'entendant prononoer
par les Égyptiens. Telle est du moins notre opinion.
M. Ignace Rossi ne connaissant point le nom de
liEULT^E^ sous lequel Oxyrynchus était désignée chez
les Égyptiens , s'est efforcé de le retrouver dans le
Bahnasa ou le Bahnésa des Arabes. Il le prononce
Behensa (2)1 contre l'usage reçu et la ponctualioa
de
(1) Mis. copt«, Bibl. îrop. , n,** 44, £• 7g rectd. — Idt , n-* ifit
anden fonds. -* Id., suppL n.*i7, fonds de Saint-Germàio, etc.
(2) Rossi, Etjmologke œgj^piiacœf page 39.
( 3o5 )
Hé plusieurs manuscrits, et croit qu'il est formé des
deux mots égyptiens 6e^\, lime(\), et ctjM, nezf
narine f d'où il forme BE^^t^Uj&S, dont il ne donne
point le sens. Il a par ce moyeu évité une dilïiculté,
puisqu*il n'aurait pu obtenir de ce mot composé que
lime de la narine. On ne voit point quel rapport celai
peut avoir avee )e nom d'Ox yrynchus , en supposant
même que ce dernier^ qui signitie nez pointu , soit
l'exacte traduction du nom égyptien EIeul^E.
Lie père Georgi , persuadé que le nom égyptiea
d'Oxyrynchus était IIeiui!^^, comme il l'a trouvé dans
plusieurs manuscrits copies, présente une étymologîe
qui nous paraît plus naturelle. Il pense que ce mot
^oit s'écrire II^tuttiSE, Phemsje (2), qui, selon lui,
a la valeur de o^uç^ acutus (3;. Cette correction régu-
lière vient à l'appui de notre opinion , que le nom
de cette ville , que les Arabes écrivent bhnsa et
' (i) Ce mot signifie aussiy^?r, car nous Tav^ns trouvé interprété
par El^Hhadid dans un vocabulaire copte-arabe ( n.^ 17, eupph
Saint-Germain )•
(2) Dans ce mot le P ne doit pas être lié à TH, qui n*est qu'une
aspiration , et Ton doit prononcer comme s*il y avait P^Hcmsjé*
(5) Dans les dictionnaires égyptiens que nous avons c<7nsuUés ,
nous n'avons trouvé que TT^E UL2S , qui veut dire oi^OÇ^ vinaigre;
il se peut que le P. Georgi ait rencontré IT^TLiULdCE comma
signifiant ai^u^ pointu.
30
( 3o6 )
prononcent Bahnisa^ est dérive de n^tu.!^^,
BHAMSJA f comme le prononçaient les Coptes. Alors
il est probable que les Grecs auront cherché à tra^
duire le nom de II^Eu^tE par O^vpuyxpc^ et auront
ensuite supposé qu'il dérivait du culte d'un poissos
du Nil nommé Oxyrynchus.
Kanesch.
Ce bourg faisait partie du nome de Pemsjé ( Oxj«
rynchus )• Dans les actes de saint Epime ( i ) , il est
fait mention de n^^Op Tii3^S5Kam h^E K2>n£cg :
Pihor^ le diacre de Kanesch^ bourg dépendant dt
la juridictipn de Pemsjé.
Tôsjî. .
T'aies se trouvait aussi dans la préfecture de
Pemsjé, Les mêmes Actes en contiennent la preuve.
Ce mot nTcut^HL exprime l'idée de plantation. Nous
ignorons jusqu'à quel point il peut convenir à une
Tille.
Psénêros. — Pschénérô.
Etienne be Byzance fait mention du bourg de
^€y»ipoc. Nous pensons que ce bourg est le même
que celui de V^EKEpoi , Schénirô , ou IlajEStEpaT ,
(i) M«s. copUi BibL imp., n.*66y fonds daVattcau.
( 3o7 )
Pschénérô^ cité dans les Actes de saint Épime. La
valeur de ce nom égyptien ne nous est point connui
d^une manière certaine^
Terbe.
Le village de XtpfeE parait avoi^ aussi dépendu
de la ville de Pemsjé (i). Le mot tfaébainXEp&E
nous semble correspondre au memphitique "i^cp&S ^
qui signifie lieu où Von demeure f habitatio , mansio»
Nehrît.
I4A ville de Nehrit se trouvait au nord de Schmonn.
Dans les Actes d'un hermite nommé BEt^OqEp ^
Bénofer ^ ou Ortîtoq^p , Oaenofer (2), ce saint
raconte Thistoire de sa vie à un anachorète nommé
Paphnouti; on y remarque le passage suivant : oyO Ji
neooj cguLOYK ÎDtî^ (^ut£.pKC c^&o^ Ht^p^T :
« J'ai habile un monastère du nome de dcJirnoun
• ( Hermopolis - Magna ) dans le Maris ( la haute
I» Egypte), au-dessus de Nehrit. » La position du
lieu appelé Nehrit n'est indiquée que d'une manière
vague. Ce texte nous apprend seulement que le nome
(1) Msi. copt, Bîbl. imp., n.*66, fonds duVatican.
(2) Zoëga, Caialogus codic, copiicor. mustei Borgiani; Codict
memphiiicij page i5. ( Ouenofer eit saint Ouuphra )•
( 3o8 )
de Schraoun se trouvait au midi de Nehrit , qui ,' par
conséquent devait appartenir à une préfecture voisine
située vers le nord. Nous avons en effet trouvé sa
position dans le nome de ïlEUL^ist, VOxyrynchus des
Grecs. L'état des provinces et des villages de TÉgypte,
publié par M. Silvestre de Sacy (i) , fait menlion,
dans celle de Bahnésa , d'un bourg appelé Ihrit en
arabe. Ce mot n'est que l'égyptien lït^ps^ privé
de l'article i^, ce qui donne G^p^T, dont les Arabes
ont fait Ihrit. Ce mot égyptien peut dériver de
^ pan , pressoir. C'est la seule racine égyptienne
que nous connaissions, à laquelle on puisse le rd[H
porter.
Pajîkôleus.
C'ÉTAIT aussi dans le nome de Perasjé ou dOxy-
ryncbus qu'était le lieu appelé Pankôleus^ comme oa
le voit par le Martyre de db<ï{Z> GnsuE ITXpXLUTT&K-
Kai?vETC ÎDcK BHOoj iTiLUSSt, Apa Épime, ha-
hilant de Pankôleus ^ dans le nome de Pemsjé (2).
Ce nom^ne nous paraît point égyptien. C'est proba-
blement un mot grec défiguré, ou, si toutefois il e^
égyptien, ce que nous ne croyons point, nous pensons
qu'il est étrangement corrompu.
(0 Traduction d'Abd-Allatif, page 685.
(a) Mss. copt., BibL imp., n."» &i, foudi duVaUcao,
(3o9)
Sjelbah.
XeX&&^ ëtait aussi un village qui dépendait de
la ville de Peinsjé , TOxyryncbus des Grecs. Le
passage suivant du même martyrologe nous donne
sa position. Ceux qui portaient le corps de saint
Epime étaient conduits par un auge qui les mena à
IT5.KKa\XETC C2>pKC K0rU2> Èaj&.YUOT^ Èpoq
^E T[^eX&5>^ , Pankôleus , au midi d'un lieu
appelé Sjelbah. L'on voit par* là que Sjelbah ou
Psjelbah était au nord de Pankôleus, et par consé-
quent dans le nome de Pemsjé.
Heracléopolis. — Hnés,
Cette grande ville fut la capitale d'un nome , et
ëtait située dans une île assez considérable formée
par le Nil à l'orient, et le canal de Menbi à l'occident :
une branche de ce canal , aboutissant au, Nil près
de Iséuni , la bornait au nord-ouest ; un troisième
canal , tiré du Menbi au Nil , la terminait au midi.
Cette île, ayant à-pqu-près une figure triangidaîre, est
coupée vers sa partie occidentale par un canal qui ,
8e dirigeant du midi au nord, se termine à Bousir.
(i) Mss. copt» Bibl. imp., n.** 4^, V* 47 vdrsàu
( 3io )
C'est près de ce eanal et vers rextrëmitë septeo*
trionale de celui de Bathen » qu'était située Héra«
clcopolis.
Il est à présumer que le principal temple de cette
tille fut consacré au Dieu Fort^ ou à un persoDoage
symbolique exprimant la puissance de Dieu, et que
les Grecs out dit avoir porté en langue ëgyptleDoe le
nom de Sem ou de Chom , qui sont évidemment les
mots égyptiens î^tm, Sjem, et y^Otx, Sjom, forix,
Dom qui se retrouve encore chez les Coptes, comme
un des surnoms de Dieu. Dans une liste des surnoms
qu'on donnait à Dieu chez les Égyptiens du moyea
fige, se trouve Tlî^C KffbwL , P5/o«*5-a/i-5Aom (i),
ee qui , en langue égyptienne , signifie le Seigneur àt
la Force ^ et est aussi interprété par l'arabe R(M-
el-'Qaouet , le Matire de la Force. L'emblème de
cette attribution de la Divinité/ était un petit animal
appelé Ichneumon ; c'était l'ennemi des crocodiles. Il
devait en être ainsi, car le crocodile étant le symbole
de Typhon , le mal physique et morale celui dû
Dieu Fort qui arrête et comprime le mal dans le
inonde , devait être un animal qui , comme Tlch-
neumon , fût contimiellemeut en guerre avec le cro-
codile. Il détruisait en effet les oeufs de ce redoutable
amphibie, selon l'opinion des anciens Egy|)tieD8*
(i) Mss. copt. , Bibl. imp. , nJ^^^^ V^ 47 vArsô*
(3ii)
D*après tontes ces considérations , les Grecs crn-
reot devoir donner à cette ville le nom de He>»xX«rç
-iroAic (i) ou de He^ixXfs nCùKiç (2) , à cause d'Hercula
qui , dans leur religion , était le Dieu de la Force.
Mais le nom égyptien d'Héracléopolis n'avait aucnii
rapport avec ^OU, Sjom^ ni Hercule. Ce fut èî^RC,
Hnés ou Hnas ; et cela est hors de doute , puisque
deux manuscrits coptes nous apprennent que ot^KC et
VH&txXsn -Jfohiç des Grecs ( qui est écrit 8pOi<?^tOT
et ^pB^KT^B^Cuux dans ces noêmes manuscrits >
appartiennent à la môme ville , et correspondent
au nom arabe Ahnas qu'elle porte encore dans le
paya (3) ; outre cela , Héracléopolîs était située à l'oc-
cident de 111e, ce qui convient parfaitement à Ahnas.
Le nom de cette ville est quelquefois orthographié
8kbC, Hnes (4), et même %^\C (5). d'où est venu
l'arabe Ahnas , dans lequel ou remarque l'A ( alif )
initial que les Arabes ont coutume de placer , comme
nous l'avons fait voir ailleurs , devant les noroa
des villes de l'Egypte, et sur- tout devant ceux qui
commencent par une consonne, comme Cs^H , Sna^
(i)Slrabon,liv.XVlI.
(2) Etienne de B^zance, de Vrbib, ei PopuL
(5) Msi. copt, Bibl. imp., n.« 44, f.« 79 rectô, ancien fonds. — .
N.» 45 , f.o 59 reclô. ^
(4) Mss copt, BihL inip., n.» 17, suppl. S-'-Ger»., f.* pc\&*
(5) Mss. copt, Bibl. imp., n.^ 44, ancien fonde.
(3,2)
Xitf IjML, Chmim, UJuOYft, Sckmoun, qu'ils ooté^^irit
Asna^ Achminif Aschmoun, et en cela ils imitaient
les anciens Égyptiens que nous croyons avoir ajouté
une voyelle au commoncemeat d*un mot dont le« deux
premières lettres étaient des consonnes. C'est ainsi que
leurs descendans prononçaient les noms de llt^OY*^,
Fnouilt et de TT(?C., TsjoïSf Abnoudi ou Apnouti (i),
tl Ibschoïs ou Jpsoïs (2). Selon la même règle, les
Égyptiens prononçant ^UOTî^ , Aschmoun, Ci^H,
A^na, et 2i^KC, A/mas, il s'ensuit que les Arabes,
en écrivant ces .mêmes noms Aschqioun , Asna t\
Ahnas , adoptèrent la manière dont il les enlea-
d aient prononcer , et que , par la suite , les Coptes
écii\ir('ut Gj^keÇ pour ÔKEC, d^ la même manière
que Ç.UKa. Qi, EUWOT, EM-TOK, tU!iiCUX, S^Wpl,
t«60K\, tn-tR!^, Bî^'^M. et une foule d'autres
ëtaienl mis à la place de ^Ù^ks^ , nffliction, «lwot,
mamelle, o^TOn, repos, Jb^'^m'h, oignon, capœ (3),
«•pt, panetier, iUiaOKS, grosse, ^^m^*^, zizanie,
^^y^Z>\^ chose.
(i) LsLcvotù, Lexicon œgjrptiaco-^latinum, page 62,
(2) ibidem , page 1 74.
(3) Le mot écrit tUt^atX dans Lacroze, se trouve sous la
vraie forme de ^X'>SX5^'K dans le Vocabulaire copte a-^iy, supjJ*
^ttifit-Germain , de la Bibliothèque impériale , aiosi que daos
TAuciea Tttcttdmeut y aombr. XI, 5.
(3,3)
Le prophète Isaïe fait mention d'une ville d'Egypte
appelée //A/15^, Hhanass (i), dont le nom ressemble
exactement à celui de la ville de Hnis. Le texte
hébreu porte : Car ses chefs étaient à Tanis r et ses
enyoyés étaient parvenus à Hhanass (2). On pourrait
croire que Hhanass n'est autre chose que 2x^HC »
c'est-à-dire Héracléopolis ; cependant il faut observer
premièrement , que la version arabe ne fait aucune
mention de Hhanass^ et qu'on y lit : « Parce que les
» em^oyés ( ou les anges ) sont à Ssaân ( Tanis ) «
» cJiefs cruels (3); » secondement , leTargoum porta
TahhaphneSf au lieu de Hhanass, ce qui indique la
ville que les Grecs nommèrent Daphnès en basse
Egypte. Le grec s'accorde avec l'arabe , et on y lit :
Chefs cruels, AyymXoi ^ovipoi^ au lieu de, et sont par-*
uenus jusçues à Hanass. Nous pensons que le nom
de Hbanas du texte hébreu n'est qu'une corruption
de Tahhaphnès. La signification du nom égyptien
d'Héracléopolis I ^^KC, a échappé à nos recherches.
Pouschîn et Phannîsjôït,
Dans plusieurs manuscrits égyptiens, on lit les noms
des lieux de ÏIorujSK, Pouschin, et de •î'&KKX^icns-r,
(i) Ce mot est écrit par un hei, ua noun et un samecK
(a) Voici le texte en lettres françaises : Kl HIOU BTZAN
SRIOU OUMALAKIOU HHNSS IGIAOU, Isai. xxx, 4.
(5) Voici le texte arabe : Uannaliou lakoimou Bissdan Mala^
liiatoun Rouousaou Aschraroun.
( 3i4 )
Thannisjôïtt et rhisioire du martyre de saint Jean
porte : 4>&ï^Ki^ttTST ÎDek o^l^CtupB. /^LTlOTajW (i) ,
« PbaoDisjôït dans le canton de Pouschin ; » ce qai
prouve évidemment que Phannisjôït devait être dans
le voisinage de Pouschin, puisqu'il dépendait de celte
dernière ville. La position de ces deiix lieux nous
était inconnue; mais après de nombreuses recherches,
nous avons enfin trouvé qu'ils s'appliquaient nata-
rellement aux deux villages arabes Bousch et Zai-
toun, qui sont tous les deux situés dans llle d'Si^nC
( H0racléopolis )•
lie, nom de Bousch ne dli!<b*e en efiet de Végyptiea
IloYajlR , Pousch'in , que par la finale que les Arabes
ont très-souvent retranchée dans les noms égyptiens
^e villes qu ils ont adoptés. C'est ainsi qu'ils ont écrit
BoYC5pS, X^^KS, y/6oi^£> et 55^/1, en supprimant
ri final ; et la syllabe tit se trouve également omise
dans Schahas ou Schabbas, orthographe arabe de
l'égyptien 2^1T&CW , Sjapasen.
Mais une preuve irrécusable que iTO'mjW cor-
respond incontestablement à <0o/Asc^, se trouve dans
4^2^KWS5itcusnr, Phannisjôït, qui, comme nous l'avons
dit , doit être le nom égyptien du village appelé
Zaitoun. Ce mot, en langue arabe, désigne Xe^oliçest
et il nous est facile de prouver que ce n'est que la
(0 Mss. copl., Bibl. imp., Q.*6g, fonds doYatrcaii, page 40.
(3.5)
traduction exacte da nom égyptien ^B>sttts:K^aT\*T«
Ce dernier signifie , à la lettre , le lieu des oliçes.
Ecoutons maintenant Strabon , et nous verrons que
le seul endroit de l'Egypte oit croissaient les oliviers »
était dans l'île d'Héracléopolis :
« Après la préfecture d'AphroditopoIis , dit ce
» célèbre géographe, on trouve celle d'Héracléopolis
» située dans une grande île ; à droite, vers la Libye
» et près du nome Arsinoïte , est un canal qui a deux
» embouchures et qui Coupe une partie de Hle. Cettd
• préfecture est la plus remarquable de toutes par
» son aspect , sa fertilité et sa disposition ; seule elle
» fournit des olives , et est plantée d'arbres hauts et
» robustes. Si quelqu'un en recueille bien l'huile , il
» en obtient d'une qualité supérieure ; mais si on
» néglige d'y apporter les soins nécessaires , toute
» celle qu'ils recueillent, quoique en grande quantité ,
» est imprégnée de mauvaise odeur. Le reste de
• f Egypte manque d'oUçiers, si ce n'est qu'on en
» trouve dans les jardins aux environs d'Alexandrie;
» ceux-ci produisent bien des olives , mais on n'en
» peut pas retirer de l'huile. »
On ne peut douter , après la lecture de ce passage ,,
que l'île d'Héracléopolis ne fût renfermée dans les
bornes que nous lui avons assignées précédemment (i).
(0 yoytz HéracléopoUs , page 3og.
(3i6)
Le territoire le plus voisia à' Àphroditopolis est ea
effet cette grande île qui répnit toutes les circoos-
tances que Strabon indique dans sa Géographie ; et
la situation d'Ezzaitoun dans cette même île, nous
prouve évidemment que c'est là l'île d'Héracléo polis,
que ^^kkxtsoxxt: est le nom égyptien du village
arabe d'Ezzaitounf etqxxeBousch fut autrefois nommé
IloYajW par les Égyptiens.
L'extrême rareté des oliviers en Egypte était sans
doute la véritable raison qui fit donner le nom de
<I>^HKS:iia\XTr , PhannisjôU. au seul endroit du
royaume où ils se trouvaient. Leur existence daos
ce lieu situé dans la préfecture de Hnas , 2t^HC
( Héracléopolis ) , n'est pas douteuse , et elle serait
prouvée par ce seul nom égyptien , à défaut même
du témoignage de Strabon.
Fhannisjôït fut sans doute le seul endroit de
l'Egypte qui produisit des oliviers du teras que les
roi& de race égyptienne gouvernèrent le royaume.
Le grand bas-relief d'Elétbya , dont nous avons parlé
précédemment, n'offre aucune représentation de la
culture de cet arbre , quoique on y trouve minu-
tieusement sculpté tout ce qui ^ quelque rapport
avec la cbasse, la pêcbe et l'agriculture des anciens
Egyptiens. Il nous paraît même probable qu'après
l'époque où vivait Strabon , et où ces oliviers exis-
taient encore en Egypte , on cessa de les y cul-
tiver , puisqu'il semble , d'après une Description
(3.7)
de la Terre (i) , écrite en grec sons les empereurs
Constantius et Constans , qu'on n'y en voyait pins
alors : « Toute la terre d'Egypte , dit l'auteur de cet
» Opuscule (3), est couronnée par un fleure qu'on
% appelle le Nil qui arrose toute sa surface. Ce pays
j» abonde en toute sorte de fruits, cuipj tXauou^ excepté
3^ en olwes. 3>
Phannisjôït devait être le lieu oii croissaient les
oliviers , à moins que ce ne fût dans ce village qu'on
déposait la récolle des olives , pour la répandre de là
dans le reste de l'Egypte : étant situé sur les bords
du Nil et au midi de HoYajSî^ , on pouvait faci-
lement les embarquer pour les préfectures de la
haute Egypte au midi, et pour Memphis et la bass$
Egypte vers le nord. Il est assez remarquable qua
les oliviers , arbres qui aiment jusques à un cer-
tain point le voisinage de la mer , s'en trouvaient ea
Egypte à une tré^- grande distance. Enfin, Diodor^
de Sicile (3) nous apprend que ce fut Tlioth qui,
chez les Egyptiens, découvrit l'olivier, et qu'on a tort
de dire que ce fut Minerve. Nous n'entrerons ici
dans aucune discussion pour appuyer ou contredire
Taûteur grec ; car il est inutile de répéter que c«
( I ) E^Yiy^o'iç oXou lau Koç/JLe xcu rm eSrw : Expositio
iûtius mundi et geniium , edeate Jacobo Gothofredo ; Gea«To ,
628.
(7) Page 16.
^5) Diodora de Sicile, livre I, i5.
(3ia)
ne fut ni Thoth ni Mioerve , puisque ces deux pcr«
Mooages sont fictifs et symboliques.
Pouoh-Anniaméou , Tkemen et PhouôiL
Dans Thistoire du Martyre de saînt-Épîme, il est
fait meotion d'un village appelé ^OYO^ hns&uHOT)
c'est-à-dire la demeure des Bouliers (i). Le père
Georgi , qui a donne quelques fragmeus du texte
égyptien de ce manuscrit, a rapporté un passage où
il est fait mention du lien dont nous parlons. Il Ta
imprimé d'après le manuscrit qui portait <^OyO^*
i^its&st£Y, Phouohannianeu (2), corruption évidente
de la vraie leçon ^OYO^ i^s^X^JUKOY , qu'on lit
quelques lignes au-dessus dans le même texte.
Phouoh " Ânniaméou était situé à l'occident du Nil
( C&lTtutKT: jÙLc|>s&po ) , et par conséquent dans
la partie Libyque de TÉgypte. Le passage suivant
va nous indiquer sa position. L'empereur Dioclétiea
avait nommé Hérokélianus gouverneur des villes de
Hnès , Pemsjé et Kaïs ( Héracléopolis , Oxyryncfaas
et Cynopolis ) , et Sébastianus , duc de la haute
Egypte. Arménius , gouverneur d'Alexandrie « lear
remit saint Épime, aGu de le conduire en haute
Egypte; mais pendant leur navigation , le vent leur
(i) Mss. copt, bîbU imp., n.<>66, fonds du Vatican.
(2) Georgi I de Miraculis sancU Coluthi^ prœfati», page cxxii.
(3i9)
manqua près de Phouoh ^ Anniamiou. Les deui:
gouverneurs firent apporter d'un temple voisin de
ce village une statue d'Apollon, pour forcer lea
Chrétiens à Tadorer. Ils ordonnèrent de chercher et
de leur amener tous les Chrétiens du voisinage. On
conduisit à leur barque ^Tl&. C&pB^nstUSt irsirpEC-
iTspEuic|>OYaiXT: keul irEnrcsps n^pEu. '^Xoa:
KEU ^B^K KEUiKcg KlitpHC^S^KOC THpOT Kt»
itsus ETEt5LU&-T : « Apa Sarapion , prêtre de
» Phouoh - Anniamêoti ; Orion , prêtre du jardin da
» Tkemen ; Abiôn , chef de Tkemen ; Eudemôn , de
f Phouôit ; Petsiri , de Tilosj , et une multitude de
» Chrétiens de cet endroit, p Le village de Tilosj
dépendait de la préfecture deTpih ( Aphroditopolis );
par conséquent Phouoh - Anniaméou , Phouôit et
Tkemen devaient être voisins de ce nome. Tkemea
qui , sous l'empereur Dioclétien , était un poste mili*
taire , se trouvant en effet dans le nome de Hnès (i)
(Héracléopolis), à Toccident de cette ville, il s'ensuit
nécessairement que ^OYO^i^t^S&uKOY et Phouôit
appartenaient à la préfecture de Hnès , ou à celle
de Tpih qui lui eM contiguë. Cependant , comme il
(f) D9 Miracul. sancti Coluth.,praf/atiQf page cxcf.
(320 )
tBÎ dit ezpressëment dans le Martyre de saint Epimey
que Phouoh'Anniaméou était situé sur la rive occi«
dentale du fleuve , elle dut appartenir au nome
de Hnès ( Héraclëopolis ) , puisque cette préfecture
consistait en une île bornée à l'est par le Nil , et que
Je nome de Tpib ( Aphroditopolis ) occupait la rive
orientale. Phouôit devait dépendre aussi de Haès»
puisque Hérokélianus et Sébastianus étant sur le bord
occidental du Nil » avaient donné ordre de faire venir
devant eux les Chrétiens des lieux environnans.
Nauî.
Le village de H&rs dépendait de Hnès, et faisait
partie de son nome. Ce lieu est mentionné dans
le Martyre de saint Lakarôn (i). Les Arabes le
connurent sous le nom de Naouai , et le rangèrent
parmi les villages de la province d'Oschmounaïa (2).
Schbenti.
ipy[&tK^ dut aussi faire partie du même nome.
C'est ce qu'on peut induire d'un passage du même
manuscrit.
Nilopolis.
(i) Mss. copt » Bibl. imp. , n.» 68, fonds du Vatican.
(2) État des provinces de tÉgjrpte , public par M. de Sacj,
à la suite de saTraduction d*Abd-AUatif, page 697, n.«ioi.
n
( 321 )
Nflopolis. — Pousiri.
Cette ville, voîsîne de la préfecture d'Héra-
tléopolis , était placée loia du Nil dans le milieu des
terres (i)« Sou nom de NciXo^ n(Q>jç lui fut donné
par les Grecs, parce que ses habilans avaient pour
le Nil une grande vénération. Cependant ce respect
était commun à tous les Égyptiens en général ; il est
à croire, malgré cela, que les Nilopolites se distin-
guaient par une dévotion toute particulière envers
le Nil auquel ils avaient consacré un temple dans
leur ville (2). Le nom grec de Nilopolis nous paraît
exprimer à-peu-près la valeur de son nom égyptien ,
qui fut, selon nous, IIoTCSpS, Pousiri ou Bousiri,
parce que nous ne balançons point à placer cette
ancienne ville égyptienne au lieu appelé encore
aujourd'hui Boussir ou Ahoussir. C'est à IloYCSpi
ou Nilopolis que venait aboutir un canal , qui ,
selon Strabon , coupait à Toccident Tîle d'Héracléo-
polis. De Tavis des autorités les plus respectables
de l'antiquité , Osiris n était autre chose que le Nil,
et non le Soleil, comme on le croit généralement ;
c'est ce que nous démontrerons dans notre Traité
sur la Religion égyptienne. Nous ferons observer
(i)Ptolémëe,lîv.IV.
(2) Étieuae de Byzance^ de Urbibus etPopulis Ywbo NéiXoc.
21
( 322 )
seulement ici que l'on ne peut mëconnaître le nom
d'Osiris dans HoTCSps, P^ousiri^*ei il est facile de
voir qu'il n'en diffère que par l'absence de rarticle
masculin il des anciens Égyptiens.
Isidis-Oppidum. — Naïsi,
Il y avait en Egypte deux villes de ce nom qu'il
ce faut pas confondre ; l'une , celle de la basse
Egypte , était placée dans le voisinage de Busiris et
de Sebennytus; l'autre, celle dont nous parlons main-
tenant « exista sur la rive occidentale du Nil, eo face
de nie de Hnas ( Héracléopolis ) , dont elle d était
séparée que par un canal qui , passant par IloYC^ps
( Nilopolîs ) , communiquait à l'ouest avec le nome
Crocodilopolite , et au midi avec Hnas et les deux
grands canaux connus aujourd'hui sous les noms de
Menhi ou Bahhr-Iousef et Bathen. Sa position porte
à croire qu'elle dépendait de Pousiri*
L'emplacement de la ville d'Isis est de nos jours
occupé par Zaoyyéh^ qui semble conserver quel-
ques traces de son ancienne dénomination. Nous
croyons que si les Grecs traduisirent avec précision
le nom égyptien de cette position, elle dut être connue
parmi les naturels du pays , sous celui de II&KCS »
Païsi, ou de 9&K«, Thaïsi, mots qui ont la valeur
de Uiacuê et Isiaca, ou bien sous celui de Hô^HCS ,
( 323 )
Naïsi qui a la même valeur, et qui, comme on le
verra , fut aussi le nom égyptien de la nlle d'isis de
la basse Egypte,
Crocodilopolis. — Piom.
Vis-A-vis llle de Hnas ( Héracléopolîs ) , une
ouverture de la chaîne Libyque conduit dans une
vallëe étroite , ayant environ deux lieues de lon-
gueur, qui s'élargit ensuite et forme un vaste bassin
de près de cinquante lieues de tour (i). C'est là que
se trouvait le nome appelé Crocodilopolite par les
Grecs , et Piom par les Égyptiens. Il fut un des plus
étendus , et peut-être même le plus fertile de tous
ceux de l'Egypte.
La partie occidentale de cette préfecture était
bornée par un lac d'une vaste étendue, dont nous
parlerons plus bas.
Crocodilopolis, sa capitale, était placée non-loin des
bords de ce lac^ et située sur le principal canal qui,
du Nil, communiquait avec le lac; son étendue paraît
avoir été très -considérable. Elle fut probablement
ornée de temples qui n'existent plus ; un obélisque de
près de soixante pieds de hauteur ( 2 ) et quelques
anciens débris peu remarquables attestent l'antique
(i) M. Jomard, Mémoire sur le lac de Mœris^ page 2,
(2) Paul Lucas, i.*' Fojrage^ tome II, page 62.
< M )
existence de ce chef-lieu de préfecture. On y nour-
rissait des crocodiles sacrés dans des réservoirs
construits à cet effet (i), et de cette circonstance les
Grecs prirent occasion de donner à cette ville le
nom de KpoxoJ^a^j^vKoXiç. Etienne de Byzance (2)
rapporte une autre origine de cette dénomination. Il
dit qu'un cavalier étant tombé dans le lac , il fut pris
par un crocodile et transporté sur la rive opposée;
et qu'à cause de cet événement, le maître du cheval,
dont le nom n'est point connu à cause d'une lacune
qui se trouve dans le texte d'Etienne de Byzaace»
mais qu'on croit être Menés , donna le nom du Cro-
codîle à la ville capitale et à la préfecture. Cette fable
absurde est démentie par le silence que gardent sur
ce fait les auteurs anciens les plus estimés.
Hérodote nous apprend que les Égyptiens don-
naient aux crocodiles le nom de Xofi-^ (3). Dans
l'article Tachompsos (4) nous avons fait voir que
cette orthographe n'est point contraire aux règles de
la langue égyptienne, quoique dans les livres coptes
on trouve toujours jb^CZ>^ , Amsah^ lorsqu'on veut
désigner ce redoutable amphibie. Si les Grecs avaient
exactement traduit le nom égyptien de la capitale du
(1) Hërodote, livre II.
{2) De Urbibus et Populis.
(3) Hérodote, livre II, J. hxix.
(4) Yojeib ci*dessuf , page i5a.
( 325 )
Piom, nous le trouverions écrit dans les livres coptes
Qi>is^CZ>^ , cille des Crocodiles ; mais ici , comme
il arrive presque toujours, le nom grec n'a aucun
rapport avec le véritable nom égyptien de cette ville,
qui fut IIsouL, comme on le trouve dans divers ma«
nuscrits coptes (i), ou bien <lf\0%x (2), par la simple
mutation de l'article H , en Tarticle <^«
Il a la même origine que le nom de lisouL ou
^^OUL que porta le nome Crocodilopolite « comme
nous allons le voir. Le nom de Medinéh -- Fayyoum
que les Arabes lui donnent, n'est que Taltération du
nom égyptien de cette ville.
Le mot n^otiL est purement égyptien. Il désigne
tous les grands amas d'eau ; il est principalement
appliqué à la mer. L'origine de cette dénomioatioa
égyptienne se trouve naturellement dans l'état phy-
sique de la contrée qui la portait; car on ne doit
point oublier que le mot H^ou. désigne en même
tems la préfecture et sa ville eapitale. Le nome de
Piom était en effet le mieux arrosé de toute l'Egypte ,
et dans aucun autre , on ne trouvait en si grande
quantité l'eau , qui est la mère de tout , dans l'opinion
(1) Mss. copt., Bibl. împ. , u.^44* ~ lbid.f n.^ 4^. — - Ibid.y
n.^ 1 7 , supplément Saint-Germain.
(2) Mss. copt, Bibl. imp., n.<'43, f."* 5g rectô.
( 326 )
des Égyptiens (i). C'est sans doute à son grand lac,
et au nombre immense de canaux qui le traversaient
dans tous les sens, que le nome dut le nom de Il!iOUL.
Le mot Fayyoum^ sous lequel les Arabes connaissent
cette préfecture, ne doit point être regardé comme
une corruption du mot II^OU. Il conserve, à notre
avis, une ancienne orthographe de cette dénomination,
laquelle , grammaticalement , est bien plus régulière
quePiom des livres coptes. Le mot Fayyoum en lettres
coptes donne «^MOitiL, Faiom^ qui désigne en langue
égyptienne un endroit aqueux^ marécageux ou phin
d'eau. On disait «^5^S0jul pour TTHOcy hxow. ou
ITKa^^S KSOO , le nome ou le pays aqueux.
* Sous les Lagides, Crocodilopolis prit le nom d*Ar-
sinoë qu elle porte quelquefois dans les livres coptes;
mais dans ce cas on trouve à côté le nom de Ilsois.
pour la désigner plus particulièretnent» Le nom grec
est écrit SVpCtwa^^ (2), nous l'avons, même trouvé
écrit r^pCtt^SKOiK (3); mais, sous cette dernière forme,
il parait désigner plutôt le nome entier de Piom que
la ville seule. Dans le texte égyptien de l'Inscpptioa
(i) On ne peut qu*étre frappé de l'analogie qui existe entre
les mots JWCUOT, Môou et ««.Y, Mau ou Maou, dont l'un
signifie aqua et l'autre mater,
(a) Mss. copt, Bibl. imp., n.*45, f.o îg rectô.
(5) Mss. copt., Bibl. imp., n.<'44«
( 327 )
de Rosette , le nom grec Apcrsvoi/i , est ëcrit iXpCRt^EC
(i), qui a quelques rapports d'orthographe avec le
copte 3)ipaL«a!E,
Le pèreKircber, dans sa Chorographia Mgyptij
donne à Crocodilopolis le nom de Ct^^S, Sychi ^
qu'il assure désigner en égyptien le Crocodile. Mais
ce mot ne se trouve dans aucun texte ni dans aucun
vocabulaire copte. Kircher seul Ta inséré dans sa
Scala-Magna, et tout porte à croire qu'il est de son
invention.
Sounliôr.
La belle et fertile province de Pîom devait néces-
sairement renfermer un nombre considérable de villes.
Les anciens géographes grecs et latins n'ont parlé
que de la capitale du nome » et ont passé sous silence
les noms des autres lieux de sa dépendance. Mais
celui que quelques-uns de ces lieux portent encore
dans le pays , nous met à même de les rétablir dans
leur orthographe égyptienne, tel est Sounhôr.
Cette ville était à l'occident de celle de Fiom , et
bien plus voisine du lac que cette dernière. Kircher
trouva son nom égyptien écrit CoTtK^cup^ dans un
manuscrit copte (2) ; nous pensons cependant qu'il
devait être écrit CoYK^a\p , et non CoYK^tL\ps ;
le premier de ces deux mots est réellement un nom
(i) Lîgne$ 2, 4* 6 ^^ M*
(^2) Lacroze, Lexicon œgj'ptiaco^latinumy page 96.
( 328 )
égyptien, par lequel on désignait la canicule; il est
en effet composé de COt pour CSOT, astre , de l'ar-
ticle du génitif!^, et de ^^^p« qui signifie un chien*
Ce mot prouve encore que Lacroze a eu tort de placer
OY^a^p, canis, dans son Lexique, tandis qu il aurait
dû récrire simplement ^uup.
Tpih-Schalla.
Dans les nomenclatures des villes des provinces
de l'Egypte, que les Arabes ont formées, on trouve,
comme appartenant à celle de Piom , un lieu nommé
At/ihli-Schalla (i). Ce nom, qui n'est point arabe,
indique nécessairement une ancienne position portant
ce nom long-tems avant l'invasion des Musulmans en
Egypte. On retrouve en effet dans le nom que les
Arabes lui donnent, celui deTiTH^ que nous verrons
plus bas (2) êlre le nom égyptien de TAphroditopolis
des Grecs et de XAthfihh des Arabes.
Quant au nom de Schalla que porte aussi la Tpih
du Piom, on doit peut-être le regarder comme un
surnom donné à ce lieu par les Égyptiens , afin de le
distinguer de la capitale du nome Aphroditopolite,
appelée aussi Tpih et située dans son voisinage.
(i) État des provinces de V Egypte à la suite de la traduction
dAbd-Allatif^ par M. de Sacy; province du Fayjouin, n.» 12,
page 680.
(2) Vojez ci-après, page 55a.
(3^9)
Lac de Mœris.
Dans la partie occldeotale de la prëfecture de
Piom , était uq lac d'une Taste étendue et qui lui
servait de frontière du côté de la Lib3re. Situé au sud-
ouest et à dix schœnes au-dessus de Memphis , ce lao
contribua à améliorer l'agriculture du nome Croco--'
dilopolite , du territoire de Memphis , de Hnès et d'une
partie de TÉgypte moyenne. On doit le regarder
comme un réservoir qui remédiait en quelque sorte
à une trop grande élévation des eaux , ou à un débor*-
dement insuffisant.
Selon les anciens historiens , le pharaon Mcèris
l'aurait fait creuser de main d'homme. Mais ce lac
ayant près de quarante lieues de tour et une pro-
fondeur assez considérable , il s'en suivrait que les
Égj'ptiens , en le creusant , auraient enlevé plus de
onze cent milliards de mètres cubes de terre , ce qui
ne peut se supposer (i). Il est plus naturel de croire,
comme tout concourt à le prouver (2), que la pro-
vince de Piom était un marais , semblable au Delta
■^— — —^ ■ ■ ■ ■ — — — — — ^ I , Il
(i) M. Jomardy Mémoire sur le lac de Mœris ^ dans la Descrip^
tton de VÉgjrpte^ tomeI."j Antiquités^ Mémoires ^ page 97.
(2) Ibidem, Nous renvoyons pour plus de détails à l'excellent
Mémoire précité dd M. Jomard , où ce savant voyageur discute
ou combat avec autant de claité que de justtsse les diverses opi-
nions qui ont été émises suà* le lac de Mœris.
( 33o )
avant son dessèchement. Cette opinion est en quelque
sorte suggérée par le nom égyptien même de ce nome
que nous avons vu signifier aqueux ^ plein d^eau^ et
Strabon l'appuie en disant que le lieu où est le lac
Mœris fut autrefois une vaste campagne (i). Le pha-
raon Mœris profita sans doute de la disposition nal6-
relie d'une partie de cette province; ayant fait tirer
un canal du Nil, et Tayaut amené à travers les sables
et les rochers jusques vers la partie occidentale de ce
nome , il l'inonda et forma ainsi un lac d'une très-
grande utilité. Il dessécha les autres parties du pays,
en fit une nouvelle et riche province , et s'acquit aiosi
de justes titres à la reconnaissance de ses sujets.
Le grand canal tiré du Nil par Mœris, traversait
la gorge étroite qui conduit de la vallée de TEgypte
dans la province de Piom , et se divisait ensuite ea
deux branches principales de trois cents pieds de
large , aboutissant au bas* fond qui fut couvert par
le lac.
Vers son milieu , s'élevaient au-dessus des eaux
deux pyramides d'une grande hauteur , surmontées
d'un colosse assis sur un trône. Hérodote, qui rapporte
ce fait (2), croit que ces deux monumens prouvent
que le lac avait été creusé de main d'homme. Mais,
comme le fait observer M. Jomard dans son excellent
(i) Strabon, liv.XVIL
(2) Hérodote, liv. II, §. cxlix.
( 33i )
Mëmoire ( i ) , elles ont pu être bâties dans le bas--
food avant qu'il fût occupé par les eaux qui ont
formé le lac.
L'importance de cette entreprise de Mœris , était
justifiée par son utilité; en formapt ce lac, ce mo«
narque eut pour but de préserver une partie de
l'Egypte moyenne des effets d'une inondation insuffi-
sante. Lors de la crue des eaux, le lac se remplissait
par les canaux et s'élevait au plus haut niveau que le
débordement pût atteindre. Lorsque le Nil décroissait t
le lac était fermé par des digues et des écluses , et
conservait les eaux jusques au solstice d'hiver qu'oa
ouvrait les digues pour les faire écouler par deux
embouchures. Ce lac suppléait ainsi au manque d'élé*
vation dans les eaux du fleuve.
Le nom de Mœris que porte ce lac, lui vient du
pharaon, qu'on croit l'avoir formé en totalité ou en
partie. Le nom de ce roi, écrit tantôt Mœris (2) et
tantôt Myrîs (3) , répond à l'égyptien Uî^pH , Mari,
UH\pK, Méiri, ou UospR, Miri, qui signifie en grec
hU^soJ^càpoç ^ Don du Soleil.
Les Coptes ou Égyptiens du moyen âge ne lui ont
pas conservé le nom du pharaon Mêiri. On ne trouve
jamais dans leurs livres iT^&^utEît iù^uO^pH, lelacde
Mœris y pour désigner le lac du nome Crocodilopolite.
(i) Page 98.
(?.) Hérodote, liv. II.
(5) Diodore de Sicile, livre I.
( 332 )
Mai« on y lit constamment ^XYUttR tt*Yt ^Mu. ,
le tac du Phiom. C'est ainsi, par exemple, que dans
Thistoire de la translation des os de plusieurs martyrs,
faite le 5 du mois de méchir, on lit K!^E ^&t^C&KKMl
^T^tulKK îtTrB c^^iOUL, « des tisserands du nome
» de Phiom , — s'en retournèrent vers le lac de
» Phiom ( I )• » Ce passage semble prouver que le
lac ne porta peut-être point le nom de Mœris^ et
que ce sont les Grecs seuls qui \à lui donnèreot
pour le désigner. Les noms des grandes divisions de
rÉgypte ont rapport à des choses générales, et il se
peut que, d'après ce principe, les anciens habitans du
nome désignassent le Mœris par le simple nom de
Lac ^ comme dans toute l'Egypte c^SB^po , le Jitwt
signifiait le Nil.
Aphroditopolis. — Tpih.
Au nord de la préfecture de 2ltRC , Hnès^ se
trouvait celle à* Aphroditopolis ou de la cille de
Vénus , qui touchait à Achantus , dans le territoire
de Memphis.
La capitale du nome Aphroditopolitain était dans
la partie arabique de TÉgypte , et par conséquent à
0) Zoëga, Catalogus manuscriptor, musœiBorgiani^ page 96*
( 333 )
Forient du Nil. Cette ville , bâtie près de la chatne
Arabique (i) , nourrissait dans son temple un bœuf
sacré, dont la couleur était blanche , ce qui le distin-
guait d'Âpis, de Mnévis , et probablement aussi de
tous les autres taureaux sacrés de TEgyple , Onou^
phis, Pacis, Neut, etc.
6on nom égyptien futTTlTH^, Tpih (2), qu*OQ
écrivait aussi IlETrnSE^ , Petpiéh (3), et d'où s'est
formé l'arabe Aihfihhy qui ne diflere deTTlTR^ que
par la simple mutation du il égyptien en F, et par
Va/^/'que les Arabes ont ajouté au commencement de
ce nom, addition qui leur est ordinaire, comme on Ta
pu voir jusqu'ici. Quoique la valeur du mot égyptiea
11 H^ nous soit inconnue, nous présumons, non sans
quelque fondement, que le nom d'A^ocTiViiç nifoTaç que
les Grecs donnèrent à cette ville, ne ressemblait en
rien, quant au sens, au nom égyptien HTiiH^.
Tilosj ouTisjol.
Des religieux du couvent fondé par saint Pakbom, à
Tabennisi , entre lesquels on remarquait Théodore,
partirent de leur retraite pour se rendre à Alexandrie «
•""■"""""^""^ ■-^— — ■— - ^ _
(i) Strabon, liv. XVII , page 80g. — Sonniui, Vojage en
Ègjpie^ tome III, pag. 29, 3o.
(2) Mst. copt«, Bibl. imp., n.«44* socien fonds.
(5) Msf. copt, BibL imp., il* 17, suppUmeat, foads do Salat-'
Gormaiiv
( 334 )
auprès du Patriache (i). Ces pères s'ëtant embarqués
sur le Nil, arrivèrent à Aotinoë (2); B^rVS X.TC^TBp
^l J\Z'ri£D\ ÈîTC&UTTEUi^\nr, ils dirigèrent ensuite
leur barque vers le septenlrion (3), et parvinrent
enfin EmoOT W^XO'iS, au mont de Tilosj. Ce mot,
sur lequel le père Mingarelli resta très-incertain, est
évidemment le nom propre d'une montagne et d'uoe
ville ; nous le trouvons inséré dans une de 00s
listes des villes égyptiennes, extraites des manuscrits
coptes. Ce dernier mot offre une grande singu-
larité dans son orthographe. Il est écrit, comme ou
peut le voir dans l'Appendix (4) , ^XO:^ ou ^'ïiOX
indifféremment. On remarquera sans doute que ce
mot écrit TvO*^ offre parfaitement l'inverse de 5^0^.
Cette transposition de lettres nest pas sans exemple,
et Barthélémy favait déjà remarquée (5); nous déve-
lopperons ailleurs les causes de cette irrégularité.
Dans notre Nomenclature copte -arabe de villes
égyptiennes , ^XO!ii est placé entre He^ttsi^
( Aphroditopolis ) et Memphis ; par conséquent elle
(i) Mss. copt. en dialecte thébaiii , publié par Mingarelli,
AEgjrptior, cod, reliifuiœ Biblioth. Nanianœ , frag. VlH ,
page cLi.
(2) Ibid.j page clxv.
(5) Ibid.
(4) Appendix^ n.® I.
(5) Académie des inscriptions j Mémoires de liué rature^
tome XXXII y page 220.
( 335 )
devait se trouver au nord de la première et au mîdî
de la seconde. Le nom arabe qui correspond à l'égyp-
tien ^iSOX ou ^X05S , est Dalass , qui n'en est
qu'une corruption légère. Dalass se trouve mentionné
dans TÉtat des provinces et des villages de l'Egypte,
publié par M. Silvestre de Sacy , à la suite de sa
traduction d'Abd-Allatif , comme faisant partie de
la province de Bahnésa ( IIeu^sE , Oxyrynchus. )
Cette position ne convient point parfaitement à notre
^>^0::2S, puisqu'il est hors de doute qu'il fut au nord de
T ITH^, et non au midi de cette ville. Si Dalass est
de la province Ae Bahnésa ^ il faut donc croire que
dans l'Egypte il y eut deux ^^O-iS, et nous fixerons
la position de celui que nous connaissons, sur la rive
orientale du Nil , dans un lieu appelé Sol , selon
la carte d'Egypte que M. Olivier a mise dans l'Atlas
de son voyage , au septentrion de Tpih , entre le
Nil et la montagne Arabique (i). ^AO^s, Tilosj était
le nom d'une ville et celui de la partie de la chaîne
Arabique voisine de cette ville. C'est sans doute pour
cela que dans le fragment thébain dont nous avons
purlé ci-dessus , il est question de II^OOT K^T^o::^ ,
la montagne de Tilosj. Au reste, la position que nous
assignons à Tilosj est justifiée par le voisinage du
(i) On trouve placé au même endroit , dans la carte d'Égjpte de
Robert deVaugondy (1755), un village nommé EiSoel, ce qui
nous parait répondra à V égyptien Tisjol^ en observant que larUcle
égyptiçn est remplacé par l'article arabe.
( 336 )
couvent où habita saint Antoine que visitèrent, dans
leur voyage , les religieux de Tabennisi dont nous
avons parlé.
Le mot ^XO'ac ou "^"^OX est évidemment égyp-
tien. Il exprime , de même que le nom thébaia
S^OX'^A que les Romains ont écrit Silsilis^ un empi--
chement , un défilé. Il paratt que la montagne , aa
pied de laquelle était situé Tpih ( Aphrodito polis), se
rapprochait du Nil et formait un passage étroit ; c est
ce que les Égyptiens ont exprimé en donnant à ce
lieu le nom ^XO>s ou XoX , dérivés de la racine
:^0X, abnegare, circumdarep impedire.
Pémé.
Cette ville se trouvait entre Nilopolis et Memphis.
Bamha^ village de la province de Dgizéh, paraît avoir
conservé des traces de ce nom , en supposant que ce
ne soit point là le véritable nom égyptien de Pimé.
Nous ignorons la position exacte de ce lieu.
Memphis. — Meinfî.
Les révolutions plus ou moins désastreuses qui
bouleversent les Empires , celles sur- tout qui amèneot
un changement total dans la forme du gouvernemeot,
influent toujours sur le sort des capitales. Cest à uoe
révolution semblable que Memphis doit son origine.
Après
( 337 )
Après la destruction du gouvernement théocratique
auquel les Égyptiens furent soumis dès leur origine
(i), ils eurent un roi, et dès->lors le Gouvernement
fut entièrement monarchique. Menés , chef de la
première dynastie, porta ses vues vers la moyenne
et la basse Egypte, et entreprit divers ouvrages pour
améliorer le sort de ces contrées. Parmi ceux qu'il
exécuta, on compte la fondation deMemphis (2).
Dans la partie de l'Egypte où cette capitale fut
construite, le Nil coulait entièrement au pied de la
montagne sablonneuse, connue sous ie nom de mon-
tagne Libyque , et partageait ainsi fort inégalement
la vallée. Mènes ayant fait creuser un nouveau lit , lo
détourna et le dirigea de manière qu'il se trouva à
égale distance des deux chaînes de montagnes ; et co
fut dans le lit même que le Nil venait d'abandonner
qu'il jeta les fondemens de Memphis (3). Mais pour
mettre la nouvelle ville à couvert des dangers qu'elle
pouvait courir dans le cas où le Nil , par un effort
extraordinaire , reprendrait son ancien cours , il fit
construire une forte digue à quatre lieues environ au
sud de Memphis. Par les ordres du même prince , oa
creusa au nord et à l'ouest de la ville un lac dans
(r) Synesius, Epistolœ^ pag. 19O, 259i etc.
(2) Hérodote, liv. II, §. xcix.
(3) Ibidem.
22
( 358 )
lequel se rendaient les eaux surabondantes du débor-^
dément. Celte circonstance rendait sa position très-
forte.
Le fils et le successeur de Menés, Atbolis I/', bâtit
un palais à Mempbis , et vint y fixer sa cour (i);
les grands de TÉtat imitèrent ie souverain , et cette
ville devint dans la suite presque égale à Thèbes
en grandeur et en magnificence, parce que les rois
qui montèrent sur le trône après Athotis L*' , firent
pour la plupart un séjour habituel à Mempbis. Ces
monarques en agirent ainsi , et demeurèrent rarement
à Tbèbes par de puissans motifs de politique. La
forme monarchique ayant été introduite dans le gou-
Ternement égyptien contre le gré des collèges des
prêtres , ceux-ci cherchèrent à reprendre le degré de
puissance que leur avait fait perdre ce changement
dans l'administration de l'État. Ils tâchèrent à cet efiet
de s'emparer de l'esprit des rois , et ce fut sans doute
pouf se soustraire à leur influence trop directe, qut
ces monarques habitèrent Mempbis dans le but de
s'éloigner de Tbèbes , chef-lieu de la hiérarchie égy(H
tienne.
L'étendue de Mempbis fut très -considérable; elle
surpassa probablement celle de la ville d'Alexandrie,
quoique Strabon dise que Mempbis était la seconde
ville de l'Egypte après celte capitale de l'Ëmpbe des
(0 Maii«UiV| apad G^rg. S^acelL chronograph.
( 339 )
rois grecs. Mais ce géographe ne compare ces deux
eîtës fameuses que sous le rappoit de la population
(i), et riorériorilé de Memphis à cet égard ne peut
surprendre , puisque Strabon indique qu'elle était
ruinée en grande partie (2).
Diodore de Sicile nous apprend que la circon-
férence de Mémpbis fut portée , sous le pharaoa
Uchoréus qui l'agrandit , à cent cinquante stades (3),
évalués par d'An ville à six lieues et un quart. Si cetto
évaluation est exacte , il en résulte que dans cette
indication Diodore s'est servi du stade de 600 aa
degré (4)» Mais il est hors de doute que cette ville
fi'accrut encore d'avantage , et que son circuit fut
plus étendu, puisque Âbd-Allatif qui écrivit dans
le VIK^ siècle de l'hégire (5), lui assigne un bien plus
grand diamètre. Ce médecin de Bagdad vivait dans
le beau tems de la littérature arabe ; ses ouvrages
donnent une haute idée des connaissances qu'il pos-^
eédait , et il a fait usage dans ses écrits de la plus
saine critique. Dans la suite de notre travail , noua
(1) Strabon, liv. XVII, page 807.
(tî) Ibidem,
(5) Diodore de Sicile, liv. I.«', page 46.
(4) Vojez les Observatioru sur la manière de considérer et
dévaluer les anciens stades itinéraires ^ que M. Gosseliîn a placée»
en tète du tome L"' de la traduction fraxig^ise de Stral^oo > PAri*^
Imprimerie impériale, iSo5, ia-4'**
(5) Xffl/ de J. C.
( 340 )
aurons souvent occasion de le citer ; et son tëmoi*
gnage est d'autant plus imposant , que témoin occu-
laire de tout ce qu'il rapporte, il n'avance que des
faits incontestables, n'étant influencé par aucun esprit
de système (i).
Voici le rapport d'Abd-AUatîf, sur l'étendue de la
seconde capitale de l'Egypte : « Les ruines de Mem^
f phis occupent actuellemefit une demi ajournée de
» chemin en tout sens. Cette ville était florissdDle
9 au tems d'Abraham , de Joseph et de Moïse, et
» long-tems açant eux {p). » Ce passage indique
évidemment que Memphis s'agrandit encore après
Ucboréus , et qu'en supposant même que par une
demi -journée de chemin, il ne veuille entendre que
trois lieues f ce qui est la moindre évaluation d'uue
demi" journée de marche; il est hors de doute que
Memphis, du tems qu'elle, fut ravagée par Cambyse,
avait au moins neuf lieues de circonférence.
Memphis était située au pied du mont Psammi-us,
nom que portait en Egypte la partie de la chaîne
Libyque voisine de cette ancienne caLpitale. Psammius
est évidemment un mot égyptien, qui peut dériver de
la racine Vi^Oma- , Sjom^fortitudo. Peut-être que 2iS0a ,
combiné avec A^&. ou JUOS, dare^ peut avoir formé,
(i) Nos citations sout puisées dans l'excellente traduction de
^a Relation (tÉ^pte , faite sur Tonginal arabe , par M* S^'
vestre de Sacy qui a si bien mérite des Lettcs orientales,
(a) Abd'AUaii/^ li^. !.•% cbap. IV, page iU5.
( 34i )
parla mutation ordînaîrè des voyelles, iT'iïSO Ui utW $
on un mot approchant du Psammios des Grecs ,
mot quî aurait eu cette valeur : dans fortitudinerh ^
défense 9 houlevart.
La position de cette ville immense fut long-tems
inconnue en Europe ; on savait qu'elle avait existé
au-dessus du Delta et dans la partie moyenne de
rÉgypte ; mais le lieu qu'elle avait occupé n'était
pas fixé d'une manière incontestable.
On a cru pendant long-tems que Memphis avait
été là où est bâti de nos jours Fostbath ou le Vieux-
Kaire. Le nom de Massr donné k cette dernière ville a
beaucoup contribué à propager cette opinion* Le mot
Tl/^^^r s'applique en Egypte à la capitale du royaume,
et comme le séjour des gouverneurs de l'Egypte
était à Foslhath avant que le calife Môez - Lidin-
Illab eût ordonné à son grand-visir Dgihauher , de
bâtir la ville appelée le Grand-Kaire par les Euro-
péens, les savans modernes qui ont cherché à fixer
la position de Memphis , ont cru que le nom de
Massr donné à Fostbath , désignait le véritable lieu
où Memphis fut autrefois. Mais ces auteurs ont
négligé le témoignage de l'antiquité qui place Mem-
phis sur la rive occidentale du Nil , et non sur le bord
oriental où se trouve Fosthalh ou le Vieax-Kaire.
Une observation qui leur a échappé, parce que la
plupart de ces écrivains n'étaient point à portée d'avoir
une connaissance exacte des auteurs orientaux , c'est
( 342 )
que le nom arabe Massr a été donné à trois villes
biens différentes. Massr seul, ou Massr-el- Qahirak
( Massr la victorieuse ) désigne le Grand -- K aire ^
Tille qui de nos jours est le siège du gouvernement
de l'Egypte; Massr ^el-Âtiçah ou Massr- el-Atiq
( l'ancienne Massr ), doit s'entendre de Fosthath ou
le Vieux "K aire bâti par Amrou - bcn - Alâss , lors
de l'invasion des Arabes musulmans en Egypte, et
qui fut la métropole du royaume avant la fondation
du Grand-Kaire ; enfin Massr^l-Qadimah ( Tan-
tique Massr ) est le nom que les Arabes donnent
dans leurs écrits à Mempbis , capitale de l'Egypte
fious les Pharaons.
Dès rinstant que, guidés par le secours des anciens
auteurs , il fut reconnu que Mempbis devait avoir
existé à l'ouest du Nil, on s'attacha à fixer sa position
sur la rive occidentale du fleuve. L'opinion qui pré-
valut d'abord fut celle du docteur Shaw- Ce voyageur
s'efforça de prouver que Djizah ( ou Gizèh ) petite
ville située vis-à-vis le Vîeux-Kaire , et par consé-
quent à l'ouest du Nil, était le lieu où fut autrefois
la ville de Mempbis ( i ). Mais un passage de Pline
détruit entièrement ce système. Ce célèbre natu-
raliste dit expressément que les pyramides se trou-
vaient placées entre Mempbis et le Delta (2). D'après
(i) Voyage de Sîiaw, chap. IV.
(2) Sitœ sunt ( pyramides ) inter Memphim oppidum et quod
appellari diximus Delta. Pline, Hist. natur.j liv. XXXVI,^ ch. i&
( 343 )
tela Memphis devait être au sud de Ces ttiémeà pyra«
mides , et comme Djizah se trouve au contraire au
nord de ces monumens, il est évidemment impossible
que Memphis ait occupé l'emplacement actuel de
Djizah.
Le sentiment du docteur Shaw a été combattu et
réfuté par le chevalier Bruce (i) qui, d'accord avec
le docteur Pococke (2) et adoptant son opinion,
pense que Memphis occupa jadis la place des deux
villages arabes situés au sud de Djizah et des pyra-
mides, et nommés Métrahenny et Mohannan par ces
deux voyageurs , quoique leur véritable orthographe
soit Moniéh' Raliinéh et Mokhnan (3). Le célèbre
géographe d'An ville donne à Memphis à -peu -près
la même position.
Dans la mémorable expédition des Français en
Egypte , les sa vans qui en faisaient partie , s'occu-
pèrent avec ardeur des recherches qui pouvaient
procurer des lumières sur les points les plus inlé-
ressanS' de l'Histoire des anciens Égyptiens. On ne
négligea point de s'assurer de la position exacte de
Memphis. Le général en chef Menou, par une lettre
(i) Vojrage aux sottrces du NU^ en Nubie et en Abjrssinie^
tome !.•', chap. III, page Sg et suiv., traduction de Castera , in-4-*
(2) Vol. I, chap. 5.
(5) Éiat des provinces et des villages de VÉgxpte^ imprime à
la suite de la traductîou française d'Abd-Allatif , par M. Silvestre
de Sacy, page 676, n.*!»/, et page 677, n.^148.
(344 )
«dressée à Flnstitut d'Egypte le 3o nivôse an IX,
chargea Messieurs Lepère, architecte, et Coutelle,
iDembre de la commission des arts, de la direction des
travaux à entreprendre pour les recherches archœo-
graphiques qu'on se proposait de faire sur le sol des
environs du Kaire. En conséquence de cette invi-
tation , l'Institut d'Egypte arrêta qu'une commission
composée de Messieurs Fourier , Champy, Lepère et
Geoffroy , rédigerait une instruction pour servir de
guide à ceux qui seraient chargés de ces recherches.
Les commissaires s'étant adjoint M. Coutelle, présen-
tèrent à l'Institut d'Egypte un rapport circoostancié
relatif aux divers points des provinces du Kaire et
de Djizah , sur lesquels devaient être dirigés les
travaux. Le plan général de cette excursion scien-
tifique étiiit de visiter avec une scrupuleuse attention,
1.^ les pyramides de Djizah ; 2.^ celles de Sakkarah;
3.^ les puits des momies ; 4-*' ^^ retrouver et de
fouiller l'emplacement de Memphis (i).
Nous rapporterons ici les instructions données
dans ce rapport , relativement à la recherche de la
situation de Memphis et des principaux points de
i — ^— — M^i^»^»^»^. ■ Il ■ — — III ■ I I I I I —
(i) Nous avons extrait tous ces détails du n.^ 104 du Courrier
de r Egypte , journal imprimé au Kaire dans les années VI, VII,
VIII et IX de la republique, pendant le séjour de l'armée française
en ÉgjpLe. Cette collection précieuse étant d'une extrême rareté ,
nous nous ferons un devoir d*en citer plusieurs morceaux inté-
rcssans dans le cours de notre ouvrage.
( 345 )
soD enceinte. « Arrivés sur le terreia de Memphis;
• l'un des premiers objets que doivent se proposer
» nos collègues , est la recherche du Sérapeum. Ce
!^ temple paraît avoir été destiné à deux usages : au
» rapport de Pausanias , il était consacré à l'inhu-
» mation du dieu Apis ; et si l'on en croît à Sozo-
» mène et Jablonski , il renfermait aussi le nilomètre
» que les prêtres allaient consulter, dans le corn-
• mencement de l'inondation , pour en prédire les
9 progrès : Strabon nous dit positivement que ca
» monument était placé dans les sables. Ces témoî-
» gnages historiques fournissent quelques indices sur
>» la position de ce temple ; car dès qu'il était bàtt
» au milieu des sables et consacré à la sépulture da
j* bœuf Apis , il devait avoir été élevé sur le roc dont
I» la surface est sablonneuse ; et puisque les eaux
» de l'inondatioa pouvaient se répandre dans ses
1» parties souterraines , on doit eu chercher les traces
i> sur le bord oriental de la montagne ( i )• » Le
Sérapeum {^fct^Ttuov) était situé, comme nous l'avons
vu ci-dessus, au milieu des sables; et, du tems de
Strabon , on trouvait dans ses environs des sphynx
couverts par les sables du désert, les uns jusques à la
tête , les autres jusques vers le milieu du corps (2).
Ces monumens semblent prouver que le Sérapeum
(1) Courrier de l'Egypte, n.^ io5.
(2) Strabon, liv. XYH, pnge 807.
i
I
1
(346)
ëtalt un édifice bâti sous les Pharaons, et cependant il
est reconnu que le culte deSérapis ou mieux S ar apis,
ne fut introduit en Egypte que sous les Ptolémées , et
long-tems après la cbûte des dynasties royales de
race égyptienne. Il se peut néanmoins que le mo-
nument destiné à un nouvel usage , ait pris , dans les
tems . postérieurs à Cambyse, le nom de Sérapeum;
c'est , à notre avis , la seule manière d'expliquer ces
deux faits contradictoires.
Les commissaires n'oublièrent point de fixer Fat-
tention des sa vans sur le lieu où s'élevait autreFols
le grand temple de Phtba à Memphis. « Un des
* derniers objets dont il est sur-tout essentiel de
» s'occuper , est une détermination rigoureuse de
1^ tout remplacement de Memphis* 11 est possible,
» jusques à un certain point , de suivre le prolon-
» gement de quelques rues principales, de retrouver
» les places publiques , et de déterrer plusieurs des
» débris du temple deVulcain; nous n'avons encore
» ni description de ces ruines ni dessin de leur aspect.
» Une des dernières recherches à tenter, ce serait
» de sonder l'ancien sol de Memphis jusqu'à ce qu'on
p ait trouvé la terre formée par les dépôts du Nil ; oa
» acquerrait ainsi quelques données qui pourraient
» servir de bases à des conjectures sur la haute anti-
» quilé de cette ville célèbre.
n On pourrait aussi faire usage de l'instrument que
» le citoyen Conté , notre collègue ^ veut bien faire
( 347 )
9 exëciif er dans ses atteliers de mécanique , et sonder
» en plusieurs endroits les buttes et les mines qui
I» attestent la grandeur de cette ancienne capitale.
» La sonde indiquerait les lieux où sont enfouis, ea
>» plus grande quantité, les débris des temples et des
» palais qui en faisaient l'ornement, n
Ce plan sagement conçu donnait de grandes
espérances , et les lumières de ceux qui devaient
être chargés de son exécution , faisaient attendre
des résultats importans ; quelques circonstances ne
permirent pas de l'exécuter dans tout son ensemble ,
mais on obtint cependant, pour résultat, la certitude
que les débris de Memphis existaient incontesta-
blement à Mokhnan et à M oniéh-Rahinéh , ainsi que
l'avaient pensé Pococke et le chevalier Bruce.
Les anciens s'étant très-peu étendus sur la descrip^
tion de Memphis , des palais et des temples qui
embellissaient cette capitale, séjour ordinaire des rois,
leur silence fait regretter de n'avoir aucune connais-
sance positive à cet égard. Nous allons rapporter ce
que divers écrivains et voyageurs orientaux ou euro-
péens nous ont appris sur les ruines de cette ville
fameuse. Si cet exposé ne satisfait point entièrement,
il donnera du moins une idée approximative de la
magnificence et de la somptuosité des édifices ren^
fermés dans celte antique cité royale.
Il est impossible de n'être point frappé de la diffé-
rence qui existe entre lelat actuel des ruines de
(348)
Thèbes et de celles de Memphîs. A Thèbes , des
temples immenses , des obélisques énormes encore
assis sur leurs bases , des colosses , des sph jnx , des
palais qui , par la solidité de leur construction et
les masses dont ils sont formés , ont résisté au tor-
rent destructeur des siècles et aux efforts de l'igno-
rance , attestent encore la vaste étendue de cette ville
fameuse, tandis que Memphis, bien moins ancieooe
qu'elle, n'offre aujourd'hui à l'œil du voyageur, que
de tristes débris qui ne se lient à aucun plan général.
La cause de cette différence se présente d'elle-même
à l'observateur.
Située dans la partie la plus reculée de TÉgjpte,
Thèbes était à couvert des invasions des anciens
arabes Bédouins , connus sous le nom de Pasteurs ;
et du tems de l'expédition de Sabbakon , roi de
l'Ethiopie, contre le pharaon Bocchoris , cette ville
n'était déjà plus la première de l'Egypte ; et si , à
cette époque , les Ethiopiens exercèrent des ravages
sur une ville, ce fut sans doute sur Memphis, séjour
de l'infortuné Bocchoris. Mais les vues de Sabbakon
paraissent n'avoir pas été les mêmes que celles de
Cambyse. Dans son invasion de l'Egypte , le mo-
narque éthiopien déploya un grand caractère, il fut
humain, et veilla au bien-être des hommes qu'il avait
soumis par ses victoires (i). Les Perses, au contraire,
(0 Hérodote , liv. II , J. cxxxyii , cxxxviii et cxxxix.
( 349 )
SOUS la conduite du fils de Cyrus , s'emparèrent de
l'Egypte. Mempbis souffrit beaucoup du passage de
ce priuce ambitieux, et ce fut lui qui porta le premier
coup à la grandeur de cette capitale.
La fondation d'Alexandrie par Alexandre , enleva
à Mempbis une grande partie de sa population. Du
tems de Strabon , elle était tellement diminuée, quQ
le palais des rois , monument immense , n'était plus
qu'un déplorable monceau de décombres (i). Dans
la suite , vers la 1 9.* année de Tbégire (2) , Mempbis
fut prise parles Arabes, sous la conduite d'Amrou-
ben-Alâss. Il n'est pas surprenant qu'une ville qui fut
ainsi dévastée, même long-tems aprè» l'époque de
sa splendeur, n'ait offert, pendant plusieurs siècles,
que les restes déplorables de sa magnificence , et que
ces restes eux-mêmes aient bientôt disparu. Depuis
très-long- tems .on a abandonné les canaux qui,
déchargeant les eaux du débordement dans le lac
environnant Mempbis au nord et à l'ouest, empé«
chaient le Nil de déposer annuellement une couche
de limon dans l'enceinte même de la ville. On
conçoit alors que lorsque les temples furent détruits
et les monumens renversés , le Nil les eut bientôt
couverts de ses dépôts successifs. Les sables de la
(i) Strabon , liv. XVII.
(2) Vers raa 659 ou 640 de J. G.
i
j
(35o )
Libye , empiétant ensuite sur un terrein abandonné
et inculte , ont achevé d'ensevelir ces ruines impo*
santés.
Abd-Allatif , écrivain arabe , dont nous avons
parlé, les vit dans le XIII.' siècle. Frappé de leur
magnificence , il en a fait une description qui en
donne la plus haute idée. Son rapport étant le plus
ancien qui soit parvenu jusqu'à nous « le caractère
et la réputation de Fauteur inspirant d'ailleurs toute
confiance , nous croyons devoir citer ici ce qu'il en
a dit dans sa Relation de V Egypte , d'après la tra-
duction française que vient de publier mon illustre
maître M. Silvestre de Sacy, infatigable dans ses
précieux travaux.
« Malgré l'immense étendue de cette ville et la
» haute antiquité à laquelle elle remonte , nonobs*
» tant toutes les vicissitudes des divers gouver-
• nemens dont elle a successivement subi le joug»
• quelque efibrts que difi*érens peuples aient faits
• pour l'anéantir, en en faisant disparaître jusqu'aux
D moindres vestiges, effaçant jusqu'à ses plus légères
» traces , transportant ailleurs les pierres et les maté-
» riaux dont elle était construite, dévastant ses édi<
» fîces, mutilant les figures qui en faisaient rornemeol;
» enfin , en dépit de ce que quatre mille ans et plus
» ont dû ajouter à tant de causes de destruction , ses
» ruines offrent encore aux yeux des spectateurs
( 35i )
• une réunion de merveilles qui confond Hntel-
» ligence , et que l'homme le plus éloquent entre-
• prendrait inutilement de décrire* Plus ou la consi-
D dère , plus on sent augmenter Tadmiration qu elle
» inspire ; et chaque nouveau coup-d'œil que Ton
1» donne à ses ruines, est une nouvelle cause de
» ravissement. A peine a-t-elle fait naître une idée
» dans Tame du spectateur , qu*elle lui suggère une
» idée encore plus admirable ; et quand on croit ea
» avoir acquis une connaissance parfaite , elle vous
» convainc au même instant que ce que vous aviez
f conçu est encore bien au-dessous de la vérité.
» Du nombre des merveilles qu'on admire parmi
» les ruines de Memphis, est la chambre ou niche,
» que l'on nomme la Chambre -Verte. Elle est faite
» d'une seule pierre de neuf coudées de haut sur huit
t de long et sept de large. On a creusé dans le milieu
y de cette pierre une niche , en donnant deux coudées
» d'épaisseur, tant à ses parois latérales qu'aux parties
» du haut et du bas : tout le surplus forme la capacité
s» intérieure He la chambre. Elle est entièrement cou-
y> verte , par dehors , comme par dedans , de sculp-
^ tures en creux et en relief, et d'inscriptions en
9» anciens caractères. Sur le dehors, on voit la figure
i> du soleil dans la partie^ du ciel où il se lève , et un
» grand nombre de figures d'astres , de sphères ,
V d'hommes et d'animaux. Les hommes y sont repré-
» sentes dans des attitudes et des postures variées :
( 352 )
» les uns sont en place, les autres marchent ; ceux-ci
9 étendent les pieds , ceux-là les ont en repos ; les
» uns ont leurs habits retroussés pour travailler ,
9 d'autres portent des matériaux ; on en voit d'aulres
9 enfin qui donnent des ordres par rapport à leur
» emploi Cette niche était solidement établie
» sur des bases de grandes et massives pierres de
9 granit ; mais des hon^mes insensés et stupides , daus
» le fol espoir de trouver des trésors cachés , oat
» creusé le terrein sous ces bases ; ce qui a dérangé
» la position de cette niche « détruit son assiette, et
y changé le centre de gravité des diSérentes parties
» qui, étant venues à peser les unes sur les autres,
y ont occasionné de légères fêlures dans le bloc.
y Celte niche était placée dans un magnifique temple
9 construit de grandes et énormes pierres assem-
9 blées avec la plus grande justesse et tart le plus
9 parlait. 9
On ne saurait méconnaître dans cette descriptioa
une chapelle monolythe de basalte vert , couverte
d'hiéroglyphes, en observant que ce qu'Abd-Allatif
appelle le Soleil ^ est le globe ailé , qui est répété
jusques à trois fois sur le fronton de ces petits tem-
ples d'une seule pierre. M. Silvestre de Sacy a éga-
lement reconnu une chapelle monolylhe dans la
citation d'Abd-Âllatif , qui est encore confirmée par
Makrizi. « On voyait à Memphis , dit ce célèbre
9 historien et géographe arabe , une maison de
cette
( 353)
» cette pierre dure de granit , sur laquelle le fer
fft ne mord point : elle était d'une seule pièce. Oa
• voyait dessus des figures sculptées et de Vécvi^
• ture ; sur la face de la porte étaient des figures de
» serpens gui présentaient leur poitrail ( i )• )^ Ces
serpens sont les mêmes que ceux qu'on appelle
Agathodœmons ^ et qui surmontent ordinairement le
haut delà partie antérieure des chapelles monolythes,
en présentant de face la partie la plus large de leur
corps. Cet ornement symbolique s'observe également
sur la chapelle qui renferme la figure d'Isis, repré-^
sentée au centre de la Table Isiaque. Ceux qui ont
quelque habitude des monumens égyptiens en seront
convaincus , non-seulement à l'inspection de la Table
Isiaque même , mais encore par les copies qu'ea
qnt données iEneas -Viens, Pignorius et Caylus,
malgré que ces Agathodœmons aient été défigurés
dans les gravures que nous citons. Le temple d'Ombos
présente aussi, sur les murs d'entre-colonnementi des
frises composées d^ Agathodœmons (2).
La chapelle monolythe de Memphis fut brisée vers
l'an 1449 de l'ère vulgaire.
Ces chapelles monolythes furent, chez les anciens
Égyptiens , le tabernacle de la Divinité. Elles étaient
(i) Voyez la traduction d'Abd-Allatif, note 65/ du chapitre IY9
<»ù M. de Sacy rapporte ce passage.
(2) Yojez ci-devant pa^e i68*
:»3.
( 354 )
placées au fond du sanctuaire , dans la partie la
plus reculée des temples, et renferoiaîent un animal
vivant, symbole du dieu qu'on y adorait. Il n'est
pas prouvé qu'on y ait placé des statues.
Les ruines voisines du monolythe de Memphîs
étaient celles d'un temple , comme le dit Âbd-Âllatif;
il donne nne grande idée de son étendue et de sa
magnificence, en parlant des pierres énormes a^ec
lesquelles ses murs étaient construits. « Les pierres
» provenues de la démolition des édifices , contiaue
» ce célèbre médecin , remplissent toute la surface
# de ces ruines : on trouve en quelques endroits des
» pans de murailles encore de bout , construites de
9 ces grosses pierres dont je viens de parler; ailleurs ,
» il ne reste que les fondemens , ou bien des moa-
» ceaux de décombres. J'ai vu Tare d'une porte très-
• haute, dont les deux murs latéraux ne sont formés
t chacun que d'une pierre; et la i^oule supérieure (i),
> qai était d'une seule pierre , était tombée au-devant
p de la porte. »
Ces détails auxquels on en pourrait ajouter bien
d'autres, sufiBsent sans doute pour prouver que ce
temple était un des principaux de Memphîs. Nous
pensons que ce fut en effet le plus grand et le plus
magnifique de cette capitale , celui de Pbtha : voici
les preuves sur lesquelles notre opinion est fondée.
(i) Les Égjrptieiu n*ont jamais fait de voûte. Abd-Allatif veut
pailer du couronnement U« la porte.
( 355 )
Il est impossible que le plus grand monument de
Memphis , celui que plusieurs rois s'étaient plus à
embellir, eût disparu entièrement, tandis quil aurait
encore resté des débris très-considérables d'un temple
inférieur en grandeur à celui de Phtha. Il est plus
naturel de penser que ce dernier aura subsisté même
après l'anéantissement des autres édifices de la ville.
 ces considérations, nous allons ajouter des faits
positifs. Écoutons Diodore de Sicile : « Sésoosis ( le
» même que Séthosis - Ramessès ) fit placer dans le
» temple deVulcain ( Phtha ) qui est à Memphis, sa
y statue et celle de sa femme , ayant trente coudées
» de haut , et celles de ses enfans, de i^ingt coudées;
» chacune était d^une seule pierre (i). j> Voici main-
tenant ce qu Abd'AUatif a vu dans les ruines du
temple où se trouvait la Chambre « Verte ou la
chapelle monolythe dont nous avons parlé plus haut,
«t Quant aux figures d'idoles que l'on trouve parmi
)» ces ruines , soit que Ton considère leur nombre,
» soit qu'on ait égard à leur prodigieuse grandeur^
» c'est une chose au-dessus de toute description et
» dont on ne saurait donner une idée ; mais ce qui
» est. encore plus digne d'exciter Tadmiration , c'est
» l'exactitude dans leurs formes, la justesse de leurs
» proportions et leur ressemblance avec la nature.
» Nous en avons mesuré une qui , sans son piédestal ,
(i) Dittdort de Sicile^ liv. I.
( 356 )
avait plus de trente coudées. Sa largeur , du côté
droit au côté gauche , portait environ dix coudées ,
et du devant au derrière elle était épaisse en pro-
portion. Cette statue était d'une seule pierre de
granit rouge. Elle était recouverte d'un vernis rouge,
auquel son antiquité semblait ne faire qu ajouter
une nouvelle fraîcheur Il y a quelques-unes de
ces figures que l'on a représentées tenant dans la
main une espèce de cylindre d'un empan de dia-
mètre , qui paraît être un volume La beauté du
visage de ces statues, et la justesse de proportion
qu'on y remarque, sont ce que Fart des hommes
peut faire de plus excellent , et ce qu'une substance
telle que la pierre peut recevoir de plus parfaiL II
n'y manque que l'imitation des chairs et du sang
J'ai vu deux lions placés en face l'un de l'autre,
à peu de distance ; leur aspect inspirait la terreur.
On avait su , malgré leur grandeur colossale et
infiniment au-dessus de la nature, leur conserver
toute la vérité des formes et des proportions ; ils
ont été brisés et couverts de terre. »
Ces divers passages d' Abd -AUatif prouvent l'im-
portance du monument qui était accompagné de si
riches décorations. On ne peut méconnaître dans les
figures colossales que décrit notre savant arabe, les
statues des fils de Séthosis-Ramessès , et dans celle
de trente coudées et d*un seul bloc de granit rouge,
ceUe de ce hérQ9 m^me qui, selon Diodore de Sicile .
(357 )
avait aussi trente coudées et était formée d'une seule
pierre. Les deux lions dont parle Abd-AUalif occu-
paient probablement ^ comme ceux de Tîle de Philae »
rentrée principale du temple, ou bien ils faisaient
partie d'une allée de lions; et semblable à celles de
sphynx , qui conduisent au temple de Dieu créateur à
Thèbes , elle précédait celui de Phtha à Memphis.
On sera surpris peut-être d'entendre Abd-AUatif
vanter la beauté des formes des statues égyptiennes.
Accoutumés à voir des monumens égyptiens d'une
très-petite proportion et travaillés avec peu de soin et
une extrême négligence^ ou bien ne possédant que
quelques fragmens de bas- reliefs symboliques, les
5avans de TEurope n'ont pu avoir jusques ici que
des idées obscures et défavorables de Tart de la
sculpture chez les Égyptiens. On a cherché à fixer
le degré de perfection auquel ils l'avaient porté,
d*après des bas-reliefs religieux qui étaient exécutés
selon un type convenu dont les artistes ne pouvaient
nullement s'écarter. On a eu dès -lors une opinion
peu avantageuse de l'habileté des sculpteurs égyp-
tiens, et Ton n'a pas fait cette réflexion bien naturelle,
qu'il n'était pas raisonnable d'attribuer à l'ignorance
des artistes, les formes vicieuses qu'on remarque ordi-
nairement dans le peu de figures humaines que pos«
sèdent les divers cabinets de l'Europe, lorsque ces
mêmes artistes ont saisi, d'une manière admirable^
le caractère et le bel idéal des aojjpaux qu'ils qjxX
( 35Ô )
3cu1ptës de ronde bosse. C'est sur les lions du capitole,
sur les sphynx et les statues des temples de Thèbes ,
qui seront publiés dans la Description de l* Egypte^
quMl faut étudier la sculpture égyptienne. C'est à la
vue de ces monumens que les idées qu'on s'est faites
de l'art égyptien se rectifieront, et qu'on appréciera
la correction de dessin et le savoir d'exécution des
Egyptiens, lorsqu'ils ont pu s'abandonner entièrement
à l'impulsion de leur génie. On aura une connaissance
approximative de ces perfections , en étudiant le torse
de basalte noir donné par S. M. l'£mf£R£ur et Roi
au Cabinet des Antiques de la Bibliothèque iinpériale.
Il a été gravé dans le premier volume du bel ouvrage
publié , sous le titre de Monumens inédits , par
M. Millin, si connu par ses utiles travaux, et que
je cite ici avec d'autant plus de plaisir , que j'ai par là
l'occasion de lui témoigner publiquement ma vive
reconnaissance pour toutes les bontés qu'il a eues pour
moi, et pour les ressources considérables que j'ai
trouvées auprès de lui et dans sa riche et nombreuse
bibliothèque.
Abd-Âllatif donne encore quelques renseîgnemens
sur l'état de Memphis à l'époque où il la visita , parti-
culièrement sur les murailles de cette ville qui furent
bâties en petites pierres et en briques (i). Il parle
(i) Abd-AUatif , traduction do M. Silrestre de Sacy, lir. I^
chap. lYf page 1909
(359)
ensuite du soin que les souverains musulmans prireni
pour conserver ces restes précieux de l'antiquité. Mais
la sordide avarice des hommes a bravé la défense des
rois , et renversé les monumens qui avaient résisté
aux siècles et aux révolutions.
Long-tems après Âbd-AUatif, quelques voyageurs
ont visité les ruines de Memphis , et n'y ont riea
trouvé de remarquable. M. Bruce a vu des monceau;c
peu considérables de décombres ( i ) dans la partie
de remplacement de cette capitale qu'il a visitée vers
Tannée 1769 ou 1770.
A l'époque de la campagne des Français en Egypte^
le général de division Dugua parcourut les provinces
du Kaire et de Djizah. Dans une lettre datée du 10
pluviôse anVlII, et adressée au médecin en chef de
l'armée d'orient, M. Desgenettes, il rend un compte
assez étendu de son voyage archéologique (2). Le
général Dugua partit le 26 frimaire an VIII, accom*
pagné de MM. Fourier et Gostaz , et des généraux
Reynier et Leclerc, pour se rendre aux pyramides de
Djizah. Ils y restèrent jusques au 26 du même mois,
pour laisser le tems à M. Nouet de déterminer la
direction d'une des faces de la grande pyramide , et
(i) Voyage aux sources du Nil^ chap. m, pago 56.
(2) Cette lettre a été insérée daiis le Courrier de t Egypte,
Nous en extrairons les notions qu'elle offre sur Tétat actuel des
ruines de Memphis.
( 36o )
ils se rendirent ensuite à Sakkaràh. Voici la relation
du voyage sur les ruines de Memphis ,' donnée par
M. le général Dugua : « Nous partîmes de Sakkarah le
» 27 , pour aller à une lieue de-là visiter Métrbainé
» (Mit-Rabinéh ) , où, d'après des renseignemens
» que j'avais pris , j'avais la certitude de retrouver
m les ruines de Memphis. £n y arrivant , nous eûmes
» la conviction que nous étions sur le sol de cette
» ancienne capitale de l'Egypte , par la quantité
)^ de blocs de granit couverts d'hiéroglyphes , et de
» figures qui se trouvent autour et dans une espla*
» cade environnée de monceaux de décombres qui
5> ont trois lieues de circuit. S'il nous était resté quel^
» ques doutes , ils se seraient évanouis à la vue des
p débris d'un des colosses qu'Hérodote dit avoir été
' ^ élevés par Sésostris devant une des entrées du
)^ temple deVuIcain. Le poignet de ce colosse que
» le citoyen Goutelle a fait enlever, annonce que la
9 statue entière devait avoir quarante-cinq pieds de
iD haut.
» Le citoyen Jacotin a relevé le plan de ces ruines
» et leur position géographique ; les artistes se sont
» empressés de dessiner les morceaux de sculpture et
)^ les vues que ce site leur oflrait ; et tout le monde
» revint au Kaire, se promettant de faire de nouvelles
9 promenades aussitôt que l'occasion s'en présea-
j> terait. »
Tel est l'état actuel de cette antique ville , fondée
( 36i )
par le premier roi d'Egypte, et embellie par ses suc-
cesseurs. Ce fut sans doute sous les 3.®, 4-^) 6.^1 ?•*
et 8.® dynasties royales qu'elle fut ornée de ces mo-
nunoiens somptqeux qui faisaient de Memphis la rivale
de Thèbes en grandeur et en magnificence. Ce fut
sur-tout à la 4*^ i^^ce , aux pharaons Souphis IJ"*^
Souphis 11, et à Mankherès leur successeur, qu elle fut
redevable de sa splendeur. Ces rois élevèrent dan«
les environs ces énormes édifices , les pyramides ^
qui excitèrent Fadmiration de Tantiquité, et dont la
souvenir est inséparable de celui de cette célèbre
capitale.
Son nom grec iAifA^iç , n'est qu'une corruption
très-légère du nom qu'elle porta chez les Egyptiens.
Plusieurs philologues ont essayé de le donner dans
sa véritable orthographe", et ont été plus ou moins
heureux. Le P. Kircher fut le premier qui voulut en
retrouver la valeur. Il supposa , contre toute vraisem-
blance, que ce nom s'écrivait en égyptien Ucut^ç|)^ ,
mot qu'il prononce Monphta (i). Il le dérive de
juciiOY, eau (qu'il écrit vicieusement Jmais ) et de
4>^ , Dieu , ce qui , selon lui , donne eau de Dieu.
Il étaye son sentiment de raisons futiles , il ne cite
aucune bonne autorité qui puisse l'appuyer , et c'est
de UcUîKc^^ qu'il croit que les Grecs ,ont fait Mefjt^tç.
(i) (Edi'pus jiEgjrptiacus, tomel.^'i Chorographia jlEgjrptif
cbap. IV> page 26.
( 362 )
Avant que d'opposer les monumens littéraires de
l'Egypte aux conjectures de Kircher , nous ferons
aussi connaître l'opinion de Jablonski sur l'ortho-*-
graphe et la valeur du mot M^Çiç chez les anciens
Égyptiens.
Ce savant philologue ( i ) pense qu'on l'écrivît
JUt^ t^OYq\ sous les Pharaons , mot qu'il interprète
par pleine de biens. Cette étymologie se rapproche du
véritable sens que nous allons donner ici.
Dans la première liste de noms égyptiens de villes,
que nous avons extraite d'un manuscrit copte (2),
on trouve trois villes qui portent le nom de Ménouf
( IVlemphis ) ; la première est Ménouf t inférieure p
dont le nom égyptien fut Il5.t^0YCJ( ^K^ ; la seconde
Ménouf la supérieure ; la troisième enfin , et la plus
méridionale, fut Utqs, Méfi^ qui, selon le copte
auteur de notre Nomenclature géographique , est
t antique capitale (3) de t Egypte. On ne doit donc*
pas confondre U^qs , véritable nom de Mempbis, avec
les deux n2.i^0Yq dont nous parlerons dans la suite.
C'est sous le nom de Mëfi que cette capitale est
désignée dans le texte égyptien de l'inscription de
Rosette, ligne cinquième^ où ce nom se lirait deux
fois, si une fracture de la pierre n'avait fait dispa-
raître le premier.
(i) Jablonski, Opuscula,
(2) Mss. copt., Bibl. imp., supplément Saint-Germaiu , o.* 17.
(3) Hia^Mussr-el'Qadimah.
( 363 )
Les Arabes ont inventé une fable pour expliquer
le nom égyptien Uec^s donné à Memphis. Ils disent
qu'un roi appelé Massar alla s'établir dan«s la partie
inférieure de TÉgypte, accompagné de 3o hommes
qui bâtirent une grande cille qu'ils appelèrent Mqfè^
c'est-à-dire Trente. Celte supposition trouve son
origine dans l'analogie que les Arabes ont cru voir
entre UEq\ , nom égyptien de Memphis , et le mot
copte JUi2^n y trente. Ce sentiment des Arabes ne peut
être soutenu par cette légère similitude ; et d'ailleurs
quand on veut tout expliquer, on ne doit pas être
difficile sur les moyens qu'on emploie.
C'est évidemment de Uec^s, ou plutôt de Uti&Ç^î ,
Memphij que s'est formé le grec M^^i^. Dans son
Traité dlsis et d'Osiris , Plutarque nous donne à-peu^
près la valeur de ce nom égyptien. Selon lui , il veut
dire o^oç ayaBc^v , port , refuge , demeure des bons.
Kous pensons qu'il dérive de jub., locus , et de la
racine t\\ , consen^er, et par suite être bon. On en
forma Ua-qS , Mafi , ou lJzt\\ , Ui^jù^qs , Uê.hqs ,
Uto-qs (i) etUthqi, mots qui, dans la langue des
Egyptiens, désignent un lieu bon réunissant plusieurs
avantages. Ce nom orthographié U^jù^qs , forma
M^^^ chez les Grecs ; écrit et prononcé UEKqS >
il donna naissance à M^^i^ et Mev^eileç qu'on trouve
(0 Ézéch. XXX, i5, etc.
(364)
sur les mëdailles gr'ecques frappées en Egypte (i).
On le trouve aussi écrit Ueul&B, julEK&B, par corrup-
tion de Ueu^s et de UEî\q\ (2).
Dans le texte hébrqu des livres saints , Memphis
porte les noms de Nouf et de Mouf (3) , et ce
sont encore des mots équivalant, par leur signifi-
cation , aux précédens. Ils dérivent comme eux de la
racine q\ » et ne sont que les adjectifs Af OYqs et
îtorqî, hon. Nous ignorons siTiT^uc^EX^s, Tpam^
phélia (4) f en arabe Massr ou Missr^ doit s'appliquer
(i) Zoëga, Numi AEgj-ptU imperatorii; Roms, 1807, iii-4^
(2) Mss. copt.» BibL imp., n.® 44» ^-^ 79 rcct6«
(5) Hos. IX, 6, Ézéchîel, XXX, i3, etc. La seule difTérence
qui existe entre UEitJ.q^ ou UeWç^^, et UoYq^ ou HOYCJJS ,
ne vient que des préfixes iUL et U qu'on emploie indifféremment
pour la formation des adjectifs de la langue égyptienne. Le mot
îlOvqS se trouve orthographié NW-US , sur les Ahraxas , au
lieu de XNOTWC ou XNOTMIC, la bonne intelligence.
M. Marcel dit dans la Décade Égj-ptienne ( tome III, page i54 ),
qu*il a trouvé dans un vocabulaire copte le nom de Memphis écrit
liOCJ i nous ne l'avtms jamais rencontré sous cette forme , qui
n*est qu'une corruption de UOYCIJ^ , de même que ll&^Î^OY^
se trouve pour Il2^K0YCJ^\.
(4) Mss. copt, BibL imp., n.* 43, ù^ Sgj — 44» *"•• 79 verso.
( 365 )
k Memphis ou à l'Egypte entière. Ce mot est telle-
ment altéré que nous ne pouvons en donner une
explication certaine.
Telles sont les notions que nous avons pu réunir
sur la ville de Memphis, sur sa position, son étendue,
ses monumens et son nom égyptien. L'importance du
sujet doit faire excuser la longueur de cet article.
Busiris. — Pousîrî.
Au nord-ouest de Memfi et à une très-petite dis-
tance de cette capitale, était le village de Busiris,
Jiuo'neAç. Son nom est purement égyptien ; et sem-
blable à celui de la Busiris , proche de Hnass , il
contient le nom d'Osiris , OYC^p^ , précédé de l'article
T\ des anciens Egyptiens , ce qui a formé le mot
novCSps , qu'ils prononçaient Bousiri , dont les
Grecs ont fait ^HVti&Lç.
Les Arabes connaissent ce lieu sous son nom pri-
mitif, auquel, selon leur usage, ils ont ajouté un A,
comme nous l'avons déjà fait remarquer souvent;
ils disent Ahoussir. C'était au village de Pousiri que
demeuraient des hommes habitués à monter sur W
sommet des pyramides.
( 366 )
SECTION TROISIÈME.
Des nomes du Maris ou la haute Egypte.
Après avoir fait connaître les difiiérentes villes
situées dans l'Egypte supérieure, il nous reste, pour
rendre ce travail plus complet, à désigner celles de
ces villes qui furent les chefs-lieux des nomes. Nous
avons déjà dit que dès les plus hauts tems de son
existence politique, l'Egypte entière fut divisée en
préfectures auxquelles les Égyptiens donnaient le
nom de Ileocg, Ptliosch, et que la haute Egypte,
qui comprend la Thébaïde et l'Egypte moyenne,
contenait vingt-six de ces gouvernemens. Chacun
d'eux portait le nom de sa ville principale; les livre3
coptes ne nous ont point présenté vingt-six Plhosch
de la haute Egypte , désignés par les noms de vingts
six villes de la même contrée; mais il est hors de
doute que les anciennes capitales de nomes, indiquées
comme telles par les historiens grecs et latins, le
furent sous les rois de race égyptienne ; leur témoi-
gnage à ce sujet, fournit des preuves tris-admis-
sibles , et nous les avons recueillies.
Une seule fois nous avons suppléé au silence des
auteurs grecs, latins et coptes, par les monumens
existans sur l'emplacement d'une ville de la haute
Egypte; son étendue démontre qu'elle dut avoir une
( 367 )
prëëmîoence notable sur plusieurs autres villes qui
l'avoisinaient.
Ainsi , le titre de chef* lieu de nome , donné aux
vingt-six villes désignées sous cette dénomination
dans le tableau suivant, est justifié ou par les livres
coptes, ou parles écrivains grecs et latins (quoique
du tems des Grecs, la plupart de ces villes fussent
ruinées), ou par les monumens, et le plus souvent
par le concours de ces autorités diverses également
respectables.
§. L«^ — Nomes de la Thébaïde.
Les anciens géographes font commencer la
Thébaïde à un lieu nommé par eux Castellum^
Thebaïcum ou Thebaïca-Phylace , qui répond au
Terôt des Égyptiens , le Tarouth - Esschèrif des
Arabes et des voyageurs modernes ; ils la ter-
minent à Phylae. Mais dans cette limitation , les
Grecs n'étaient point d'accord avec les anciens
Égyptiens , puisqu'il est prouvé que la partie de
rÉgypte que ceux-ci désignaient proprement sous le
nom de Thébaïde, ne contenait que dix préfectures
(f), tandis que la Thébaïde des Grecs en contenait
treize bien distinctes. Il faut donc procéder à une
nouvelle nomenclature de nomes ; et cela est d'autant
plus nécessaire que les géographes grecs et latins ne
(i) Supràf pag. 71 et 7X
(368 )
donnent à ce qu'ils appellent Théhaïâe et Hepta^
nomide , c'est-à-dire à la haute Egypte, que vingt-
quatre nomes. Cette division ne peut pas s'appliquer
à la Tbébaïde et à l'Egypte moyenne des Pharaons ,
qui en contenaient vingt -six (i). Il faut encore
remarquer que le nome Àntinoïte des Grecs n'exista
point sous les rois égyptiens, et oue par-là le nombre
des preTectures égyptiennes de la haute Egypte qui
furent connues des Grecs, est réduit à vingt- trois.
Les vingt-six préfectures égyptiennes peuvent être
fixées dans l'ordre suivant.
Le nome le plus méridional de la haute Egypte
fut , selon les Grecs , celui d'Ombos , Ambo des
Égyptiens ; les grands monumens que renfermait
celte ville , ne laissent aucun doute à cet égard. Il
est donc certain que la ville de Souan ( Syène ) , fat
de sa dépendance , ainsi que Y lie sainte de Pdach
( Philse ).
Le nome égyptien à^Atbô ( Apollinopolis-Magna ) ,
fut connu des Grecs, sous le nom ôl Apollopolitès ,
ou plutôt d*Apollônopolitès. Sjolsjel ( Siisilis ) ,
Pithom (Toum), Éléthya et Hiéracon polis, étaient
probablement compris dans le Pihosch dAihà.
Après ce nome, les anciens géographes d'Europe
liomment celui d'Hermonthis , VErmonth des Égyp-
tiens , et supposent par-là que la grande ville de Sné
( Latopolis )
(i) Suprà, pag. 71 et 72.
( 369 )
( Latopoltô ) dépendait du nome d'ApoUinopoIIs-
Magna, Athô^ ou de celui d'Hermonthis. Mais Sné^
ville très-ancienne, dans laquelle on «dmire encore
un des plus grands temples de l'Egypte et Tun des
chefs-d'œuvre de Tarcbitecture égyptienne, ne fut
jamais sous la juridiction d'aucune autre capitale de
nome. Ses monumeos qui égalent en magnificence
ceux d^Atbô , et qui surpassent ceux d'Hermonthis,
prouvent assez qu'elle fut elle-même un chef-lieu de
préfecture; les livres coptes la désignent expressément
comme telle ; nous citerons seulement le passage
suivant de la vie et des institutes de saint P^khôm :
Ct^H : « Il y avait un homme dans la préfecture de
• Snê ( Pthosch'Snê.) (i.). » Il existe aussi deux
médaiMes grecques du uome de Latopolis, Sné; il
est donb hors de doute que Sné fut le chef-lieu d'un
des Pthosch ou nomes de la Thébaïde. Chnoubi ^
Phnoum et Asphoun ( Aphroditopolis ) , en firent
partie* 11 doit donc être placé immédiatement après
celui ^Athô. Au nome de Sni succédait , en allant
toujours vers le nord, celui A'Ermonth (Hermonthis),
qui renfermait les villes de louphi ( Tuphium ) et de
louât ( Crocodilopolis )•
La grande i>ille d'Amoun ( Thèb^ ) formait elle
seule deux préfectures. La partie oriedtale de cette
(r) Mss. coptes, fiibl. imp., Vatican^ o.'*69.
a4
( 37G )
Capitale 4 partie appelée Diospolis par lés Grecs ,
en composait une connue chez les anciens sous
le nom de Thebarum - Nomus ; le second nome
comprenait Tâutre partie de Tbèbes , située sur la
riVe occidentale du Nil , et était nommé Patourès ,
Phaturitès , Tathyrites , Pathurès et Phatrouss ,
noms dont Torthographe est si incertaine, qu'il nous
est impossible de désigner leurs véritables élémens,
et de déterminer leur signification.
Le nome de Kefi ( Coptos ) , qui renfermait la ville
de KôS'Birbir ( ApoUinopolis-Parva ) , succédait au
nome Tbébain et au nome Pbaturitès. Celui de
Tenihôri ( Tentyris ) le suivait immédiatement , et
se composait du territoire de Pampan (Pampanis),
de Thmounsohons , et autres lieux dont les noms ne
nous sont point parvenus. Tabennisi ( Tabenna),
Schènisét ( Chœnoboscia ) , Pboôu (Bopos), ThbéoUf
JBershôout^ Psjôsj et Tpourané, dépendaient du none
de Hô, la Diospolis-Parça des Grecs.
Les nomes d'Ambô, d'Atbô, de 8nê, d'Ermont, de
Naamoun ( partie orientale de Thèbes ) , le nome Pbn-
turilès ( partie occidentale ) , et ceux de Keft, deTea-
thôri et de Hô, ne complètent point les nomes de la
Thébaïde des Égyptiens, puisque nous n'en nommons
que neuf. Le dixième se plaçant à la suite de celui de
Hô, on s'arrête naturellement surAbydos. En effet,
quoique cette ville n'ait point été désignée comme
€bef-lieu de préfecture, ni par les Grecs» ni parles
(«7» )
écrivains coptes , on croira facilement qu'elle a eu ce
titre , si Ton considère sa splendeur primitive et sa
magnificence , sous les rois de race égyptienne.
Abydos, au rapport de Strabon, fut dès les premiers
tems , une grande i^illc et la seconde après Thèbes.
Lorsqu'il la vit , elle n'était plus qu'un misérable
village (i). La ville la plus considérable de l'Egypte,
après l'immense capitale de cette contrée , fut donc
et dut être le chef-lieu d'une nomarchie sous le gou-
vernement égyptien.
Le silence des géographes grecs et des auteurs
coptes , à cet égard , ne prouve point contre cette
opinion , car il est en effet très-facile de l'expliquer.
C'est un fait constant qu'Abydos fut une des plus
grandes villes de l'Egypte; fl est également reconnu
que du tems d'Auguste , elle n'était plus qu'un petit
village (2). Il résulte de ces deux faits bien certains «
que par suite des révolutions politiques , ou par toute
autre cause, la ville d'Abydos étant déchue de sa splen-
deur à une époque très - reculée , elle cessa dès-lors
d'être le chef-lieu d'un nome , et n'en conserva plus
le titre. Un changement aussi funeste pour cette ville
ayant eu lieu sous les rois de race égyptienne , il
n'est pas étonnant que les Grecs, et sur-tout leH
Coptes, n'aient pas fait mention de son ancien titre.
(0 Strabon» liv. XVII, page 8i3.
(2) Strabon, loco citaiOm
(37a)
Telle est du moins notre opinion. Les monumens
qu'on admire encore au milieu des débris ensevelis
de celte ville , servent à l'appuyer. Abydos fut donc
là capitale du dixième nome de la Thébaïde.
§. IL — Nomes de VÉgjrpte moyenne.
Les Grecs ont connu quinze des nomes qui compo-
saient rÉgypte moyenne des anciens Égyptiens ; ce
sont l'Oasite premier , le Thinite , le Panopolite ,
l'Ântoeopolite , l'Âphroditopolite premier, l'Hypselite,
le Lycopolite , l'Hermopolite , le Cynopolite , l'Oxy-
rynchîte, l'Oasite second, rHéracléopolite, l'Arsinoïte,
rAphroditopoHte second, et le nome deMemphis. Ces
nomes , chez les Grecs , prenaient tous leur nom de
celui de leurs villes capitales appelées par les Égyp-
tiens Ouabé, Psoi, Schmin, Tkôou, Atbô, Scbôtp,
Siôout , Scbmoun , Koéïs , Pemsje , Ouabé , Hnés ,
Piom , Tpêh et Menifi.
Mais , sous les anciens Égyptiens , cette seconde
division du Maris contenait seize nomes. Les Grecs
n'en ayant connu que quinze, il manquerait uoe
préHecture pour compléter la géographie de cette
contrée. Les livres coptes viennent ici à notre secours.
C'est par eux que nous avons découvert la seizième
préfecture de TÉgypte. Ce fut celle qui , chez les
Égyptiens, porta le nom de Touhô ^ sa capitale. Il
est fait mention du neocy nror^cu, nomisdeTouhâ,
( 373 )
dans un manuscrit du musée Borgia , que nous avons
cité plus haut, à Tarticle Pershousch (t). Ce ma-^
Duscrit, dont la langue tient beaucoup du dialecte
baschmourique, porte HTB^oj TOY^ttl, selon les
règles de ce mdme dialecte, qui change en & les O
de plusieurs mots memphitiques et thébains*
Le nome de Touhô doit être placé ''entre celui de
Schmoun ( Hermopolis ) et celui de Koéïs ( Cyno-
polis ). Nous avons déjà dit (±) qde les Grecs
connurent la ville de Touhô sous le nom de TkéO'»
dosiospolis , mais ils ne lui donnèrent jamais lo
titre de capitale de nome qu'elle porta évidenunent
chez les anciens Égyptiens.
Telles furent les préfectures du Maris. Il nous reste
maintenant à présenter le tableau de ces vingt-six
Bornés , en commençant par les dix préfectures de la
Thébaïde propre , que suivront les seize de TÉgypte
moyenne» Ces divers nomes sont disposés dans la
tableau suivant, selon leur ordre géographique, du
midi au nord. Nous placerons en regard les villes de
la dépendance de chacun d'eux.
(2) page 599.
(374)
JVomes du Maris comprenant la Thébaïde
et V Egypte iwyyenne.
»
§. L Thiîbaïde.
Nomes. Filles (i).
1. Ambd.
2. Souaa.
I. Nome éPAmhà ( 3. Pilakh.
«
4- Etéphantine.
5. Souan-Ampèmeot.
6. Atbô.
7. Sjolsjel.
n. Nome iAthô. ..:...( 8. Pitbom.
9. Hieracônpolis.
10. Èléthya.
1 1 • Snê.
III. Nome deSné.......\'l' Chaoubî.
10. Asioun.
i4- Phcoum*
i5. Ermont.
IV. Nome et Ermont . . . . { 16. Touphî.
17. Touôt.
V. Nom^ de Naamoun. . f *»• Naamoun, ou la partie
orientale de Thebes.
(1) Les noms grecs dont on n'a pu trouver réquivalaat égjptieoy
sont imprimés en le ttres italiques.
( 375 )
Nomes. Pailles,
19. 1^ Memnonium ^ ou la
VI. Nome Phatourite . . .1 partie occidentale de
Tbèbes.
20. Keft.
VU. Nome de Keft \^'' J^P^- . ,.
•^ ^ 22. Kôs-Birbîr.
23. Contra^Coptos»
24. NItenthôri.
VIII. Nome de Tenthdri. . l 25. Pampan.
26. Thmounschons.
27. Hô.
28. TabeDDÎsi.
29. Scbéoèsét*
l3i.Nome de Hô ^ f • ^^^t^
3i. Tbbêou.
32. Bersboout.
33. Tpourané.
34. Psjôsj.
35. Ah^dos, ancienne ca«
X. Nome d^Abydos } f^^^^.^^ .°^",^ ^^«t
^ la jundiction n et»t pas.
connue.
§. IL EGYPTE MOYENNE.
XI. iVome OaaAi? i ^^^ ^T^^^^ ^'^""^''^ ' "
1 des Grecs.
XII. iVbm^ de Psoï \\l' J^°\^ ,
2 38. Fseuhôout.
(376)
Nomes.
Xin. Nome d* Schmin , .
3UV. Nome dAtbô,
XV. Nome de Tkôou . . .
XVI. Nome de SoMpt.
• •
XVn. Nome de Siôout • «
XVUL Nome de Schmoun.
Villes.
39. Scbmio.
40. Thmoui-AmpanèhéoiL
4i. Plévit
42. Tsminé.
43. Scbenalolêt
44* Alrôpé.
45. Atbô.
46. Phbôou-TsjêlL
47. Tkôou.
48. Mouthi.
49. Silto.
50. Kos-Kam.
5 1 . Scbftpt
52. Abotis.
53. Paphor.
54. Siâout.
55. Tjêh\
56. MankapAt.
57. ManbalAt.
5&. Manlau.
59. Scbmoun.
60. Kô8-K6o«
Gi.Thôni.
G2. Bêsa.
63. Sjoubourë*
64. Térôt.
65. Pousiri.
66. Stallou.
67. Térôt-Scbtnoaii.
Nomes.
< 377 )
Nomes. failles.
XDC. Nome de Touhô. . .
68. Touhû.
69. Nhip.
70. Thuioouë.
7 1 . Pershousch.
XX. Nome de ATaw • • • • | ^s] Tamma.
XXI. Nome de Pemsje.
m •
XXII. Nome Ouàhé a*. . .
XXIII. Nome de Hnés.
• •
74. Pemsje.
75. Kanesch.
76. Tôsji.
7 7 • Pschënérô.
78. Terbe.
79. Ehiit.
80. Pankôleus.
81., Ouabé-Âmpemsjë (i).
82. Hnês.
83. Pouscbin.
84. Pbannisjôït.
85. Pbouob-Anoiamêou,
86. Tkemen.
87. Pbouôït.
88. Naui.
89. Scbbenti.
(i) Les deux Oasis que nous indiquons, formaient, selon les
Grecs , deux nomes de TÉgypte supérieure. Nous les avons placés
dans ce tableau , quoique nous n'en ajrons point fait mention danj
notre description du IMaris. Il en sera parlé dans le chapitre
des dépendances naturelles de V Egypte^ dans lequel nous avons
réuni toutes les Oasis.
oS
( 37« )
Nomes. ailles.
go. Piom.-
I Qi. ^aohôr.
XXIV. Nome de Piom . . ^ ga. Tphih-Schalla.
' gS Pousiri.
g4. Naêsi.
g5. Tpih.
XXV. Nome de Tpih. . . . ^ g6. Tilosj.
gy. Pémé.
m
Un de la haute T^yplé^
ERRATA.
TOME V\
Page 53 , lignes 5,6,19,22, etc. , Lybie , Lybique ;
lisez Libye , Libyque.
104, ligne 16, parmi les Pères; Usez de Pères,
186, ligne i3, 35,ooo mètres ; //^^z 3,5oo mètres.
204 , ligne 1 5 , colonnes ; lisez colosses.
233 , ligne iS^Baz-Alschahinyépen^ier des brebis;
lisez Bazj Alschahin^ éperçier j faucon^
Nous n'avions point saisi le véritable sens
du mot Alschahin que nous croyions arabe ,
mais qui appartient originairement à la
langue persanne , où il signifie Faucon. Cette
importante correction est due à Textrême
bienveillance de M. Silvestre de Sacy qui a
bien voulu nous la communiquer.
234, note 2, TIp&Y-TEpOC; Usez TTptCft'T'TtpOC.
3i I , ligne 20 , qui commencent par une consonne;
lisez qui commencent par deux consonnes.
319 , ligne 14» du jardin ; lisez de la forteresse.
TOME IK
Page i 33 , note 2 , Phaleb ; lisez Phaleg.
3i7 , ligne 8, etKub.y; lisez etwah^y.
OXFORD
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